L'INSTITUTION DU MARIAGE
VOICI l'histoire des premiers débuts de l'institution du mariage. Elle
a constamment progressé depuis les appariements décousus et chaotiques de
la horde, par de nombreuses variations et adaptations, jusqu'à
l'apparition des critères de mariage qui finirent par culminer dans la
réalisation des appariements de couples, l'union d'un seul homme et d'une
seule femme pour établir un foyer de l'ordre social le plus élevé.
Le mariage a été bien des fois en péril, et les moeurs matrimoniales
ont largement fait appel au soutien de la propriété et de la religion.
Toutefois, la véritable influence qui sauvegarde perpétuellement le
mariage et la famille en résultant est le fait biologique simple et inné
que les hommes et les femmes ne peuvent absolument pas se passer les uns
des autres, qu'il s'agisse des sauvages les plus primitifs ou des mortels
les plus cultivés.
C'est à cause de ses besoins sexuels que l'homme égoïste est entraîné à
se transformer en quelque chose de mieux qu'un animal. Les rapports
sexuels satisfont le corps et l'amour-propre, mais impliquent avec
certitude les conséquences de l'abnégation; ils assurent la prise en
charge de devoirs altruistes et de nombreuses responsabilités familiales
bénéfiques pour la race. C'est en cela que le sexe a civilisé les sauvages
sans qu'ils s'en rendent compte et sans qu'ils le soupçonnent, car
l'impulsion sexuelle oblige automatiquement et infailliblement
l'être humain à penser, et finalement le conduit à aimer.
1. -- LE MARIAGE EN TANT QU'INSTITUTION SOCIALE
Le mariage est le mécanisme mis en oeuvre par la société pour régler et
contrôler les nombreuses relations humaines issues du fait de la
bisexualité. En tant qu'institution, le mariage fonctionne dans deux
domaines:
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1. Il réglemente les relations sexuelles. |
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2. Il règle la descendance, l'héritage, la succession, et
l'ordre social, ceci étant sa fonction originelle la plus ancienne. |
La famille, qui naît du mariage, est elle-même un stabilisateur du
mariage, au même titre que les moeurs concernant la propriété. D'autres
facteurs puissants de a stabilité du mariage sont l'orgueil, la vanité, la
chevalerie, le devoir, et les convictions religieuses. Bien que les
mariages puissent être approuvés ou désapprouvés par les entités
supérieures, ils ne sont guère conclus dans le ciel. La famille terrestre
est nettement une institution humaine. Un développement évolutionnaire. Le
mariage est une institution sociale et non un service de l'Église. Il est
vrai que la religion devrait profondément l'influencer, mais elle ne
devrait pas entreprendre d'être seule à le contrôler et à le réglementer.
Le mariage primitif était essentiellement industriel, et même dans les
temps modernes il est souvent une affaire de société ou d'intérêt. Sous
l'influence du mélange de souches andites et comme conséquences des moeurs
d'une civilisation en progrès, le mariage devient lentement mutuel,
romantique, parental, poétique, affectueux, éthique, et même idéaliste.
Toutefois, la sélection et l'amour dit romantique jouaient un rôle minime
dans les appariements primitifs. Dans les premiers temps, mari et femme ne
vivaient pas beaucoup ensemble; ils ne mangeaient même pas très souvent
ensemble. Chez les anciens, l'affection personnelle n'était pas fortement
liée à l'attrait sexuel; c'est surtout à cause de la vie et du travail en
commun que l'affection naissait entre époux.
2. -- LA COUR ET LES FIANÇAILLES
Les mariages primitifs étaient toujours concertés par les parents du
garçon et ceux de la jeune fille. Le stade de transition entre cette
coutume et l'époque du libre choix fut occupé par les courtiers en
mariage, ou marieurs professionnels. Ces marieurs furent d'abord les
barbiers et ensuite les prêtres. Le mariage fut d'abord une affaire de
groupe, puis une affaire de famille; c'est tout récemment qu'il est devenu
une aventure individuelle.
La contrainte, et non l'attraction, était la voie d'accès au mariage
primitif. Dans les temps primitifs, la femme n'avait pas un comportement
sexuel réservé, mais seulement un sentiment d'infériorité sexuelle qui lui
avait été inculqué par les moeurs. De même que les razzias précédèrent le
commerce, de même le mariage par capture précéda le mariage par contrat.
Certaines femmes étaient de connivence dans la capture afin d'échapper à
la domination des hommes plus âgés de leur tribu; elles préféraient tomber
entre les mains d'hommes du même âge appartenant à une autre tribu. Ces
pseudo-enlèvements furent le stade de transition entre la capture par
force et la cour par le charme.
Un type primitif de cérémonie de mariage était la fuite simulée, une
sorte de répétition de l'enlèvement, qui fut jadis de pratique courante.
Plus tara, le simulacre de capture fit partie de la cérémonie régulière de
mariage. La prétention d'un fille moderne à résister à la « capture », à
être réticente envers le mariage, sont des reliquats d'anciennes coutumes.
Le transport de la mariée par-dessus le seuil est une réminiscence de
nombre d'anciennes pratiques, entre autres celles de l'époque du rapt des
femmes.
On refusa longtemps aux femmes le droit de disposer d'elles-mêmes dans
le mariage, mais les femmes les plus avisées ont toujours su se soustraire
à cette restriction en exerçant adroitement leur intelligence. C'est en
général l'homme qui a pris l'initiative de la cour, mais pas toujours.
Tantôt officiellement, tantôt secrètement, la femme a parfois pris les
devants pour se marier. À mesure que la civilisation a progressé, les
femmes ont joué un rôle croissant dans toutes les phases de la cour et du
mariage.
L'accroissement de l'amour, du romanesque, et de la sélection
personnelle dans la cour pré-conjugale est un apport des Andites aux races
du monde. Les relations entre les sexes évoluent favorablement; de
nombreux peuples en progrès substituent graduellement des conceptions
quelque peu idéalisées d'attrait sexuel aux anciens mobiles d'utilité et
de propriété. Les impulsions sexuelles et les sentiments affectifs
commencent à remplacer les froids calculs dans le choix des partenaires de
la vie.
À l'origine, les fiançailles équivalaient au mariage; chez les peuples
primitifs, les rapports sexuels étaient classiques durant le temps des
promesses. À une époque récente, la religion a établi un tabou sexuel sur
la période comprise entre les fiançailles et le mariage.
3. -- L'ACHAT ET LA DOT
Les anciens se méfiaient de l'amour et des promesses; ils estimaient
que les unions durables devaient être garanties par quelque sécurité
tangible -- par un avoir. Pour cette raison, le prix d'achat d'une femme
était considéré comme un forfait, un dépôt, que le mari était condamné à
perdre en cas de divorce ou d'abandon. Une fois que le prix d'achat d'une
jeune mariée avait été payé, de nombreuses tribus permettaient au mari de
la marquer au fer rouge. Les Africains achètent encore leurs femmes. Ils
comparent une femme qui épouse par amour, ou une femme l'homme blanc, à un
chat, parce qu'elle ne coûte rien à acheter.
Les exhibitions de filles à marier étaient des occasions d'habiller et
de parer les filles pour les montrer en public, avec l'espoir qu'on les
achèterait plus cher comme épouses. Toutefois, on ne les vendait pas comme
du bétail -- dans les tribus plus évoluées, les femmes ainsi achetées
n'étaient pas transférables. Leur acquisition n'était pas non plus
toujours une affaire d'argent conclue de sang-froid; les services
équivalaient à l'argent pour l'achat d'une femme. Si un homme par ailleurs
désirable ne pouvait payer le prix de sa femme, il était susceptible
d'être adopté comme fils par le père de la jeune fille, et pouvait alors
l'épouser. Si un homme pauvre recherchait et ne pouvait faire face au prix
demandé par un père cupide, les anciens de la tribu exerçaient souvent une
pression sur le père pour lui faire modifier ses exigences, faute de quoi
il risquait de voir sa fille enlevée.
Quand la civilisation fit des progrès, les pères n'aimèrent plus avoir
l'air de vendre leurs filles; alors, tout en continuant d'accepter le prix
d'achat de la mariée, ils inaugurèrent la coutume de donner au couple des
cadeaux d'une valeur à peu près équivalente au prix d'achat. Plus tard,
quand on cessa, de payer pour obtenir une femme, ces présents devinrent la
dot de la mariée.
L'idée d'une dot était destinée à donner l'impression que la mariée
était indépendante, à faire comprendre que l'on était très éloigné de
l'époque des femmes esclaves et des compagnes possédées en toute
propriété. Un homme ne pouvait divorcer d'avec une femme dotée sans
rembourser entièrement la dot. Dans certaines tribus, on établissait
réciproquement chez les parents de la fiancée et du fiancé un dépôt qui
restait acquis à la famille en cas de séparation; c'était en réalité un
contrat de mariage. Durant la période de transition entre la coutume de
l'achat et la coutume de la dot, les enfants appartenaient au père si la
femme avait été achetée; dans le cas contraire, ils appartenaient à la
famille de la femme.
4. -- LA CÉRÉMONIE DU MARIAGE
La cérémonie du mariage naquit du fait que le mariage était
originellement une affaire de la communauté et non simplement le point
culminant d'une décision de deux personnes. L'appariement intéressait le
groupe, tout en étant une fonction personnelle.
Toute la vie des anciens était entourée de magie, de rites, et de
cérémonies, et le mariage ne faisait pas exception. À mesure que la
civilisation progressa et que le mariage fut pris plus au sérieux, la
cérémonie du mariage devint de plus en plus ostentatoire. Les mariages
primitifs jouaient, comme d'ailleurs aujourd'hui, un rôle dans le droit de
propriété des biens; ils nécessitaient donc une cérémonie légale, et le
statut social des enfants à venir exigeait la plus large publicité
possible. Les hommes primitifs n'avaient pas d'archives; il fallait donc
qu'il y eût de nombreux témoins à la cérémonie du mariage.
Au début, elle avait plutôt le caractère de fiançailles et consistait
seulement en la notification publique de l'intention de vivre ensemble;
plus tard, elle consista en un repas official pris en commun. Dans
certaines tribus, les parents se bornaient à amener leur fille à son mari;
dans d'autres cas, la seule cérémonie était l'échange officiel de cadeaux,
après quoi le père de la mariée la donnait à l'époux. Chez beaucoup de
peuples levantins, on avait coutume de se dispenser de toute formalité; le
mariage était consommé par les rapports sexuels. Les hommes rouges furent
les premiers à instituer des cérémonies de mariage plus compliquées.
On craignait beaucoup l'absence d'enfants, et comme la stérilité était
attribuée a des machinations d'esprits, les efforts pour assurer la
fécondité conduisirent aussi à associer le mariage à certains rites
magiques ou religieux. On employait de nombreuses amulettes dans cet
effort pour garantir un mariage heureux et fécond; on consultait même les
astrologues pour vérifier l'horoscope des parties contractantes. A une
certaine époque, les sacrifices humains firent régulièrement partie de
tous les mariages entre gens riches.
On recherchait les jours de chance. On considérait le jeudi comme le
plus favorable, et l'on croyait que les mariages célébrés à la pleine lune
étaient exceptionnellement fortunés. De nombreux peuples du Proche-Orient
avaient coutume de jeter des graines sur les nouveaux mariés; c'était un
rite magique censé assurer la fécondité. Certains peuples orientaux
utilisaient du riz à cet effet.
Le feu et l'eau furent toujours considérés comme les meilleurs moyens
de résister aux fantômes et aux mauvais esprits. En conséquence, on
mettait généralement en évidence dans les mariages des feux sur les autels
et des chandelles allumées, et l'on faisait des aspersions baptismales
d'eau bénite. Pendant longtemps on eut coutume de fixer une fausse date de
mariage, et ensuite de retarder soudain l'événement pour faire perdre la
piste aux fantômes et aux esprits.
Les taquineries faites aux nouveaux mariés et les mauvais tours joués
aux couples en lune de miel sont des survivances des jours fort lointains
où l'on croyait qu'il était bon de paraître misérable et mal à l'aise
devant les esprits pour éviter d'exciter leur envie. Le port du voile de
mariée est un vestige de l'époque où l'on estimait nécessaire de déguiser
une jeune femme afin que les fantômes ne puissent pas la reconnaître, et
aussi pour cacher sa beauté aux regards des esprits qui risqueraient d'en
être envieux bu jaloux. Il ne fallait jamais que les pieds de la mariée
touchent le sol juste avant la cérémonie. Même au XXième siècle et sous
les moeurs chrétiennes, la coutume subsiste d'étendre des tapis depuis le
point d'arrivée de la voiture jusqu'à l'autel.
L'une des plus anciennes formes de cérémonie du mariage consistait à
faire bénir le lit conjugal par un prêtre pour assurer la fécondité de
l'union; cela se pratiqua longtemps avant l'établissement d'un rituel
officiel quelconque pour le mariage. Durant cette période dans l'évolution
des moeurs matrimoniales, on comptait que les invités aux noces
défileraient de nuit dans la chambre nuptiale, devenant ainsi des témoins
légaux de la consommation du mariage.
L'élément chance, qui malgré toutes les épreuves prénuptiale faisait
mal tourner certains mariages, conduisit les hommes primitifs à rechercher
une assurance pour se protéger contre les échecs matrimoniaux en ayant
recours aux prêtres et à la magie. Ce mouvement atteignit directement son
apogée dans les mariages modernes à l'église. Pendant longtemps on
reconnut généralement le mariage comme consistant ans les décisions des
parents contractants -- et plus tard du couple -- tandis qu'au cours des
cinq cents dernières années l'Église et l'État ont assumé la juridiction
et -- prétendent maintenant sceller les mariages.
5. -- LES MARIAGES PLURAUX
Dans l'histoire des débuts du mariage, les femmes non mariées
appartenaient aux hommes de la tribu. Plus tard, les femmes n'eurent qu'un
mari à la fois. Cette pratique d'un-seul-homme-à-la-fois fut le
premier pas pour s'écarter de la promiscuité de la horde. Bien qu'une
femme n'eût droit qu'à un seul homme, son mari pouvait rompre à volonté
cette relation temporaire, mais ces associations vaguement réglementées
constituèrent la première étape vers la vie du couple, en contraste avec
la vie de la horde. Au cours de ce stade de développement du mariage, les
enfants appartenaient généralement à leur mère.
L'étape suivante de l'évolution de l'appariement fut le mariage
collectif. Il fallait que cette phase du mariage intervînt dans le
développement de la vie de famille, parce que les moeurs du mariage
n'étaient pas encore assez puissantes pour rendre permanentes les
associations de couples. Les mariages de frères et de soeurs appartiennent
à ce groupe; par exemple cinq frères d'une famille épousaient cinq soeurs
d'une autre. Dans le monde entier, les vagues formes du mariage
communautaire se transformèrent graduellement en divers types de mariages
collectifs. Ces associations de groupes étaient largement régies par les
moeurs totémiques. La vie de famille se développa lentement et sûrement
parce que la réglementation relative aux sexes et au mariage favorisait la
survie de la tribu elle-même en assurant la survivance d'un plus grand
nombre d'enfants.
Les mariages collectifs cédèrent graduellement le pas aux pratiques
émergentes de polygamie -- de polygynie et de polyandrie -- parmi les
tribus les plus évoluées. La polyandrie ne fut jamais très répandue. Elle
se limitait ordinairement aux reines et aux femmes riches; en outre, elle
était généralement une affaire de famille, une femme pour plusieurs
frères. Les restrictions de caste et d'économie obligèrent parfois
plusieurs hommes à se contenter d'une seule femme. Même alors, la femme
n'en épousait qu'un; les autres étaient vaguement tolérés comme « oncles »
de la progéniture commune.
La coutume juive voulait qu'un homme épouse la veuve de son frère
décédé en vue de « susciter une semence pour son frère » (1) ; elle était
pratiquée dans plus de la moitié du monde de l'antiquité. C'était une
survivance du temps où le mariage était une affaire de famille plutôt
qu'une association individuelle.
(1) Deutéronome XXV-5; Matthieu XXII-24;
Marc XII-19.
L'institution de la polygynie reconnut, à diverses époques, quatre
sortes de femmes:
|
1. Les femmes rituelles ou légales. |
|
2. Les femmes aimées et permises. |
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3. Les concubines contractuelles. |
|
4. Les femmes esclaves. |
La véritable polygynie, où toutes les femmes ont le même statut et où
les enfants sont égaux, a été fort rare. Habituellement, et même dans le
cas des mariages pluraux, le foyer était dominé par la femme principale,
la compagne statutaire. Elle seule avait été mariée selon une cérémonie
rituelle, et seuls les enfants de cette épouse achetée ou dotée pouvaient
hériter, à moins d'un accord spécial avec elle.
La femme statutaire n'était pas nécessairement la femme aimée; dans les
temps primitifs, elle ne l'était généralement pas. La femme aimée, ou
amoureuse, ne fit pas son apparition avant que les races eussent
considérablement évolué, plus spécialement après le mélange des tribus
évolutionnaires avec les Nodites et les Adamites.
La femme tabou -- l'unique femme ayant statut légal -- créa les moeurs
de concubinage sous lesquelles un homme ne pouvait avoir qu'une seule
épouse, mais pouvait entretenir des relations sexuelles avec n'importe
quel nombre de concubines. Le concubinage fut le tremplin de la monogamie,
le premier pas s'écartant de la franche polygamie. Les concubines des
Juifs, des Romains, et des Chinois étaient très fréquemment les servantes
de la femme. Plus tard, comme chez les Juifs, la femme légale fut
considérée comme la mère de tous les enfants engendrés par le mari.
Les anciens tabous interdisant les rapports sexuels avec une femme
enceinte ou allaitant tendirent beaucoup à encourager la polygynie. Les
femmes primitives vieillissaient de très bonne heure à cause de leurs
fréquentes grossesses doublées d'un dur travail. (Ces femmes surmenées ne
réussissaient à se maintenir en vie que grâce au fait qu'on les isolait
une semaine par mois quand elles n'étaient pas enceintes.) Ces épouses se
lassaient fréquemment de mettre des enfants au monde et demandaient à leur
mari de prendre une seconde femme plus jeune, capable de participer à la
conception des enfants et aux travaux ménagers. Les nouvelles femmes
étaient donc généralement accueillies avec joie par les anciennes épouses;
il n'existait rien qui ressemblait à la jalousie sexuelle.
Le nombre des femmes n'était limité que par l'aptitude de l'homme à les
entretenir. Les hommes riches et capables voulaient un grand nombre
d'enfants, car la mortalité infantile était très élevée; il fallait donc
un harem de femmes pour recruter une grande famille. Beaucoup de ces
femmes plurales étaient de simples ouvrières, des femmes esclaves.
Les coutumes humaines évoluent, mais très lentement. Le but du harem
était de bâtir un groupe vigoureux et nombreux de personnes de même sang
pour étayer le trône. Un certain chef fut jadis convaincu qu'il ne devait
plus avoir de harem et se contenter d'une seule femme; il renvoya donc
promptement les femmes de son harem, qui retournèrent mécontentes dans
leurs foyers; les familles offensées se précipitèrent en colère sur le
chef et l'écharpèrent séance tenante.
6. -- LA VÉRITABLE MONOGAMIE -- LE MARIAGE D'UN
COUPLE
Monogamie égale monopole. La monogamie est bonne pour ceux qui
atteignent cet état désirable, mais elle tend à imposer une privation
biologique à ceux qui ne sont pas aussi fortunés. Tout à fait
indépendamment de son effet sur l'individu, la monogamie est
incontestablement la meilleure formule pour le bonheur des enfants.
La monogamie la plus primitive résulta de la force des circonstances,
de la pauvreté. La monogamie est culturelle et sociale, artificielle et
contre nature, c'est-à-dire contraire à la nature de l'homme
évolutionnaire. Elle était entièrement naturelle chez les Nodites et les
Adamites les plus purs et a été d'une grande valeur culturelle pour toutes
les races évoluées.
Les tribus chaldéennes reconnaissaient à une femme le droit d'imposer à
son mari un engagement prénuptial de ne prendre ni une seconde femme ni
une concubine. Les Grecs et les Romains favorisèrent les mariages
monogames. La monogamie a toujours été encouragée par le culte des
ancêtres, ainsi que par l'erreur chrétienne consistant à considérer le
mariage comme un sacrement. Même l'élévation du niveau de vie a
constamment milité contre la pluralité des femmes. À l'époque de la venue
de Micaël sur Urantia, le monde civilisé avait pratiquement atteint le
niveau de la monogamie théorique; mais cette monogamie passive ne
signifiait pas que l'humanité se fût habituée à la pratique des vrais
mariages monogames.
Tout en poursuivant le but monogamique du mariage idéal des couples,
qui après tout se rapproche d'une association sexuelle monopolisatrice, la
société ne doit pas négliger la situation peu enviable des personnes qui
ne réussissent pas à trouver une place dans ce nouvel ordre social
amélioré, même si elles ont fait de leur mieux pour coopérer avec ses
exigences et s'y conformer. Le fait de ne pas réussir à trouver un
conjoint dans le cadre social de la concurrence peut tenir à des
difficultés insurmontables ou aux multiples restrictions imposées par les
moeurs courantes. Il est vrai que la monogamie est idéale pour ceux qui en
jouissent, mais elle impose inévitablement de grandes privations à ceux
qui sont laissés en dehors dans le froid de l'existence solitaire.
Il a toujours fallu qu'une minorité malheureuse souffre pour que la
majorité puisse progresser sous l'empire des moeurs en amélioration de la
société évoluante; mais la majorité favorisée devrait toujours regarder
avec bonté et considération les compagnons moins heureux qui doivent payer
le prix, ceux qui n'ont pas réussi à devenir membres de ces associations
sexuelles idéales satisfaisant tous les besoins biologiques sous la
sanction des moeurs les plus élevées de l'évolution sociale en progrès.
La monogamie a toujours été le but idéaliste de l'évolution sexuelle
humaine; elle l'est encore et le sera toujours. Cet idéal du véritable
mariage d'un couple implique l'abnégation, et c'est pourquoi le mariage
échoue si souvent simplement parce que l'une des deux parties
contractantes, ou les deux, sont déficientes dans la plus grande des
vertus humaines, l'austère maîtrise de soi.
La monogamie est l'étalon qui mesure le progrès de la civilisation
sociale, distinguée de l'évolution purement biologique. La monogamie n'est
pas nécessairement biologique ou naturelle, mais elle est indispensable au
maintien immédiat et au développement ultérieur de la civilisation
sociale. Elle concourt à une délicatesse de sentiments, à un raffinement
du caractère moral, et à une croissance spirituelle qui sont absolument
impossibles en polygamie. Une femme ne peut jamais devenir une mère idéale
quand elle est constamment obligée d'entrer en rivalité pour garder
l'affection de son mari.
Le mariage d'un couple favorise et encourage la compréhension intime et
la coopération efficace qui sont les meilleures pour le bonheur des
parents, le bien-être des enfants, et l'utilité sociale. Le mariage, qui a
commencé par une grossière contrainte, évolue graduellement en une
magnifique institution de culture de soi, de maîtrise de soi, d'expression
de soi, et de perpétuation de soi.
7. -- LA DISSOLUTION DU LIEN CONJUGAL
Dans l'évolution primitive des moeurs matrimoniales, le mariage était
une vague union qui pouvait prendre fin à volonté, et les enfants
suivaient toujours la mère; le lien entre mère et enfant est instinctif,
et il a fonctionné sans souci du stade de développement des moeurs.
Chez les peuples primitifs, la moitié seulement des mariages se
révélait satisfaisante. La cause la plus fréquente de séparation était la
stérilité, dont on rejetait toujours la faute sur la femme; on croyait que
les femmes sans enfants devenaient des serpents dans le monde des esprits.
Sous les moeurs plus primitives, seul l'homme avait la faculté d'obtenir
le divorce, et cette mesure a persisté jusqu'au XXième siècle chez
quelques peuples.
Avec l'évolution des moeurs, certaines tribus établirent deux formes de
mariage: la forme courante qui permettait le divorce, et le mariage
sacerdotal qui interdisait la séparation. L'inauguration de l'achat des
femmes et de la dot des femmes contribua beaucoup à réduire les
séparations en introduisant des dommages-intérêts en biens matériels pour
l'échec du mariage. En vérité, bien des unions modernes sont stabilisées
par cet ancien facteur de la propriété.
La pression sociale du statut dans la communauté et des privilèges de
propriété a toujours été puissante pour maintenir les tabous et les moeurs
du mariage. Au long des âges, le mariage a fait de constants progrès et se
trouve à l'avant-garde dans le monde moderne, bien qu'il soit attaqué de
façon menaçante par un mécontentement très répandu chez les peuples où le
choix individuel -- qui est une nouvelle liberté -- joue un très grand
rôle. Ces bouleversements d'adaptation apparaissent chez les races les
plus progressives par suite de l'accélération soudaine de l'évolution
sociale, mais chez les peuples moins avancés le mariage continue à
prospérer et à s'améliorer lentement sous la gouverne des anciennes
moeurs.
La substitution nouvelle et subite du mobile d'amour plus idéal mais
extrêmement individualiste, remplaçant l'ancien motif de la propriété
établi depuis longtemps, a provoqué inévitablement une instabilité
temporaire dans l'institution du mariage. Les mobiles de l'homme pour se
marier ont toujours transcendé de loin la morale matrimoniale effective.
En Occident, au XIX et au XXième siècle, l'idéal du mariage a soudain
dépassé de beaucoup les impulsions sexuelles égocentriques et seulement
partiellement contrôlées des races. La présence dans une société d'un
grand nombre de personnes non mariées dénote un recul temporaire ou une
transition des moeurs.
Tout au long des âges, la vraie pierre de touche du mariage a été
l'intimité continuelle inéluctable dans toute vie de famille. Deux jeunes
gens dorlotés et gâtés, élevés en comptant sur toutes les indulgences et
sur la pleine satisfaction de leur ego et de leur vanité, ne peuvent guère
espérer une grande réussite dans le mariage et l'édification d'un foyer --
une association pour toute une vie d'abnégation, de compromis, de
dévouement, et de consécration généreuse à la culture des enfants.
Le haut degré d'imagination et le romanesque fantastique déployés pour
se faire la cour sont largement responsables de l'accroissement de la
tendance au divorce chez les peuples occidentaux modernes; le tableau est
encore compliqué par la plus grande liberté des femmes et leur
indépendance économique accrue. Le divorce facile, quand il résulte d'un
manque de maîtrise de soi ou du défaut d'adaptation normale de la
personnalité, ramène tout droit aux anciens stades grossiers de la
société, d'où les hommes ont émergé si récemment à la suite de tant
d'angoisses personnelles et de souffrances raciales.
Tant que la société ne réussira pas à élever convenablement les enfants
et les jeunes gens, tant qu'elle ne procurera pas une éducation
prénuptiale appropriée, et tant que l'idéalisme d'une jeunesse dépourvue
de sagesse et de maturité sera l'arbitre de l'entrée dans le mariage, le
divorce continuera à prévaloir. Dans la mesure où le groupe social ne
parvient pas à préparer les jeunes au mariage, il faut que le divorce
fonctionne comme soupape de sécurité pour empêcher des situations encore
pires au cours des âges de développement rapide des moeurs en évolution.
Les anciens paraissent avoir considéré le mariage avec presque autant
de sérieux que certains peuples d'aujourd'hui. Il ne semble pas que
beaucoup de mariages hâtifs et malheureux des temps modernes représentent
une amélioration par rapport aux pratiques anciennes qualifiant les jeunes
gens et les jeunes filles pour s'unir. Le grand illogisme de la société
moderne consiste à exalter l'amour et à idéaliser le mariage tout en
désapprouvant l'analyse approfondie de l'amour et du mariage.
8. -- L'IDÉALISATION DU MARIAGE
Le mariage qui s'épanouit en un foyer est en vérité la plus sublime
institution, mais il est essentiellement humain; on n'aurait jamais dû le
qualifier de sacrement. Les prêtres séthites firent du mariage un rituel
religieux mais, pendant des milliers d'années après Eden, le mariage
s'était perpétué comme une institution purement sociale et civile.
L'assimilation d'associations humaines à des associations divines est
fort malheureuse. L'union du mari et de la femme dans la relation du
mariage et du foyer est une fonction matérielle des mortels des mondes
évolutionnaires. Il est vrai que bien des progrès spirituels peuvent
intervenir comme conséquence des sincères efforts humains d'un homme et
d'une femme pour évoluer, mais cela ne signifie pas que le mariage soit
nécessairement sacré. Le progrès spirituel accompagne aussi ceux qui
orientent sincèrement leurs préoccupations humaines dans d'autres
directions.
Le mariage ne peut pas non plus être vraiment comparé aux relations de
l'Ajusteur avec un homme, ni à la fraternité du Christ Micaël avec ses
frères humains. Ces rapports n'ont presque aucun point commun comparable à
l'association d'un mari et d'une femme. Il est fort malheureux que la
conception humaine erronée de ces relations ait provoqué tant de confusion
sur le statut du mariage.
Il est également fâcheux que certains groupes de mortels aient imaginé
que le mariage était consommé par un acte divin. Ces croyances conduisent
directement au concept de l'indissolubilité du lien conjugal sans souci
des circonstances ou des désirs des parties contractantes. Le fait même
qu'un mariage puisse être dissous montre que la Déité n'est pas partie
conjointe à cette union. Si Dieu a une fois réuni deux choses ou deux
personnes, elles resteront ainsi jointes jusqu'au moment où la volonté
divine décrétera leur séparation. En ce qui concerne le mariage, qui est
une institution humaine, qui donc prétendra émettre un jugement pour
distinguer les unions susceptibles d'être approuvées par les superviseurs
de l'univers d'avec celles dont la nature et l'origine sont purement
humaines?
Néanmoins, il existe un idéal du mariage dans les sphères supérieures.
Sur la capitale de chaque système local, les Fils et les Filles Matériels
de Dieu dépeignent la hauteur des idéaux de l'union d'un homme et d'une
femme dans les liens du mariage quand ils ont le dessein de procréer et
d'élever une descendance. Après tout, le mariage idéal des mortels est
humainement sacré.
Le mariage a toujours été et reste encore le rêve humain suprême de
l'idéal matériel. Bien que ce beau rêve soit rarement réalisé
intégralement, il persiste comme un glorieux idéal, entraînant toujours
l'humanité progressante vers de plus grands efforts pour le bonheur des
hommes. Mais il faudrait enseigner une partie des réalités du mariage aux
jeunes hommes et aux jeunes filles avant qu'ils ne soient plongés dans les
exigences astreignantes des associations de la vie de famille;
l'idéalisation des jeunes devrait être tempérée par un certain degré de
dégrisement prénuptial.
Il ne faudrait pas toutefois décourager l'idéalisation juvénile du
mariage; ces rêves sont l'évocation du but futur de la vie de famille.
Cette attitude est à la fois stimulante et utile, pourvu qu'elle ne vous
rende pas insensible à la compréhension des nécessités pratiques et
ordinaires du mariage et de la vie de famille qui s'ensuit.
Les idéaux du mariage ont récemment fait de grands progrès; chez
certains peuples, les femmes jouissent de droits pratiquement égaux à ceux
de leur conjoint. Au moins en concept, la vie de famille devient une
association loyale pour élever des enfants, avec accompagnement de
fidélité sexuelle. Toutefois, même cette version plus nouvelle du mariage
ne doit pas prétendre aller à l'extrême au point de conférer un monopole
mutuel de toute la personnalité et de toute l'individualité. Le mariage
n'est pas simplement un idéal individualiste, il est l'association sociale
évoluante d'un homme et d'une femme, existant et fonctionnant sous
l'empire des moeurs courantes, limitée par les tabous, et appuyée par les
lois et règles de la société.
Les mariages du XXième siècle sont à un niveau élevé comparativement à
ceux des âges passés, bien que l'institution du foyer soit actuellement
mise à rude épreuve. Elle doit faire face aux problèmes si soudainement
imposés à l'organisation sociale par l'accroissement précipité des
libertés de la femme, par l'octroi des droits qui lui ont été si longtemps
refusés au cours de la lente évolution des moeurs dans les générations
passées.
[Présenté par le Chef des Séraphins
stationnés sur Urantia.]
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