LA RÉBELLION PLANÉTAIRE
IL est impossible de comprendre les problèmes associés à l'existence de
l'homme sur Urantia sans avoir des notions sur certaines grandes époques
du passé, notamment sur l'occurrence et les conséquences de la rébellion
planétaire. Bien que ce soulèvement n'ait pas eu de conséquences sérieuses
sur le progrès de l'évolution organique, il modifia notablement le cours
de l'évolution sociale et du développement spirituel. Toute l'histoire
hyperphysique de la planète fut profondément influencée par cette calamité
dévastatrice.
1. -- LA TRAHISON DE CALIGASTIA
Caligastia avait eu la charge d'Urantia depuis trois cent mille ans
lorsque Satan, l'assistant de Lucifer, fit l'une de ses visites
l'inspection périodiques. Quand Satan arriva sur la planète, son aspect ne
ressemblait en rien à vos caricatures de son infâme majesté. Il était, et
il est toujours, un fils Lanonandek d'un grand éclat. « Et ce n'est pas
étonnant, car Satan lui-même est une brillante créature de lumière (1) ».
Au cours de cette inspection, Satan informa Caligastia de la «
Déclaration de Liberté » que Lucifer se proposait alors de faire et, ainsi
que nous le savons maintenant, le Prince tomba d'accord pour trahir la
planète dès que la rébellion serait annoncée. Les personnalités loyales de
l'univers éprouvent un dédain particulier pour le Prince Caligastia à
cause de cette trahison préméditée de sa mission. Le Fils Créateur exprima
ce mépris lorsqu'il dit: « Tu ressembles à ton chef, Lucifer, et tu as
perpétué son iniquité d'une façon coupable. Il fut un falsificateur dès
qu'il commença à s'exalter lui-même, parce qu'il ne demeurait pas dans la
vérité ».
Dans tout le travail administratif d'un univers local, nulle mission
importante n'est jugée plus sacrée que celle d'un Prince Planétaire qui
prend la responsabilité du bien-être et de la direction des mortels
évolutionnaires sur un monde nouvellement habité. De toutes les formes du
mal, aucune n'a d'effet plus destructeur sur le statut de la personnalité
que la trahison d'une charge et la déloyauté envers des amis confiants. En
commettant délibérément ce péché, Caligastia faussa si complètement sa
personnalité que sa pensée ne fut plus jamais pleinement capable de
retrouver son équilibre.
Il existe de nombreuses façons d'envisager le péché mais, du point de
vue philosophique universel, le péché est le comportement d'une
personnalité qui résiste sciemment à la réalité cosmique. On peut
considérer l'erreur comme une fausse conception ou comme une déformation
de la réalité. Le mal est une réalisation incomplète des réalités
universelles ou un ajustement défectueux à ces dernières. Mais le péché
est une résistance réfléchie à la réalité divine -- un choix conscient de
s'opposer au progrès spirituel -- tandis que l'iniquité consiste à défier
ouvertement et avec persistance la réalité reconnue; elle représente un
tel degré de désintégration de la personnalité qu'elle frise la démence
cosmique.
L'erreur suggère un manque d'acuité intellectuelle; le mal, un défaut
de sagesse; et le péché, une pauvreté spirituelle abjecte; mais l'iniquité
dénote que le contrôle de la personnalité est en voie de disparaître.
Quand le péché a été bien des fois choisi et souvent répété, il peut
devenir une habitude. Les pécheurs impénitents peuvent facilement devenir
iniques et se rebeller dans leur coeur contre l'univers et toutes ses
réalités divines. Alors que toutes les formes de péché peuvent être
pardonnées, nous doutons qu'un être inique confirmé puisse jamais éprouver
de regrets sincères pour ses méfaits ou accepter le pardon de ses péchés.
(1) Cf. 2 Corinthiens XI-14.
2. -- LE DÉBUT DE LA RÉBELLION
Peu après l'inspection de Satan et alors que l'administration
planétaire était à la veille de réaliser de grandes choses sur Urantia, un
jour au milieu de l'hiver des continents septentrionaux, Caligastia tint
une longue conférence avec son associé Daligastia, à la suite de laquelle
ce dernier convoqua les dix conseils d'Urantia en session extraordinaire.
L'assemblée fut ouverte par la déclaration que le Prince Caligastia était
sur le point de se proclamer souverain absolu d'Urantia et exigeait que
tous les groupes administratifs abdiquent en remettant toutes leurs
fonctions et tous leurs pouvoirs entre les mains de Daligastia, désigné
comme mandataire en attendant la réorganisation du gouvernement planétaire
et la redistribution consécutive des charges de l'autorité administrative.
La présentation de cette ahurissante demande fut suivie du magistral
appel de Van, président du conseil suprême de coordination. Cet éminent
administrateur et remarquable juriste stigmatisa la proposition de
Caligastia en la dénonçant comme un acte frisant la rébellion planétaire.
Il conjura ses collègues de s'abstenir de toute participation tant que
l'on n'aurait pas interjeté appel auprès de Lucifer, Souverain du Système
de Satania; il obtint l'appui de l'état-major tout entier. En conséquence,
un appel fut lancé à Jérusem d'où revinrent immédiatement des ordres
désignant Caligastia comme souverain suprême d'Urantia et enjoignant une
obéissance absolue et aveugle à ses commandements. C'est en réponse à ce
message stupéfient que le noble Van fit son fameux discours de sept heures
dans lequel il accusait formellement Daligastia, Caligastia, et Lucifer
d'outrager la souveraineté de l'univers de Nébadon; il fit alors appel aux
Très Hauts d'Édentia pour être soutenu et confirmé.
Entre-temps les circuits du système avaient été coupés; Urantia était
isolée. Tous les groupes de vie céleste présents sur la planète se
trouvèrent soudain isolés sans préavis, c'est-à-dire totalement privés de
tous avis et conseils extérieurs.
Daligastia proclama officiellement Caligastia « Dieu d'Urantia et
suprême au dessus de tout ». Avec cette proclamation, les dés étaient
jetés; chaque groupe se retira et commença ses délibérations, discussions
destinées finalement à déterminer le sort de toutes les personnalités
supra-humaines sur la planète.
Des séraphins et des chérubins et d'autres êtres célestes furent
impliqués dans les décisions de cette lutte implacable, de ce long et
coupable conflit. De nombreux groupes supra-humains qui se trouvaient par
hasard sur Urantia au moment de son isolement y furent retenus et, à
l'instar des séraphins et de leurs associés, contraints de choisir entre
le péché et la droiture -- entre les voies de Lucifer et la volonté du
Père invisible.
La bataille se poursuivit pendant plus de sept ans. Tant que chaque
personnalité touchée n'eut pas pris sa décision définitive, les autorités
d'Édentia ne voulurent pas interférer et n'intervinrent pas. C'est alors
seulement que Van et ses associés loyaux reçurent leur justification et
furent dégagés de leur longue anxiété et de leur intolérable incertitude.
3. -- LES SEPT ANNÉES DÉCISIVES
La nouvelle que la rébellion avait éclaté sur Jérusem, capitale de
Satania, fut télédiffusée par le conseil des Melchizédeks. Les
Melchizédeks chargés des affaires urgentes furent immédiatement envoyés à
Jérusem, et Gabriel se porta volontaire pour représenter le Fils Créateur
dont l'autorité avait été mise au défi. En même temps que l'annonce de
l'état de rébellion dans Satania, le système fut mis en quarantaine, isolé
de ses systèmes frères. Il y eut « guerre dans le ciel (1) » (dans le
quartier général de Satania) et elle s'étendit à toutes les planètes du
système local.
(1) Apocalypse XII-7.
Sur Urantia, quarante membres de l'état-major corporel des cent (y
compris Van) refusèrent de se joindre à l'insurrection. De nombreux
assistants humains (modifiés et autres) de l'état-major furent également
de nobles et braves défenseurs de Micaël et du gouvernement de son
univers. Il y eut une terrible perte de personnalités parmi les séraphins
et les chérubins. Près de la moitié des séraphins administratifs et des
séraphins provisoirement attachés à la planète firent cause commune avec
leur chef et avec Daligastia pour défendre la cause de Lucifer. 40.119
médians primaires se joignirent à Caligastia, mais les 9.881 autres
restèrent fidèles à leur mission.
Le Prince félon mit en place les médians déloyaux et d'autres groupes
de personnalités rebelles, et les organisa pour exécuter ses ordres,
tandis que Van rassemblait les médians loyaux et d'autres groupes fidèles
et commençait la grande bataille pour sauver l'état-major planétaire et
les autres personnalités célestes bloquées sur Urantia.
Durant la lutte, les loyalistes s'installèrent dans un établissement
peu protégé et sans remparts situé à quelques kilomètres à l'est de
Dalamatia, mais leurs habitations étaient gardées jour et nuit par les
médians loyaux toujours vigilants et attentifs, et ils avaient en leur
possession l'inestimable arbre de vie.
Lors de l'éclatement de la rébellion, des chérubins et des séraphins
loyaux, aidés de trois médians fidèles, assurèrent la garde de l'arbre de
vie et permirent seulement aux quarante loyalistes de l'état-major et à
leurs associés humains modifiés d'avoir accès aux fruits et aux feuilles
de cette plante énergétique. Ces Andonites modifiés associés à Van étaient
au nombre de cinquante-six; seize autres qui avaient suivi l'état-major
déloyal refusèrent d'entrer en rébellion avec leurs maîtres.
Au long des sept années décisives de la rébellion de Caligastia, Van se
consacra totalement à prendre soin de son armée loyale d'hommes, de
médians, et d'anges. La clairvoyance spirituelle et la constance morale
qui permirent à Van de conserver cette attitude inébranlable de loyauté
envers le gouvernement de l'univers étaient le produit d'une pensée
claire, d'un raisonnement sage, d'un jugement logique, d'une motivation
sincère, d'un dessein généreux, d'une loyauté intelligente, d'une mémoire
expérientielle, d'un caractère discipliné, et d'une personnalité consacrée
sans réserve à faire la volonté du Père paradisiaque.
Ces sept années d'attente furent un temps d'examen de conscience et de
discipline de l'âme. De pareilles crises dans les affaires de l'univers
démontrent la prodigieuse influence de la pensée comme facteur de choix
spirituel. Education, formation, et expérience sont des facteurs vitaux
dans la plupart des décisions de toute créature morale évolutionnaire,
mais il est parfaitement possible à l'esprit intérieur d'entrer en contact
direct avec les pouvoirs qui déterminent les décisions de la personnalité
humaine et de permettre ainsi à la volonté totalement consacrée de la
créature d'accomplir des actes stupéfiants de dévotion loyale à la volonté
et aux voies du Père céleste. C'est précisément ce qui arriva dans
l'expérience d'Amadon, l'associé humain modifié de Van.
Amadon est le héros humain le plus remarquable de la rébellion de
Lucifer. Ce descendant mâle d'Andon et de Fonta fut l'un des cent mortels
qui avaient apporté leur plasma vivant à l'état-major du Prince, et il ne
cessa pas, depuis cet événement, d'être attaché à Van à titre d'associé et
d'assistant humain. Amadon choisit de rester aux côtés de son chef pendant
toute cette longue lutte éprouvante; ce fut un spectacle vivifiant de voir
cet enfant des races évolutionnaires demeurer insensible aux sophismes de
Daligastia, tandis qu'au cours des sept années de la lutte Van et ses
associés loyaux résistaient avec une fermeté inébranlable à tous les
enseignements trompeurs du brillant Caligastia.
Caligastia, avec un maximum d'intelligence et une vaste expérience des
affaires de l'univers, s'égara -- il embrassa le péché. Amadon, avec un
minimum d'intelligence et une absence totale d'expérience universelle,
resta opiniâtrement au service de l'univers et fidèle à son associé. Van
employa à la fois sa pensée et son esprit dans une magnifique et efficace
combinaison de résolution intellectuelle et de perspicacité spirituelle;
il atteignit ainsi le niveau expérientiel d'épanouissement de la
personnalité de l'ordre le plus élevé auquel on puisse parvenir. Quand la
pensée et l'esprit sont pleinement unis, ils ont le potentiel nécessaire
pour créer des valeurs supra-humaines, voire même des réalités
morontielles.
On pourrait raconter indéfiniment les événements sensationnels de ces
jours tragiques, mais enfin la dernière personnalité en jeu prit sa
décision définitive, et alors, mais alors seulement, un Très Haut d'Édentia
arriva en compagnie des Melchizédeks chargés des problèmes d'urgence pour
se saisir de l'autorité sur Urantia. Les annales panoramiques du règne de
Caligastia furent effacées sur Jérusem et la période probatoire de la
réhabilitation planétaire commença.
4. -- LES CENT DE CALIGASTIA APRÈS LA RÉBELLION
Après avoir procédé à l'appel nominatif final, on constata que les
membres corporels de l'état-major du prince s'étaient répartis comme suit:
Van et tous les membres de son tribunal coordonnateur étaient restés
loyaux. Ang et trois membres du conseil de l'alimentation avaient survécu.
Tout le conseil de la domestication des animaux avait rejoint la
rébellion, ainsi que tous les consultants chargés de la protection contre
les bêtes de proie. Fad et cinq membres du collège d'enseignement étaient
sauvés. Nod et toute la commission de l'industrie et du commerce avaient
suivi Caligastia. Hap et tout le collège de la religion révélée restaient
loyaux à Van et à son noble groupe. Lut et tout le conseil de la santé
étaient perdus. Le conseil de l'art et de la science resta loyal dans sa
totalité mais Tut et tous les membres de la commission des gouvernements
tribaux s'égarèrent. Sur les cent, quarante étaient donc sauvés. Ils
furent transférés plus tard sur Jérusem, d'où ils reprirent leur périple
vers le Paradis.
Les soixante membres de l'état-major planétaire qui prirent parti pour
la rébellion choisirent Nod pour chef. Ils travaillèrent de tout coeur
pour le Prince rebelle, mais s'aperçurent bientôt qu'ils étaient privés,
du soutien des circuits vitaux du système. Ils prirent conscience du fait
qu'ils avaient été rabaissés au statut des êtres mortels. Ils étaient
certes surhumains, mais en même temps matériels et mortels. Dans un effort
pour accroître leur nombre, Daligastia ordonna un recours immédiat à la
reproduction sexuée, sachant parfaitement que les soixante membres
originels de l'état-major qui l'avaient suivi et leurs quarante-quatre
associés andoniques modifiés étaient condamnés à mourir tôt ou tard. Après
la chute de Dalamatia, l'état-major déloyal émigra vers le nord et vers
l'est. Les descendants de ses membres furent connus longtemps sous le nom
de Nodites, et leur lieu d'habitation comme « pays de Nod »(1).
(1) Genèse IV-16.
La présence de ces extraordinaires surhommes et super-femmes,
abandonnés par suite de la rébellion et s'unissant bientôt aux fils et aux
filles de la terre, donna aisément naissance aux histoires traditionnelles
des dieux descendant du ciel pour s'unir aux mortels. Telle fut l'origine
des mille et une légendes de nature mythique, mais fondées sur les faits
consécutifs à la rébellion, qui prirent place plus tard dans les contes et
les traditions folkloriques de divers peuples dont les ancêtres étaient
entrés en contact avec les Nodites et leurs descendants.
Privés de subsistance spirituelle, les rebelles de l'état-major
moururent finalement de mort naturelle. Une grande part de l'idolâtrie
ultérieure des races humaines doit son origine au désir de perpétuer le
souvenir de ces êtres hautement honorés à l'époque de Caligastia.
Au moment de leur arrivée sur Urantia, les cent de l'état-major avaient
été temporairement détachés de leurs Ajusteurs de Pensée. Immédiatement
après l'arrivée des syndics Melchizédeks, les personnalités loyales (à
l'exception de Van) furent renvoyées à Jérusem et réunies à leurs
Ajusteurs en attente. Nous ne connaissons pas le sort des soixante
rebelles de l'état-major; leurs Ajusteurs demeurent toujours sur Jérusem.
Les choses resteront sans doute en l'état jusqu'à ce que l'ensemble de la
rébellion de Lucifer ait été définitivement jugé et que l'on ait statué
sur le sort de tous ses participants.
Il était très difficile à des êtres comme les anges et les médians de
concevoir que de brillants dirigeants de confiance comme Caligastia et
Daligastia puissent s'égarer -- commettre un péché perfide. Ces êtres qui
succombèrent au péché -- ils n'entrèrent pas en rébellion délibérément ni
de façon préméditée -- furent fourvoyés par leurs supérieurs, abusés par
les chefs en qui ils avaient confiance. Il était également facile de
gagner le soutien des mortels évolutionnaires à mentalité primitive.
En grande majorité, les êtres humains et surhumains qui furent victimes
de la rébellion de Lucifer sur Jérusem et sur les différentes planètes
induites en erreur se sont depuis longtemps repentis de leur folie. Nous
croyons vraiment que tous ces pénitents sincères seront réhabilités d'une
manière ou d'une autre et réintégrés à une phase déterminée du service de
l'univers quand les Anciens des Jours auront jugé en dernier ressort les
affaires de la rébellion de Satania, ce qu'ils ont récemment entrepris.
5. -- LES RÉSULTATS IMMÉDIATS DE LA RÉBELLION
Une grande confusion régna dans Dalamatia et aux alentours pendant près
de cinquante ans après l'instigation de la rébellion. Une tentative fut
faite pour réorganiser radicalement et complètement le monde entier; la
révolution prit la place de l'évolution en tant que politique de progrès
culturel et d'amélioration raciale. Un progrès soudain du niveau culturel
apparut parmi les éléments supérieurs et partiellement éduqués résidant à
Dalamatia ou dans le voisinage, mais quand on essaya d'appliquer ces
nouvelles méthodes radicales aux peuplades éloignées, il en résulta
immédiatement un désordre indescriptible et un pandémonium racial. La
liberté fut rapidement transformée en licence par les hommes primitifs à
moitié évolués de cette époque.
Très tôt après la rébellion, tout l'état-major séditieux se trouva
engagé dans une défense énergique de la ville contre les hordes de
demi-sauvages qui assiégeaient ses murs en application des doctrines de
liberté qui leur avaient été prématurément enseignées. Des années avant
que le magnifique quartier général fût englouti par les vagues des mers du
sud, les tribus mal dirigées et mal instruites de l'arrière-pays de
Dalamatia s'étaient déjà abattues dans un assaut sauvage sur la ville
splendide, chassant vers le nord l'état-major de la sécession et ses
associés.
Le plan de Caligastia pour reconstruire immédiatement la société
humaine selon ses idées sur les libertés individuelles et collectives se
révéla rapidement un échec plus ou moins complet. La société s'effondra
vite à son ancien niveau biologique, et la lutte pour le progrès dut
recommencer entièrement à partir d'un point à peine plus avancé qu'au
début du régime de Caligastia, car le soulèvement avait aggravé l'état de
confusion dans le monde.
Cent soixante-deux ans après la rébellion, un raz de marée balaya
Dalamatia; le quartier général planétaire s'enfonça au-dessous du niveau
de la mer et n'émergea plus avant la disparition de presque tous les
vestiges de la noble culture de ces âges splendides.
Quand la première capitale du monde fut engloutie, elle n'abritait que
des types inférieurs des races Sangik d'Urantia, des rénégats qui avaient
converti le temple du Père en un sanctuaire dédié à Nod, le faux dieu de
la lumière et du feu.
6. -- VAN - L'INÉBRANLABLE
Les partisans de Van se retirèrent de bonne heure dans les hautes
terres de l'ouest de l'Inde, où ils furent à l'abri des attaques lancées
par les races en pleine confusion des basses terres. De ce lieu de
retraite, ils songèrent à préparer la réhabilitation du monde, comme leurs
antiques prédécesseurs Badonites avaient jadis inconsciemment travaillé au
bien-être de l'humanité juste avant la naissance des tribus Sangik.
Avant l'arrivée des syndics Melchizédeks, Van confia la gestion des
affaires humaines à dix commissions de quatre membres chacune, commissions
identiques à celles du régime du Prince. Les Porteurs de Vie résidents les
plus anciens assurèrent la présidence temporaire de ce conseil de
quarante, qui fonctionna pendant les sept années d'attente. Des groupes
semblables d'Amadonites se chargèrent de ces responsabilités quand les
trente-neuf membres loyaux de l'état-major retournèrent à Jérusem.
Ces Amadonites descendaient du groupe de 144 Andonites loyaux auquel
appartenait Amadon, et auxquels il donna son nom. Ce groupe comprenait
trente-neuf hommes et cent cinq femmes. Sur ce nombre, cinquante-six
avaient un statut d'immortalité et, à l'exception d'Amadon, ils furent
tous transférés avec les membres loyaux de l'état-major. Les éléments
restants de ce noble groupe continuèrent leur oeuvre sur terre jusqu'à la
fin de leur incarnation, sous la direction de Van et d'Amadon. Ils
formèrent le levain biologique qui se multiplia et continua d'assurer la
direction du monde pendant les longs âges ténébreux qui suivirent la
rébellion.
Van fut laissé sur Urantia jusqu'à l'arrivée d'Adam et y demeura le
chef en titre de toutes les personnalités supra-humaines opérant sur la
planète. Amadon et lui furent sustentés pendant plus de cent cinquante
mille ans par la technique de l'arbre de vie en liaison avec le ministère
de vie spécialisé des Melchizédeks.
Les affaires d'Urantia furent longtemps administrées par un conseil de
syndics planétaires, douze Melchizédeks confirmés par ordre du chef doyen
de la constellation, le Très Haut Père de Norlatiadek. Les syndics
Melchizédeks étaient assistés d'un comité consultatif consistant en: un
des aides loyaux du Prince déchu, les deux Porteurs de Vie résidents, un
Fils Trinitisé faisant son apprentissage, un Fils instructeur volontaire,
une Brillante Étoile du Soir venant périodiquement d'Avalon, les chefs des
séraphins et des chérubins, des conseillers venus de deux planètes
voisines, le directeur général de la vie angélique subalterne, et Van,
commandant en chef des médians. C'est ainsi qu'Urantia fut gouvernée et
administrée jusqu'à l'arrivée d'Adam. Il n'y a rien d'étrange à ce qu'une
place ait été assignée au loyal et courageux Van dans le conseil des
syndics planétaires qui administra pendant si longtemps les affaires d'Urantia.
Les douze syndics Melchizédeks d'Urantia firent une oeuvre héroïque.
Ils préservèrent les restes de la civilisation, et leur politique
planétaire fut fidèlement exécutée par Van. Moins de mille ans après la
rébellion, Van avait disséminé plus de trois cent cinquante groupes
pionniers dans le monde. Ces avant-postes de la civilisation consistaient
largement en descendants des Andonites loyaux légèrement croisés de races
Sangik (particulièrement d'hommes bleus) et de Nodites.
Malgré le terrible recul provoqué par la rébellion, il restait sur
terre beaucoup de bonnes lignées biologiquement prometteuses. Sous le
contrôle supérieur des syndics Melchizédeks, Van et Amadon continuèrent
leur oeuvre. Ils encouragèrent l'évolution naturelle de la race humaine,
faisant progresser l'évolution physique des hommes jusqu'au point
culminant justifiant l'envoi d'un Fils et d'une Fille Matériels sur
Urantia.
Van et Amadon restèrent sur terre jusqu'à l'arrivée d'Adam et d'Eve.
Quelques années après, ils furent transférés à Jérusem, où Van fut réuni à
son Ajusteur qui l'attendait. Van sert maintenant pour le compte d'Urantia
en attendant l'ordre de reprendre le long, long chemin vers la perfection
du Paradis et vers la destinée non-révélée du Corps des Mortels de la
Finalité en voie d'assemblement.
Il convient de noter qu'au moment où Van fit appel aux Très Hauts d'Édentia,
après que Lucifer eut soutenu Caligastia sur Urantia, les Pères de la
Constellation notifièrent immédiatement une décision appuyant Van sur tous
les points en litige. Ce verdict ne réussit pas à atteindre Van parce que
les circuits planétaires de communication furent coupés pendant sa
transmission. C'est tout récemment que ce jugement tangible fut découvert
en possession d'un transmetteur d'énergie relayée chez qui il avait été
bloqué depuis l'isolement d'Urantia. Sans cette découverte faite à la
suite des recherches des médians d'Urantia, la remise de cette décision
aurait attendu le rétablissement d'Urantia dans les circuits de la
constellation. Cet accident apparent dans les communications
interplanétaires était possible parce que les transmetteurs d'énergie
peuvent recevoir et transmettre l'intelligence, mais ne peuvent prendre
l'initiative des communications.
Le statut technique de Van dans les annales juridiques de Satania ne
fut pas effectivement et définitivement établi avant l'enregistrement sur
Jérusem du jugement des Pères d'Édentia.
7. -- LES RÉPERCUSSIONS LOINTAINES DU PÉCHÉ
Les conséquences personnelles (centripètes) du rejet volontaire et
persistant de la lumière par une créature sont à la fois inévitables et
individuelles; elles n'intéressent que la Déité et la créature en
question. Cette récolte d'iniquité destructrice de l'âme est la moisson
intérieure de la créature volitive inique.
Il n'en est pas de même pour les répercussions externes du péché. Les
conséquences impersonnelles (centrifuges) du péché commis sont inévitables
et collectives, et touchent toutes les créatures qui vivent dans la zone
affectée par ces événements.
Cinquante mille ans après l'effondrement de l'administration
planétaire, les affaires terrestres étaient si désorganisées et retardées
que la race humaine avait très peu gagné par rapport au statut
évolutionnaire général existant au moment de l'arrivée de Caligastia trois
cent cinquante mille ans auparavant. À certains égards, des progrès
avaient été accomplis, à d'autres, beaucoup de terrain avait été perdu.
Le péché n'est jamais purement localisé dans ses effets. Les secteurs
administratifs de l'univers sont des organismes; la condition d'une
personnalité doit dans une certaine mesure être partagée par tous. Le
péché étant un comportement de la personne vis-à-vis de la réalité, il est
destiné à faire apparaître sa moisson inhérente négative sur tous les
niveaux connexes de valeurs universelles. Mais les pleines conséquences
des idées erronées, des mauvaises actions, ou des projets entachés de
péché sont subies seulement au niveau de l'accomplissement proprement dit.
La transgression de la loi de l'univers peut être fatale dans le domaine
physique sans impliquer sérieusement la pensée ni porter atteinte à
l'expérience spirituelle. Le péché n'est chargé de conséquences fatales
pour la survie de la personnalité que s'il représente le comportement de
l'être tout entier, le choix de sa pensée et la volonté de son âme.
Le mal et le péché ont des conséquences dans les domaines matériels et
sociaux et peuvent même parfois retarder le progrès spirituel sur certains
niveaux de réalité universelle, mais le péché d'un être quelconque ne
dérobe jamais à un autre le droit divin de parvenir à la survie de la
personnalité. La survivance éternelle ne peut être mise en péril que par
les décisions de la pensée et le choix de l'âme de l'intéressé lui-même.
Le péché commis sur Urantia ne retarda presque pas l'évolution
biologique, mais il eut pour effet de priver les races humaines du plein
bénéfice de l'héritage adamique. Le péché retarde énormément le
développement intellectuel, la croissance morale, le progrès social, et
l'aboutissement spirituel des masses. Il n'empêche pas un individu qui
choisit de connaître Dieu et d'accomplir sincèrement la volonté divine
d'atteindre la plus haute spiritualité.
Caligastia se rebella, Adam et Eve firent défaut, mais nulle personne
née ensuite sur Urantia n'a souffert de ces erreurs dans son expérience
spirituelle individuelle. Tous les mortels nés sur Urantia depuis la
rébellion de Caligastia ont été quelque peu pénalisés dans le temps, mais
le bonheur futur de leurs âmes n'a jamais été le moins du monde compromis
dans l'éternité. Nul ne subit jamais une privation spirituelle essentielle
à cause du péché d'autrui. Le péché est pleinement personnel pour ce qui
est de la culpabilité morale ou des conséquences spirituelles, nonobstant
ses profondes répercussions dans le domaine social, intellectuel, et
administratif.
Nous ne pouvons sonder la sagesse qui permet de telles catastrophes,
mais nous pouvons toujours discerner les effets bénéfiques des troubles
locaux quand ils se reflètent sur l'ensemble de l'univers.
8. -- LE HÉROS HUMAIN DE LA RÉBELLION
Bien des êtres courageux s'opposèrent à la rébellion de Lucifer sur les
divers mondes de Satania, mais les annales de Salvington décrivent Amadon
comme le caractère le plus remarquable de tout le système à cause de sa
glorieuse résistance au raz de marée de la sédition et de son inébranlable
dévotion à Van -- ils restèrent tous deux inflexibles dans leur loyauté
envers la suprématie du Père invisible et de son Fils Micaël.
Au moment où se produisirent ces événements mémorables, j'occupais un
poste sur Édentia et j'ai toujours conscience de la profonde joie que
j'éprouvais en prenant connaissance des messages de Salvington qui nous
rapportaient jour après jour l'incroyable opiniâtreté, la dévotion
transcendante, et la merveilleuse loyauté de ce descendant jadis à moitié
sauvage de la branche originelle et expérimental de la race andonique.
D'Édentia jusqu'à Uversa en passant par Salvington, pendant sept
longues années, la première question de tous les êtres célestes
subordonnés au sujet de la rébellion de Satania était encore et toujours:
« Que devient Amadon d'Urantia? Tient-il toujours bon?»
Si la rébellion de Lucifer a handicapé le système local et ses mondes
déchus, si la perte de Caligastia et de ses associés égarés a freiné
temporairement le progrès de la constellation de Norlatiadek, considérez
par contre l'effet produit par l'immense retentissement de la conduite
inspirante de cet étonnant enfant de la nature et du groupe résolu de ses
143 compagnons qui luttèrent inébranlablement pour les concepts les plus
élevés de gestion et d'administration de l'univers contre la formidable
pression adverse exercée par leurs supérieurs déloyaux. Permettez-moi de
vous assurer que cet exploit a déjà fait plus de bien dans l'univers de
Nébadon et le superunivers d'Orvonton que le total du mal et des malheurs
créés par la rébellion de Lucifer.
Cette aventure éclaire magnifiquement et d'une manière émouvante la
sagesse du plan universel du Père pour mobiliser le Corps de la Finalité
Humaine au Paradis et recruter en grande partie ce vaste groupe de
mystérieux serviteurs de l'avenir dans l'argile commune des mortels en
progression ascendante -- précisément des mortels semblables à
l'inébranlable Amadon.
[Présenté par un Melchizédek de Nébadon.]
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