DÉVELOPPEMENT DE L'ÉTAT
L'ÉTAT marque une évolution utile de la civilisation; il
représente le gain net que la société a retiré des ravages et des
souffrances de la guerre. Même l'habileté politique n'est qu'une
accumulation de techniques pour ajuster les rivalités de forces
entre les tribus et nations en lutte.
L'État moderne est l'institution qui a survécu dans la longue
bataille pour le pouvoir collectif. Un pouvoir supérieur a
finalement prévalu et produit une créature de fait -- l'Etat -- avec
le mythe moral que le citoyen est absolument obligé de vivre et de
mourir pour l'Etat. Mais l'Etat n'a pas de genèse divine; il n'a
même pas été fondé par une action humaine intelligemment voulue; il
est purement une institution évolutionnaire et a pris naissance
d'une manière entièrement machinale.
1. -- L'ÉTAT EMBRYONNAIRE
L'État est une organisation réglementaire territoriale et
sociale. L'État le plus fort, le plus efficace, et le plus durable
se compose d'une seule nation dont la population possède un langage,
des moeurs, et des institutions communes.
Les premiers États étaient petits et furent tous le résultat de
conquêtes. Ils ne naquirent pas d'associations volontaires. Beaucoup
furent fondés par des nomades conquérants qui s'abattaient sur de
paisibles bergers ou sur des cultivateurs établis pour les subjuguer
et les réduire en esclavage. Ces États résultant de conquêtes
étaient obligatoirement stratifiés; les classes étaient inévitables,
et les luttes de classes ont toujours été sélectives.
Les tribus nordiques de Peaux-Rouges américains ne réussirent
jamais à s'organiser réellement en États. Elles ne progressèrent pas
au delà d'une vague confédération de tribus, d'une forme nationale
très primitive. Celle qui se rapprocha le plus de l'intégration fut
la fédération des Iroquois, mais ce groupe de six nations ne
fonctionna jamais tout à fait comme un État et ne réussit pas à
survivre parce qu'il lui manquait certains éléments essentiels de la
vie nationale moderne tels que:
|
1. L'acquisition et l'héritage de la propriété,
privée. |
|
2. Des villes doublées d'une industrie et d'une
agriculture. |
|
3. Des animaux domestiques utiles. |
|
4. Une organisation pratique de la famille. Les hommes
rouges s'accrochaient à la famille maternelle et à l'héritage
d'oncle à neveu. |
|
5. Un territoire défini. |
|
6. Un chef exécutif vigoureux. |
|
7. L'esclavage des prisonniers -- ils les adoptaient ou
les massacraient. |
|
8. Des conquêtes décisives. |
Les hommes rouges étaient trop démocratiques; ils avaient un bon
gouvernement, mais qui échoua. Ils auraient finalement donné
naissance à un État s'ils n'avaient prématurément rencontré la
civilisation plus avancée des hommes blancs qui employaient les
méthodes gouvernementales des Grecs et des Romains.
La réussite de l'État romain -- fut basée sur:
|
1. La famille paternelle. |
|
2. L'agriculture et la domestication des animaux. |
|
3. La concentration de la population -- les villes. |
|
4. La propriété privée des objets et de la terre. |
|
5. L'esclavage -- les classes de citoyens. |
|
6. La conquête et la réorganisation des peuples faibles et
arriérés. |
|
7. Un territoire défini avec des routes. |
|
8. Des chefs personnels et
forts. |
La grande faiblesse de la civilisation romaine et l'un des
facteurs de l'effondrement final de l'empire fut la prise de
dispositions soi-disant libérales et progressistes pour émanciper
les garçons à vingt-et-un ans et pour libérer inconditionnellement
les jeunes filles en leur laissant la faculté d'épouser un homme de
leur choix ou de circuler dans le pays en s'adonnant à l'immoralité.
Le tort causé à la société ne provint pas de ces réformes
elles-mêmes, mais de la manière soudaine et générale dont elles
furent adoptées. L'effondrement de Rome montre à quoi l'on peut
s'attendre quand un État subit une expansion trop rapide accompagnée
d'une dégénérescence interne.
L'État embryonnaire fut rendu possible par le déclin des liens du
sang au profit des liens territoriaux, et ces fédérations de tribus
étaient généralement cimentées fermement par des conquêtes. Un
véritable État est caractérisé par une souveraineté qui transcende
toutes les disputes mineures et tous les différends collectifs;
cependant de nombreuses classes et castes subsistèrent dans les
organisations d'État plus tardives, comme vestiges des tribus et
clans des anciens temps. Les États territoriaux plus grands et
ultérieurs livrèrent une bataille longue et acharnée à ces groupes
de clans consanguins et moins nombreux, et le gouvernement tribal se
révéla comme une précieuse transition entre l'autorité de la famille
et celle de l'État. Au cours des temps plus récents, de nombreux
clans prirent origine dans le commerce et dans d'autres associations
industrielles.
Quand l'État ne réussit pas à s'intégrer, il en résulte une
régression des techniques gouvernementales aux conditions
antérieures; on en trouve un exemple dans le Moyen âge européen.
Durant cet âge de ténèbres l'État s'effondra; on en revint aux
petits groupes des châteaux-forts et à la réapparition des clans et
des stades tribaux de développement. Des semi-États semblables
existent encore maintenant en Asie et en Afrique, mais ils ne
représentent pas tous des régressions évolutionnaires; beaucoup
forment les noyaux embryonnaires des États de l'avenir.
2. -- L'ÉVOLUTION DU GOUVERNEMENT
REPRÉSENTATIF
Bien que la démocratie soit un idéal, elle est un produit de la
civilisation et non de l'évolution. Allez lentement! Choisissez
soigneusement! Car voici les dangers de la démocratie:
|
1. La glorification de la médiocrité. |
|
2. Le choix de chefs ignorants et vils. |
|
3. L'incapacité de reconnaître les faits fondamentaux de
l'évolution sociale. |
|
4. Le danger du suffrage universel aux mains de majorités
frustes et indolentes. |
|
5. L'obéissance servile à l'opinion publique; la majorité
n'a pas toujours raison. |
L'opinion publique, l'opinion commune, a toujours retardé la
société. Elle est néanmoins précieuse, car tout en freinant
l'évolution sociale, elle préserve la civilisation. L'éducation de
l'opinion publique est la seule méthode saine et sûre pour accélérer
la civilisation. La force n'est qu'un expédient temporaire, et la
croissance culturelle sera d'autant plus accélérée que les balles de
fusil céderont la place aux bulletins de vote. L'opinion publique
(les moeurs) est l'énergie fondamentale et originelle dans
l'évolution sociale et le développement de l'État; mais pour avoir
une valeur susceptible de cimenter l'État, il faut que son
expression soit dépourvue de violence.
La mesure du progrès d'une société est directement déterminée par
le degré auquel l'opinion publique parvient à contrôler la conduite
personnelle et les règlements d'État sans recourir à la violence.
L'apparition du premier gouvernement réellement civilisé coïncida
avec le moment où l'opinion publique put s'exprimer sous le couvert
des pouvoirs d'immunité personnelle. Les élections populaires ne
décident pas toujours la chose exacte à faire, mais elles
représentent la manière juste de commettre même une erreur.
L'évolution ne produit pas instantanément une perfection
superlative, mais plutôt un ajustement comparatif avec des progrès
pratiques.
L'évolution d'une forme pratique et efficace de gouvernement
représentatif comporte les dix étapes ou stades suivants:
|
1. La liberté des personnes.
L'esclavage, le servage, et toutes les formes de servitude
humaine doivent disparaître. |
|
2. La liberté de pensée. A moins que
les hommes libres d'un peuple ne soient éduqués -- qu'on leur
ait appris à penser intelligemment et à faire des projets
sagement -- la liberté fait généralement plus de mal que de
bien. |
|
3. Le règne de la loi. On ne peut
jouir de la liberté que si la volonté et les caprices des
chefs humains sont remplacés par des actes législatifs
conformes à la loi fondamentale acceptée. |
|
4. La liberté de parole. Un
gouvernement représentatif est impensable sans la possibilité
pour les aspirations et opinions humaines de s'exprimer
librement sous toutes les formes. |
|
5. La sécurité de la propriété. Nul
gouvernement ne peut durer longtemps s'il ne réussit pas à
assurer le droit de jouir de la propriété privée sous une
forme quelconque. Les hommes ont le désir ardent d'utiliser
leurs biens personnels, de les donner, de les vendre, de les
louer, et de les léguer. |
|
6. Le droit de pétition. Un
gouvernement représentatif implique le droit pour les citoyens
d'être entendus. Le privilège de la pétition est inhérent à la
libre citoyenneté. |
|
7. Le droit de gouverner. Il ne suit
pas d'être entendu. Il faut que le droit de requête progresse
jusqu'à la direction réelle du gouvernement. |
|
8. Le suffrage universel. Le
gouvernement représentatif présuppose un électorat
intelligent, efficace, et universel. Le caractère de ce
gouvernement sera toujours déterminé par le caractère et
l'envergure de ceux qui le composent. A mesure que la
civilisation progressera, le suffrage, tout en restant
universel pour les deux sexes, sera efficacement modifié,
regroupé, et différencié encore autrement. |
|
9. Le contrôle des fonctionnaires. Nul
gouvernement civil ne jouera de rôle utile et efficace à moins
que ses citoyens ne possèdent et n'emploient de sages
techniques pour guider et contrôler les détenteurs de charges
publiques et les fonctionnaires. |
|
10. Des représentants intelligents et
éduqués. La survie de la démocratie dépend de la réussite
des gouvernements représentatifs, et cette réussite est
conditionnée par la pratique de ne nommer aux charges
publiques que les individus techniquement préparés,
intellectuellement compétents, socialement loyaux, et
moralement dignes. Ces dispositions sont indispensables pour
préserver le gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le
peuple. |
3. -- LES IDÉAUX DE L'ÉTAT
La forme politique ou administrative d'un gouvernement a peu
d'importance pourvu quelle fournisse les éléments essentiels du
progrès civil -- la liberté, la sécurité, l'éducation, et la
coordination sociale. Le cours de l'évolution sociale est déterminé
par ce que l'État fait, et non par ce qu'il est. Après tout, nul
État ne peut transcender les valeurs morales de ses citoyens mises
en évidence par leurs chefs choisis. L'ignorance et l'égoïsme
assurent la chute d'un gouvernement, même du type le plus élevé.
Si regrettable que ce soit, l'égoïsme national a été
indispensable à la survie sociale. La doctrine du peuple élu a été
un facteur primordial dans la fusion des tribus et l'édification des
nations jusque dans les temps modernes. Mais nul État ne peut
atteindre des niveaux idéaux de fonctionnement avant que toutes les
formes d'intolérance aient été maîtrisées. L'intolérance est
éternellement l'ennemie du progrès humain; la meilleure manière de
la combattre est de coordonner la science, le commerce, les
divertissements, et la religion.
L'État idéal fonctionne sous la poussée de trois puissantes
impulsions coordonnées:
|
1. La loyauté bienveillante dérivée de l'épanouissement de
la fraternité humaine. |
|
2. Le patriotisme intelligent basé sur de sages
idéaux. |
|
3. La clairvoyance cosmique interprétée en termes de
faits, de besoins, et de buts
planétaires. |
Les lois de l'État idéal sont peu nombreuses. Elles ont dépassé
l'âge négatif des tabous pour entrer dans l'ère du progrès positif
de la liberté individuelle résultant d'une meilleure maîtrise de
soi. Non seulement un État supérieur oblige ses citoyens à
travailler, mais il les incite à utiliser de façon profitable et
vivifiante les loisirs croissants dont ils peuvent jouir à mesure
que les progrès de l'âge des machines les libèrent des corvées. Les
loisirs doivent contribuer à produire aussi bien qu'à consommer.
Nulle société n'a progressé bien loin en autorisant la paresse et
en tolérant la misère. D'autre part, il est impossible d'éliminer la
pauvreté et la dépendance tant que l'on soutient largement des
familles tarées et dégénérées et qu'on leur permet de se reproduire
librement.
Une société morale devrait viser à préserver le respect de soi
parmi ses citoyens et à fournir à tout individu normal des chances
convenables de s'épanouir. L'adoption de ce plan d'accomplissement
social donnerait naissance à une société culturelle de l'ordre le
plus élevé. L'évolution sociale devrait être encouragée par une
supervision gouvernementale exerçant un minimum de contrôle
réglementaire. Le meilleur État est celui qui coordonne le plus en
gouvernant le moins.
Les idéaux de l'État doivent être atteints par évolution, par la
lente croissance de la conscience civique, par la récognition que le
service social est une obligation et un privilège. Après la fin de
l'administration par les pillards politiques, les hommes commencent
par assumer les fardeaux du gouvernement comme un devoir, mais plus
tard ils recherchent ce ministère comme un privilège et un honneur.
Le statut d'un niveau quelconque de civilisation est fidèlement
dépeint par l'envergure des hommes qui se portent volontaires pour
accepter les responsabilités de l'État.
Dans une véritable communauté, le gouvernement des villes et des
provinces est assuré par des experts et organisé exactement comme
toutes les autres formes d'associations économiques et
commerciales.
Dans les États évolués, on estime que les services politiques
représentent le dévouement supérieur de la citoyenneté. La plus
grande ambition des citoyens les plus sages et les plus nobles est
de gagner la récognition civile, d'être élus ou nommés à un poste
gouvernemental de confiance. Les gouvernements de ces États
confèrent leurs plus hauts honneurs en reconnaissance de services à
leurs délégués civils et sociaux. Les honneurs sont ensuite
octroyés, dans l'ordre suivant, aux philosophes, aux éducateurs, aux
savants, aux industriels, et aux militaires. Les parents sont dûment
récompensés par l'excellence de leurs enfants. Quant aux chefs
religieux, ils sont les ambassadeurs d'un royaume spirituel et
reçoivent leur véritable récompense dans un autre monde.
4. -- LA CIVILISATION PROGRESSIVE
L'économie, la société, et le gouvernement doivent évoluer s'ils
veulent subsister. Les conditions statiques sur un monde
évolutionnaire dénotent la décadence. Seules persistent les
institutions qui vont de l'avant avec le courant de l'évolution.
Le programme progressif d'une civilisation en expansion
englobe:
|
1. La préservation des libertés individuelles. |
|
2. La protection des foyers. |
|
3. La promotion de la sécurité économique. |
|
4. La lutte préventive contre les maladies. |
|
5. L'instruction obligatoire. |
|
6. L'emploi obligatoire. |
|
7. L'utilisation profitable des loisirs. |
|
8. Les soins aux malheureux. |
|
9. L'amélioration de la race. |
|
10. La promotion des sciences et des arts. |
|
11. L'avancement de la philosophie -- la sagesse. |
|
12. L'accroissement de l'intelligence cosmique -- la
spiritualité. |
Ces progrès dans les arts de la civilisation conduisent
directement à atteindre les buts humains et divins les plus élevés
recherchés par les mortels -- l'accomplissement social de la
fraternité des hommes et le statut personnel d'être conscient de
Dieu. Ce statut se révèle dans le désir suprême de chaque individu
de faire la volonté du Père céleste.
L'apparition d'une fraternité authentique signifie qu'un ordre
social est arrivé où tous les hommes se réjouissent de porter les
fardeaux les uns des autres et désirent réellement pratiquer la
règle d'or. Toutefois, cette société idéale ne peut voir le jour
tant que les faibles et les méchants ne cessent de guetter
l'occasion de tirer des avantages injustes et impies de ceux qui
sont principalement poussés par leur dévouement au service de la
vérité, de la beauté, et de la bonté. Dans cette situation, il n'y a
qu'une seule ligne de conduite pratique à suivre. Les adeptes de la
règle d'or peuvent établir une société progressiste dans laquelle
ils vivront selon leurs idéaux, tout en maintenant une défense
adéquate contre leurs compagnons ignorants et incompétents qui
pourraient chercher soit à exploiter leur prédilection pour la paix,
soit à détruire leur civilisation en progrès.
L'idéalisme ne peut jamais survivre sur une planète en évolution
si les idéalistes de chaque génération se laissent exterminer par
les ordres humains inférieurs. Le grand test de l'idéalisme est le
suivant: une société évoluée peut-elle maintenir un état de
préparation militaire qui assure sa sécurité contre toute attaque
par ses voisins belliqueux, sans céder à la tentation d'employer
cette force militaire en opérations offensives contre d'autres
peuples en vue de bénéfices égoïstes ou d'agrandissement national?
La survie nationale exige un état de préparation, et seul
l'idéalisme religieux peut empêcher de prostituer la préparation en
agression. Seul l'amour (la fraternité) peut détourner les forts
d'opprimer les faibles.
5. -- L'ÉVOLUTION DE LA CONCURRENCE
La concurrence est indispensable au progrès social, mais si elle
est désordonnée, elle engendre la violence. Dans la société
actuelle, la concurrence est en voie de remplacer lentement la
guerre en déterminant la place de chaque individu dans l'industrie
en même temps quelle décide de la survie des industries elles-mêmes.
(Le meurtre et la guerre ont des statuts différents devant les
moeurs; le meurtre a été mis hors la loi depuis les premiers jours
de la société, tandis que la guerre n'a encore jamais été proscrite
par l'humanité dans son ensemble.)
Un État idéal n'entreprend de régler la conduite sociale que
juste assez pour éliminer la violence dans la concurrence
individuelle et pour empêcher l'injustice dans l'initiative
personnelle. Voici un grand problème pour les hommes d'État: Comment
pouvez-vous garantir la paix et la tranquillité dans l'industrie,
faire payer les impôts pour soutenir le pouvoir de l'État, et en
même temps empêcher la fiscalité de handicaper l'industrie, et
l'État de devenir parasitaire ou tyrannique?
Dans les âges primitifs de tous les mondes, la concurrence est
indispensable au progrès de la civilisation. À mesure que
l'évolution des hommes progresse, la coopération devient de plus en
plus effective; dans les civilisations avancées, elle est plus
efficace que la concurrence. Les hommes primitifs sont stimulés par
la compétition. L'évolution primitive est caractérisée par la survie
des êtres biologiquement valides, mais la meilleure manière de
promouvoir les civilisations ultérieures est la coopération
intelligente, la confrérie compréhensive, et la fraternité
spirituelle.
Il est exact que la concurrence industrielle conduit à des
gaspillages excessifs et manque tout à fait son but, mais nulle
tentative pour éliminer cette perte d'activité économique ne devrait
être encouragée si les ajustements correspondants impliquent la plus
légère atteinte à l'une quelconque des libertés individuelles
fondamentales.
6. -- LE MOBILE DU PROFIT
L'économie d'aujourd'hui, motivée par la recherche du bénéfice,
est condamnée, à moins que les mobiles de service ne puissent
s'ajouter aux mobiles de profit. La concurrence impitoyable basée
sur l'intérêt égoïste à vues étroites finit par détruire les choses
mêmes quelle cherchait à maintenir. L'intention de rechercher
exclusivement un bénéfice pour soi-même est incompatible avec les
idéaux chrétiens -- et bien plus encore avec les enseignements de
Jésus.
Dans l'économie, le mobile du profit se situe par rapport au
mobile du service à la même place relative que la peur par rapport à
l'amour dans la religion. Mais il ne faudrait pas détruire ou
supprimer brusquement le mobile du profit. Il maintient assidûment
au travail bien des gens qui autrement seraient indolents. Il
stimule l'énergie sociale, mais il n'est pas nécessaire que ses
objectifs restent perpétuellement égoïstes.
Le mobile du profit dans les activités économiques est
entièrement vil et totalement indigne d'un ordre social avancé; il
est néanmoins un facteur indispensable dans les phases initiales de
la civilisation.
Il ne faut pas enlever aux hommes le mobile du profit avant
qu'ils aient fermement incorporé des buts non lucratifs dans leurs
efforts économiques et leurs services sociaux -- le besoin
transcendant d'une sagesse superlative, d'une fraternité
mystérieuse, et d'une perfection dans l'accomplissement
spirituel.
7. -- L'ÉDUCATION
Un État durable est fondé sur la culture, dominé par des idéaux,
et motivé par le service. Le but de l'éducation devrait consister à
acquérir de l'habileté, rechercher la sagesse, réaliser l'autonomie,
et atteindre les valeurs spirituelles.
Dans un État idéal, l'éducation continue tout au long de la vie,
et la philosophie devient parfois la principale visée de ses
citoyens. Les membres d'une telle communauté recherchent la sagesse
pour élever leur perspicacité au niveau où ils verront clairement le
sens des relations humaines, les significations de la réalité, la
noblesse des valeurs, les buts de la vie, et les gloires de la
destinée cosmique.
Les Urantiens devraient avoir la vision d'une société culturelle
nouvelle et supérieure. L'éducation fera un bond et atteindra de
nouveaux niveaux de valeur lors de la disparition du système
économique purement basé sur la recherche du profit. L'éducation a
été trop longtemps nationaliste et militariste, exaltant l'ego et
cherchant le succès personnel; il faut quelle devienne finalement
mondiale et idéaliste, permettant aux individus de s'épanouir et de
saisir le point de vue cosmique.
L'éducation est récemment sortie de l'emprise du clergé pour
passer sous celle des avocats et des hommes d'affaires. En fin de
compte, elle devra être confiée aux philosophes et aux savants. Il
faut que les instructeurs soient des êtres libres, de vrais
conducteurs, afin que la philosophie, la recherche de la sagesse,
puisse devenir la principale visée de l'éducation.
La vie est là pour vous éduquer; il faut que l'éducation continue
pendant toute la vie, de façon à ce que l'humanité acquière
graduellement l'expérience des niveaux ascendants de la sagesse
humaine, qui sont les suivants:
|
1. La connaissance des choses. |
|
2. La conception claire des significations. |
|
3. L'appréciation des valeurs. |
|
4. La noblesse du travail -- le devoir. |
|
5. La motivation des buts -- la moralité. |
|
6. L'amour du service -- le caractère. |
|
7. L'intelligence cosmique -- le discernement
spirituel. |
Ensuite, grâce à ces accomplissements, nombre d'hommes
s'élèveront au niveau ultime que la pensée mortelle puisse
atteindre, la conscience de Dieu.
8. -- LE CARACTÈRE DE L'ÉTAT
Le seul caractère sacré de tout gouvernement humain est la
division de l'État en trois domaines, ceux des fonctions exécutive,
législative, et judiciaire. L'univers est administré selon ce plan
qui sépare les fonctions et l'autorité. À part ce divin concept de
réglementation sociale ou de gouvernement civil efficaces, peu
importe la forme d'État qu'un peuple se choisisse, pourvu que la
citoyenneté progresse toujours vers le but d'un meilleur contrôle de
soi-même et de services sociaux accrus. L'acuité intellectuelle, la
sagesse économique, l'intelligence sociale, et le courage moral d'un
peuple se reflètent fidèlement dans l'aspect de l'État.
L'évolution de l'État progresse de niveau en niveau comme
suit:
|
1. La création d'un gouvernement triple ayant
des départements exécutif, législatif, et judiciaire. |
|
2. La liberté pour les citoyens d'exercer des
activités sociales, politiques, et religieuses. |
|
3. L'abolition de toutes les formes
d'esclavage et de servitude humaine. |
|
4. L'aptitude des citoyens à réglementer
l'établissement des impôts. |
|
5. L'instauration d'une éducation universelle
-- l'instruction depuis le berceau jusqu'à la tombe. |
|
6. L'ajustement approprié entre les autorités
locales et le gouvernement national. |
|
7. L'encouragement de la science et la
victoire sur la maladie. |
|
8. La récognition de l'égalité des sexes et
le comportement coordonné des hommes et des femmes, au foyer,
à l'école, et à l'église, avec des services féminins
spécialisés dans l'industrie et le gouvernement. |
|
9. L'élimination de l'esclavage des corvées
par l'invention de machines, et la domination subséquente de
l'âge mécanique. |
|
10. La victoire sur les dialectes, le triomphe
d'un langage universel. |
|
11. La fin des guerres -- l'arbitrage
international des différends raciaux et nationaux par des
cours continentales de nations, présidées par un tribunal
planétaire suprême recruté automatiquement parmi les chefs des
cours continentales arrivant périodiquement à la retraite. Les
décisions des tribunaux continentaux sont exécutoires; le rôle
du tribunal mondial est consultatif -- moral. |
|
12. La tendance dans le monde entier à
rechercher la sagesse -- l'exaltation de la philosophie.
L'évolution d'une religion mondiale laissant présager l'entrée
de la planète dans les phases primitives d'ancrage dans la
lumière de la vie. |
Telles sont les conditions préalables d'un gouvernement de
progrès et les marques distinctives d'un État idéal. Urantia est
loin d'avoir réalisé ces idéaux élevés, mais ses races civilisées
ont fait leurs débuts -- l'humanité est en marche vers des destinées
évolutionnaires plus hautes.
[Présenté par un Melchizédek de
Nébadon.]
|