L'ÉVOLUTION DU GOUVERNEMENT HUMAIN
À peine l'homme eut-il partiellement résolu le problème de sa
subsistance qu'il fut confronté par la tâche d'organiser les contacts
humains. Le développement de l'industrie exigeait des lois, de l'ordre, et
une mise au point sociale; la propriété privée nécessitait un
gouvernement.
Dans un monde évolutionnaire, les antagonismes sont naturels, la paix
ne s'assure que par un système social régulateur. Les règlements publics
sont inséparables de l'organisation sociale; une association implique une
autorité qui commande. Le gouvernement oblige à coordonner les
antagonismes entre tribus, clans, familles, et individus.
Le gouvernement est un développement inconscient; il évolue par
tâtonnements. Il possède une valeur de survie, et en conséquence il
devient traditionnel. L'anarchie accroît la misère; c'est pourquoi les
gouvernements (la loi et l'ordre relatifs) émergèrent lentement ou sont en
train d'apparaître. Les exigences coercitives de la lutte pour l'existence
ont littéralement poussé la race humaine sur la route progressive de la
civilisation.
1. -- LA GENÈSE DE LA GUERRE
La guerre est l'état naturel et l'héritage de l'homme en évolution; la
paix est l'étalon social mesurant le développement de la civilisation.
Avant que les races en progrès n'aient été partiellement organisées au
point de vue social, l'homme était très individualiste, extrêmement
méfiant, et querelleur à un point incroyable. La violence est la loi de la
nature, l'hostilité est la réaction automatique des enfants de la nature,
tandis que la guerre représente ces mêmes activités poursuivies
collectivement. Dans toutes les circonstances où le tissu dont est fait la
civilisation est soumis à des tensions à cause des complications découlant
du progrès de la société, il se produit toujours un retour immédiat et
ruineux à ces méthodes initiales pour ajuster par la violence les
frictions provenant des relations entre humains.
La guerre est une réaction animale contre les malentendus et les
irritations; la paix accompagne la solution civilisée de tous ces
problèmes et difficultés. Les races Sangik, ainsi que les Adamites et les
Nodites ultérieurement dégénérés, étaient tous belliqueux. Les Andonites
apprirent de bonne heure la règle d'or; aujourd'hui encore leurs
descendants, les Esquimaux, vivent principalement selon ce code; les
coutumes sont tenaces parmi eux, et ils sont relativement exempts
d'antagonismes violents.
Andon apprit à ses enfants à résoudre leurs litiges en les faisant
frapper chacun un arbre avec un bâton tout en maudissant l'arbre; le
premier dont le bâton cassait était proclamé vainqueur. Plus tard, les
Andonites réglèrent leurs différends en organisant des séances publiques
au cours desquelles les adversaires se raillaient et se ridiculisaient
mutuellement, tandis que l'auditoire désignait le vainqueur par
acclamations.
Mais le phénomène de la guerre ne pouvait apparaître avant que la
société ait assez évolué pour expérimenter effectivement des périodes de
paix et sanctionner des pratiques guerrières. Le concept même de la guerre
implique un certain degré d'organisation.
Après l'apparition de groupements sociaux, les irritations
individuelles commencèrent à se fondre dans les sentiments collectifs, et
ceci favorisa la tranquillité à l'intérieur des tribus, mais aux dépens de
la paix entre tribus. La paix fut donc d'abord la prérogative du groupe
interne, ou tribu, qui détestait et haïssait toujours le groupe externe,
les étrangers. Les hommes considéraient comme louable de verser le sang
étranger.
Même ceci ne réussit pas au début. Quand les premiers chefs essayèrent
d'aplanir des malentendus, ils se virent souvent obligés d'autoriser, au
moins une fois par an, des combats à coups de pierre dans la tribu. Les
membres du clan se divisaient en deux groupes et se lançaient dans une
bataille qui durait toute la journée, sans aucune autre raison que de
s'amuser; ils aimaient réellement se battre.
La guerre subsiste parce que l'homme descend de l'animal par évolution,
et que tous les animaux sont belliqueux. Parmi les premières causes de
guerre, on compte:
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1. La faim, qui conduit à des razzias sur la
nourriture. La rareté des terres a toujours amené la guerre, et au
cours de ces luttes, les premières tribus pacifiques furent
pratiquement exterminées. |
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2. La pénurie de femmes -- une tentative pour
suppléer à l'insuffisance d'aide domestique. Le rapt des femmes a
toujours provoqué la guerre. |
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3. La vanité -- le désir d'exhiber les
prouesses de la tribu. Les groupes supérieurs combattaient pour
imposer leur mode de vie aux peuples inférieurs. |
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4. Les esclaves -- le besoin de recrues pour
la main-d'oeuvre. |
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5. La vengeance constituait le motif de guerre quand
une tribu croyait qu'une autre tribu voisine avait occasionné la
mort d'un des siens. Le deuil se prolongeait jusqu'à ce qu'une tête
fut rapportée. La guerre de vengeance fut considérée comme justifiée
jusqu'à une époque relativement moderne. |
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6. Le délassement -- la guerre était
envisagée comme une récréation par les jeunes de ces temps reculés.
Quand il n'y avait pas de prétexte assez bon et suffisant pour
déclencher une guerre, quand la paix devenait déprimante, les tribus
voisines avaient l'habitude de faire des sorties de combat
semi-amical afin de passer des vacances en incursions, de jouir d'un
simulacre de bataille. |
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7. La religion -- le désir de convertir à un
culte. Toutes les religions primitives sanctionnaient la guerre.
C'est seulement tout récemment que la religion a commencé à la
désapprouver. Malheureusement, l'ancien clergé était en général
allié aux puissances militaires. L'une des grandes mesures des âges
pour la paix fut la tentative de séparer l'Eglise de l'Etat. |
Les anciennes tribus faisaient toujours la guerre à la demande de leurs
dieux, sur ordre de leurs chefs ou de leurs sorciers. Les Hébreux
croyaient en un tel « Dieu des batailles » (1) ; l'histoire de leur raid
contre les Madianites (2) est un récit typique de la cruauté atroce des
anciennes guerres de tribus; cette attaque, avec le massacre de tous les
mâles et la tuerie subséquente de tous les enfants mâles ainsi que de
toutes les femmes qui n'étaient pas vierges, aurait fait honneur aux
moeurs d'un chef de tribu d'il y a deux cent mille ans. Et tout ceci fut
accompli au « nom du Seigneur Dieu d'Israël ».
Le présent récit décrit l'évolution de la société -- la solution
naturelle des problèmes des races -- l'homme élaborant sa propre destinée
sur terre. Ces atrocités ne furent pas commises à l'instigation de la
Déité, nonobstant la tendance des hommes à en faire porter la
responsabilité à leurs dieux.
La miséricorde militaire a été lente à se manifester dans l'humanité.
Même pendant qu'une femme, Débora, régnait sur les Hébreux, la cruauté en
masse persista. Lors de sa victoire sur les Gentils, le commandant des
troupes de Débora fit « passer toute l'armée au fil de l'épée; il n'en
subsista pas un seul » (3).
Très tôt dans l'histoire de la race, on employa des armes empoisonnées.
Toutes sortes de mutilations furent pratiquées. Saül n'hésita pas à
réclamer cent prépuces de Philistins comme dot à payer par David pour sa
fille Mical (4).
Les premières guerres eurent lieu entre tribus entières, mais plus
tard, lorsque deux individus appartenant à des tribus différentes avaient
une dispute, ils se battaient en duel au lieu d'entraîner les deux tribus
dans une bataille générale. La coutume s'établit également pour deux
armées de tout miser sur l'issue d'un combat entre deux représentants
choisis de part et d'autre, comme ce fut le cas pour David et Goliath (5).
Le premier adoucissement de la guerre consista à faire des prisonniers.
Puis les femmes furent exemptées des hostilités, et ensuite vint la
récognition des non-combattants. Des castes militaires et des armées
permanentes se développèrent bientôt pour marcher de pair avec la
complexité croissante du combat. De bonne heure il fut interdit aux
guerriers de s'adjoindre des femmes; ces dernières avaient depuis
longtemps cessé de combattre, bien qu'elles aient toujours nourri et
soigné les soldats et les aient exhortés à se battre.
La pratique de déclarer la guerre représenta un grand progrès. Ces
déclarations d'intention de se battre dénotaient l'avènement d'un sens de
loyauté qui fut suivi par le développement graduel des règles de la guerre
«civilisée ». Très tôt l'usage s'établit de ne pas combattre près des
lieux consacrés à la religion et, plus tard, de ne point se battre pendant
certains jours sanctifiés. Ensuite vint la reconnaissance générale du
droit d'asile; les réfugiés politiques reçurent une protection.
La guerre évolua ainsi graduellement de la primitive chasse à l'homme
au système plus ordonné des nations « civilisées » plus récentes.
Cependant, le comportement social d'amitié ne remplaça que lentement celui
d'inimitié.
(1) Isaïe LIV-5. |
(2) Nombres XXXI-1 à 20. |
(3) Juges IV-16. |
(4) 1 Samuel XVIII-25. |
(5) 1 Samuel XVII. |
2. -- LA VALEUR SOCIALE DE LA GUERRE
Dans les âges passés, une guerre féroce provoquait des changements
sociaux et facilitait l'adoption d'idées neuves qui autrement n'auraient
pas vu naturellement le jour en dix mille ans. Le prix terrible payé pour
ces avantages certains consistait en des reculs temporaires de la société
à l'état sauvage; la raison civilisée était forcée d'abdiquer. La guerre
est un médicament puissant, très coûteux, et fort dangereux; elle guérit
souvent certains troubles sociaux, mais parfois elle tue le patient, elle
détruit la société.
La nécessité constante de la défense nationale crée de nombreux
ajustements sociaux nouveaux et progressifs. De nos jours, la société
jouit du bénéfice d'une longue liste d'améliorations utiles qui furent
d'abord uniquement militaires; elle doit même à la guerre la danse, dont
l'une des formes premières était un exercice militaire.
La guerre eut une valeur sociale pour les civilisations du passé parce
qu'elle:
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1. Imposait de la discipline, obligeait à la
coopération. |
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2. Donnait une prime à la force d'âme et au courage. |
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3. Encourageait et renforçait le nationalisme. |
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4. Détruisait les peuples faibles et inaptes. |
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5. Supprimait l'illusion d'égalité primitive, et
stratifiait sélectivement la société. |
La guerre a eu une certaine valeur évolutive et sélective mais, tout
comme l'esclavage, elle doit être un jour abandonnée au cours des lents
progrès de la civilisation. Les guerres d'antan encourageaient les voyages
et les relations culturelles maintenant ces fins sont mieux servies par
les méthodes modernes de transport et de communication. Les guerres de
jadis fortifiaient les nations, mais les luttes modernes disloquent la
culture civilisée. Les guerres anciennes aboutissaient à décimer les
peuples inférieurs; le résultat net des conflits modernes est la
destruction sélective des meilleures souches humaines. Les guerres du
passé favorisaient l'organisation et le rendement, mais ceux-ci sont
maintenant devenus les buts de l'industrie moderne. Au cours des temps
passés, la guerre était un ferment social qui frayait le chemin à la
civilisation; ce résultat s'obtient mieux maintenant par l'ambition et
l'invention. Les guerres anciennes contenaient le concept d'un Dieu des
batailles, mais l'homme moderne a été informé que Dieu est amour. La
guerre a servi bien des desseins utiles dans le passé, elle a été un
échafaudage indispensable pour construire la civilisation, mais elle court
rapidement à sa faillite culturelle -- elle devient totalement incapable
de donner en gains sociaux des dividendes proportionnés aux pertes
terribles qui l'accompagnent.
Jadis, les médecins croyaient à la saignée pour guérir de nombreuses
maladies, mais depuis lors ils ont découvert des remèdes plus efficaces
pour la plupart des cas. De même il faudra certainement que la saignée
internationale de la guerre fasse place à la découverte de meilleures
méthodes pour guérir les maux des nations.
Les nations d'Urantia se sont déjà engagées dans la lutte gigantesque
entre le militarisme nationaliste et l'industrie. Sous bien des rapports,
ce conflit est l'homologue de la lutte séculaire entre les
pâtres-chasseurs et les cultivateurs. Mais si l'industrie doit triompher
du militarisme, elle doit éviter les dangers qui l'assaillent. Les périls
qui menacent l'industrie naissante sur Urantia sont:
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1. La forte tendance au matérialisme, l'aveuglement
spirituel. |
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2. L'adoration de la puissance de la richesse, la
dénaturation des valeurs. |
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3. Les vices attenants au luxe, le manque de
maturité culturelle. |
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4. Les dangers croissants de l'indolence, l'absence
d'esprit de service. |
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5. L'accroissement d'une mollesse raciale
indésirable, la dégénérescence biologique. |
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6. La menace d'esclavage industriel standardisé, la
stagnation de la personnalité. Le travail ennoblit, mais les corvées
abêtissent. |
Le militarisme est autocrate et cruel -- voire sauvage. Il favorise
l'organisation sociale parmi les conquérants, mais il désintègre les
vaincus. L'industrie est plus civilisée et devrait être menée de manière à
encourager les initiatives et l'individualisme. La société devrait
favoriser l'originalité par tous les moyens.
Ne commettez pas l'erreur de glorifier la guerre; discernez plutôt ce
qu'elle a fait pour la société afin de pouvoir imaginer plus exactement le
rôle de ses substituts pour continuer à faire progresser la civilisation.
A défaut de substituts adéquats, vous pouvez être certains que la guerre
continuera encore longtemps.
Les hommes n'accepteront jamais la paix, en tant que mode normal de
vie, avant d'avoir été convaincus entièrement et à maintes reprises que la
paix est ce qu'il y a de mieux pour leur bien-être matériel, et aussi
avant que la société ait sagement fourni des substituts pacifiques à l'une
de leurs tendances inhérentes, celle de laisser périodiquement libre cours
à une poussée collective destinée à libérer les sentiments et les énergies
perpétuellement refoulés provenant des réactions de l'instinct humain de
conservation.
Même sur son déclin, la guerre devrait être honorée en tant qu'école
d'expérience qui a contraint une race d'individualistes arrogants à se
soumettre à une autorité hautement concentrée -- un chef exécutif. La
guerre à l'ancienne mode conduisait à choisir pour chefs les hommes
naturellement éminents, mais la guerre moderne ne le fait plus. La société
doit maintenant se tourner du côté des conquêtes pacifiques: l'industrie,
la science, et les réalisations sociales.
3. -- LES ASSOCIATIONS HUMAINES PRIMITIVES
Dans la société la plus primitive, la horde est tout; même les
enfants lui appartiennent en commun. La famille évoluante remplaça la
horde dans la puériculture, tandis que les clans et tribus émergeants
prenaient sa place en tant qu'unités sociales.
L'appétit sexuel et l'amour maternel instaurent la famille, mais aucun
véritable gouvernement n'apparaît avant que des groupes super-familiaux
aient commencé à se former. Aux temps pré-familiaux de la horde, le
commandement était assuré par des individus choisis sans formalités. Les
Boschimans africains n'ont jamais dépassé ce stade primitif; leurs hordes
n'ont pas de chefs.
Les familles s'unirent par des liens de sang en clans, en assemblées de
parents, et les clans se transformèrent plus tard en tribus, en
communautés territoriales. La guerre et la pression extérieure forcèrent
les clans de parenté à s'organiser en tribus, mais ce furent le commerce
et le négoce qui assurèrent la cohésion de ces groupes primitifs avec un
certain degré de paix intérieure.
La paix sur Urantia sera amenée plutôt par des organisations de
commerce international que par toute la sophistique sentimentale des plans
chimériques de paix. Les relations commerciales ont été facilitées par le
développement du langage et par des méthodes perfectionnées de
transmission des idées, ainsi que par l'amélioration des moyens de
transport.
L'absence d'un langage commun a toujours entravé la croissance des
groupes pacifiques, mais l'argent est devenu le langage universel du
commerce moderne. La cohésion de la société moderne est en grande partie
assurée par le marché industriel. L'appât du gain est un important élément
civilisateur quand le désir de servir s'y ajoute.
Au début, chaque tribu était entourée par des zones concentriques de
peur et de soupçons croissants, d'où l'ancienne coutume de tuer tous les
étrangers et, plus tard, de les réduire en esclavage. La vieille idée
d'amitié signifiait l'adoption dans le clan; on croyait que l'on
continuait à appartenir à son clan après la mort -- ce fut l'un des
premiers concepts de la vie éternelle.
La cérémonie d'adoption consistait à boire le sang l'un de l'autre.
Dans certains groupes on échangeait de la salive au lieu de boire du sang;
ce fut l'origine du baiser conventionnel. Les cérémonies d'association,
qu'elles fussent de mariage ou d'adoption, se terminaient toujours par des
festins.
Plus tard, on employa du sang dilué dans du vin rouge, et finalement on
but seulement du vin pour sceller la cérémonie d'adoption; celle-ci était
notifiée par l'attouchement des coupes de vin et consommée par
l'absorption de la boisson. Les Hébreux employèrent une forme modifiée de
cette cérémonie d'adoption. Leurs ancêtres arabes utilisaient le serment
prêté pendant que la main du candidat reposait sur l'organe génital du
natif de la tribu. Les Hébreux traitèrent les étrangers adoptés avec
bienveillance et fraternité. «L'étranger qui séjourne parmi vous sera pour
vous comme l'Israélite de naissance, et tu l'aimeras comme toi-même » (1).
« L'amitié de l'hôte » était une relation d'hospitalité temporaire.
Quand les invités en visite partaient, on cassait un plat en deux moitiés,
dont l'une était donnée à l'ami partant pour servir d'introduction
appropriée à une tierce personne qui pourrait arriver plus tard en visite.
Il était de règle pour les convives de payer leur écot en racontant des
histoires de leurs voyages et aventures. Les conteurs d'antan devinrent si
populaires que les moeurs finirent par leur interdire d'exercer leurs
talents aux époques de la chasse ou des moissons.
Les premiers traités de paix furent les « liens de sang ». Les
ambassadeurs de paix de deux tribus en guerre se rencontraient, se
rendaient hommage, et ensuite se mettaient à piquer leur peau jusqu'à ce
qu'elle saigne; après quoi ils suçaient mutuellement leur sang et
déclaraient la paix.
Les premières missions de paix consistèrent en des délégations d'hommes
amenant leurs plus belles jeunes filles pour assouvir l'appétit sexuel de
leurs ex-ennemis, cet appétit étant utilisé pour combattre les tendances
belliqueuses. La tribu ainsi honorée rendait la visite, avec son offrande
de jeunes filles; sur quoi la paix était fermement établie et des manages
entre les familles des chefs étaient bientôt sanctionnés.
(1) Lévitique XIX-34.
4. -- CLANS ET TRIBUS
Le premier groupe pacifique fut la famille; vinrent ensuite le clan, la
tribu, et plus tard la nation, qui devint en fin de compte l'Etat
territorial moderne. Le fait que les groupes pacifiques de nos jours se
soient développés depuis longtemps au delà des liens du sang pour englober
des nations est fort encourageant, malgré le fait que les nations d'Urantia
dépensent encore des sommes immenses pour des préparatifs de guerre.
Les clans étaient des groupes liés par le sang, au sein de la tribu.
Ils devaient leur existence à certains intérêts communs, tels que:
|
1. Leur filiation remontant à un ancêtre commun. |
|
2. La fidélité à un totem religieux commun. |
|
3. L'emploi d'un même dialecte. |
|
4. La cohabitation dans une même localité. |
|
5. La crainte des mêmes ennemis, |
|
6. Le partage d'une expérience militaire commune. |
Les chefs des clans étaient toujours subordonnés au chef de la tribu;
les premiers gouvernements tribaux furent une vague confédération de
clans. Les aborigènes australiens n'ont jamais développé une forme tribale
de gouvernement.
Les chefs pacifiques des clans régnaient en général par la ligne
maternelle; les chefs guerriers des tribus établirent la ligne paternelle.
La cour des chefs de tribu et des premiers rois se composait des chefs de
clans. La coutume voulait qu'ils fussent invités plusieurs fois par an à
se présenter devant le roi, ce qui lui permettait de les surveiller et de
mieux s'assurer leur coopération. Les clans jouèrent un rôle très utile
dans les autarchies locales, mais retardèrent considérablement la
croissance de nations grandes et fortes.
5. -- LES DÉBUTS DU GOUVERNEMENT
Toute création humaine a eu un commencement, et le gouvernement civil
est un produit de l'évolution progressive au même titre que le mariage,
l'industrie, et la religion. À partir des premiers clans et des tribus
primitives se développèrent progressivement les régimes successifs de
gouvernement humain qui ont apparu et disparus pour arriver finalement aux
formes de réglementation civile et sociale qui caractérisent le deuxième
tiers du XXième siècle.
Avec l'apparition graduelle des unités familiales, les bases du
gouvernement furent établies par l'organisation du clan, le groupement de
familles consanguines. Le premier véritable corps gouvernemental fut le
conseil des anciens. Ce groupe régulateur se composait d'hommes
âgés qui s'étaient distingués par leur compétence. La sagesse et
l'expérience furent appréciées de bonne heure même par des hommes
barbares, et il s'ensuivit une longue période de domination par les aînés.
Ce règne oligarchique de l'âge se transforma petit à petit en l'idée du
patriarcat.
Les premiers conseils des anciens contenaient le potentiel de toutes
les fonctions gouvernementales: l'exécutif, le législatif, et le
judiciaire. Quand le conseil interprétait les moeurs courantes, il était
un tribunal; quand il établissait de nouveaux modes d'usages sociaux, il
était une assemblée législative; dans la mesure où ces décrets et
promulgations étaient mis en vigueur, il était le pouvoir exécutif. Le
président du conseil des anciens fut un des précurseurs du chef de tribu
subséquent.
Certaines tribus avaient des conseils féminins, et de temps à autre
bien des tribus furent régies par des femmes. Certaines tribus d'hommes
rouges conservèrent l'enseignement d'Onamonalonton en suivant les
décisions unanimes du « conseil des sept ».
Il a été difficile au genre humain d'apprendre que ni la paix ni la
guerre ne peuvent être régies par une assemblée consultative. Les «
palabres » primitives furent rarement utiles. La race apprit de bonne
heure qu'une armée commandée par un groupe de chefs de clans n'avait
aucune chance contre une forte armée n'ayant qu'un seul chef. La guerre a
toujours engendré des rois.
Au début, les chefs militaires furent choisis uniquement pour conduire
la guerre; ils abandonnaient un peu de leur autorité pendant les périodes
de paix où leurs devoirs étaient davantage d'ordre social. Mais peu à peu
ils commencèrent à empiéter sur les intervalles de paix avec tendance à
continuer leur règne d'une guerre à la suivante. Souvent ils veillaient à
ce qu'une guerre ne mit pas trop longtemps à suivre la précédente. Ces
seigneurs guerriers primitifs n'aimaient point la paix.
Plus tard, certains chefs furent choisis pour d'autres raisons que le
service militaire, et sélectionnés à cause de leurs exceptionnelles
qualités physiques ou de leurs remarquables aptitudes personnelles. Les
hommes rouges avaient souvent deux groupes de chefs -- les sachems, ou
chefs de paix, et les chefs militaires héréditaires. Les régents
pacifiques étaient également des juges et des éducateurs.
Quelques-unes des premières communautés furent régies par des sorciers
qui agirent souvent en tant que chefs. Un seul homme exerçait les
fonctions de prêtre, de médecin, et de chef exécutif. Les premiers
insignes royaux avaient très souvent commencé par être des symboles ou des
emblèmes de vêtements sacerdotaux.
Ce fut par ces étapes que la branche exécutive du gouvernement prit
graduellement corps. Les conseils des clans et des tribus continuaient
leur activité à titre consultatif et en tant que précurseurs des
départements législatif et judiciaire qui apparurent plus tard. En
Afrique, de nos jours, toutes ces formes de gouvernement primitif existent
effectivement parmi les diverses tribus.
6. -- LE GOUVERNEMENT MONARCHIQUE
Un gouvernement d'Etat efficace n'apparut qu'avec l'arrivée d'un chef
ayant pleine autorité exécutive. Les hommes découvrirent que l'on ne peut
avoir de gouvernement efficace qu'en conférant le pouvoir à une
personnalité, et non en sou tenant une idée. Le gouvernement prit
naissance dans l'idée de l'autorité ou de la richesse des familles. Quand
un roitelet patriarcal de venait un véritable roi, on l'appelait parfois «
père de son peuple ». Plus tard, on crut que les rois étaient issus de
héros. Plus tard encore, le pouvoir devint héréditaire parce que l'on
croyait à l'origine divine des rois.
La royauté héréditaire empêchait l'anarchie qui avait précédemment sévi
entre la mort d'un roi et l'élection de son successeur, et provoqué des
catastrophes. La famille avait un chef biologique et le clan un chef
naturel sélectionné, mais la tribu et plus tard l'Etat n'avaient pas de
chef naturel; ce fut un motif supplémentaire pour rendre héréditaires les
pouvoirs des rois-chefs. L'idée des familles royales et de l'aristocratie
fut également fondée sur la coutume de « posséder un nom » dans les clans.
La succession des rois fut finalement considérée comme surnaturelle. On
crut que le sang royal remontait à l'époque où se matérialisa l'état-major
du Prince Caligastia. Les rois devinrent ainsi des personnages fétiches et
furent démesurément craints; une forme spéciale de langage fut adoptée à
l'usage de la cour. Encore récemment, on a cru que l'attouchement des rois
guérissait les maladies, et certains peuples d'Urantia considèrent encore
que leurs souverains ont une origine divine.
Le roi-fétiche d'antan était souvent gardé dans l'isolement; on le
considérait comme trop sacré pour être vu, sauf pendant les jours fériés
ou saints. On choisissait ordinairement un représentant pour le
personnifier; c'est à l'origine des premiers ministres. Le premier chef de
cabinet fut un administrateur des aliments; d'autres ne tardèrent pas à
suivre. Les souverains nommèrent bientôt des représentants chargés du
commerce et de la religion; le développement des cabinets ministériels fut
une mesure directe pour dépersonnaliser l'autorité exécutive. Les adjoints
des premiers rois formèrent la noblesse attitrée, et l'épouse du roi fut
graduellement élevée à la dignité de reine à mesure que les femmes en
vinrent à être plus estimées.
Des souverains sans scrupules acquirent de grands pouvoirs par la
découverte de poisons. La magie pratiquée dans les premières cours était
diabolique; les ennemis du roi mouraient bientôt. Toutefois les tyrans,
même les plus despotes, étaient assujettis à certaines restrictions; ils
étaient au moins freinés par la peur toujours présente d'être assassinés.
Les sorciers, les médecins magiciens, et les prêtres ont toujours
puissamment freiné les rois. Par la suite, l'aristocratie des
propriétaires fonciers exerça une influence restrictive, et de temps à
autre les clans et tribus se soulevaient tout simplement et renversaient
leurs despotes et tyrans. Quand les souverains déposés étaient condamnés à
mort, on leur accordait souvent le choix de se suicider, d'où l'origine de
l'ancienne popularité du suicide en certaines circonstances.
7. -- LES CLUBS PRIMITIFS ET LES SOCIÉTÉS SECRÈTES
Les liens du sang déterminèrent les premiers groupes sociaux. Les clans
de parenté s'agrandirent par association. Les mariages inter-tribaux
furent l'étape suivante d'accroissement du groupe, et la tribu complexe
résultante forma le premier véritable corps politique. Le progrès suivant
dans le développement social fut l'évolution des cultes religieux et des
clubs politiques. Ils apparurent en premier lieu comme sociétés secrètes,
entièrement religieuses à l'origine. Ensuite, ces clubs fixèrent des
règles. D'abord ce furent des clubs d'hommes; plus tard apparurent des
groupes de femmes. Bientôt ils se divisèrent en deux classes:
politico-sociale et mystico-religieuse.
Ces sociétés avaient de nombreuses raisons pour rester secrètes, telles
que:
|
1. La crainte d'attirer le courroux des chefs pour
avoir violé quelque tabou. |
|
2. Le désir de pratiquer des rites religieux
minoritaires. |
|
3. L'intention de conserver de précieux secrets «
d'esprits » ou de commerce. |
|
4. La possession de quelque talisman ou la
connaissance d'une magie spéciale. |
Le fait même du secret conférait à tous les membres de ces sociétés
l'autorité du mystère vis-à-vis du reste de la tribu. Le secret flatte
également la vanité; les initiés formaient l'aristocratie sociale de leur
temps. Après leur initiation, les jeunes gens chassaient avec les hommes,
tandis qu'auparavant ils cueillaient les légumes avec les femmes. Et
l'humiliation suprême, la disgrâce vis-à-vis de la tribu, consistait à
échouer aux épreuves de puberté et à être ainsi obligé de rester hors de
la demeure des hommes en compagnie des femmes et des enfants, à être tenu
pour efféminé. D'ailleurs les non-initiés n'avaient pas la permission de
se marier.
Les peuples primitifs apprirent de très bonne heure à leurs jeunes
adolescents à maîtriser leurs impulsions sexuelles. La coutume s'établit
de séparer les garçons de leurs parents à partir de la puberté jusqu'au
mariage, et de confier leur éducation et leur formation aux sociétés
secrètes des hommes. L'une des fonctions principales de ces clubs était de
conserver un contrôle sur les jeunes gens adolescents afin d'éviter les
naissances illégitimes.
La prostitution commercialisée débuta quand ces clubs d'hommes payèrent
en argent le droit de disposer de femmes d'autres tribus. Mais les groupes
primitifs étaient remarquablement exempts de licence sexuelle.
La cérémonie d'initiation de la puberté s'étendait généralement sur une
période de cinq années. Beaucoup d'entailles douloureuses et de tortures
que l'on s'infligeait soi-même faisaient partie de ses épreuves. La
circoncision fut pratiquée d'abord comme rite d'entrée dans une de ces
confraternités secrètes. Les marques de la tribu furent incisées dans le
corps comme faisant partie de l'initiation de la puberté; le tatouage fut
à l'origine un insigne d'appartenance à ces sociétés. Les tortures, ainsi
que de multiples privations, avaient pour but d'endurcir les jeunes gens,
de leur donner une idée des réalités de la vie et de ses tribulations
inévitables. Ce résultat est mieux atteint par les jeux athlétiques et les
épreuves physiques qui furent instaurés plus tard.
Les sociétés secrètes cherchaient réellement à améliorer la moralité
des adolescents. L'un des buts principaux des cérémonies de puberté était
de faire comprendre aux garçons qu'ils ne devaient pas toucher aux épouses
des autres hommes.
Après ces années de discipline et d'entraînement rigoureux, et juste
avant leur mariage, on laissait généralement aux jeunes gens une courte
période de loisirs et de liberté après laquelle ils revenaient se marier
en acceptant pour le reste de leur vie l'asservissement aux tabous de leur
tribu. Cette ancienne coutume a subsisté jusqu'aux temps modernes dans le
stupide concept de « jeter sa gourme ».
Beaucoup de tribus sanctionnèrent ultérieurement la formation de clubs
secrets de femmes, dont le but était de préparer les jeunes filles
adolescentes à devenir des épouses et des mères. Après leur initiation,
les jeunes filles étaient éligibles pour le mariage et recevaient la
permission d'assister à « la présentation des filles à marier »,
l'équivalent des débuts mondains de notre époque. Des ordres féminins avec
voeux de célibat apparurent de bonne heure.
Bientôt des clubs non secrets firent leur apparition quand des groupes
masculins et féminins de célibataires formèrent leurs organisations
séparées. En réalité, ces associations furent les premières écoles. Tandis
que les clubs d'hommes et les clubs de femmes s'adonnaient souvent à des
persécutions mutuelles, certaines tribus plus évoluées, après contact avec
les éducateurs de Dalamatia, expérimentèrent l'enseignement mixte avec des
internats pour chaque sexe.
Les sociétés secrètes contribuèrent à instaurer des castes sociales,
principalement à cause du caractère mystérieux de leurs initiations. Les
membres de ces sociétés portèrent d'abord des masques pour effrayer les
curieux et les écarter de leurs rites de deuil -- du culte des ancêtres.
Ce rituel se transforma plus tard en pseudo-séances auxquelles des
fantômes étaient censés avoir participé. Les sociétés anciennes de la «
nouvelle naissance » utilisaient des signes et employaient un langage
secret spécial; elles proscrivaient aussi certains aliments et boissons.
Elles jouaient le rôle de police de nuit et avaient par ailleurs une
activité très étendue dans le domaine social.
Toutes les associations secrètes imposaient un serment à leurs
adhérents, prescrivaient la confiance, et enseignaient la conservation des
secrets. Ces ordres secrets impressionnaient les foules et les tenaient en
respect; ils agissaient également comme sociétés de vigilance et
pratiquaient ainsi la loi de Lynch. Leurs membres furent les premiers
espions des tribus en guerre et formèrent la première police secrète en
temps de paix. Mieux encore, ils maintinrent les rois peu scrupuleux dans
un état d'anxiété. Pour leur faire contrepoids, les rois entretinrent leur
propre police secrète.
Ces sociétés donnèrent naissance aux premiers partis politiques. Le
premier gouvernement de parti fut celui des « forts » contre les « faibles
». Dans les temps anciens, la guerre civile n'était suivie que d'un
changement d'administration, ce qui prouvait amplement que les faibles
étaient devenus forts.
Les clubs furent employés par les marchands pour faire rentrer leurs
créances et par les souverains pour recouvrer des impôts. La taxation
fiscale a été une longue lutte, dont l'une des premières formes fut la
dîme, le dixième du produit de la chasse ou du butin. À l'origine, les
impôts furent prélevés pour maintenir le train de vie de la maison royale,
mais on découvrit qu'il était plus facile de les recouvrer en les
déguisant sous forme d'une offrande pour contribuer au service des
temples.
Petit à petit, les associations se transformèrent en oeuvres
charitables, puis évoluèrent en sociétés religieuses primitives
annonciatrices des Eglises. Finalement quelques-unes de ces sociétés
devinrent communes à plusieurs tribus; ce furent les premières confréries
internationales.
8. -- LES CLASSES SOCIALES
L'inégalité mentale et physique des êtres humains provoque l'apparition
de classes sociales. Les seuls mondes sans couches sociales sont les plus
primitifs ou les plus avancés. A son aurore, une civilisation n'a pas
encore commencé la différenciation des niveaux sociaux, tandis qu'un monde
ancré dans la lumière, de la vie a transcendé ces divisions de l'humanité,
si caractéristiques de toutes les étapes intermédiaires de l'évolution.
Dans la mesure où une société sort de la sauvagerie pour entrer dans la
barbarie, ses composants humains tendent à se grouper en classes pour les
raisons générales suivantes:
1. Raisons naturelles -- contact, parents, et
mariage; les premières distinctions sociales furent basses sur le sexe,
l'âge, et le sang -- la parenté avec le chef.
2. Raisons personnelles -- la récognition des
aptitudes, de l'endurance, de l'habileté et de la force d'âme, bientôt
suivie par celle de la maîtrise du langage, du savoir, et de
l'intelligence générale.
3. Raisons de chance -- la guerre et l'émigration
aboutirent à séparer des groupes humains. L'évolution des classes fut
fortement influencée par les conquêtes, les rapports entre vainqueurs et
vaincus, tandis que l'esclavage amena la première division générale de la
société entre hommes libres et serfs.
4. Raisons économiques -- riches et pauvres. La
fortune et la possession d'esclaves furent une base qui engendra l'une des
classes de la société.
5. Raisons géographiques -- des classes se
formèrent par suite de l'établissement de la population dans des régions
urbaines ou rurales. Villes et campagnes ont respectivement contribué à la
différenciation entre éleveurs-cultivateurs et marchands-industriels, avec
leurs réactions et leurs points de vue divergents.
6. Raisons sociales -- des classes se sont
graduellement formées selon l'appréciation populaire de la valeur sociale
de différents groupes. Parmi les premières divisions de ce genre, on
trouve les démarcations entre prêtres-éducateurs, chefs guerriers,
capitalistes-marchands, manoeuvres ordinaires, et esclaves. L'esclave ne
pouvait jamais devenir un capitaliste, mais le salarié pouvait parfois
entrer dans les rangs capitalistes.
7. Raisons professionnelles -- au fur et à mesure
que les professions se multiplièrent, elles tendirent à établir des castes
et des corporations. Les travailleurs se scindèrent en trois groupes: les
cadres professionnels y compris les médecins, puis les ouvriers qualifiés,
et enfin les manoeuvres non spécialisés.
8. Raisons religieuses -- les premiers clubs
cultuels donnèrent naissance à leurs propres classes à l'intérieur des
clans et tribus; la piété et le mysticisme ont longtemps perpétué la
prêtrise en tant que groupe social distinct.
9. Raisons raciales -- la présence de deux ou
plusieurs races dans une nation ou une unité territoriale donnée produit
généralement des castes de couleur. Le système originel des castes aux
Indes était basé sur la couleur, comme d'ailleurs celui de l'ancienne
Egypte.
10. Raisons d'âge -- jeunesse et maturité. Dans les
tribus, les garçons demeuraient sous la surveillance de leur père tant que
ce dernier vivait, tandis que les filles étaient laissées aux soins de
leur mère jusqu'à leur mariage.
Des classes flexibles et mouvantes sont indispensables à une
civilisation évoluante, mais quand les classes deviennent des
castes, quand les niveaux sociaux se pétrifient, le progrès de la
stabilité se paye par une déperdition de l'initiative privée. La caste
sociale résout le problème de trouver votre place dans l'industrie, mais
elle amoindrit considérablement le développement individuel et empêche
virtuellement la coopération sociale.
Du fait que les classes sociales se sont formées naturellement, elles
persisteront jusqu'à ce que les hommes arrivent à les faire disparaître
progressivement par évolution en manipulant avec intelligence les
ressources biologiques, intellectuelles, et spirituelles d'une
civilisation en progrès, et notamment les suivantes:
|
1. Le renouvellement biologique des souches raciales
-- l'élimination sélective des lignées humaines inférieures. Cela
tendra à effacer de nombreuses inégalités humaines. |
|
2. L'entraînement éducatif de la puissance cérébrale
accrue par cette amélioration biologique. |
|
3. La stimulation religieuse des sentiments de
parenté et de fraternité humaines. |
Ces mesures ne peuvent porter leurs véritables fruits que dans les
lointains millénaires de l'avenir, bien que d'importantes améliorations
sociales doivent suivre immédiatement le maniement intelligent, sage, et
patient de ces facteurs accélérateurs du progrès culturel. La
religion est le puissant levier qui élève la civilisation au-dessus du
chaos, mais elle est impuissante sans le point d'appui d'une pensée saine
et normale, solidement basée sur une hérédité également saine et normale.
9. -- LES DROITS DE L'HOMME
La nature ne confère aucun droit aux hommes. Elle ne leur donne que la
vie et un monde où la vivre. La nature ne leur assure même pas le droit de
rester vivants, comme on peut s'en rendre compte en imaginant ce qui se
passerait probablement si un homme sans armes rencontrait face à face un
tigre affamé dans une forêt vierge. Le don primordial que la société fait
aux hommes est la sécurité.
La société affirmera graduellement ses droits qui, à l'heure actuelle,
sont les suivants:
|
1. L'assurance d'un approvisionnement en vivres. |
|
2. La défense militaire -- la sécurité par l'état de
préparation. |
|
3. La sauvegarde de la paix interne -- la prévention
contre les violences personnelles et les désordres sociaux. |
|
4. Le contrôle sexuel -- le mariage, l'établissement
de la famille. |
|
5. La propriété -- le droit de posséder. |
|
6. L'encouragement de l'émulation individuelle et
collective. |
|
7. La prise de dispositions pour éduquer et former
la jeunesse. |
|
8. L'aménagement des échanges et du commerce -- le
développement industriel. |
|
9. L'amélioration de la condition et de la
rémunération des travailleurs. |
|
10. La garantie de la liberté du culte, afin que
toutes les autres activités sociales puissent être exaltées en étant
motivées par l'esprit. |
Quand des droits sont si anciens que l'on ne peut connaître leur
origine, ils sont souvent appelés droits naturels. Cependant
les droits humains ne sont pas réellement naturels; ils sont entièrement
sociaux. Ils sont relatifs et toujours changeants, et ne représentent rien
de plus que les règles du jeu -- une mise au point reconnue des rapports
qui régissent le phénomène kaléidoscopique de la concurrence humaine.
Ce que l'on peut considérer comme un droit à une époque donnée ne l'est
plus à une autre. La survie d'un grand nombre de déficients et de
dégénérés n'est pas due à leur droit naturel d'encombrer la civilisation
du XXième siècle, mais simplement au fait que la société de l'époque, les
moeurs, l'ont ainsi décrété.
L'Europe du Moyen âge reconnaissait peu de droits humains. Chaque homme
appartenait alors à quelqu'un d'autre, et les droits n'étaient que des
privilèges ou des faveurs accordés par l'État ou l'Église. La révolte
contre cette erreur fut également une erreur parce qu'elle fit croire que
tous les hommes naissent égaux.
Les hommes faibles et inférieurs ont toujours lutté pour avoir des
droits égaux; ils ont toujours insisté pour que l'État oblige ceux qui
sont forts et supérieurs à subvenir à leurs besoins et à compenser encore
autrement les insuffisances qui sont trop souvent le résultat naturel de
leur propre indifférence et de leur indolence.
L'idéal d'égalité est né de la civilisation; il ne se trouve pas dans
la nature. Même la culture démontre de manière probante l'inégalité
naturelle des hommes en faisant ressortir leurs aptitudes inégales à
l'assimiler. La réalisation soudaine et non-évolutive d'une prétendue
égalité naturelle ferait rapidement rétrograder les hommes civilisés aux
grossiers usages et coutumes des époques primitives. La société ne peut
offrir des droits égaux à tous, mais elle peut promettre d'administrer
loyalement et équitablement les droits variables de chacun. Elle a la
responsabilité et le devoir de fournir aux enfants de la nature une
occasion équitable et paisible de pourvoir à leurs besoins, de participer
à la reproduction, et de jouir en même temps de certaines satisfactions
personnelles, la somme de ces trois facteurs constituant le bonheur
humain.
10. -- L'ÉVOLUTION DE LA JUSTICE
La justice naturelle est une théorie élaborée par les hommes; elle
n'est pas une réalité. Dans la nature, la justice est purement théorique,
totalement fictive. La nature ne fournit qu'une seule sorte de justice --
la conformité inévitable des résultats aux causes.
La justice telle que les hommes la conçoivent consiste à faire valoir
ses droits, et c'est pourquoi elle est une affaire d'évolution
progressive. Le concept de justice peut bien faire partie constituante
d'une intelligence douée de spiritualité, mais la justice toute faite ne
surgit pas spontanément dans les mondes de l'espace.
Les hommes primitifs attribuaient tous les phénomènes à une personne.
Quand un sauvage trépassait, on ne se demandait pas ce qui l'avait
fait périr, mais qui l'avait tué. Le meurtre accidentel n'était
donc pas reconnu et, lors de la punition d'un crime, le mobile du coupable
n'était aucunement pris en considération. Le jugement était rendu d'après
le tort causé.
Au début des sociétés primitives, l'opinion publique agissait
directement; il n'y avait pas besoin d'agents de la justice. La vie
primitive ne connaissait pas d'intimité. Les voisins d'un homme étaient
responsables de sa conduite; ils avaient donc le droit de fureter dans ses
affaires personnelles. La société était réglementée d'après la théorie que
la communauté des membres du groupe doit s'intéresser au comportement de
chaque individu et, dans une certaine mesure, avoir autorité sur lui.
On crut de très bonne heure que des esprits dispensaient la justice par
l'entremise des sorciers et des prêtres. Cela fit des membres de ces
ordres les premiers détectives et agents de la loi. Leurs méthodes
primitives pour découvrir les crimes consistaient à faire subir les
épreuves du feu, du poison, et de la douleur. Ces épreuves sauvages
n'étaient rien de plus que de grossières techniques d'arbitrage; elles ne
réglaient pas nécessairement les différends avec justice. Par exemple,
quand on administrait un poison, l'accusé était tenu pour innocent s'il le
vomissait.
L'Ancien Testament relate une de ces épreuves, un test de culpabilité
conjugale (1). Si un homme suspectait sa femme de lui être infidèle, il
l'emmenait chez le prêtre et exposait ses soupçons, après quoi le prêtre
préparait un breuvage composé d'eau bénite et de balayures du sol du
tabernacle. A la suite d'un cérémonial approprié comprenant des
malédictions menaçantes, on obligeait la femme accusée à boire
l'écoeurante potion. Si elle était coupable « l'eau qui cause la
malédiction entrera en elle et deviendra amère, et son ventre enflera, et
ses cuisses pourriront, et la femme sera en exécration à son peuple ». Si
par hasard une femme pouvait avaler cette immonde boisson sans montrer de
symptômes de maladie physique, elle était acquittée des accusations
portées par son mari jaloux.
(1) Nombres V-11 à 31.
Ces méthodes atroces de détection des crimes furent pratiquées à une
époque ou à une autre par presque toutes les tribus en évolution. Le duel
est une survivance moderne du jugement par épreuves.
Il ne faut pas s'étonner que les Hébreux et d'autres tribus
semi-civilisées aient pratiqué ces techniques primitives d'administration
de la justice il y a plus de trois mille ans, mais il est stupéfiant que
des hommes réfléchis aient ultérieurement inséré ces restes de barbarie
dans les pages d'un recueil d'Écritures saintes. La simple réflexion
devrait rendre évident que nul être divin n'a jamais donné aux mortels des
instructions aussi iniques concernant la détection et le jugement des
infidélités conjugales soupçonnées.
La société adopta de bonne heure l'attitude de compensation par
représailles; oeil pour oeil (1), vie pour vie. Les tribus en évolution
reconnurent toutes le droit de vengeance par le sang. La vengeance devint
le but de la vie primitive, mais depuis lors la religion a grandement
modifié ces premières pratiques des tribus. Les instructeurs de la
religion révélée ont toujours proclamé: « à moi la vengeance, dit le
Seigneur » (2). Dans les temps primitifs, les meurtres par vengeance
n'étaient pas tellement différents de ceux que l'on commet aujourd'hui en
alléguant la loi non écrite.
(1) Lévitique XXIV-20 ; Deutéronome
XIX-21 ; Matthieu V-38. |
(2) Deutéronome XXXII-35 ; Romains
XII-19 ; Hébreux X-30. |
Le suicide était un mode ordinaire de représailles. Si un homme était
incapable de se venger lui-même durant sa vie, il mourait persuadé qu'il
pourrait revenir comme fantôme et exercer sa colère contre son ennemi.
Cette croyance était très générale, et la menace de se suicider sur le
seuil d'un ennemi était habituellement suffisante pour l'amener à
composition. Le suicide à propos de vétilles était commun, mais les
enseignements des Dalamatiens réduisirent beaucoup cette coutume. A une
époque plus récente, les loisirs, le confort, la religion, et la
philosophie se sont alliés pour rendre la vie plus douce et plus
désirable. Les grèves de la faim présentent toutefois une analogie moderne
avec ces anciens procédés de représailles.
L'une des premières expressions de progrès dans la loi tribale
concernait la reprise de la vendetta comme une affaire de la tribu. Il est
étrange de constater que même alors un homme pouvait tuer sa femme sans
punition, pourvu qu'il eût entièrement payé le prix de son achat.
Cependant, aujourd'hui encore, les Esquimaux laissent à la famille lésée
le soin de décider et d'administrer la sanction d'un crime, même s'il
s'agit d'un meurtre.
Un autre progrès fut l'imposition d'amendes pour avoir violé un tabou,
l'institution de pénalités. Ces amendes constituèrent les premiers revenus
publics. La pratique de payer « l'argent du sang » entra également en
vogue comme substitut de la vengeance du sang. Les dommages correspondants
étaient habituellement payés en femmes ou en bétail; il fallut longtemps
pour que des amendes réelles, des compensations monétaires, fussent
imposées comme punition d'un crime. Puisque l'idée de punition d'un crime
représentait essentiellement une compensation, toutes les choses, y
compris la vie humaine, finirent par avoir un prix que l'on pouvait payer
à titre de dommages-intérêts. Les Hébreux furent les premiers à abolir la
pratique de payer l'argent du sang. Moïse leur enseigna qu'ils ne devaient
« point prendre de rançon pour la vie d'un meurtrier coupable d'avoir tué;
il sera certainement mis à mort » (3).
La justice fut donc exercée d'abord par la famille, ensuite par le
clan, et plus tard par la tribu. L'administration de la véritable justice
date du moment où la revanche fut enlevée aux groupes privés et apparentés
pour être confiée aux soins du groupe social, l'Etat.
La punition d'un coupable en le brûlant vif fut jadis de pratique
courante. Elle était admise par beaucoup d'anciens chefs, y compris
Hammourabi et Moïse. Ce dernier ordonna que beaucoup de crimes, en
particulier les crimes graves de nature sexuelle, fussent punis en brûlant
le coupable attaché à un poteau. Si « la fille d'un prêtre » ou de tout
autre citoyen de marque s'adonnait publiquement à la prostitution, les
Hébreux avaient coutume de la « brûler au feu » (4).
La trahison -- le fait de « vendre » ou de trahir un membre de la tribu
-- fut le premier crime capital. Le vol du bétail était universellement
puni par une exécution sommaire, et encore récemment le vol de chevaux a
été puni de la même manière. A mesure que le temps passait, on apprit que
la punition du crime avait moins de valeur préventive par sa sévérité que
par sa certitude et sa rapidité.
Quand la société ne réussit pas à punir les crimes, la rancune du
groupe s'affirme généralement sous forme de lynchage. L'établissement de
sanctuaires fut un moyen d'échapper à ces accès de colère collective. Le
lynchage et le duel représentent le comportement des individus qui
refusent d'abandonner à l'Etat le redressement privé.
(3) Nombres XXXV-31. |
(4) Lévitique XXI-9. |
11. -- LOIS ET TRIBUNAUX
Il est tout aussi difficile de faire des distinctions tranchées entre
les moeurs et les lois que d'indiquer exactement, à l'aurore, à quel
moment le jour a succédé à la nuit. Les moeurs sont des lois et des
règlements de police en gestation. Quand elles sont établies depuis
longtemps, les moeurs mal définies tendent à se cristalliser en lois
précises, en règles concrètes, et en conventions sociales bien nettes.
Au commencement, la loi est toujours négative et prohibitive; dans les
civilisations en progrès, elle devient de plus en plus positive et
directrice. La société primitive opérait négativement; elle accordait à
l'individu le droit de vivre en imposant à tous les autres le commandement
« tu ne tueras point » (1). Tout octroi de droits ou de libertés à un
individu implique une restriction de la liberté de tous les autres, ce qui
est effectué par le tabou, la loi primitive. L'idée tout entière du tabou
est négative par inhérence, car la société primitive était entièrement
négative dans son organisation, et l'administration primitive de la
justice consistait à imposer des tabous. A l'origine, les lois ne
s'appliquaient qu'aux membres de la tribu, comme on en vit plus tard un
exemple chez les Hébreux qui avaient, pour traiter avec les Gentils, un
code moral différent de leur code intérieur.
(1) Exode XX-13 ; Deutéronome V-17 ;
Matthieu V-21 ; Jacques II-11.
Le serment prit naissance aux jours de Dalamatia dans un effort pour
rendre les témoignages plus véridiques. Les serments consistaient alors à
prononcer une malédiction sur soi-même. Auparavant, nul individu n'aurait
voulu témoigner contre son groupe natal.
Le crime consistait en une attaque contre les moeurs de la tribu, le
péché était la transgression des tabous bénéficiant de l'approbation des
fantômes, et il y eut une longue confusion due à ce que l'on ne parvenait
pas à séparer le crime du péché.
L'intérêt personnel fit instaurer le tabou interdisant de tuer, la
société le sanctifia sous forme de moeurs traditionnelles, et enfin la
religion en consacra la coutume comme une loi morale; les trois facteurs
contribuèrent ainsi à rendre la vie humaine plus sûre et plus sacrée. Dans
les premiers temps, la société se serait désagrégée si les droits
n'avaient pas eu la sanction de la religion; la superstition fut la police
morale et sociale des longs âges évolutionnaires. Les anciens prétendaient
tous que leurs lois antiques, les tabous, avaient été données à leurs
ancêtres par les dieux.
La loi est une transcription codifiée d'une longue expérience humaine,
une opinion publique cristallisée et légalisée. Les moeurs furent la
matière première, l'expérience accumulée, à partir de laquelle les
intelligences directrices ultérieures formulèrent les lois écrites. Les
anciens juges n'avaient pas de lois. Quand ils signifiaient une décision,
ils disaient simplement: « C'est la coutume ».
La référence à des précédents dans les décisions des tribunaux
représente l'effort des juges pour adapter les lois écrites aux conditions
changeantes de la société. Elle permet l'adaptation progressive aux
conditions sociales évoluantes, conjuguée avec la solennité de la
continuité traditionnelle.
Les différends sur la propriété étaient tranchés selon des principes
fort variés tels que:
|
1. La destruction de la propriété contestée. |
|
2. La force -- les contestants se battaient jusqu'au bout. |
|
3. L'arbitrage -- une tierce partie décidait. |
|
4. L'appel aux anciens -- et plus tard aux tribunaux. |
Les premiers tribunaux furent des rencontres pugilistiques réglementées
où les juges étaient simplement des arbitres. Ils veillaient à ce que le
combat se poursuive selon les règles approuvées. Avant d'engager une
action devant le tribunal, chacun des lutteurs déposait une somme entre
les mains du juge pour garantir le paiement des frais et de l'amende par
le vaincu. « La force était encore le droit ». Plus tard, les arguments
verbaux furent substitués aux coups physiques.
Toute l'idée de la justice primitive ne consistait pas tant à être
équitable qu'à régler la contestation et à empêcher ainsi les désordres
publics et la violence privée. Les hommes primitifs n'éprouvaient guère de
ressentiment contre ce que l'on considérerait aujourd'hui comme une
injustice; il était admis que ceux qui disposaient du pouvoir
l'emploieraient égoïstement. Néanmoins, on peut déterminer très exactement
le statut de n'importe quelle civilisation par le sérieux et l'équité de
ses tribunaux et par l'intégrité de ses juges.
12. -- L'ATTRIBUTION DE L'AUTORITÉ CIVILE
La grande lutte dans l'évolution du gouvernement a concerné la
concentration du pouvoir. Les administrateurs de l'univers ont appris par
expérience que la meilleure manière de régler la vie des peuples
évolutionnaires sur les mondes habités est un gouvernement civil du type
représentatif où l'équilibre de pouvoir est maintenu par une bonne
coordination entre les branches exécutive, législative, et judiciaire.
Alors que l'autorité primitive était basée sur la force, sur la
puissance physique, le gouvernement idéal est le système représentatif où
le commandement est fondé sur la capacité; mais en ces temps de barbarie,
la guerre sévissait beaucoup trop pour permettre à un gouvernement
représentatif de fonctionner efficacement. Dans la longue lutte entre la
division de l'autorité et l'unité de commandement, ce furent les
dictateurs qui gagnèrent. Les pouvoirs initiaux et diffus du conseil
primitif des anciens se concentrèrent progressivement entre les mains du
monarque absolu. Après l'instauration de véritables rois, les groupes
d'anciens subsistèrent comme corps consultatifs quasi -- législatifs --
judiciaires. Plus tard, des législatures à statut coordonné firent leur
apparition, et finalement des cours suprêmes de jugement furent établies
en dehors des législatures.
Les rois faisaient appliquer les moeurs, la loi originelle non écrite.
Plus tard, ils imposèrent les actes législatifs, la cristallisation de
l'opinion publique. Les assemblées populaires en tant qu'expression de
l'opinion publique furent lentes à apparaître, mais marquèrent un grand
progrès social.
Les pouvoirs des premiers rois étaient grandement limités par les
moeurs -- par la tradition ou l'opinion publique. À une époque plus
récente, certaines nations d'Urantia ont codifié les moeurs en des
documents formant une base pour gouverner.
Les mortels d'Urantia ont droit à la liberté. Il leur appartient de
créer leurs systèmes gouvernementaux, d'adopter leurs constitutions ou
d'autres chartes d'autorité civile ou de procédure administrative. Après
avoir fait cela, ils devraient choisir pour chefs exécutifs leurs
compagnons les plus compétents et les plus dignes. Ils ne devraient
sélectionner, pour représentants dans la branche législative, que des
personnes intellectuellement et moralement qualifiées pour en porter les
responsabilités sacrées; et pour juges de leurs tribunaux élevés et
suprêmes, que des personnes douées d'une aptitude naturelle et rendues
sages par une profonde expérience.
Si les hommes veulent conserver leur liberté, il leur faut, après avoir
choisi leur charte de libération, s'arranger pour quelle soit interprétée
sagement, intelligemment, et sans peur, afin d'empêcher:
|
1. L'usurpation d'un pouvoir injustifié par la
branche exécutive ou par la branche législative. |
|
2. Les machinations d'agitateurs ignorants et
superstitieux. |
|
3. Le retard dans les progrès scientifiques. |
|
4. L'impasse de la domination par la médiocrité. |
|
5. La domination par des minorités corrompues. |
|
6. Le contrôle par des aspirants dictateurs
ambitieux et habiles. |
|
7. Les dislocations désastreuses dues aux paniques. |
|
8. L'exploitation par des hommes sans scrupules. |
|
9. La transformation des citoyens en esclaves
fiscaux de l'Etat. |
|
10. Le défaut d'équité sociale et économique. |
|
11. L'union de l'Eglise et de l'Etat. |
|
12. La perte de la liberté personnelle. |
Tels sont les desseins et les buts des tribunaux constitutionnels
agissant comme gouverneurs sur les rouages du gouvernement représentatif
d'un monde évolutionnaire.
La lutte de l'humanité pour perfectionner le gouvernement sur Urantia
concerne la mise au point des canaux administratifs, leur adaptation aux
besoins courants en perpétuel changement, l'amélioration de la répartition
des pouvoirs à l'intérieur du gouvernement, et ensuite la sélection de
chefs administratifs vraiment sages. Il existe une forme de gouvernement
divine et idéale, mais elle ne peut être révélée; elle doit être lentement
et laborieusement découverte par les hommes et les femmes de chaque
planète dans tous les univers du temps et de l'espace.
[Présenté par un Melchizédek de Nébadon.]
|