L'ÉVOLUTION DU MARIAGE
LE mariage -- l'appariement -- naît de la bisexualité. Le mariage est
la réaction humaine pour s'adapter à cette bisexualité, tandis que la vie
de famille est l'ensemble qui résulte de tous ces ajustements
évolutionnaires et adaptatifs. Le mariage est durable; il n'est pas
inhérent à l'évolution biologique, mais il est la base de toute
l'évolution sociale, et c'est pourquoi la continuité de son existence est
assurée sous une certaine forme. Le mariage a donné le foyer à l'humanité,
et le foyer est la gloire qui couronne la longue et opiniâtre lutte
évolutionnaire.
Bien que les institutions religieuses, sociales, et éducatives soient
toutes essentielles à la survie d'une civilisation culturelle, c'est la
famille qui joue le rôle civilisateur majeur. Un enfant apprend de sa
famille et de ses voisins la plupart des choses essentielles de la vie.
Les humains des temps anciens ne possédaient pas une civilisation
sociale très riche, mais ils transmettaient fidèlement et efficacement aux
générations suivantes celle qu'ils avaient. Il faut reconnaître que la
plupart des civilisations du passé ont continué à évoluer avec un strict
minimum d'autres influences institutionnelles, parce que les foyers
fonctionnaient efficacement. Aujourd'hui les races détiennent un riche
héritage social et culturel qui devrait être sagement et utilement
transmis aux générations suivantes. La famille en tant qu'institution
éducative doit être maintenue.
1. -- L'INSTINCT D'APPARIEMENT
Malgré l'abîme qui sépare la personnalité de l'homme de celle de la
femme, le besoin sexuel est suffisant pour assurer leur union en vue de la
reproduction de l'espèce. Cet instinct opérait efficacement bien avant que
les humains aient commencé à éprouver ce que l'on a appelé plus tard
l'amour, le dévouement , et la fidélité conjugale. L'appariement est une
tendance innée, et le mariage est sa répercussion sociale évolutionnaire.
L'intérêt et le désir sexuels n'étaient pas des passions dominantes
chez les peuples primitifs; il les considéraient simplement comme normaux.
Toute l'expérience de la reproduction était dépourvue d'embellissements
imaginatifs. La passion sexuelle absorbante des peuples plus hautement
civilisés est principalement due à des mélanges de races, spécialement
lorsque la nature évolutionnaire fut stimulée par l'imagination
associative et l'appréciation de la beauté inhérentes aux Nodites et aux
Adamites. Mais les races évolutionnaires n'ont absorbé cette hérédité
andite que dans une mesure très faible; elle n'a pas réussi à procurer une
maîtrise de soi suffisante pour tenir en laisse les passions animales
ainsi vivifiées et excitées par une conscience plus aiguë du sexe et par
des besoins d'appariement plus impérieux. Parmi les races évolutionnaires,
ce sont les hommes rouges qui avaient le code sexuel le plus élevé.
La réglementation sexuelle relative au mariage mesure:
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1. Le progrès relatif de la civilisation. De plus en plus la
civilisation a exigé que les besoins sexuels soient satisfaits dans
une voie utile et conforme aux moeurs. |
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2. La proportion de sang andite chez un peuple quelconque. Dans
ces collectivités, le sexe est devenu l'expression tantôt la plus
élevée et tantôt la plus basse de la nature physique aussi bien que
de la nature émotionnelle. |
Les races Sangik avaient des passions animales normales, mais elles
montraient peu d'imagination et n'appréciaient guère la beauté et
l'attrait physique du sexe opposé. Même chez les races primitives
d'aujourd'hui, ce que l'on dénomme sex-appeal est virtuellement absent les
peuples non mêlés ont un instinct d'appariement bien net, mais un attrait
sexuel insuffisant pour créer de sérieux problèmes nécessitant un contrôle
social.
L'instinct d'appariement est l'une des forces physiques dominantes qui
poussent les êtres humains; il est l'unique sentiment qui, sous couvert de
satisfactions individuelles, amène efficacement par ruse les hommes
égoïstes à mettre le bien-être et la perpétuation de la race très
au-dessus des aises individuelles et de la liberté résultant d'une absence
de responsabilités personnelles.
Depuis ses premiers débuts jusqu'aux temps modernes, le mariage en tant
qu'institution dépeint l'évolution sociale de la tendance biologique à se
perpétuer. La perpétuation de l'espèce humaine évoluante est rendue
certaine par la présence de cette impulsion raciale à l'appariement, de ce
besoin que l'on appelle vaguement attrait sexuel. Ce grand besoin
biologique devient le pivot moteur de toutes sortes d'instincts, de
sentiments, et d'habitudes associés physiques, intellectuels, moraux, et
sociaux.
Chez les sauvages, la fourniture d'aliments était le motif déterminant
de l'union; mais quand la civilisation assure une abondance de nourriture,
le besoin sexuel devient fréquemment une impulsion dominante, et en
conséquence il a toujours besoin d'une réglementation sociale. Chez les
animaux, la périodicité instinctive refrène la propension à l'appariement,
mais chez l'homme, qui est dans une si grande mesure un être se contrôlant
lui-même, le désir sexuel n'est pas tout à fait périodique; il devient
donc nécessaire que la société impose aux individus une maîtrise accrue
d'eux-mêmes.
Nul sentiment ou instinct humain auquel on s'abandonne sans frein et
avec excès ne peut provoquer autant de maux et de chagrins que ce puissant
besoin sexuel. La soumission intelligente de cette impulsion à la
réglementation sociale est le test suprême de la réalité d'une
civilisation. La maîtrise de soi, encore et toujours plus de maîtrise de
soi, c'est ce que demande de plus en plus l'humanité progressante. Le
secret, le manque de sincérité, et l'hypocrisie peuvent voiler les
problèmes sexuels, mais ils ne fournissent pas de solutions et ne font pas
progresser la morale.
2. -- LES TABOUS RESTRICTIFS
L'histoire de l'évolution du mariage est simplement l'histoire du
contrôle sexuel sous la pression des restrictions sociales, religieuses,
et civiles. La nature ne reconnaît guère les individus; elle ne tient
aucun compte de ce que l'on appelle la morale; elle s'intéresse uniquement
et exclusivement à la reproduction de l'espèce. La nature insiste
irrésistiblement sur la reproduction, mais elle laisse avec indifférence à
la société le soin de résoudre les problèmes qui en résultent, créant
ainsi pour l'humanité en évolution un problème majeur et toujours
d'actualité. Ce conflit social consiste en une guerre sans fin entre les
instincts fondamentaux et l'éthique évolutionnaire.
Chez les races primitives, les relations entre sexes n'étaient pas
réglementées, ou très peu. A cause de cette licence sexuelle, la
prostitution n'existait pas. Aujourd'hui encore, les Pygmées et d'autres
tribus arriérées ne possèdent pas d'institution matrimoniale; l'étude de
ces peuplades révèle les simples coutumes d'appariement suivies par les
races primitives. Mais il faut toujours étudier et juger les anciens
peuples a la lumière des critères moraux des moeurs de leur propre époque.
Cependant, l'amour libre n'a jamais été bien vu chez les peuples ayant
dépassé la barbarie. Dès que des groupes sociaux se formèrent, des codes
matrimoniaux et des restrictions conjugales apparurent. L'appariement a
ainsi progressé par une multitude de transitions depuis un état de licence
sexuelle à peu près totale jusqu'aux critères moraux du XXième siècle
impliquant une restriction sexuelle à peu près complète.
Aux tout premiers stades du développement tribal, les moeurs et les
tabous restrictifs étaient fort grossiers; ils réussirent néanmoins a
séparer les sexes, ce qui favorisa la tranquillité, l'ordre, et
l'industrie; la longue évolution du mariage et du foyer avait commencé.
Les coutumes sexuelles concernant les vêtements, les parures, et les
pratiques religieuses prirent naissance dans les tabous primitifs qui
définissaient le champ des libertés sexuelles et finirent ainsi par créer
les concepts de vice, de crime, et de péché. Toutefois, l'habitude régna
longtemps de suspendre toutes les réglementations sexuelles pendant les
jours de grande fête, et spécialement le Premier Mai.
Les femmes ont toujours été soumises à plus de tabous restrictifs que
les hommes. Les moeurs primitives accordaient aux femmes non mariées le
même degré de liberté sexuelle qu'aux hommes, mais on a toujours exigé des
femmes qu'elles soient fidèles à leur mari. Le mariage primitif ne
restreignait pas beaucoup les libertés sexuelles de l'homme, mais il
rendait la continuation de la licence sexuelle tabou pour la femme. Les
femmes mariées ont toujours porté une marque quelconque qui faisait
d'elles une classe séparée; citons la coiffure, le vêtement, le voile,
l'isolement, la parure, et les anneaux.
3. -- LES MOEURS PRIMITIVES DU MARIAGE
Le mariage est la réponse institutionnelle de l'organisme social à la
tension biologique toujours présente du besoin de se reproduire -- de la
multiplication de soi -- que l'homme éprouve sans relâche. L'appariement
est naturel dans tout l'univers, et à mesure que la société évolua du
simple au complexe, il y eut une évolution correspondante des moeurs
d'appariement, la genèse de l'institution matrimoniale. Quand l'évolution
sociale a progressé jusqu'au stade où des moeurs sont engendrées, on
trouve partout le mariage comme une institution évoluante.
Il y a toujours eu et il y aura toujours deux domaines distincts du
mariage: les moeurs, les lois réglant les aspects extérieurs de
l'appariement, et les relations par ailleurs secrètes et personnelles
entre hommes et femmes. Les individus se sont toujours rebellés contre les
réglementations sexuelles imposées par la société, et voici la raison de
ce problème sexuel millénaire: la subsistance est individuelle, mais
assurée par la collectivité; la perpétuation de soi est sociale, mais
assurée par des impulsions individuelles.
Les moeurs, quand elles sont respectées, ont largement le pouvoir de
restreindre et de contrôler le besoin sexuel, comme on l'a vu chez toutes
les races. Les critères du mariage ont toujours reflété véridiquement le
pouvoir courant des moeurs et l'intégrité fonctionnelle du gouvernement
civil. Les moeurs primitives concernant le sexe et l'appariement étaient
une masse de prescriptions confuses et grossières; les parents, les
enfants, la famille, et la société avaient tous des intérêts opposés dans
la réglementation du mariage. Malgré tout cela, les races qui exaltèrent
et pratiquèrent le mariage évoluèrent naturellement à des niveaux plus
élevés et survécurent en nombre croissant.
Aux époques primitives, le mariage était le prix du rang social; la
possession d'un femme était un signe de distinction. Le sauvage regardait
le jour de son mariage comme marquant l'inauguration de sa responsabilité
et de sa virilité. A une certaine époque, on a considéré le mariage comme
un devoir social; à une autre, comme une obligation religieuse; une autre
époque encore, comme une nécessité politique pour fournir des citoyens à
l'État.
Bien des tribus primitives exigeaient qu'un homme ait commis des rapts
pour être digne de se marier. A ces razzias, les peuples substituèrent
plus tard des combats athlétiques et des jeux de compétition. Les gagnants
de ces épreuves recevaient le premier prix -- le droit de choisir parmi
les filles à marier. Chez les chasseurs de têtes, un jeune homme ne
pouvait se marier à moins de posséder au moins une tête, bien qu'il fût
parfois possible d'acheter des crânes. A mesure que l'achat des femmes
déclina, on les gagna par des concours d'énigmes; cet pratique survit
encore chez de nombreux groupes d'hommes noirs.
Avec les progrès de la civilisation, certaines tribus remirent au choix
des femmes les sévères épreuves matrimoniales d'endurance masculine; les
femmes purent ainsi favoriser les hommes de leur choix. Les épreuves du
mariage englobaient l'habileté à la chasse, la lutte, et l'aptitude à
entretenir une famille. Pendant longtemps, on exigea que le prétendant
vive au foyer de la fiancée pendant au moins un an pour y travailler et
montrer qu'il était digne de la femme qu'il désirait.
Les qualifications d'un femme étaient l'aptitude à faire les gros
travaux et à donner le jour à des enfants. On exigeait qu'elle exécute en
un temps donné un travail agricole déterminé. Si elle avait donné
naissance à un enfant avant le mariage, elle avait d'autant plus de
valeur; on était alors certain de sa fécondité.
Le fait que les peuples de l'antiquité considéraient comme une honte,
ou même comme un péché, de ne pas être marié explique l'origine des
mariages d'enfants; puisqu'il fallait être marié, le plus tôt était le
mieux. On croyait aussi très généralement que les célibataires n'avaient
pas accès au pays des esprits, et ce fut un motif supplémentaire pour
marier les enfants, même à leur naissance, et parfois avant, sous réserve
de leur sexe. Les anciens croyaient que les morts eux-mêmes devaient être
mariés. A l'origine, les marieurs étaient employés à négocier des mariages
de personnes décédées. L'un des parents prenait des dispositions pour que
ces intermédiaires concluent le mariage d'un fils décédé avec la fille
décédée d'une autre famille.
Chez les peuples moins anciens, la puberté était l'âge ordinaire du
mariage, mais cet âge fut reculé en proportion directe des progrès de la
civilisation. L'évolution sociale vit surgir de bonne heure des ordres
spéciaux de célibataires hommes et femmes; ces ordres furent inaugurés par
des personnes plus ou moins dépourvues de besoins sexuels normaux.
De nombreuses tribus permettaient aux hommes de leur groupe dirigeant
d'avoir des rapports sexuels avec une fiancée juste avant qu'elle fût
donnée à son mari. Chacun de ces hommes faisait alors un cadeau à la jeune
fille, et ce fut l'origine de la coutume de donner des cadeaux de mariage.
Dans certains groupes, on comptait qu'une jeune femme gagnerait sa dot
grâce aux cadeaux reçus en récompense de ses services (sexuels) dans la
salle d'exposition des filles à marier.
Certaines tribus faisaient épouser aux jeunes gens les veuves et les
femmes âgées, et quand plus tard ils devenaient veufs, on leur permettait
d'épouser les jeunes filles. On s'assurait ainsi, selon l'expression de
l'époque, que les deux parents ne feraient pas de folies, comme on
supposait que ce serait le cas si l'on permettait à deux jeunes de s'unir.
D'autres tribus limitaient les unions à des groupes d'âge similaire. Cette
limitation du mariage à des groupes d'un âge déterminé fut la première à
donner naissance aux idées d'inceste. (Aux Indes, même aujourd'hui, aucune
restriction d'âge n'est imposée aux mariages.)
Sous l'emprise de certaines moeurs, le veuvage des femmes était fort à
craindre; ou bien on tuait les veuves, ou bien on leur permettait de se
suicider sur la tombe de leur mari, car elles étaient censées passer aux
pays des esprits avec leur époux. La veuve survivante était presque
invariablement blâmée pour la mort de son mari. Certaines tribus les
brûlaient vives. Si une veuve continuait à vivre, elle menait une vie de
deuil continuel et de restrictions sociales intolérables, car les
remariages étaient généralement désapprouvés.
Jadis on encourageait de nombreuses pratiques aujourd'hui considérées
comme immorales. Il n'était pas rare que les femmes primitives fussent
très fières des amours de leurs maris avec d'autres femmes; la chasteté
chez les filles était un grand obstacle au mariage. La mise au monde d'un
enfant avant le mariage rendait la fille beaucoup plus désirable comme
femme, car l'homme était sur d'avoir une compagne féconde.
Beaucoup de tribus primitives sanctionnaient le mariage à l'essai
jusqu'à ce que la femme soit enceinte, après quoi l'on accomplissait la
cérémonie régulière du mariage. Chez d'autres groupes, on ne célébrait pas
le mariage avant la naissance du premier enfant. Si une femme était
stérile, ses parents devaient la racheter, et le mariage était annulé. Les
moeurs exigeaient que chaque couple ait des enfants.
Ces mariage primitif à l'essai étaient entièrement dépourvus de tout
semblant de licence; ils étaient simplement de sincères épreuves de
fécondité. Les intéressés contractaient un mariage permanent aussitôt que
la fécondité était établie. Quand des couples modernes se marient en ayant
à l'arrière-plan de leur pensée l'idée de divorcer commodément si leur vie
conjugale ne leur plaît pas entièrement, ils contractent en réalité un
mariage à l'essai sous une forme très inférieure aux honnêtes aventures de
leurs ancêtres moins civilisés.
4. -- MARIAGE ET PROPRIÉTÉ
Le mariage a toujours eu des liens étroits avec la propriété et la
religion. La propriété a stabilisé le mariage, et la religion l'a
moralisé.
Le mariage primitif était un placement, une spéculation économique; il
était davantage une question d'affaires qu'une histoire de coquetterie.
Les anciens se mariaient pour le bénéfice et le bien-être du groupe c'est
pourquoi les mariages étaient et projeté et arrangés par le groupe, leurs
parents et leurs aînés. L'assertion que le principe de propriété fut
efficace pour stabiliser l'institution du mariage est corroborée par le
fait que le mariage était plus permanent chez les tribus primitives que
chez bien des peuples modernes.
À mesure que la civilisation progressa et que la propriété privée fut
mieux reconnue par les moeurs, le vol devint le grand crime. L'adultère
fut considéré comme une forme de vol, une violation des droits de
propriété du mari; c'est pourquoi il n'est pas spécialement mentionné dans
les moeurs et codes primitifs. La femme commençait par être la propriété
de son père, qui transférait son titre au mari; toutes les relations
sexuelles légalisées naquirent de ces droits de propriété préexistants. L'Ancien
Testament parle des femmes comme d'un forme de propriété. Le Coran
enseigne leur infériorité. L'homme avait le droit de prêter sa femme à un
ami ou à un invité, et cette coutume prévaut encore chez certains peuples.
La jalousie sexuelle moderne n'est pas innée; elle est un produit des
moeurs évoluantes. L'homme primitif n'était pas jaloux de sa femme; il
défendait simplement sa propriété. La femme était tenue à des obligations
sexuelles plus strictes que le mari, pour la raison que son infidélité
conjugale impliquait une descendance et un héritage. Très tôt dans la
marche de la civilisation, l'enfant illégitime tomba en déconsidération.
Tout d'abord, seule la femme fut punie pour adultère; plus tard les moeurs
décrétèrent aussi le châtiment de son partenaire. Pendant de longs âges,
le mari offensé ou le père protecteur eurent pleinement le droit de tuer
l'intrus masculin. Les peuples modernes conservent ces moeurs qui
absolvent, sous une loi tacite, les crimes dits d'honneur.
Le tabou de la chasteté ayant pris naissance comme une phase des moeurs
de la propriété, il s'appliqua d'abord aux femmes mariées, mais non aux
jeunes filles célibataires. Plus tard, la chasteté fut davantage exigée
par le père que par le soupirant; une vierge était un actif commercial
pour le père -- elle rapportait un prix plus élevé. À mesure que la
chasteté fut plus demandée, la pratique s'établit de payer au père des
honoraires de fiançailles en récognition du service d'avoir élevé
convenablement une chaste fiancée pour le futur mari. Une fois lancée,
l'idée de chasteté féminine prit une telle emprise sur les races que la
pratique s'établit d'enfermer littéralement les filles, de les emprisonner
réellement durant des années, afin d'assurer leur virginité. C'est ainsi
que les critères plus récents et les épreuves de virginité donnèrent
naissance aux classes de prostituées professionnelles; elles étaient les
fiancées rejetées, les femmes qui n'étaient pas reconnues vierge par les
mères des fiancés.
5. -- ENDOGAMIE ET EXOGAMIE
Les sauvages observèrent de très bonne heure que les mélanges raciaux
amélioraient la descendance. Ce n'était pas que la consanguinité fût
toujours mauvaise, mais l'exogamie donnait toujours comparativement de
meilleurs résultats; les moeurs tendirent donc à fixer des restrictions de
rapports sexuels entre proches parents. On reconnut que l'exogamie
accroissait considérablement le choix d'occasions pour des progrès et des
variations évolutionnaires. Les individus nés de mariages exogames étaient
doués de talents plus variés et d'une plus grande aptitude à survivre dans
un monde hostile. Les endogames, ainsi que leurs moeurs, disparurent
graduellement. Tout cela se produisit lentement; les sauvages ne
raisonnaient pas consciemment sur ces problèmes. Par contre, les peuples
progressifs ultérieurs le firent, et observèrent aussi qu'une débilité
générale résultait parfois d'une endogamie excessive.
Bien que l'endogamie des bonnes lignées se traduisit parfois par la
formation de fortes tribus, les cas spectaculaires de mauvais résultats
provenant de l'endogamie d'anormaux héréditaires impressionnèrent plus
fortement la pensée humaine; il s'ensuivit que les moeurs en progrès
formulèrent de plus en plus de tabous contre tous les mariages entre
proches parents.
La religion a longtemps formé un barrage efficace contre les mariages à
l'extérieur; de nombreux enseignements religieux ont proscrit les mariages
en dehors de la foi. Les femmes ont généralement favorisé la pratique de
l'endogamie et les hommes celle de l'exogamie. La propriété a toujours
influencé le mariage. Parfois, dans un effort pour conserver des
propriétés à l'intérieur d'un clan, des moeurs ont surgi qui forçaient les
femmes à choisir un mari dans la tribu de leur père. Les règles de cette
sorte amenèrent une grande multiplication de mariages entre cousins.
L'endogamie fut également pratiquée pour s'efforcer de préserver les
secrets artisanaux; les artisans cherchaient à conserver dans leur famille
la connaissance de leur métier.
Quand les groupes supérieurs étaient isolés, ils en revenaient toujours
aux appariements consanguins. Pendant plus de cent cinquante mille ans,
les Nodites furent l'un des grands groupes endogames. Les moeurs
matrimoniales plus récentes furent prodigieusement influencées par les
traditions de la race violette, dans laquelle les appariements eurent
d'abord nécessairement lieu entre frères et soeurs. Les mariages entre un
frère et une soeur étaient communs en Égypte primitive, en Syrie, en
Mésopotamie, et dans tous les pays jadis occupés par les Andites. Les
Égyptiens pratiquèrent longtemps le mariage entre frère et soeur dans un
effort pour conserver la pureté du sang royal, et cette coutume persista
encore plus longtemps en Perse. Chez les Mésopotamiens, avant l'époque
d'Abraham, les mariages entre cousins étaient obligatoires; les cousins
avaient des droits de priorité pour épouser leurs cousines. Abraham
lui-même épousa sa demi-soeur, mais plus tard les moeurs des Juifs
n'autorisèrent plus ces unions.
Les premières mesures pour éliminer les
mariages entre frère et soeur furent prises sous l'influence des moeurs
polygames, parce que la femme-soeur cherchait à dominer avec arrogance
l'autre femme ou les autres femmes. Les moeurs de certaines tribus
interdisaient le mariage avec la veuve d'un frère décédé, mais exigeaient
que le frère vivant engendrât des enfants à la place de son frère trépassé
(1) ; ces restrictions sont entièrement une affaire de tabous.
(1) Deutéronome XXV-5 à 10; Matthieu
XXII-24; Marc XII-19.
L'exogamie finit par dominer parce qu'elle était favorisée, par les
hommes. Prenant une femme à l'extérieur, ils étaient assurés d'être plus
libres vis-à-vis de leur belle-famille. La familiarité engendre le mépris.
En conséquence, à mesure que le facteur du choix individuel commença à
dominer l'appariement, la coutume s'établit de choisir des partenaires en
dehors de la tribu.
Beaucoup de tribus finirent par interdire les mariages à l'intérieur du
clan; d'autres les limitèrent à certaines castes. Le tabou contre le
mariage avec une femme ayant le même totem que son partenaire donna
naissance à la coutume du rapt des femmes dans les tribus voisines. Plus
tard, les mariages furent davantage réglés d'après la résidence
territoriale que d'après la parenté. Il y eut bien des étapes dans
l'évolution du mariage depuis l'endogamie jusqu'aux pratiques modernes
d'exogamie. Même après l'institution du tabou sur les mariages endogames
du commun du peuple, les rois et les chefs furent autorisés à épouser une
proche parente afin de conserver le sang royal pur et concentré. Les
moeurs ont généralement permis aux chefs souverains certaines licences en
matière sexuelle.
La présence des peuples andites plus récents contribua beaucoup à
accroître le désir des races sangik de se marier en dehors de leurs
tribus. Toutefois, il ne fut pas possible à l'exogamie de prévaloir avant
que les groupes eussent appris à vivre relativement en paix avec leurs
voisins.
L'exogamie elle-même était un encouragement à la paix; les mariages
entre les tribus restreignaient les causes d'hostilité. L'exogamie
conduisit à la coordination tribale et aux alliances militaires; elle
devint prédominante parce qu'elle procurait un accroissement de forces;
elle fut une bâtisseuse de nations. L'exogamie fut également très
favorisée par les contacts commerciaux croissants; les aventures et les
explorations contribuèrent à étendre les frontières de l'appariement et
facilitèrent la fécondation croisée des cultures raciales.
Les inconséquences, autrement inexplicables, des moeurs matrimoniales
de la race sont largement dues à la coutume de l'exogamie accompagnée du
rapt et de l'achat des femmes chez les tribus voisines, l'ensemble
aboutissant à une synthèse des diverses moeurs tribales. Les tabous
concernant l'endogamie étaient sociologiques et non biologiques; le fait
est bien illustré par les tabous sur les mariages entre apparentés;
ceux-ci englobaient de nombreux degrés de relations avec les
belles-familles, ces cas ne comportant pas la moindre relation de sang.
6. -- LES MÉLANGES RACIAUX
Il n'y a pas aujourd'hui de races pures dans le monde. Les peuples
évolutionnaires de couleur, primitifs et originels, n'ont que deux races
représentatives qui subsistent sur terre, les hommes jaunes et les hommes
noirs; et même ces deux races contiennent beaucoup de sang des peuples de
couleur disparus. Bien que la race dite blanches descende d'une manière
prédominante des anciens hommes bleus, elle comporte plus ou moins un
mélange de toutes les autres races, comme d'ailleurs les hommes rouges des
Amériques.
Parmi les six races sangik de couleur, trois étaient primaires et trois
secondaires. Bien que les races primaires -- bleue, rouge, et jaune --
fussent sous bien des rapports supérieures aux trois peuples secondaires,
il ne faut pas oublier que ces derniers possédaient beaucoup de
caractéristiques désirables qui auraient considérablement amélioré les
peuples primaires s'ils avaient pu intégrer les meilleures lignées des
races secondaires.
Les préjugés d'aujourd'hui contre les « demi-sangs », les « hybrides »,
et les « bâtards » ont pris corps parce que la plupart des fécondations
croisées modernes s'effectuent entre les lignées grossièrement inférieures
des races intéressées. Les résultats sont également peu satisfaisants
quand les lignées dégénérées de la même race se marient entre elles.
Si les races actuelles d'Urantia pouvaient être libérées de la
malédiction résultant de leurs classes les plus inférieures de spécimens
dégénérés, antisociaux, mentalement débiles, et déchus, il y aurait peu
d'objections à une amalgamation raciale limitée. Et si ces mélanges
raciaux pouvaient prendre place entre les types tout à fait supérieurs des
diverses races, cela offrirait encore moins d'inconvénients.
L'hybridation de souches supérieures et dissemblables est le secret
pour créer des lignées nouvelles et plus vigoureuses, et cela est vrai
aussi bien pour les plantes et les animaux que pour l'espèce humaine.
L'hybridation augmente la vigueur et accroît la fécondité. Les mélanges
raciaux des classes moyennes ou supérieures de divers peuples accroissent
beaucoup le potentiel créatif, comme le montre la population actuelle des
États-Unis d'Amérique-du Nord. Quand ces appariements prennent place entre
individus des classes inférieures, la puissance créative est diminuée,
comme on peut le voir aujourd'hui chez les peuples de l'Inde méridionale.
Le mélange des races contribue beaucoup à l'apparition soudaine de
caractéristiques nouvelles, et si cette hybridation est l'union des
lignées supérieures, alors ces caractéristiques nouvelles seront aussi des
traits supérieurs.
Tant que les races actuelles resteront pareillement surchargées de
lignées inférieures et dégénérées, les mélanges raciaux sur une grande
échelle seront fort préjudiciables, mais la plupart des objections a cette
expérience sont fondées sur des préjugés sociaux et culturels plutôt que
sur des considérations biologiques. Même parmi les souches inférieures,
les hybrides sont souvent meilleurs que leurs ancêtres. L'hybridation tend
à améliorer l'espèce, à cause du rôle des gênes dominants. Les
mélanges de races augmentent la probabilité qu'un plus grand nombre de
dominants désirables sera présent chez l'hybride.
Au cours des cent dernières années, il s'est produit plus
d'hybridations raciales que précédemment au cours de plusieurs
millénaires. On a grandement exagéré le danger de voir de grossières
inharmonies résulter de la fécondation croisée entre souches humaines. Les
principales difficultés concernant les métis proviennent des préjugés
sociaux.
L'expérience de Pitcairn, consistant à mêler la race blanche et la race
polynésienne, eut d'assez bons résultats parce que les hommes blancs et
les femmes polynésiennes provenaient de lignées raciales relativement
bonnes. Les mariages mixtes entre les types les lus élevés des races
blanche, rouge et jaune amneraient immédiatement à l'existence de
nombreuses caractéristiques nouvelles et biologiquement efficaces. Ces
trois peuples appartiennent aux races primaires. Les croisements des races
blanche et noire ne sont pas aussi souhaitables quant à leurs résultats
immédiats, mais les mulâtres qui en proviennent ne sont pas aussi
indésirables que les préjugés sociaux et raciaux voudraient le faire
croire. Physiquement, les hybrides blancs-noirs sont d'excellents
spécimens de l'humanité, nonobstant leur légère infériorité sous certains
rapports.
Quand une race sangik primaire s'amalgame avec une race sangik
secondaire, la dernière est considérablement améliorée aux dépens de la
première. Sur une petite échelle -- s'étendant sur de longues périodes de
temps -- il ne peut guère y avoir d'objections sérieuses à cette
contribution sacrificielle des races primaires à l'amélioration des
groupes secondaires. Du point de vue biologique, les Sangiks secondaires
étaient, sous certains rapports, supérieurs aux races primaires.
Après tout, le véritable péril pour l'espèce humaine réside dans la
prolifération désordonnée des lignées inférieures et dégénérées des divers
peuples civilisés plutôt que dans le danger supposé de leur
entrecroisement racial.
[Présenté par le Chef des Séraphins
stationnés sur Urantia.]
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