PROBLÈMES DE LA RÉBELLION
DE LUCIFER
LES hommes évolutionnaires trouvent difficile de comprendre pleinement
la signification du mal, de l'erreur, du péché, et de l'iniquité, et d'en
saisir le sens. Ils sont lents à percevoir que le contraste entre la
perfection et l'imperfection produit le mal potentiel, que le conflit
entre la vérité et la fausseté crée la confusion et l'erreur, que le don
divin du libre arbitre mène aux royaumes divergents du péché et de la
droiture, que la recherche persévérante de la divinité conduit au royaume
de Dieu, tandis que son rejet persistant aboutit aux domaines de
l'iniquité.
Ce ne sont pas les Dieux qui créent le mal ou permettent le péché et la
rébellion. Le mal existe en puissance dans le temps et dans un univers qui
embrasse des niveaux différenciés de sens et de valeurs concernant la
perfection. Le péché existe en puissance dans tous les royaumes où des
êtres imparfaits sont doués de la faculté de choisir entre le bien et le
mal. La seule présence opposée de la vérité et de la contre-vérité, des
faits et de la fausseté, constitue le potentiel d'erreur. Le choix
délibéré du mal constitue le péché; le rejet volontaire de la vérité est
l'erreur. La poursuite persistante du péché et de l'erreur constitue
l'iniquité.
1. -- VRAIE ET FAUSSE LIBERTÉ
Parmi tous les problèmes troublants issus de la rébellion de Lucifer,
aucun n'a occasionné plus de difficultés que l'inaptitude des mortels
évolutionnaires, dépourvus de maturité, à distinguer la vraie liberté de
la fausse.
La vraie liberté est le but des âges et la récompense du progrès
évolutionnaire. La fausse liberté est la subtile duperie de l'erreur du
temps et du mal de l'espace. La liberté durable est fondée sur la
manifestation de la justice -- intelligence, maturité, fraternité, et
équité.
La liberté est une technique auto-destructice de l'existence cosmique
quand ses mobiles sont dépourvus d'intelligence, de principes, et de
contrôle. La vraie liberté se relie progressivement à la réalité et reste
toujours pleine d'égards pour l'équité sociale, la justice cosmique, la
fraternité universelle, et les obligations divines.
La liberté est un suicide quand elle est divorcée d'avec la justice
matérielle, la droiture intellectuelle, la longanimité sociale, le devoir
moral, et les valeurs spirituelles. La liberté est inexistante en dehors
de la réalité cosmique, et toute réalité personnelle est proportionnelle à
ses relations avec la divinité.
La volonté personnelle sans retenue et l'expression de soi sans
contrôle équivalent à un égoïsme que rien ne vient adoucir, un summum
d'impiété. La liberté non accompagnée d'une victoire toujours plus étendue
sur soi-même est une fiction de l'imagination humaine égoïste. La liberté
décrétée personnellement est un concept illusoire, une cruelle duperie. La
licence déguisée sous les vêtements de la liberté est l'avant-coureur
d'une abjecte servitude.
La vraie liberté est associée à un sincère respect de soi; la fausse
liberté est la compagne de l'admiration de soi. La vraie liberté est le
fruit de la maîtrise de soi; la fausse liberté est la prétention de
s'affirmer soi-même. La maîtrise de soi conduit au service altruiste;
l'admiration de soi tend à exploiter autrui pour satisfaire l'ambition
personnelle de l'individu disposé à sacrifier l'accomplissement dans la
droiture à la possession d'un pouvoir injuste sur ses compagnons.
La sagesse elle-même n'est divine et sûre que si elle procède d'une vue
cosmique et de mobiles spirituels.
Nulle erreur n'est plus grande que la sorte de duperie de soi qui
conduit des êtres intelligents à la soif d'exercer leur pouvoir sur
d'autres êtres, afin de les priver de leurs libertés naturelles. La règle
d'or de l'équité humaine s'élève contre toutes ces fraudes, injustices,
égoïsmes, et manques de droiture. Seule une liberté sincère et véritable
est compatible avec le règne de l'amour et le ministère de la miséricorde.
Comment une créature ose-t-elle empiéter volontairement sur les droits
de ses compagnons au nom de la liberté personnelle, alors que les Chefs
Suprêmes de l'univers s'effacent avec un respect bienveillant devant les
prérogatives de la volonté et les potentiels de la personnalité! Dans
l'exercice de sa liberté personnelle présumée, nul être n'a le droit de
priver un autre être des privilèges de l'existence qui lui ont été
conférés par les Créateurs et sont dûment respectés par leurs associés,
leurs subordonnés, et leurs sujets.
Il se peut que l'homme évolutionnaire ait à lutter pour ses libertés
matérielles contre des tyrans et des oppresseurs, sur un monde d'iniquité
ou durant les premiers temps d'une sphère primitive en évolution, mais il
n'en est ainsi ni sur les mondes morontiels ni sur les sphères de
l'esprit. La guerre est l'héritage de l'homme évolutionnaire primitif
mais, sur les mondes où la civilisation progresse normalement, il y a
longtemps que le combat physique est discrédité en tant que technique pour
résoudre des malentendus raciaux.
2. -- LE VOL DE LIBERTÉ
C'est avec le Fils et dans l'Esprit que Dieu projeta l'éternel univers
central de Havona, et depuis lors l'archétype éternel de participation
coordonnée à la création -- le partage -- a toujours prévalu. Cet archétype
de partage est le modèle essentiel à suivre par chacun des Fils et des
Filles de Dieu qui s'en vont dans l'espace pour tenter de copier dans le
temps l'univers central de perfection éternelle.
Toute créature des univers en évolution qui aspire à faire la volonté
du Père est destinée à devenir partenaire des Créateurs spatiaux-temporels
dans cette magnifique aventure pour atteindre la perfection
expérientielle. Si ce n'était pas vrai, le Père n'aurait jamais songé à
doter les créatures du libre arbitre créatif. Il ne les habiterait pas non
plus, il n'entrerait pas réellement en association avec elles au moyen de
son propre esprit.
Lucifer commit la folie de tenter l'infaisable, de court-circuiter le
temps dans un univers expérientiel. Le crime de Lucifer fut sa tentative
d'asservir créativement chaque personnalité de Satania, de réduire
indûment la participation personnelle des créatures -- leur libre
participation volontaire -- à la longue lutte évolutionnaire pour atteindre
le statut de lumière et de vie à la fois individuellement et
collectivement. En agissant ainsi, l'ancien Souverain de votre système
opposa directement le dessein temporel de sa propre volonté au dessein
éternel de la volonté de Dieu tel qu'il est révélé par le don du libre
arbitre à toutes les créatures personnelles. La rébellion de Lucifer
menaçait ainsi de violer au maximum le libre arbitre des ascendeurs et des
serviteurs du système de Satania. C'était la menace de priver
perpétuellement chacun de ces êtres d'une expérience passionnante, celle
d'apporter quelque chose de personnel et d'unique au monument de sagesse
expérientielle qui s'élève lentement et qui existera un jour sous l'aspect
du système perfectionné de Satania. C'est ainsi que le manifeste de
Lucifer, déguisé sous l'aspect de la liberté, se dresse dans la claire
lumière de la raison comme une menace monumentale pour consommer le vol de
la liberté personnelle, et cela sur une échelle dont on ne s'était encore
approché que deux fois dans toute l'histoire de Nébadon.
En résumé, Lucifer aurait voulu enlever aux hommes et aux anges ce que
Dieu leur a donné, c'est-à-dire le divin privilège de participer à la
création de leur propre destinée et à la destinée du présent système local
de mondes habités.
Nul être dans tout l'univers n'a légalement la liberté de priver un
autre être de la vraie liberté, du droit d'aimer et d'être aimé, du
privilège d'adorer Dieu et de servir son prochain.
3. -- LE DÉCALAGE DU TEMPS DE LA JUSTICE
Les créatures volitives morales des mondes évolutionnaires sont
toujours tracassées par la question irréfléchie de savoir pourquoi les
Créateurs infiniment sages permettent le mal et le péché. Elles ne
comprennent pas que le mal et le péché sont inévitables si les créatures
sont vraiment libres. Le libre arbitre des hommes en évolution et des
anges délicieux n'est pas un simple concept philosophique, un idéal
symbolique. L'aptitude des hommes à choisir le bien ou le mal est une
réalité de l'univers. Cette liberté de choisir par soi-même est un don des
Dirigeants Suprêmes, et ceux-ci interdisant à tout être ou groupe d'êtres,
dans le vaste univers, de priver la moindre personnalité de la liberté qui
lui est divinement donnée -- et même de satisfaire des êtres égarés et
ignorants dans la jouissance de ce qu'ils appellent à tort la liberté
personnelle.
Bien que l'identification consciente et délibérée avec le mal (le
péché) soit équivalente à la non-existence (l'annihilation), il faut
toujours qu'un délai i ntervienne entre le moment de l'identification
personnelle avec le péché et l'exécution du châtiment -- qui survient
automatiquement quand on s'adonne volontairement au mal. Ce délai
représente une période de temps suffisante pour juger le statut universel
du pécheur d'une manière entièrement satisfaisante pour toutes les
personnalités de l'univers en rapport avec le cas, et en même temps assez
équitable et juste pour gagner l'approbation du pécheur lui-même.
Si celui qui se rebelle contre la réalité de la bonté et de la vérité
refuse d'approuver le verdict, et si le coupable connaît dans son coeur la
justice de sa condamnation mais refuse de la confesser, alors il faut que
l'exécution de la sentence soit différée selon les convenances des Anciens
des Jours. Or les Anciens des Jours refusent d'anéantir un être avant que
toutes les valeurs morales et les réalités spirituelles soient éteintes
aussi bien chez l'auteur du mal que chez tous ses partisans et
sympathisants possibles.
4. -- LE DÉLAI DE MISÉRICORDE
Un autre problème quelque peu difficile à expliquer dans la
constellation de Norlatiadek concerne les raisons pour lesquelles il a été
permis à Lucifer, à Satan, et aux princes déchus de semer si longtemps la
discorde avant d'être appréhendés, internés, et jugés.
Des parents ayant engendré et élevé des enfants seront mieux à même de
comprendre pourquoi Micaël, un Créateur-père, peut être si lent à
condamner et à détruire ses propres Fils. L'histoire du fils prodigue
racontée par Jésus illustre bien comment un père aimant peut attendre
longtemps le repentir de son enfant égaré. (1)
Le fait même qu'une créature malveillante puisse effectivement choisir
de faire le mal -- de commettre le péché -- démontre le libre arbitre et
justifie pleinement de longs délais dans l'exécution de la sentence,
pourvu que la miséricorde faite ait des chances de conduire au repentir et
à la réhabilitation.
La plupart des libertés que recherchait Lucifer, il les avait déjà, et
il devait en recevoir d'autres dans l'avenir. Tous ces dons précieux
furent perdus par impatience et en cédant au désir de posséder
immédiatement ce qui est ardemment désiré, de s'en emparer au mépris du
respect des droits et libertés de toutes les autres créatures composant
l'univers des univers. Les obligations morales sont innées, divines, et
universelles.
Nous connaissons beaucoup de raisons pour lesquelles les Chefs Suprêmes
ne détruisirent ni n'internèrent pas immédiatement les dirigeants de la
rébellion de Lucifer, et il en existe indubitablement d'autres peut-être
meilleures qui nous sont inconnues. Le délai dans l'exécution de la
justice comportait des traits de miséricorde qui furent offerts
personnellement par Micaël de Nébadon. Sans l'affection de ce
Créateur-père pour ses Fils égarés, la justice suprême du superunivers
aurait agi. Si un épisode tel que la rébellion de Lucifer s'était produit
dans Nébadon pendant l'incarnation de Micaël sur Urantia, les instigateurs
de ce mal auraient pu être immédiatement annihilés.
La justice suprême peut agir instantanément lorsqu'elle n'est pas
tempérée par la miséricorde divine. Le ministère de pardon auprès des
enfants du temps et de l'espace prévoit toujours un décalage, un
intervalle salutaire entre les semailles et la moisson. Si la graine semée
est mauvaise, le délai de grâce laisse au pécheur le temps de se repentir
et de rectifier sa conduite; si elle est bonne, le délai permet d'éprouver
son caractère et de le bâtir. Le retard dans le jugement et l'exécution
des coupables est inhérent au ministère de miséricorde des sept
superunivers. Le frein de la miséricorde sur la justice prouve que Dieu
est amour, que ce Dieu d'amour domine les univers, et qu'il contrôle en
grâce le destin et le jugement de toutes ses créatures.
Les délais de grâce du temps sont accordés par ordre des Créateurs
usant de leur libre arbitre. L'univers peut tirer profit de la technique
de patience employée envers les pécheurs rebelles. Il est vrai que le bien
ne peut pas venir du mal pour celui qui projette et accomplit le mal, mais
il est également vrai que toutes choses (y compris le mal, potentiel ou
manifeste) travaillent ensemble pour le bien de tous les êtres qui
connaissent Dieu, aiment faire sa volonté, et s'élèvent vers le Paradis
conformément à son plan éternel et à son dessein divin.
Les délais de grâce ne sont pas indéfinis. Malgré le long délai
(d'après le compte du temps sur Urantia) pour juger la rébellion de
Lucifer, nous pouvons noter qu'en 1934, date des présentes révélations, la
première audience du procès en cours de Gabriel contre Lucifer a été tenue
sur Uversa, et que peu après une décision des Anciens des Jours a été
publiée, ordonnant que Satan soit désormais enfermé avec Lucifer dans le
monde-prison de ce dernier. Cela met fin à la faculté qu'avait Satan de
faire de nouvelles visites aux mondes déchus de Satania. Dans un univers
dominé par la miséricorde, la justice est peut-être lente, mais elle est
certaine.
(1) Cf. Luc XV.
5. -- LA SAGESSE DU DÉLAI
Parmi les nombreuses raisons que je connais et pour lesquelles Lucifer
et ses acolytes n'ont été ni internés ni jugés plus tôt, je suis autorisé
à exposer les suivantes:
1. La miséricorde exige que tout coupable ait un temps
suffisant pour élaborer un comportement délibéré et mûrement pesé au sujet
de ses mauvaises pensées et de ses actes de péché.
2. La justice suprême est dominée par l'amour du Père, et
c'est pourquoi la justice ne détruira jamais ce que la grâce peut sauver.
Le temps nécessaire pour accepter le salut est accordé à tout malfaiteur.
3. Nul père affectueux n'inflige jamais une punition
précipitée à un membre de sa famille qui s'est trompé. La patience ne peut
fonctionner indépendamment du temps.
4. Bien que la perversité soit toujours délétère pour une
famille, la sagesse et l'amour exhortent les enfants intègres à supporter
un frère égaré pendant le délai que le père affectueux accorde pour que le
pécheur se rende compte de l'erreur de sa conduite et embrasse la voie du
salut.
5. Indépendamment de l'attitude de Micaël envers Lucifer,
et bien que Micaël fût le Créateur-père de Lucifer, il n'appartenait pas
au Fils Créateur d'exercer une justice sommaire sur le Souverain
Systémique apostat, parce que Micaël n'avait pas encore parachevé la
carrière d'effusion qui devait le porter à la souveraineté indiscutée de
Nébadon.
6. Les Anciens des Jours auraient pu anéantir
immédiatement les rebelles, mais ils exécutent rarement un criminel sans
avoir pleinement entendu son cas. En l'espèce, ils refusèrent de passer
outre aux décisions de Micaël.
7. Il est évident qu'Emmanuel conseilla à Micaël de rester
à l'écart des rebelles et de permettre à la rébellion de suivre son cours
naturel d'auto-destruction. La sagesse de l'Union des Jours fut le reflet
dans le temps de la sagesse unifiée de la Trinité du Paradis.
8. Sur Edentia, le Fidèle des Jours recommanda aux Pères
de la Constellation de laisser les mains libres aux rebelles afin de
déraciner au plus vite toute sympathie pour ces malfaiteurs dans le coeur
de tous les citoyens présents et futurs de Norlatiadek -- de toute créature
mortelle, morontielle, ou spirituelle.
9. Sur Jérusem, le représentant person nel de
l'administrateur suprême d'Orvonton conseilla à Gabriel de fournir à toute
créature vivante la pleine occasion de mûrir un choix délibéré dans les
affaires touchées par la Déclaration de Liberté de Lucifer. Les questions
de la rébellion ayant été soulevées, le conseiller du Paradis envoyé
d'urgence auprès de Gabriel exposa que, si cette pleine et libre faculté
n'était pas donnée à toutes les créatures de Norlatiadek, la quarantaine
du Paradis serait étendue à toute la constellation, en légitime défense
contre toutes les créatures qui pourraient être tièdes (1) ou frappées de
doute. Pour laisser les portes du Paradis ouvertes aux êtres de
Norlatiadek, il était nécessaire de prévoir le plein développement de la
rébellion et de s'assurer que tous les êtres qu'elle toucherait d'une
manière quelconque auraient un comportement bien déterminé.
10. La Divine Ministre de Salvington omit une décision qui
constituait sa troisième proclamation indépendante et ordonnait que rien
ne fût fait pour guérir à moitié, supprimer lâchement, ou masquer
autrement le hideux visage des rebelles et de la rébellion. Les armées
angéliques reçurent la consigne de veiller à ce que l'expression du péché
fût pleinement révélée et reçut des occasions illimitées de se manifester,
cette technique étant la plus rapide pour aboutir à la cure parfaite et
définitive du fléau du mal et de l'iniquité.
11. Un comité d'urgence, composé de Puissants Messagers,
de mortels glorifiés ayant eu l'expérience personnelle de situations
semblables, et de leurs collègues, fut organisé sur Jérusem. Il avisa
Gabriel que si l'on recourait à des méthodes de suppression arbitraires ou
sommaires, au moins trois fois plus d'êtres seraient dévoyés. Tout le
corps des conseillers d'Uversa fut d'accord pour recommander à Gabriel de
permettre à la rébellion de prendre pleinement son cours naturel, même
s'il fallait ensuite un million d'années pour en liquider les
conséquences.
12. Même dans un univers du temps, le temps est relatif.
Si un mortel urantien à durée de vie moyenne commettait un crime
transformant la planète en pandémonium, et s'il était appréhendé, jugé, et
exécuté dans les deux ou trois jours après son crime, ce délai vous
paraîtrait-il long? Par rapport à la durée de la vie de Lucifer, la
comparaison resterait valable même si son jugement actuellement commencé
ne devait pas se terminer avant cent mille ans du temps d'Urantia. Du
point de vue d'Uversa où le litige est en suspens, on peut estimer le
délai en disant que la justice a été saisie du crime de Lucifer deux
secondes et demie après qu'il ait été commis. Du point de vue du Paradis,
le jugement est concomitant avec l'acte.
Vous pourriez encore comprendre partiellement tout autant de raisons
valables pour ne pas arrêter arbitrairement la rébellion de Lucifer, mais
je ne suis pas autorisé à vous les exposer. Je peux toutefois vous
informer que sur Uversa nous enseignons quarante-huit raisons pour
permettre au mal de suivre le plein cours de sa propre faillite morale et
de son anéantissement spirituel. Je suis certain qu'il existe encore tout
autant de raisons qui me sont inconnues.
(1) Apocalypse III-16
6. -- LE TRIOMPHE DE L'AMOUR
Quelles que soient les difficultés rencontrées par les mortels dans
leurs efforts pour comprendre la rébellion de Lucifer, il devrait être
clair pour tous les penseurs réfléchis que la technique employée vis-à-vis
des rebelles est une justification de l'amour divin. L'affectueuse
miséricorde accordée aux rebelles paraît avoir entraîné beaucoup d'êtres
innocents dans des épreuves et des tribulations; mais ces personnalités
déchirées peuvent se lier en toute sécurité aux Juges infiniment sages
pour se prononcer sur leur destinée avec autant de miséricorde que de
justice.
Dans toutes leurs tractations avec des êtres intelligents, le Fils
Créateur et son Père Paradisiaque sont tous deux dominés par l'amour. Bien
des phases du comportement des chefs de l'univers envers des rebelles et
une rébellion -- les pécheurs et le péché -- sont incompréhensibles, à moins
de se rappeler que Dieu en tant que Père a la préséance sur toutes les
autres phases de la manifestation divine dans les rapports entre la
divinité et l'humanité. Il ne faut pas non plus oublier que les actes des
Fils Paradisiaques Créateurs sont tous motivés par la miséricorde.
Si le père aimant d'une grande famille choisit de se montrer
miséricordieux envers l'un de ses enfants coupable d'un grave méfait, il
peut arriver que l'octroi du pardon à cet enfant qui se conduit mal impose
temporairement des privations à tous les autres enfants qui se conduisent
bien. Ces éventualités sont inévitables; le risque est inséparable de la
réalité consistant à avoir un père affectueux et à être membre d'un groupe
familial. Chaque membre de la famille profite de la bonne conduite de tous
les autres, et de même il faut que chaque membre souffre immédiatement des
conséquences temporelles de l'inconduite de tous les autres (1). Les
familles, les groupes, les nations, les races, les mondes, les systèmes,
les constellations, et les univers sont des associations de relations,
possédant une individualité; c'est pourquoi tout membre d'un groupe, grand
ou petit, récolte les bénéfices des bonnes actions et supporte les
conséquences des méfaits de tous les autres membres du groupe intéressé.
Il est toutefois bon de clarifier une chose: si vous êtes amené à
souffrir des conséquences fâcheuses du péché d'un membre de votre famille,
d'un concitoyen, d'un compagnon mortel, ou même d'une rébellion dans le
système ou ailleurs quelles que soient vos souffrances dues à l'inconduite
de vos associés, compagnons, ou supérieurs -- vous pouvez vous lier à la
certitude éternelle que ces tribulations ne sont que des afflictions
temporaires. Aucune de ces conséquences d'un écart de conduite des membres
de votre groupe ne peut jamais compromettre vos perspectives éternelles ni
vous priver le moins du monde de votre droit divin de monter au Paradis et
d'atteindre Dieu.
Il existe des compensations pour les épreuves, délais, et déceptions
qui accompagnent invariablement le péché de rébellion. Parmi les
nombreuses répercussions profitables de la rébellion de Lucifer que l'on
peut citer, j'attirerai seulement votre attention sur les carrières
rehaussées des ascendeurs mortels, citoyens de Jérusem, qui par leur
résistance aux sophismes du péché se sont placés en position de devenir de
futurs Puissants Messagers, des compagnons de mon ordre. Tout être qui a
supporté l'épreuve de ce fâcheux épisode a par là-même avancé
immédiatement son statut administratif et accru sa valeur spirituelle.
Au début, le bouleversement luciférien apparut comme une pure
catastrophe pour le système et pour l'univers. Graduellement, ses
avantages commencèrent à s'accumuler. Après vingt cinq mille ans du temps
systémique (vingt mille ans d'Urantia), les Melchizédeks commencèrent à
enseigner que le bien résultant de la folie de Lucifer en était arrivé à
égaler le mal subi. La somme du mal était alors devenue à peu près
stationnaire, ne continuant à croître que sur certains mondes isolés,
tandis que les répercussions bienfaisantes continuaient à se multiplier et
à s'étendre dans l'univers et le superunivers, et même jusqu'à Havona.
Aujourd'hui, les Melchizédeks enseignent que le bien résultant de la
rébellion de Satania équivaut à plus de mille fois la somme de tout son
mal.
Pour tirer de la malfaisance une récolte bénéfique aussi
extraordinaire, il fallait le comportement sage, divin, et miséricordieux
de tous les supérieurs de Lucifer, depuis les Pères de la Constellation
sur Edentia jusqu'au Père Universel au Paradis. Le passage du temps a
rehaussé les bonnes conséquences que l'on pouvait tirer de la folie de
Lucifer; et puisque le mal à châtier avait atteint toute son ampleur en un
temps relativement court, il est évident que les chefs infiniment sages et
prévoyants de l'univers allaient certainement allonger le délai leur
permettant de moissonner des résultats bénéficiaires croissants.
Indépendamment des nombreuses raisons additionnelles pour appréhender et
juger les rebelles de Satania, ce seul gain aurait suffi à expliquer
pourquoi ces pécheurs n'ont pas été internés plus tôt et pourquoi on ne
les a pas encore jugés et détruits.
Les mortels à courte vue et liés par le temps devraient être lents à
critiquer les délais accordés par les prévoyants et infiniment sages
administrateurs des affaires de l'univers.
L'une des erreurs de la pensée humaine à ce sujet consiste à croire que
tous les mortels évolutionnaires d'une planète en évolution auraient
choisi d'entrer dans la carrière du Paradis si leur monde n'avait pas été
maudit par le péché. L'aptitude à refuser la survivance ne date pas de
l'époque de la rébellion de Lucifer. Les hommes ont toujours possédé le
don du libre arbitre quant au choix de la carrière du Paradis.
A mesure que vous vous élevez dans l'expérience de la survie, vous
élargissez votre conception de l'univers, vous étendez votre horizon de
sens et de valeurs, et vous êtes ainsi mieux à même de comprendre pourquoi
l'on permet à des êtres comme Lucifer et Satan de persister dans leur
rébellion. Vous saisirez également mieux comment on peut tirer un bien
ultime (sinon immédiat) d'un mal limité dans le temps. Après avoir atteint
le Paradis, vous serez réellement éclairés et consolés en entendant les
philosophes supéraphiques discuter et expliquer ces profonds problèmes
d'ajustement universel. Même alors, je doute que vous soyez entièrement
satisfaits en pensée. Du moins je ne le fus pas lorsque j'atteignis ainsi
l'apogée de la philosophie de l'univers. Je ne suis pas parvenu à
comprendre pleinement ces complexités avant d'avoir été affecté à un poste
administratif du superunivers. C'est la que, par une expérience effective,
j'ai acquis une capacité de conception suffisante pour comprendre en
équité cosmique et en philosophie spirituelle ces problèmes compliqués. A
mesure que vous vous élèverez vers le Paradis, vous apprendrez de plus en
plus que l'on ne peut comprendre beaucoup d'aspects problématiques de
l'administration de l'univers qu'après avoir acquis des facultés
expérientielles accrues et une perspicacité spirituelle supérieure. Pour
comprendre les situations cosmiques, la sagesse cosmique est essentielle.
(1) Éphésiens IV-25 Corinthiens XII-26
[Présenté par un Puissant Messager ayant
l'expérience d'avoir survécu à la première rébellion systémique
des univers du temps, actuellement attaché au gouvernement du
superunivers d'Orvonton, et agissant en la matière sur la demande
de Gabriel de Salvington.]
|