LA FAUTE D'ADAM ET D'ÈVE
APRÈS plus de cent ans d'efforts sur Urantia, Adam ne pouvait constater
que très peu de progrès à l'extérieur du Jardin; le monde en général ne
semblait guère se perfectionner. L'amélioration de la race paraissait bien
lointaine et la situation semblait désespérée au point de nécessité un
remède non prévu dans les plans originaux. Du moins c'est ce qui
traversait souvent la pensée d'Adam, et il en fit bien des fois part à
Ève. Adam et sa compagne étaient loyaux, mais ils étaient isolés de leurs
semblables et très affligés du triste état de leur monde.
1. -- LE PROBLÈME D'URANTIA
La tâche adamique sur Urantia, planète expérimentale, déchirée par la
rébellion, et isolée, était une entreprise formidable. Le Fils et la Fille
Matériels ne tardèrent pas à se rendre compte de la difficulté et de la
complexité de leur rôle planétaire. Néanmoins, ils se mirent
courageusement à l'oeuvre pour résoudre leurs nombreux problèmes, mais
quand ils s'attaquèrent au travail majeur d'éliminer les anormaux et les
dégénérés des lignées humaines, ils furent tout à fait consternés. Ils ne
voyaient aucun moyen de sortir du dilemme et ne pouvaient prendre conseil
de leurs supérieurs ni sur Jérusem ni sur Édentia. Ils étaient là, isolés
et confrontés jour après jour par quelque imbroglio nouveau et compliqué
ou par quelque problème apparemment insoluble.
Dans des conditions normales, le premier travail d'un Adam et d'une Ève
Planétaire eût été de coordonner et de mélanger les races. Mais sur
Urantia ce projet semblait a peu près sans espoir, car les races étaient
bien prêtes biologiquement, mais n'avaient jamais été débarrassées de
leurs lignées retardataires et défectueuses.
Adam et Ève se trouvaient sur une sphère qui n'était aucunement
préparée pour la proclamation de la fraternité des hommes, un monde
tâtonnant dans des ténèbres spirituelles pitoyables, maudit par le
désordre et pis encore, damné par l'avortement de la mission de
l'administration précédente. La pensée et la morale étaient à un bas
niveau, et au lieu d'essayer d'aboutir à l'unité religieuse, le Fils et la
Fille Matériels devaient recommencer complètement la conversion des
habitants aux plus simples formes de croyance religieuse. Au lieu de
trouver un langage prêt à être adopté, ils devaient faire face a la
confusion mondiale de centaines et centaines de dialectes locaux. Nul Adam
du service planétaire ne fut jamais attaché à un monde plus difficile; les
obstacles semblaient insurmontables et les problèmes insolubles pour ces
créatures.
Adam et Ève étaient isolés, et le prodigieux sentiment de solitude qui
s'appesantissait sur eux fut encore accru par le départ assez rapide des
syndics Melchizédeks. C'est seulement indirectement, par le truchement des
ordres angéliques, qu'ils pouvaient communiquer avec un être quelconque
extérieur à la planète. Leur courage allait s'affaiblissant, leur entrain
se perdait, et leur foi vacillait.
Telle est la véritable image de la consternation de ces deux âmes
tandis qu'elles réfléchissaient aux tâches qui les confrontaient. Toutes
deux se rendaient compte avec acuité de l'énorme entreprise qu'impliquait
l'exécution de leur mission planétaire.
Il est probable que jamais des Fils Matériels de Nébadon n'eurent à
faire face à une tâche aussi difficile, et apparemment désespérée, qu'Adam
et Ève devant la pénible situation d'Urantia. Ils auraient cependant fini
par réussir s'ils avaient été plus perspicaces et plus patients.
Tous deux, et spécialement Ève, étaient vraiment trop impatients; ils
répugnaient à s'atteler à la longue, très longue épreuve d'endurance. Ils
désiraient voir des résultats immédiats, et ils les virent, mais les
résultats ainsi acquis se révélèrent désastreux pour eux-mêmes et pour
leur planète.
2. -- LE COMPLOT DE CALIGASTIA
Caligastia faisait de fréquentes visites au Jardin et eut de nombreux
entretiens avec Adam et Ève, mais il les trouva intransigeants devant
toutes ses suggestions de compromis et de raccourcis aventureux. Ils
avaient devant eux un tableau suffisant des résultats de la rébellion pour
être efficacement immunisés contre toutes ces propositions insidieuses.
Les ouvertures de Caligastia restaient sans influence même sur les jeunes
descendants d'Adam. Bien entendu, ni Caligastia ni son associé n'avaient
le pouvoir d'influencer une personne quelconque contre sa volonté, et
encore moins de persuader les enfants d'Adam de mal faire.
Il faut se rappeler que Caligastia était encore en titre le Prince
Planétaire d'Urantia, un Fils égaré, mais néanmoins élevé, de l'univers
local. Il ne fut définitivement déposé que lors du passage de Christ
Micaël sur Urantia (1).
Mais le Prince déchu était persévérant et résolu. Il renonça bientôt à
convaincre Adam et décida de tenter une perfide attaque de flanc contre
Ève. Le scélérat conclut que son unique espoir de réussite résidait dans
l'emploi adroit de personnes qualifiées appartenant aux couches
supérieures du groupe nodite, les descendants des anciens associés de son
état-major corporel. Il établit ses plans en conséquence pour prendre au
piège la mère de la race violette.
Ève n'eut jamais la moindre intention de faire quoi que ce soit pour
desservir les plans d'Adam ou compromettre leur mission planétaire de
confiance. Connaissant la tendance des femmes à rechercher des résultats
immédiats plutôt que de faire avec prévoyance des plans à effets plus
lointains, les Melchizédeks, avant leur départ, avaient soigneusement mis
Ève en garde contre les dangers spéciaux menaçant sa position isolée sur
la planète, et en particulier ils l'avaient avertie de ne jamais se
désolidariser de son mari, c'est-à-dire de ne pas essayer de méthodes
secrètes ou personnelles pour faire progresser leurs entreprises communes.
Ève avait scrupuleusement suivi ces instructions pendant plus de cent ans,
et il ne lui était pas venu à l'idée qu'un danger s'attacherait aux
visites de plus en plus privées et confidentielles que lui faisait un chef
nodite nommé Sérapatatia. Toute l'affaire se développa si graduellement et
si naturellement qu'Ève fut prise au dépourvu.
Les habitants du Jardin avaient été en contact avec les Nodites depuis
les premiers jours du Jardin. Ils avaient reçu beaucoup d'aide et une
précieuse collaboration de ces descendants mixtes des membres défaillants
de l'état-major de Caligastia, et c'était par les Nodites que le régime
édénique allait maintenant subir sa ruine complète et sa déroute
définitive.
(1) Cf. Luc X-18.
3. -- LA TENTATION D'ÈVE
Adam venait d'achever son premier siècle de séjour sur terre lorsque
Sérapatatia, ayant perdu son père, devint chef de la confédération
occidentale ou syrienne des tribus nodites. Sérapatatia était un homme au
teint brun, un brillant descendant de l'ancien chef de la commission de la
santé à Dalamatia, qui avait épousé une femme de la race bleue douée d'une
des intelligences les plus remarquables de ces temps lointains. À travers
toutes les générations, cette lignée avait détenu l'autorité et exercé une
grande influence sur les tribus nodites occidentales.
Sérapatatia avait fait plusieurs visites au Jardin et avait été
profondément impressionné par la droiture de la cause d'Adam. Peu après
avoir pris le commandement des Nodites syriens, il annonça son intention
d'établir des attaches avec le travail d'Adam et d'Ève dans le Jardin. La
majorité de son peuple le suivit dans ce programme, et Adam fui réconforté
par la nouvelle que la plus puissante et la plus intelligente des tribus
voisines s'était ralliée presque en bloc au soutien de son programme pour
améliorer le monde; c'était nettement encourageant. Peu après ce grand
événement, Adam et Ève reçurent Sérapatatia et son nouvel état-major dans
leur propre maison.
Sérapatatia devint l'un des lieutenants d'Adam les plus capables et les
plus efficaces. Il était entièrement honnête et complètement sincère dans
toutes ses activités. Il ne fut jamais conscient, même plus tard, que
l'astucieux Caligastia se servait de lui comme d'un instrument accessoire.
Bientôt Sérapatatia devint vice-président de la commission édénique des
relations tribales, et de nombreux plans furent préparés pour poursuivre
plus vigoureusement le ralliement des tribus lointaines à la cause du
Jardin.
Il eut de nombreuses conférences avec Adam et Ève -- spécialement avec
Ève -- où ils discutèrent bien des projets pour améliorer leurs méthodes.
Un jour, durant une conversation avec Ève, Sérapatatia eut l'idée qu'en
attendant de pouvoir recruter un grand nombre des représentants de la race
violette, il serait très utile de faire immédiatement quelque chose pour
l'avancement nécessaire des tribus arriérées. Sérapatatia soutint que si
les Nodites, la race la plus progressiste et la plus coopérative,
pouvaient avoir un chef qui naisse chez eux avec une part de sang violet,
cela constituerait un lien puissant qui attacherait plus étroitement ces
peuplades au Jardin. Tout ceci fut sérieusement et honnêtement considéré
comme bénéfique pour le monde, puisque l'enfant, qui devait être élevé et
instruit dans le Jardin, exercerait une grande influence bénéfique sur le
peuple de son père.
Il y a lieu de souligner à nouveau que Sérapatatia était complètement
honnête et totalement sincère dans toutes ses propositions. Jamais il ne
soupçonna qu'il jouait le jeu de Caligastia et de Daligastia. Sérapatatia
était entièrement fidèle au plan consistant à accumuler une forte réserve
de la race violette avant de tenter le relèvement à l'échelle mondiale des
peuplades confuses d'Urantia. Mais cela demanderait des centaines d'années
pour être accompli, et il était impatient. Il voulait obtenir quelques
résultats immédiats -- des choses qu'il puisse voir pendant sa vie. Il fit
comprendre clairement à Ève qu'Adam était souvent découragé par le peu de
résultats qu'il avait obtenus pour élever le monde.
Pendant plus de cinq ans, ces plans furent mûris secrètement. À la fin
ils avaient atteint le point où Ève consentit à avoir un entretien secret
avec Cano, le penseur le plus brillant et le chef le plus actif de la
colonie voisine des Nodites sympathisants. Cano avait une grande estime
pour le régime adamique; en fait, il était le sincère chef spirituel des
Nodites des environs qui souhaitaient des relations amicales avec le
Jardin.
La réunion fatale eut lieu au crépuscule d'un soir d'automne, non loin
de la demeure d'Adam. Ève n'avait encore jamais rencontré le beau et
enthousiaste Cano -- qui était un magnifique spécimen de survie de la
structure corporelle supérieure et de la remarquable intelligence de ses
lointains ancêtres de l'état-major du Prince. Cano, lui aussi, croyait
entièrement à la droiture du projet de Sérapatatia. (En dehors du Jardin,
la polygamie se pratiquait couramment.)
Influencée par la flatterie, l'enthousiasme, et une grande force de
persuasion personnelle, Ève consentit séance tenante à se lancer dans
l'entreprise tant discutée, et à ajouter son petit projet de salut du
monde au plan divin plus vaste et de plus grande envergure. Avant d'avoir
tout à fait réalisé ce qui se passait, le pas fatal avait été franchi.
C'en était fait.
4. -- LA PORTÉE DE LA FAUTE
Les êtres célestes vivant sur la planète étaient en émoi. Adam reconnut
que quelque chose allait mal et demanda à Ève de venir auprès de lui dans
le Jardin. Alors, pour la première fois, Adam entendit l'histoire du plan
longuement mûri pour accélérer le progrès du monde en opérant
simultanément dans deux directions: la poursuite du plan divin
concomitante avec l'exécution du projet de Sérapatatia.
Tandis que le Fils et la Fille Matériels s'entretenaient ainsi dans le
Jardin éclairé par la lune, « la voix dans le Jardin » leur reprocha leur
désobéissance. Cette voix n'était autre que la mienne, lorsque j'annonçai
au couple édénique qu'il avait transgressé le pacte du Jardin, désobéi aux
instructions des Melchizédeks, et failli à son serment de fidélité au
souverain de l'univers.
Ève avait consenti à participer à la pratique du bien et du mal. Le
bien est l'exécution des plans divins; le péché est une transgression
délibérée de la volonté divine; le mal est le défaut d'adaptation des
plans et d'ajustement des techniques qui se traduit par l'inharmonie de
l'univers et le désordre et le planète.
Chaque fois que le couple du Jardin avait mangé du fruit de l'arbre de
vie, l'archange gardien les avait prévenus qu'il fallait s'abstenir de
céder aux suggestions de Caligastia tendant à conjuguer le bien et le mal.
Ils avaient été avertis dans les termes suivants: « Le jour où vous
mélangerez le bien et le mal, vous ressemblerez sûrement aux mortels du
royaume; vous mourrez certainement » (1).
Lors de l'occasion fatale de leur rencontre secrète, Ève avait signalé
à Cano cet avertissement souvent répété, mais Cano, ne connaissant ni
l'importance ni le sens de ces remontrances, l'avait assurée que des
hommes et des femmes ayant de bons mobiles et des intentions sincères ne
pouvaient faire de mal, que sûrement elle ne mourrait pas (2) mais vivrait
plutôt à nouveau dans la personne de son enfant qui grandirait pour bénir
et stabiliser le monde.
Bien que ce projet de modifier le plan divin eût été conçu et exécuté
avec une entière sincérité et uniquement avec les mobiles les plus élevés
pour le bien-être du monde, il constituait un mal parce qu'il représentait
la mauvaise manière d'atteindre de justes fins, parce qu'il s'écartait du
droit chemin, du plan divin.
Il est vrai qu'Ève avait trouvé Cano plaisant à regarder, et qu'elle
comprenait tout ce que son séducteur lui promettait au moyen « d'une
connaissance nouvelle et accrue des affaires humaines et d'une
compréhension de la nature adamique ».
Cette nuit-là, dans le Jardin, je parlai au père et à la mère de la
race violette comme cela devenait mon devoir en ces tristes circonstances.
J'écoutai entièrement le récit de tout ce qui avait conduit Mère Ève à
commettre la faute et je leur donnai à tous deux des avis et des conseils
au sujet de la situation immédiate. Certains furent suivis, d'autres
dédaignés. Cet entretien est décrit dans vos annales comme « le Seigneur
Dieu appelant Adam et Ève dans le Jardin et leur demandant: Où êtes-vous?
(3) » Les générations ultérieures avaient pour habitude d'attribuer
directement à une intervention personnelle des Dieux tout ce qui était
inhabituel ou extraordinaire.
(1) Genèse II-17. |
(2) Genèse III-4. |
(3) Genèse III-9. |
5. -- LES RÉPERCUSSIONS DE LA FAUTE
La désillusion d'Ève fut vraiment pathétique. Adam discerna toute la
malheureuse conjoncture. Malgré son abattement et son coeur brisé, il ne
manifesta que de la pitié et de la sympathie pour sa compagne égarée.
Le lendemain du faux-pas d'Ève, Adam, au désespoir d'avoir compris son
échec, rechercha Laotta, la brillante femme Nodite qui dirigeait les
écoles occidentales du Jardin, et commit avec préméditation la même folie
qu'Ève. Mais ne nous y trompons pas: Adam ne fut pas séduit; il savait
exactement ce qu'il faisait; il choisit délibérément de partager le sort
d'Ève. Il aimait sa compagne d'une affection supra-humaine, et l'idée de
la possibilité de veilles solitaires sans elle sur Urantia dépassait ce
qu'il pouvait supporter.
Quand ils apprirent ce qui était arrivé à Ève, les habitants du Jardin
devinrent furieux et ingouvernables. Ils déclarèrent la guerre aux Nodites
installés dans le voisinage. Sortant par les portes d'Éden, ils se
précipitèrent sur cette population non préparée et la détruisirent de fond
en comble. Aucun homme, aucune femme, aucun enfant ne furent épargnés, et
Cano, le père de Caïn encore à naître périt également.
Lorsqu'il comprit clairement ce qui était arrivé, Serapatatia
s'effondra dans la consternation; la crainte et le remords lui firent
perdre la raison, et le lendemain il alla se noyer dans le grand fleuve.
Les enfants d'Adam cherchèrent à réconforter leur mère affolée tandis
que leur père errait seul pendant trente jours. A la fin de ce délai le
jugement s'affirma; Adam revint à son foyer et commença à faire des plans
pour leur future ligne de conduite.
Les conséquences des folies des parents malavisés sont bien souvent
partagées par leurs enfants innocents. Les nobles et intègres fils et
filles d'Adam et d'Ève étaient accablés par l'inexplicable tristesse due à
l'incroyable tragédie dans laquelle ils avaient été si soudainement et si
brutalement précipités. Cinquante ans plus tard, les aînés de ces enfants
ne s'étaient pas encore remis du chagrin et de la douleur de ces jours
tragiques, et spécialement de la terreur éprouvée pendant la période de
trente jours où leur père avait déserté le foyer tandis que leur mère
éplorée ignorait complètement son sort et l'endroit où il se trouvait.
Ces mêmes trente jours furent pour Ève comme de longues années de
chagrin et de souffrance. Cette noble âme ne se remit jamais complètement
de cette période atroce de douleur mentale et de tristesse spirituelle.
Nul aspect de leurs privations et de leurs tribulations ultérieures ne
peut même se comparer, dans la mémoire d'Ève, à ces terribles journées et
à ces affreuses nuits de solitude et d'intolérable incertitude. Elle
apprit le suicide de Sérapatatia sans savoir si son compagnon s'était tué
de désespoir ou avait été enlevé de la terre en punition de la faute
qu'elle avait commise. Lorsqu'Adam revint, Ève éprouva une joie et une
reconnaissance qui ne furent jamais effacées par le dur service de leur
longue et difficile association de vie.
Le temps passait, mais Adam ne fut certain de la nature de leur
infraction que soixante-dix jours après la faute d'Ève, quand les syndics
Melchizédeks revinrent sur Urantia et assumèrent la juridiction sur les
affaires du monde. Alors il sut qu'Ève et lui avaient échoué.
Mais bien d'autres ennuis se préparaient. La nouvelle de
l'anéantissement de la colonie nodite proche d'Éden ne tarda pas à être
connue des tribus de Sérapatatia dans le nord, et une grande armée
s'assembla pour marcher sur le Jardin. Ce fut le commencement d'une longue
guerre acharnée entre les Adamites et les Nodites, car les hostilités
durèrent bien après qu'Adam et ses partisans eussent émigré vers le second
jardin dans la vallée de l'Euphrate. Il y eut « une inimitié intense et
prolongée entre cet homme et la femme, entre la semence de l'un et la
semence de l'autre » (1).
(1) Genèse III-15.
6. -- ADAM ET ÈVE QUITTENT LE JARDIN
Lorsqu'Adam apprit que les Nodites étaient en marche, il demanda
conseil aux Melchizédeks, mais ceux-ci refusèrent de lui donner un avis.
Ils se bornèrent à lui dire d'agir au mieux à son idée et lui promirent
leur coopération amicale, dans toute la mesure du possible, dans la ligne
de conduite qu'il aurait choisie. Les Melchizédeks avaient reçu
l'interdiction de s'immiscer dans les plans personnels d'Adam et d'Ève.
Adam savait que lui et Ève avaient échoué; la présence des syndics
Melchizédeks le lui annonçait; mais il ne savait encore rien du statut
personnel de son ménage ni de son sort futur. Il tint pendant toute la
nuit une conférence avec douze cents partisans loyaux qui s'engagèrent à
suivre, leur chef. Le lendemain à midi, ces pèlerins s'en allèrent d'Éden
à la recherche de nouvelles demeures. Adam n'aimait pas la guerre et
choisit en conséquence d'abandonner sans opposition le premier jardin aux
Nodites.
La caravane édénique fut arrêtée le troisième jour de sa sortie du
Jardin par les transports séraphiques arrivant de Jérusem Pour la première
fois, Adam et Ève furent renseignés sur ce qu'allait être le sort de leurs
enfants. Tandis que les transporteurs se tenaient prêts, les enfants qui
étaient arrivés à l'âge du choix (vingt ans) reçurent l'option de rester
sur Urantia avec leurs parents ou de devenir pupilles des Très Hauts de
Norlatiadek. Les deux tiers choisirent d'aller sur Édentia; environ un
tiers décida de rester avec leurs parents. Tous les enfants qui n'étaient
pas d'âge à choisir furent emmenés sur Édentia. Nul n'aurait pu assister à
la pénible séparation du Fils et de la Fille Matériels d'avec leurs
enfants sans comprendre clairement que la voie des transgresseurs est rude
(1). Ces descendants d'Adam et d'Ève sont actuellement sur Édentia et nous
ignorons ce que l'on fera d'eux.
Ce fut une bien triste caravane qui se prépara à continuer son voyage.
Rien n'aurait pu être plus tragique! Être venus sur un monde avec tant
d'espoirs, avoir été accueillis sous d'aussi heureux auspices, et puis
quitter Éden dans la disgrâce, et encore perdre les trois quarts de leurs
enfants avant même d'avoir trouvé une nouvelle résidence!
(1) Cf. Proverbes XIV-12.
7. -- LA DÉGRADATION D'ADAM ET D'ÈVE
Ce fut pendant un arrêt de la caravane édénique qu'Adam et Ève furent
renseignés sur la nature de leur transgression et informés du sort qui les
attendait. Gabriel apparut pour prononcer le jugement, et voici le
verdict: «L'Adam et l'Ève Planétaires d'Urantia sont jugés en faute; ils
ont violé le pacte de leur mission de confiance comme chefs de ce monde
habits ».
Abattus par leur sentiment de culpabilité, Adam et Ève furent cependant
grandement réconfortés par l'annonce que leurs juges sur Salvington les
avaient absous de toute accusation d'avoir « outragé le gouvernement de
l'univers ». Ils n'avaient pas été jugés coupables de rébellion.
Le Fils et la Fille édénique furent informés qu'ils s'étaient abaissés
eux-mêmes au statut des mortels du royaume et qu'il leur fallait désormais
se conduire comme un homme et une femme d'Urantia en envisageant l'avenir
des races du monde comme le leur.
Longtemps avant qu'Adam et Ève eussent quitte Jérusem, leurs
instructeurs leur avaient pleinement expliqué les conséquences de tout
manquement vital aux plans divins. Je les avais personnellement prévenus
maintes et maintes fois que la réduction au statut de chair mortelle
serait le résultat certain, la punition sûre, qui accompagnerait
infailliblement une carence dans l'exécution de leur mission planétaire.
Mais il est essentiel d'avoir certaines notions du statut d'immortalité de
l'ordre matériel de filiation pour comprendre clairement les conséquences
entraînées par la faute d'Adam et d'Ève.
1. Adam et Ève, comme leurs semblables de Jérusem,
maintenaient leur statut d'immortalité par association intellectuelle avec
le circuit de gravité mentale de l'Esprit. Quand ce soutien vital est
rompu par disjonction mentale, alors, quel que soit le niveau spirituel de
l'existence de la créature, le statut d'immortalité est perdu. Le statut
mortel suivi de la décomposition physique fut la conséquence inévitable du
manquement intellectuel d'Adam et d'Ève.
2. Le Fils et la Fille Matériels d'Urantia étaient
personnalisés dans la similitude de la chair mortelle de ce monde; ils
dépendaient donc d'un double système circulatoire, le premier dérivé de
leur nature physique, et le second de la super-énergie accumulée dans le
fruit de l'arbre de vie. L'archange conservateur de l'arbre avait toujours
averti Adam et Ève qu'un manquement à la confiance culminerait dans une
dégradation de statut; l'accès à cette source d'énergie leur fut refusé à
la suite de leur faute.
Caligastia avait réussi à prendre Adam et Ève au piège; mais n'avait
pas réalisé son dessein à les entraîner dans une rébellion ouverte contre
le gouvernement de l'univers. Ce qu'ils avaient fait était réellement mal,
mais jamais ils ne furent coupables d'avoir outragé la vérité , ni de
s'être engagés dans une rébellion contre la juste autorité du Père
Universel et de son Fils Créateur.
8. -- LA PRÉTENDUE CHUTE DE L'HOMME
Adam et Ève déchurent de leur état supérieur de filiation matérielle
jusqu'à l'humble statut des hommes mortels, mais ce ne fut pas la chute de
l'homme. Malgré les conséquences immédiates de la faute adamique, la race
humaine fut élevée. Bien que le plan divin du don de la race violette aux
peuples d'Urantia ait avorté, les races mortelles ont tiré un immense
profit de la contribution limitée qu'Adam et sa descendance apportèrent
aux races d'Urantia.
Il n'y a as eu de « chute de l'homme ». L'histoire de la race humaine
est une évolution progressive, et l'effusion adamique a laissé les peuples
du monde grandement améliorés par rapport à leur condition biologique
antérieure. Les lignées supérieures d'Urantia contiennent maintenant des
facteurs héréditaires dérivés de quatre sources séparées: Andonite, Sangik,
Nodite, et Adamique.
Adam ne doit pas être considéré comme une source de malédiction pour la
race humaine. Certes il échoua dans l'exécution du plan divin, il
transgressa son pacte avec la Déité; son statut de créature et celui de sa
compagne furent abaissés, mais nonobstant tout cela, leur contribution à
la race humaine a beaucoup fait progresser la civilisation sur Urantia.
En estimant les résultats de la mission adamique sur votre monde, la
justice exige que l'on reconnaisse la condition de la planète. Adam fut
confronté par une tâche presque désespérée lorsqu'il fut transporté avec
sa belle compagne de Jérusem sur ce monde obscur et tourmenté. Pourtant,
s'ils avaient suivi les conseils des Melchizédeks et de leurs associés, et
s'ils avaient été plus patients, ils auraient fini par réussir.
Mais Ève écouta la propagande insidieuse pour la liberté personnelle et la
liberté d'agir sur la planète. Elle fut conduite à faire une expérience
avec son plasma vital de l'ordre matériel de filiation, en ce sens qu'elle
permit à ce vivant dépôt de confiance de se mêler à celui d'un ordre qui
était alors mixte; ce dernier était celui du modèle originel des Porteurs
de Vie et avait été combiné antérieurement avec celui des êtres
reproducteurs attachés à l'état-major du Prince Planétaire.
Au cours de toute votre ascension au Paradis, vous ne gagnerez jamais
rien en essayant impatiemment de vous dérober au divan plan établi, au
moyen de raccourcis, d'inventions personnelles, ou d'autres expédients
pour améliorer le chemin conduisant à la perfection éternelle.
Somme toute, il n'y eut probablement jamais dans Nébadon un avortement
de sagesse plus décourageant, mais il n'est pas surprenant que ces
faux-pas se produisent dans les affaires des univers évolutionnaires. Nous
faisons partie d'un univers gigantesque, et il n'y a rien d'étrange à ce
que tout ne se passe pas à la perfection. Notre univers n'a pas été créé
parfait; la perfection est notre but éternel et non notre origine.
Si l'univers était mécanique, si la Grande Source-Centre Première
n'était qu'une force et non aussi une personnalité, si toute la création
était un immense agrégat de matière physique dominé par des lois précises
caractérisées par des actions énergétiques invariables, alors la
perfection pourrait prévaloir, même sans que le statut de l'univers soit
parachevé. Il n'y aurait nul désaccord, nulle friction. Mais nous vivons
dans un univers de perfection et d'imperfection relatives, et nous nous
réjouissons que des désaccords et des malentendus y soient possibles car
ils apportent la preuve de l'existence et des actes de la personnalité
dans l'univers. Si notre univers est une existence dominée par la
personnalité, alors vous pouvez être assurés que la survie, le progrès, et
l'aboutissement de la personnalité sont possibles; nous pouvons avoir
confiance dans la croissance, l'expérience, et l'aventure de la
personnalité. Combien l'univers est glorieux parce qu'il est personnel et
progressif, et non simplement mécanique ou même passivement parfait!
[Présenté par Solonia, " la voix
séraphique dans le Jardin"]
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