LES RACES À L'AURORE DE L'HOMME
PRIMITIF
IL y a environ un million d'années, les ancêtres immédiats de
l'humanité firent leur apparition en trois mutations successives et
soudaines à partir de la souche primitive du type lémurien de mammifères
placentaires. Les facteurs dominants de ces lémurs primitifs dérivaient du
plasma vital évolutif du groupe américain occidental ou récent. Avant de
donner naissance à la ligne directe des ancêtres de l'homme, cette race
fut renforcée par des apports de l'implantation centrale de vie qui avait
évolué en Afrique. Le groupe oriental n'apporta qu'une contribution
insignifiante à la création effective de l'espèce humaine.
1. -- LES TYPES PRIMITIFS DE LÉMURS
Les lémurs primitifs ayant un rapport avec les ancêtres de l'espèce
humaine n'avaient pas de parents directe avec les tribus préexistantes de
gibbons et de singes qui vivaient alors en Eurasie et en Afrique du Nord
et dont la descendance a survécu jusqu'aux temps présents. Ils n'étaient
pas davantage issus des lémurs du type moderne, bien qu'ils aient eu un
ancêtre commun éteint depuis longtemps.
Tandis que ces lémurs primitifs évoluaient dans l'hémisphère
occidental, les mammifères ancêtres directs de l'humanité s'affermissaient
en Asie du sud-ouest, dans la zone originelle de l'implantation centrale
de vie, mais vers la frontière est de cette zone. Plusieurs millions
d'années auparavant, les lémurs du type nord-américain avaient émigré vers
l'ouest par le pont terrestre de Béring et avaient progressé lentement
vers le sud-ouest le long de la côte asiatique. Ces tribus migratrices
atteignirent finalement les régions salubres qui s'étendaient entre la Mer
Méditerranée, alors beaucoup plus vaste, et les régions montagneuses en
cours d'exhaussement de la péninsule Indienne. Dans ces terres situées à
l'ouest de l'Inde, elles s'unirent à d'autres lignées propices et
établirent ainsi l'ascendance de la race humaine.
Au cours des temps, le littoral de l'Inde situé au sud-ouest des
montagnes fut progressivement submergé, et la vie de cette région se
trouva complètement isolée. La péninsule Mésopotamienne ou Persane n'avait
plus aucune voie d'accès ou de fuite sauf au nord, et cette dernière
elle-même fut coupée de façon répétée par des invasions glaciaires se
dirigeant vers le sud. C'est dans cette région alors presque paradisiaque,
et à partir des descendants supérieurs de ce type de mammifères lémuriens,
que surgirent deux grands groupes, les tribus simiennes des temps modernes
et l'espèce humaine d'aujourd'hui.
2. -- LES MAMMIFÈRES PRÉCURSEURS DE L'HOMME
Il y a un peu plus d'un million d'années apparurent soudain les
mammifères précurseurs mésopotamiens descendant directement du type
lémurien nord-américain de mammifères placentaires. C'étaient de petites
créatures actives, hautes de presque un mètre. Elles ne marchaient pas
habituellement sur leurs pattes de derrière, mais pouvaient facilement se
tenir debout.
Elles étaient velues et agiles et bavardaient à la manière des singes,
mais contrairement aux tribus simiennes elles étaient carnivores. Elles
avaient un pouce opposable primitif ainsi qu'un gros orteil préhensile
extrêmement utile. A partir de ce moment, le pouce opposable se développa
chez les espèces pré-humaines successives, tandis que leur gros orteil
perdait progressivement le pouvoir de saisir. Les tribus récentes de
singes gardèrent le gros orteil préhensile, mais n'acquirent jamais le
pouce typique de l'homme.
Ces mammifères précurseurs atteignaient leur taille adulte vers trois
ou quatre ans, et leur durée de vie possible était en moyenne de vingt
ans. En règle générale ils portaient un seul rejeton à la fois, quoiqu'il
y eût de temps en temps, des jumeaux.
Les membres de cette nouvelle espèce avaient un cerveau plus volumineux
par rapport à leur taille que tous les autres animaux ayant vécu jusque là
sur terre. Ils éprouvaient une grande partie des sentiments et possédaient
la plupart des instincts qui devaient caractériser plus tard les hommes
primitifs. Ils étaient extrêmement curieux et faisaient montre d'une
grande joie lorsqu'ils réussissaient dans une entreprise quelconque.
L'appétit pour la nourriture et le désir sexuel étaient bien développés.
Une sélection sexuelle se manifestait nettement sous forme d'une cour
rudimentaire et du choix des compagnes ou compagnons. Ils étaient capables
de lutter farouchement pour défendre les leurs. Très tendres au sein de
leurs associations familiales, ils possédaient un sens de l'humilité qui
atteignait la honte et le remords. Ils étaient très affectueux et d'une
fidélité touchante envers leur conjoint, mais si les circonstances les
séparaient, ils choisissaient un nouveau partenaire.
Comme ils étaient de petite taille et que leur intelligence aiguë leur
permettait de bien comprendre les dangers de leur habitat forestier, un
extraordinaire sentiment de peur se développa chez eux. Cela les amena à
prendre les sages mesures de précaution dont l'importance fut capitale
pour leur survivance: par exemple, ils construisaient tout en haut des
arbres des abris grossiers qui écartaient bien des périls de la vie à ras
de terre. L'apparition des tendances à la peur chez l'humanité date
spécifiquement de ces temps-là.
Ces mammifères précurseurs avaient l'esprit de tribu le plus développé
que l'on ait encore jamais vu. Ils étaient certes très grégaires, mais se
montraient malgré tout extrêmement batailleurs s'ils étaient troublés
d'une façon quelconque dans le cours ordinaire de leur vie quotidienne, et
ils faisaient preuve d'un caractère impétueux quand leur colère était à
son comble. Toutefois, leur nature belliqueuse servit à des fins
favorables; les groupes supérieurs n'hésitèrent pas à entrer en guerre
avec leurs voisins inférieurs, et l'espèce s'améliora progressivement par
la survivance sélective des meilleurs. Les lémurs précurseurs dominèrent
très tôt les créatures plus petites de cette région, et peu de tribus
simiennes anciennes non carnivores réussirent à survivre.
Ces petits animaux agressifs se multiplièrent et envahirent la
péninsule mésopotamienne tout entière pendant plus de mille ans, tandis
que leur type physique et leur intelligence générale s'amélioraient
constamment. Soixante-dix générations exactement après que le type le plus
élevé d'ancêtres lémuriens eut donné naissance à cette nouvelle tribu se
produisit un fait nouveau dont l'importance est capitale: la
différenciation soudaine des ancêtres de l'étape vitale suivante
dans l'évolution des êtres humains sur Urantia.
3. -- LES MAMMIFÈRES INTERMÉDIAIRES
Vers le début de l'évolution des mammifères précurseurs, deux jumeaux,
un mâle et une femelle, naquirent au sommet d'un arbre dans l'abri d'un
couple d'agiles lémurs. Comparés à leurs ancêtres, ils étaient vraiment de
jolies petites créatures. Ils avaient peu de poil sur le corps, ce qui ne
constituait pas un inconvénient, car ils vivaient dans un climat chaud et
uniforme.
Leur taille d'adultes dépassait un mètre vingt. Ils étaient en tous
points plus grands que leurs parents, avec des jambes plus longues et des
bras plus courts. Ils avaient des pouces opposables presque parfaits, à
peu près aussi bien adaptés aux travaux les plus variés que le pouce des
hommes modernes. Ils marchaient debout, car leurs pieds convenaient
presque aussi bien à la marche que ceux des races humaines ultérieures.
Leur cerveau était inférieur en qualité à celui des êtres humains, et
plus petit, mais très supérieur à celui de leurs ancêtres et relativement
beaucoup plus volumineux. Les jumeaux manifestèrent très tôt une
intelligence supérieure et furent bientôt reconnus comme chefs de toute la
tribu des mammifères précurseurs; ils instituèrent réellement une forme
primitive d'organisation sociale et une ébauche de division économique du
travail. Le frère et la soeur s'unirent et jouirent bientôt de la société
de vingt-et-un enfants très semblables à eux-mêmes, qui avaient tous plus
d'un mètre vingt de haut et étaient en tout point supérieurs à leur espèce
ancestrale. Ce nouveau groupe forma le noyau des mammifères
intermédiaires.
Quand les membres de ce groupe nouveau et supérieur devinrent nombreux,
la guerre, une guerre implacable contre les précurseurs éclata. Après la
fin du terrible conflit, aucun individu de la race ancestrale
pré-existante ne subsistait. Les descendants intermédiaires de l'espèce,
moins nombreux mais plus puissants et plus intelligents, avaient survécu
aux dépens de leurs ancêtres.
Ils devinrent alors la terreur de cette partie du monde pendant près de
quinze mille ans (six cents générations). Tous les grands animaux féroces
des temps passés avaient péri. Les grosses bêtes originaires de ces
régions n'étaient pas carnivores, et les grands félins, lions et tigres,
n'avaient pas encore envahi ce recoin particulièrement abrité de la
surface terrestre. Grâce à cela, les mammifères intermédiaires devinrent
courageux et subjuguèrent tout leur secteur de la création.
Comparés à l'espèce ancestrale, les mammifères intermédiaires
représentaient un progrès sous tous les rapports. Même la durée
potentielle de leur vie était plus longue et atteignait vingt-cinq ans. Un
certain nombre de traits humains rudimentaires apparurent chez cette
espèce nouvelle. En plus des propensions innées que montraient leurs
ancêtres, les mammifères intermédiaires étaient capables d'exprimer leur
dégoût dans certaines situations répugnantes. Ils possédaient aussi un
instinct bien défini de thésaurisation; ils faisaient des provisions de
nourriture pour leurs besoins ultérieurs et étaient très enclins à
collectionner des galets ronds et lisses et certains types de pierres
rondes utilisables comme projectiles défensifs et offensifs.
Ces mammifères intermédiaires furent les premiers à manifester une
tendance nette à bâtir, ainsi que le montrent leurs rivalités dans la
construction de huttes à la cime des arbres et de retraites souterraines
percées de multiples tunnels: ils furent la première espèce de mammifères
à rechercher la sécurité à la fois dans des abris arboricoles et
souterrains. Délaissant largement les arbres comme lieu de séjour, ils
vivaient sur le sol pendant la journée et retournaient dormir la nuit à la
cime des arbres.
Au cours des temps, l'accroissement naturel de leur nombre entraîna
finalement une concurrence sévère pour la nourriture et une rivalité
sexuelle culminant en une série de batailles meurtrières qui détruisirent
presque entièrement l'espèce. Les batailles se perpétuèrent jusqu'à ce
qu'un groupe de moins de cent individus restât seul vivant. La paix régna
une fois de plus; cette unique tribu survivante rebâtit ses chambres à
coucher à la cime des arbres et reprit une fois de plus le cours normal
d'une existence semi-pacifique.
Vous pouvez à peine imaginer combien vos ancêtres préhumains ont depuis
lors frisé à plusieurs reprises la destruction totale. Si la grenouille
ancestrale de toute l'humanité avait sauté cinq centimètres de moins dans
une certaine occasion, tout le cours de l'évolution aurait été notablement
changé. La mère lémurienne immédiate de l'espèce des mammifères
précurseurs échappa d'un cheveu à la mort au moins cinq fois avant
d'enfanter le père du nouvel ordre de mammifères supérieurs. La dernière
extrémité fut atteinte lorsque la foudre frappa l'arbre dans lequel
dormait la future mère des jumeaux Primates. Les deux mammifères
intermédiaires parents furent sérieusement choqués et brûlés, et trois de
leurs sept enfants furent tués par ce coup tombé du ciel. Ces animaux en
cours d'évolution étaient presque superstitieux. Les deux membres du
couple dont la cime d'arbre avait été foudroyée étaient réellement les
dirigeants du groupe le plus progressif de l'espèce mammifère
intermédiaire. Suivant leur exemple, plus de la moitié de la tribu
comprenant les familles les plus intelligentes s'écarta d'environ trois
kilomètres de ce lieu; elle se mit à construire de nouveaux logis à la
cime des arbres et de nouveaux abris souterrains -- leurs retraites
temporaires en cas de danger soudain.
Peu après avoir terminé sa demeure, le couple vétéran de tant de
combats se trouva fièrement père et mère de jumeaux qui étaient les
animaux les plus importants et les plus intéressants apparus jusqu'alors
en ce monde. En effet, c'étaient les premiers représentants de la nouvelle
espèce des Primates qui constitue l'étape vitale suivante de
l'évolution pré-humaine.
Au moment même où naquirent ces jumeaux primates, un autre couple -- un
couple particulièrement retardé de la tribu des mammifères intermédiaires
dont le mâle et la femelle étaient inférieurs au physique comme au mental
-- donna également naissance à des jumeaux. Ces jumeaux, un mâle et une
femelle, étaient indifférents aux conquêtes; ils s'occupaient uniquement
de trouver de la nourriture, et comme ils ne voulaient pas manger de
chair, ils perdirent bientôt tout intérêt à la recherche des proies. Ces
jumeaux attardés furent les fondateurs des tribus simiennes modernes.
Leurs descendants recherchèrent les climats doux et l'abondance de fruits
tropicaux des régions méridionales plus chaudes; ils s'y sont perpétués
sans grand changement jusqu'à ce jour, à l'exception des branches qui
s'unirent à des types antérieurs de gibbons et de singes et s'abâtardirent
en conséquence.
Il est donc facile de voir que la seule parenté de l'homme et du singe
réside dans le fait qu'ils descendent tous deux des mammifères
intermédiaires chez qui se produisit la naissance simultanée de deux
paires de jumeaux: la paire inférieure destinée à engendrer les types
modernes de singes, de babouins, de chimpanzés et de gorilles; et la paire
supérieure destinée à continuer la lignée ascendante qui donna par
évolution l'homme lui-même.
Les hommes modernes et les simiens sont issus de la même tribu et de la
même espèce, mais non des mêmes parents. Les ancêtres de l'homme
descendent de la lignée supérieure du reste sélectionné de cette tribu
mammifère intermédiaire, tandis que les simiens modernes (à l'exception de
certains types pré-existants de lémurs, de gibbons, de singes, et d'autres
créatures du même genre) descendent du couple le plus inférieur du groupe
mammifère intermédiaire. Ce couple ne survécut qu'en se cachant pendant
plus de deux semaines dans une retraite souterraine servant de
garde-manger au cours de la dernière bataille acharnée de leur tribu, et
en n'en ressortant qu'après la fin des hostilités.
4. -- LES PRIMATES
Remontons à la naissance des jumeaux supérieurs, un mâle et une
femelle, les deux membres dirigeants de la tribu des mammifères
intermédiaires. Ces deux bébés animaux appartenaient à un ordre
inhabituel; ils avaient encore moins de poil sur le corps que leurs
parents et, dès leur plus tendre enfance, ils insistèrent pour marcher
debout. Leurs ancêtres avaient toujours appris à marcher sur leurs membres
postérieurs, mais ces jumeaux primates se tinrent droit spontanément dès
le début. Ils atteignirent une hauteur de plus d'un mètre cinquante et
leur tête devint relativement plus volumineuse que celle des autres
membres de la tribu. Ils apprirent très tôt à communiquer l'un avec
l'autre au moyen de signes et de sons, mais ne réussirent jamais à faire
comprendre ces nouveaux symboles à leurs semblables.
Quand ils eurent environ quatorze ans, ils s'enfuirent de la tribu et
partirent vers l'ouest pour élever leur famille et fonder l'espèce
nouvelle des primates. C'est à très juste titre que ces nouvelles
créatures sont appelées Primates, car elles furent les ancêtres
animaux directs et immédiats de la famille humaine elle-même.
C'est ainsi que les primates vinrent occuper une région située sur la
côte ouest de la péninsule mésopotamienne qui s'avançait alors dans les
mers du sud, tandis que les tribus étroitement apparentées et moins
intelligentes vivaient à la pointe de la péninsule le long de sa côte
orientale.
Les primates étaient plus humains et moins bestiaux que les mammifères
intermédiaires qui les précédèrent. Les proportions du squelette de cette
nouvelle espèce étaient tout à fait similaires à celles des races humaines
primitives. Le type humain de mains et de pieds s'était pleinement
développé, et ces créatures pouvaient marcher et même courir aussi bien
que n'importe lequel de leurs descendants humains ultérieurs. Ils
abandonnèrent presque complètement la vie dans les arbres, tout en
continuant à utiliser la cime des arbres comme mesure de sécurité pour la
nuit, car, à l'instar de leurs ancêtres, ils étaient extrêmement sujets à
la peur. L'emploi accru de leurs mains contribua beaucoup à développer
leur intelligence innée, mais ils ne possédaient pas encore une mentalité
que l'on puisse vraiment qualifier d'humaine.
La nature émotionnelle des primates différait peu de celle de leurs
aïeux, mais ils faisaient preuve d'une tendance plus humaine dans tous
leurs penchants. C'étaient réellement des animaux splendides et
supérieurs; ils atteignaient la maturité vers dix ans, et la durée de leur
vie naturelle était d'environ quarante ans. Cela signifie qu'ils auraient
pu vivre quarante ans s'ils étaient morts de leur mort naturelle, mais en
ces temps reculés bien peu d'animaux mouraient de mort naturelle, car la
lutte pour la vie était trop âpre.
C'est alors, après un développement couvrant presque neuf cents
générations, soit environ vingt et un mille ans depuis l'apparition des
mammifères précurseurs, que les primates donnèrent soudain naissance à
deux créatures remarquables, les premiers êtres vraiment humains.
C'est ainsi que les mammifères précurseurs issus du type nord-américain
de lémurs furent les ancêtres des mammifères intermédiaires, et que ces
derniers donnèrent à leur tour naissance aux primates plus évolués, qui
furent les ancêtres immédiats de la race humaine primitive. Les tribus de
primates furent le dernier chaînon vital dans l'évolution de l'homme, mais
en moins de cinq mille ans, il ne resta plus un seul primate de ces tribus
extraordinaires.
5. -- LES PREMIERS ÊTRES HUMAINS
La naissance des deux premiers êtres humains se situe exactement
993.419 ans avant l'année 1934 de l'ère chrétienne.
Ces deux remarquables créatures étaient de véritables êtres humains.
Elles possédaient un pouce humain parfait comme beaucoup de leurs
ancêtres, mais elles avaient également des pieds aussi bien formés que
ceux des races humaines actuelles. Ces êtres étaient des marcheurs et des
coureurs, non des grimpeurs; la fonction préhensile du gros orteil était
absente, complètement absente. Quand le danger les chassait vers la cime
des arbres, ils grimpaient exactement comme le feraient les humains
d'aujourd'hui. Ils grimpaient le long des troncs d'arbres comme des ours,
et non comme des chimpanzés ou des gorilles en sautant de branche en
branche.
Ces premiers êtres humains (et leurs descendants) devenaient pleinement
adultes à douze ans et avaient une durée de vie potentielle d'environ
soixante-quinze ans.
De nombreux sentiments nouveaux apparurent de bonne heure chez les deux
jumeaux humains. Ils éprouvaient de l'admiration tant pour les objets que
pour les autres êtres et faisaient montre d'une extrême vanité. Le progrès
le plus remarquable dans leur développement émotionnel fut l'apparition
d'un nouveau groupe de sentiments vraiment humains, les sentiments de
culte comprenant la crainte, le respect, l'humilité, et même une forme
primitive de gratitude. La crainte, jointe à l'ignorance des phénomènes
naturels, était sur le point de donner naissance à la religion primitive.
Non seulement ces sentiments humains se manifestaient, mais beaucoup de
sentiments plus hautement évolués étaient également présents sous une
forme rudimentaire. Ces humains primitifs avaient modérément conscience de
la pitié, de la honte, et de l'opprobre, et une conscience très aiguë de
l'amour, de la haine, et de la vengeance; ils étaient également
susceptibles d'éprouver des sentiments marqués de jalousie.
Les deux premiers humains -- les jumeaux -- furent une grande épreuve
pour leurs parents primates. Ils étaient si curieux et si aventureux
qu'ils faillirent perdre la vie en de nombreuses occasions avant d'avoir
huit ans. Quoi qu'il en soit, ils étaient sérieusement couverts de
cicatrices au moment où ils eurent douze ans.
Ils apprirent très tôt à communiquer verbalement. À l'âge de dix ans,
ils avaient élaboré un langage plus perfectionné de signes et de mots
comportant une cinquantaine d'idées, et largement amélioré et élargi les
techniques rudimentaires de communication de leurs ancêtres. En dépit de
leurs efforts, ils ne purent enseigner à leurs parents que très peu de
leurs signes et symboles nouveaux.
Vers leur neuvième année, ils s'en allèrent un beau jour le long de la
rivière et eurent un important entretien. Toutes les intelligences
célestes stationnées sur Urantia, y compris moi-même, étaient présentes et
observaient le déroulement de ce rendez-vous en plein soleil. Au cours de
ce jour mémorable, ils convinrent de vivre l'un avec l'autre et l'un pour
l'autre; cette entente fut la première d'une série d'accords qui
culminèrent dans la décision de fuir leurs compagnons animaux inférieurs
et de partir vers le nord, sans bien savoir qu'ils allaient fonder la race
humaine.
Nous étions tous très préoccupés par les projets de ces deux petits
sauvages, mais nous étions impuissants à contrôler le travail de leur
pensée. Nous ne voulions ni ne pouvions influencer arbitrairement leurs
décisions mais, dans les limites admissibles de nos fonctions planétaires,
nous, les Porteurs de Vie, en accord avec nos associés, nous conspirâmes
tous pour orienter les jumeaux humains vers le nord, loin de leurs parents
velus vivant partiellement dans les arbres. Ainsi, par suite de leur
propre choix intelligent, les jumeaux émigrèrent, et à cause de notre
supervision ils émigrèrent vers le nord, vers une région retirée où ils
échappèrent aux possibilités de dégradation biologique par mélange avec
les familles inférieures des tribus de primates.
Peu avant de quitter leur forêt natale, ils perdirent leur mère au
cours d'une attaque menée par des gibbons. Bien qu'elle ne possédât pas
leur intelligence, elle avait, en tant que mammifère, une affection
admirable et d'un haut degré pour ses enfants et sacrifia courageusement
sa vie pour tenter de sauver le couple merveilleux. Son sacrifice ne fut
pas vain, car elle contint l'ennemi jusqu'à ce que le père arrivât avec
des renforts et mît les envahisseurs en fuite.
Peu après que le jeune couple eût abandonné ses compagnons pour fonder
la race humaine, leur père primate devint inconsolable -- il avait le
coeur brisé. Il refusait de manger, même quand la nourriture lui était
apportée par ses autres enfants. Ayant perdu ses brillants rejetons, la
vie ne lui semblait plus digne d'être vécue parmi ses compagnons
ordinaires; il partit donc errer dans la forêt, fut attaqué par des
gibbons hostiles, et mourut sous leurs coups.
6. -- L'ÉVOLUTION DE LA PENSÉE HUMAINE
Nous, les Porteurs de Vie sur Urantia, nous avions vécu la longue
veille de l'attente vigilante depuis le jour où nous avions implanté le
premier plasma de vie dans les eaux de la planète. L'apparition des
premiers êtres réellement volitifs et intelligents nous procura
naturellement une grande joie et une satisfaction suprême
Nous n'avions pas cessé de suivre le développement mental des jumeaux
en observant les opérations des sept esprits-mentaux adjuvats affectés à
Urantia au moment de notre arrivée sur la planète. Durant le long
développement évolutionnaire de la vie planétaire, ces infatigables
ministres de la pensée avaient sans cesse noté leur propre aptitude
croissante à entrer en contact avec les facultés cérébrales des animaux,
facultés qui s'amplifiaient à mesure que les créatures animales
progressaient.
Au début, seul l'esprit d'intuition pouvait agir sur le
comportement instinctif et soumis aux réflexes de la vie animale
élémentaire. Quand des types plus élevés se différencièrent, l'esprit
de compréhension put attribuer à ces créatures la faculté d'associer
spontanément des idées. Plus tard, nous vîmes opérer l'esprit de
courage; les animaux en cours d'évolution acquirent réellement une
forme rudimentaire de conscience protectrice. À la suite de l'apparition
des groupes de mammifères, nous vîmes l'esprit de connaissance se
manifester dans une mesure accrue. Puis l'évolution des mammifères
supérieurs permit l'intervention de l'esprit de conseil, avec la
croissance correspondante de l'instinct grégaire et les débuts d'un
développement social primitif.
Nous avions observé avec une attention croissante le service accru des
cinq premiers adjuvats pendant toute l'évolution des mammifères
précurseurs, des mammifères intermédiaires, et des primates. Toutefois les
deux derniers adjuvats, ministres supérieurs de la pensée, n'avaient
jamais pu agir sur le type urantien de pensée évolutionnaire.
Imaginez notre joie lorsqu'un jour -- les jumeaux avaient à peu près
dix ans l'esprit de culte (d'adoration selon un
traduction plus fidèle de "spirit of worship" dans le texte
original Anglais) entra pour la première fois en contact
avec la pensée de la jumelle, et peu après avec celle du jumeau. Nous
savions que quelque chose d'intimement lié à la pensée humaine arrivait à
son apogée. Un an plus tard, quand ils se résolurent finalement, sous
l'effet d'une pensée recueillie et d'une décision mûrement réfléchie, à
fuir le foyer familial et à partir vers le nord, alors l'esprit de
sagesse commença à opérer sur Urantia et chez ces deux penseurs
humains désormais reconnus comme tels.
Il y eut immédiatement un nouvel ordre de mobilisation des sept
esprits-mentaux adjuvats. Nous étions vibrants d'espérance; nous nous
rendions compte que l'heure si longtemps attendue approchait; nous savions
que nous étions au seuil de la réalisation de notre effort de longue
haleine pour faire naître par évolution des créatures volitives sur
Urantia.
7. -- URANTIA RECONNUE COMME MONDE HABITÉ
Nous n'eûmes pas longtemps à attendre. A midi, le lendemain de la fuite
des jumeaux, le premier éclair d'essai des signaux du circuit de l'univers
se produisit au foyer récepteur planétaire d'Urantia. Nous étions
naturellement tous très émus à l'idée qu'un grand événement était
imminent; mais étant donné qu'Urantia était une station expérimentale de
vie, nous n'avions pas la moindre idée de la manière exacte dont nous
serions informés que la vie intelligente était reconnue sur la planète.
Nous ne restâmes pas longtemps dans l'attente. Le troisième jour après la
fuite des jumeaux, et avant le départ du corps des Porteurs de Vie, arriva
l'archange de Nébadon chargé de l'établissement des circuits planétaires
initiaux.
Ce fut un jour mémorable sur Urantia lorsque notre petit groupe se
réunit autour du pôle planétaire de communication spatiale et reçut le
premier message envoyé de Salvington sur le circuit de pensée nouvellement
établi de la planète. Dicté par le chef du corps des archanges, ce premier
message disait:
« Aux Porteurs de Vie sur Urantia -- Salut! Nous transmettons
l'assurance qu'il y eut une grande joie sur Salvington, Edentia, et
Jérusem quand le signal de l'existence sur Urantia d'une pensée ayant la
dignité volitive fut enregistré au quartier général de Nébadon. La
décision concertée des jumeaux de fuir vers le nord et de séparer leur
descendance de leurs ancêtres inférieurs a été remarquée. C'est la
première décision mentale -- par des penseurs du type humain -- sur
Urantia, et elle établit automatiquement le circuit de communication sur
lequel ce message initial de reconnaissance est transmis ».
Ensuite arrivèrent par ce nouveau circuit les salutations des Très
Hauts d'Edentia, qui contenaient des instructions pour les Porteurs de Vie
résidents nous interdisant d'interférer avec l'archétype de vie que nous
avions établi. Nous reçûmes l'ordre de ne pas intervenir dans les affaires
du progrès humain. Il ne faut pas en déduire que les Porteurs de Vie
interfèrent arbitrairement et machinalement avec la réalisation naturelle
des plans évolutionnaires de la planète, car nous ne le faisons pas.
Jusqu'alors nous avions eu la permission d'agir sur l'espace ambiant et de
protéger le plasma vital d'une manière spéciale. Notre supervision
extraordinaire, bien que parfaitement naturelle, devrait prendre fin.
À peine les Très Hauts eurent-ils cessé de parler que le magnifique
message de Lucifer, alors souverain du système de Satania, commença à se
faire entendre sur la planète. Les Porteurs de Vie entendirent les mots de
bienvenue de leur propre chef et reçurent sa permission de retourner sur
Jérusem. Le message de Lucifer contenait l'acceptation officielle de
l'oeuvre des Porteurs de Vie sur Urantia et nous absolvait de toute
critique future sur n'importe lequel de nos efforts pour améliorer les
archétypes de vie de Nébadon, tels qu'ils étaient établis dans le système
de Satania.
Ces messages de Salvington, d'Edentia, et de Jérusem marquèrent
officiellement la fin de la supervision séculaire de la planète par les
Porteurs de Vie. Nous avions été à la tâche pendant des âges, assistés
seulement par les sept esprits-mentaux adjuvats et les Maîtres Contrôleurs
Physiques. La volonté, le pouvoir de choisir l'adoration et l'ascension,
était maintenant apparue chez les créatures évolutionnaires de la planète;
nous comprîmes alors que notre oeuvre était achevée, et notre groupe se
prépara au départ. Urantia étant un monde modificateur de vie, nous
reçûmes la permission de laisser derrière nous deux Porteurs de Vie
seniors avec douze assistants; je fus choisi comme membre de ce groupe, et
depuis lors je suis toujours resté sur Urantia.
Il y a exactement 993.408 ans (avant l'année 1934 de l'ère chrétienne)
qu'Urantia a été officiellement reconnue comme planète d'habitat humain
dans l'univers de Nébadon. L'évolution biologique avait une fois de plus
atteint les niveaux humains de dignité volitive; l'homme était apparu sur
la planète 606 de Satania.
[Présenté par un Porteur de Vie de
Nébadon résidant sur Urantia.]
|