LE MARIAGE ET LA VIE FAMILIALE
LA nécessité matérielle a fondé le mariage, l'appétit sexuel l'a
embelli, la religion l'a sanctionné et exalté, l'État l'a exigé et
réglementé. Au cours des temps plus récents, l'amour en évolution a
commencé à justifier et à glorifier le mariage comme ancêtre et créateur
du foyer, l'institution la plus utile et la plus sublime de la
civilisation. L'édification des foyers devrait être le centre et l'essence
de tous les efforts éducatifs.
L'appariement est purement un acte de perpétuation de soi associé à
divers degrés de satisfaction égoïste. Le mariage, l'édification d'un
foyer, est largement une affaire de préservation de soi, et il implique
l'évolution de la société. La société elle-même est un assemblage
structurel d'unités familiales. En tant que facteurs planétaires, les
individus sont très temporaires -- seules les familles sont les agents de
continuité dans l'évolution sociale. La famille est le chenal par lequel
le fleuve de culture et de connaissance coule d'une génération à la
suivante.
Le foyer est fondamentalement une institution sociologique. Le mariage
est issu de la coopération pour se sustenter et de l'association pour se
perpétuer, la satisfaction égoïste y étant accessoire dans l'ensemble.
Néanmoins, le foyer englobe les trois fonctions essentielles de
l'existence humaine, tandis que la propagation de la vie en fait
l'institution fondamentale des hommes, et que les relations sexuelles le
font contraster avec toutes les autres activités sociales.
1. -- LES COUPLES PRIMITIFS
Le mariage n'a pas été fondé sur les relations sexuelles; elles n'y ont
joué qu'un rôle secondaire. L'homme primitif n'avait pas besoin du
mariage; il donnait libre cours à son appétit sexuel sans s'encombrer des
responsabilités d'un foyer, d'une femme, et d'enfants.
En raison de son attachement physique et sentimental à ses enfants, la
femme dépend de la coopération de l'homme et se trouve poussée a
rechercher l'abri protecteur du mariage. Mais aucun besoin biologique ne
pousse l'homme au mariage -- et encore bien moins ne l'y retient. Ce ne
fut pas l'amour qui rendit le mariage séduisant pour l'homme; ce fut la
faim qui attira d'abord le sauvage vers la femme et vers l'abri primitif
qu'elle partageait avec ses enfants.
Ce ne fut même pas la claire conscience des obligations résultant des
relations sexuelles qui amena le mariage. L'homme primitif ne comprenait
pas le rapport entre l'assouvissement sexuel et la naissance ultérieure
d'un enfant. Jadis la croyance qu'une vierge pouvait devenir enceinte fut
universelle. Les sauvages conçurent de bonne heure l'idée que les bébés
étaient créés dans le pays des esprits; on croyait que la grossesse
résultait de la pénétration chez une femme d'un esprit, d'un fantôme en
évolution. On croyait aussi que le régime alimentaire et le mauvais oeil
pouvait féconder une vierge ou une femme non mariée. Des croyances
ultérieures rendirent les commencements de la vie à la respiration et à la
lumière du soleil.
Nombre de peuplades primitives associaient les fantômes à la mer; on
imposait donc de grandes restrictions aux baignades des vierges; les
jeunes filles avaient beaucoup plus peur de se baigner dans la mer haute
que d'avoir des relations sexuelles. Les enfants difformes ou prématurés
étaient considérés comme des petits d'animaux qui avaient trouvé moyen
d'entrer dans le corps d'une femme par suite de baignades imprudentes ou
d'activités malveillantes des esprits. Bien entendu, les sauvages
n'attachaient aucune importance au fait d'étrangler ces bébés à leur
naissance.
La première étape clarificatrice vint avec la croyance que les rapports
sexuels ouvraient au fantôme fécondateur le chemin pour pénétrer dans la
femme. Depuis lors, les hommes ont découvert que le père et la mère
contribuent à égalité aux facteurs héréditaires vivants qui déclenchent le
processus d'une naissance. Même au XXième siècle de notre ère, de nombreux
parents s'efforcent encore de laisser leurs enfants dans une plus ou moins
grande ignorance au sujet de l'origine de la vie humaine.
Une sorte de famille simple fut assurée par le fait que la fonction
reproductrice implique des liens entre la femme et l'enfant. L'amour
maternel est instinctif; il n'a pas, comme le mariage, tiré son origine
des moeurs. L'amour maternel des mammifères est le don inhérent des
esprits-mentaux adjuvats de l'univers local; la force et le dévouement de
cet amour sont toujours directement proportionnels à la durée pendant
laquelle les petits de l'espèce ne peuvent se passer de l'aide parentale.
La relation de mère à enfant est naturelle, forte, et instinctive, et
en conséquence elle a contraint les mères primitives à se soumettre à de
nombreuses conditions étranges et à subir des épreuves d'une indicible
sévérité. La contrainte de l'amour maternel est le sentiment qui handicape
la femme et l'a toujours placée dans un terrible état d'infériorité au
cours de ses luttes avec l'homme. Même dans ce domaine, l'instinct
maternel chez l'espèce humaine n'est pas irrésistible; il peut être
contrecarré par l'ambition, l'égoïsme, et les convictions religieuses.
L'association mère-enfant n'est ni un mariage ni un foyer, mais elle
est le noyau a partir duquel les deux se développèrent. Le grand progrès
dans l'évolution des couples survint quand ces associations temporaires
durèrent assez longtemps pour élever la progéniture qui en résultait, car
c'est en cela que consiste la création des foyers.
Indépendamment des antagonismes entre ces partenaires primitifs, et
nonobstant le caractère inconsistant de leur association, les chances de
survie d'un homme et d'une femme furent considérablement accrues par leur
union. Même en dehors de la famille et de la descendance, un homme et une
femme qui coopèrent ont dans la plupart des cas une puissance d'action
très supérieure à celle de deux hommes ou de deux femmes. Le couplage des
sexes accrut la survie et fut le véritable début de la société humaine. La
division du travail entre sexes apporta aussi du confort et un bonheur
accru.
2. -- LE MATRIARCAT PRIMITIF
Les hémorragies périodiques des femmes et leurs pertes de sang
additionnelles lors de la parturition firent croire de bonne heure que le
sang était le créateur de l'enfant ( et même le siège de l'âme ) (1);
elles donnèrent origine au concept du lien du sang dans les relations
humaines. Aux époques primitives, on comptait toute la généalogie dans la
ligne féminine, car c'était la seule partie de l'hérédité dont on fût tout
à fait certain.
(1) Lévitique XVII-11.
La famille primitive naissant du lien de sang biologique instinctif
entre la mère et l'enfant était inévitablement un matriarcat, et de
nombreuses tribus conservèrent longtemps cet arrangement. Le matriarcat
était la seule transition possible entre le stade du mariage collectif
dans la horde et le stade ultérieur et amélioré de la vie au foyer dans
les familles patriarcales polygames et monogames. Le matriarcat était
naturel et biologique; le patriarcat est social, économique, et politique.
La persistance du matriarcat parmi les hommes rouges de l'Amérique au Nord
fut l'une des principales raisons pour lesquelles les Iroquois, par
ailleurs progressifs, ne formèrent jamais un véritable État.
Sous les moeurs matriarcales, la mère de la femme jouissait au foyer
d'une autorité virtuellement suprême; même les frères de la femme et leurs
fils jouaient dans la supervision de la famille un rôle plus actif que le
mari. Les pères recevaient souvent un nouveau nom d'après celui de leurs
propres enfants.
Les races les plus primitives attribuaient peu de crédit au père et
considéraient l'enfant comme provenant entièrement de la mère. Elles
croyaient que les enfants ressemblaient au père à cause de l'association,
ou qu'ils étaient « marqués » de cette manière parce que la mère désirait
cette ressemblance. Plus tard, quand on passa du matriarcat au patriarcat;
le père prit tout le crédit pour l'enfant, et de nombreux tabous sur la
femme enceinte furent ensuite étendus pour y inclure son mari. Lorsque
l'heure de la délivrance approchait, le futur père cessait de travailler.
Au moment de l'accouchement, il allait se coucher avec la femme et restait
trois à huit jours à se reposer. La femme pouvait se lever le lendemain et
reprendre de durs travaux, mais le mari restait au lit pour recevoir des
félicitations. Tout ceci faisait partie des moeurs primitives destinées à
établir les droits du père sur l'enfant.
Au début, la coutume voulait que l'homme rejoigne la famille de sa
femme, mais plus tard, quand un homme avait payé en argent ou en travail
le prix de la mariée, il pouvait emmener sa femme et ses enfants dans son
groupe. La transition du matriarcat au patriarcat explique les interdits,
autrement dépourvus de sens, contre certains types de mariages entre
cousins, alors que d'autres, comportant le même degré de parents, étaient
approuvés.
Avec la disparition des moeurs des chasseurs, quand l'élevage donna à
l'homme le contrôle de la principale source de nourriture, le matriarcat
prit rapidement fin. Il échoua simplement parce qu'il ne pouvait
concurrencer la nouvelle famille gouvernée par le père. Le pouvoir détenu
par les proches parents mâles de la mère ne pouvait dominer le pouvoir
concentré chez le mari-père. La femme ne pouvait suffire aux tâches
combinées de mettre des enfants au monde et d'exercer une autorité
continue et un commandement accru dans le ménage. La pratique du rapt des
femmes et plus tard celle de l'achat des épouses hâtèrent la disparition
du matriarcat.
Le prodigieux passage du matriarcat au patriarcat est l'une des
volte-face adaptatives les plus radicales et les plus complètes que la
race humaine ait jamais exécutées. Ce changement produisit immédiatement
un accroissement d'expressions sociales et d'aventures familiales.
3. -- LA FAMILLE SOUS LA DOMINATION DU PÈRE
Il se peut que l'instinct de maternité ait conduit la femme au mariage,
mais ce furent la force supérieure de l'homme et l'influence des moeurs
qui l'obligèrent virtuellement à rester mariée. La vie pastorale tendait à
créer un nouveau système de moeurs, le type patriarcal de vie de famille;
la base de l'unité familiale selon les moeurs de l'époque de l'élevage et
de l'agriculture primitifs était l'autorité indiscutée et arbitraire du
père. Toute la société, qu'elle fût nationale ou familiale, passa par le
stade d'une autorité autocratique d'ordre patriarcal.
Le peu de courtoisie témoigné aux femmes durant l'ère de l'Ancien
Testament est un vrai reflet des moeurs des gardiens de troupeaux. Les
patriarches hébreux étaient tous des éleveurs, ainsi qu'en témoigne
l'adage: « Le Seigneur est mon berger.»
Toutefois, l'homme ne mérite pas plus d'être blâmé pour sa piètre
estime de la femme durant les âges passés que la femme elle-même. Elle ne
réussit pas à obtenir la récognition sociale aux époques primitives parce
qu'elle n'agissait pas en cas d'urgence; elle n'était ni une héroïne
spectaculaire ni une valeur en cas de crise. La maternité était nettement
un désavantage dans la lutte pour la vie; l'amour maternel handicapait les
femmes dans la défense de la tribu.
Les femmes primitives se mirent involontairement aussi sous la
dépendance des mâles en admirant leur combativité et en applaudissant leur
virilité. Cette exaltation des guerriers rehaussa les egos masculins et
déprima d'autant les féminins en les rendant plus dépendants. Un uniforme
militaire soulève encore puissamment les émotions féminines.
Chez les races les plus évoluées, les femmes ne sont ni aussi grandes
ni aussi fortes que les hommes. Etant les plus faibles, les femmes
acquirent plus de tact; elles apprirent de bonne heure à faire commerce de
leurs charmes. Elles devinrent plus alertes et plus conservatrices que les
hommes, quoique légèrement moins profondes. L'homme est supérieur à la
femme sur le champ de bataille et à la chasse, mais au foyer la femme
reprend généralement le commandement, même sur les hommes les plus
primitifs.
Les pâtres comptaient sur leurs troupeaux pour se sustenter, mais au
cours de tous ces âges pastoraux les femmes devaient encore fournir la
nourriture végétale. Les hommes primitifs se dérobaient au travail de la
terre, qui était beaucoup trop pacifique et dépourvu d'aventures. Une
vielle superstition assurait aussi que les femmes faisaient pousser de
meilleures plantes que les hommes; elles étaient des mères. Dans bien des
tribus arriérées d'aujourd'hui, les hommes font cuire la viande et les
femmes les légumes. Quand les tribus primitives d'Australie se déplacent,
les femmes n'attaquent jamais le gibier, et un homme ne s'arrêterait
jamais pour déterrer une racine.
Les femmes ont toujours dû travailler : elles ont été de réelles
productrices, du moins jusqu'aux temps modernes. Les hommes ont
généralement choisi la voie la plus facile, et cette inégalité a existé
dans toute l'histoire de la race humaine. Les femmes ont toujours porté
les fardeaux, transportant les biens de la famille et s'occupant des
enfants, ce qui laissait aux hommes les mains libres pour se battre ou
pour chasser.
La première libération de la femme survint quand l'homme consentit à
labourer la terre, à faire ce qui était jusque-là considéré comme le
travail de la femme. Un grand pas en avant fut accompli quand on cessa de
tuer les prisonniers mâles et que l'on en fit des esclaves agriculteurs.
Cela permit à la femme de se libérer de manière a consacrer plus de temps
à l'édification du foyer et à l'éducation des enfants.
L'approvisionnement en lait permit aux mères de sevrer plus tôt les
bébés et d'avoir plus d'enfants, parce que leurs périodes de stérilité
temporaire n'étaient plus nécessaires. L'emploi du lait de vache et du
lait de chèvre diminua considérablement la mortalité infantile. Avant le
stade social de l'élevage, les mères avaient l'habitude d'allaiter leurs
enfants jusqu'à l'âge de quatre ou cinq ans.
La décroissance des guerres primitives réduisit grandement l'inégalité
entre les divisions du travail basées sur le sexe, mais le travail réel
incombait encore aux femmes, tandis que les hommes remplissaient des
devoirs de factionnaires. Nul camp ni village ne pouvait être laissé sans
garde de jour et de nuit, mais même cette tâche fut allégée par la
domestication du chien. En général, l'apparition de l'agriculture a
rehaussé le prestige et le statut social de la femme; du moins ce fut vrai
jusqu'au moment où l'homme se fit agriculteur. Quand l'homme se consacra
lui-même à cultiver la terre, il en résulta immédiatement dans les
méthodes agricoles de grands progrès qui se poursuivirent au cours des
générations successives. Pendant qu'il avait chassé et guerroyé, l'homme
avait appris la valeur de l'organisation; il en introduisit les techniques
dans l'industrie, et plus tard, il se chargea de bien des occupations
antérieures de la femme. Il apporta de grandes améliorations à ses
méthodes de travail décousues.
4. -- LE STATUT DE LA FEMME DANS LA SOCIÉTÉ PRIMITIVE
En règle générale, le statut de la femme à une époque quelconque est un
bon critère du progrès évolutionnaire du mariage en tant qu'institution
sociale, tandis que le progrès du mariage lui-même mesure assez exactement
l'avance de la civilisation humaine.
Le statut de la femme a constamment été un paradoxe social; elle a
toujours su adroitement diriger les hommes; elle a toujours capitalisé les
besoins sexuels plus impérieux de l'homme en faveur de ses propres
intérêts et de sa propre élévation. En faisant subtilement commerce de ses
charmes, elle a souvent été capable d'exercer un pouvoir dominateur sur
l'homme, même quand celui-ci la tenait dans un esclavage abject.
La femme primitive n'était pas pour l'homme une amie, une amoureuse,
une amante, et une partenaire, mais plutôt un objet qu'il possédait, une
servante ou une esclave, et plus tard une associée économique, un jouet,
et une porteuse d'enfants. Néanmoins, l'établissement de rapports sexuels
convenables et satisfaisants a toujours impliqué de la part de la femme un
élément de choix et de coopération, ce qui a toujours valu aux femmes
intelligentes une influence considérable sur leur standing personnel et
immédiat, indépendamment de leur position sociale en tant que sexe. Mais
le fait que les femmes furent constamment obligées de recourir à la
subtilité dans leur effort pour alléger leur servitude ne contribua guère
à dissiper la méfiance et la suspicion des hommes.
Les sexes ont éprouvé de grandes difficultés à se comprendre. L'homme a
eu de la peine à comprendre la femme, car il la regardait avec un curieux
mélange d'ignorance méfiante et de fascination craintive, sinon avec
soupçon et mépris. Bien des traditions tribales et raciales font remonter
les difficultés à Ève, à Pandore, ou à quelque autre représentante de la
féminité; ces récits furent toujours déformés de manière à faire ressortir
que la femme a attiré le mal sur l'homme, ce qui dénote que la méfiance à
l'égard des femmes fut jadis universelle. Parmi les raisons citées
pour soutenir le célibat des prêtres, la principale fut la bassesse des femmes.
Le fait que la plupart des présumés sorciers étaient des femmes n'améliora
pas l'antique réputation du sexe.
Les hommes ont longtemps considéré les femmes comme bizarres, et même
anormales. Ils ont même cru qu'elles n'avaient pas d'âme, et en conséquence
ont refusé de leur donner un nom. Dans les temps primitifs, on avait très
peur du premier rapport sexuel avec une femme, et les prêtres prirent
l'habitude de déflorer les vierges. On pensait même que l'ombre d'une
femme était dangereuse.
On considéra jadis que la grossesse rendait une femme impure et
dangereuse. Chez de nombreuses tribus, les moeurs voulaient qu'une femme
passât par de longues cérémonies de purification après la naissance d'un
enfant. Excepté dans les groupes où le mari participait à la naissance en
restant couché au foyer, on fuyait la femme enceinte, on la laissait
seule. Les anciens évitaient même qu'un enfant naisse à la maison, et
cette pratique fut l'origine de la profession de sage-femme. Durant les
douleurs, on disait et l'on faisait des masses de choses stupides pour
faciliter l'accouchement. On avait l'habitude d'asperger le nouveau-né
avec de l'eau bénite pour empêcher l'ingérence des fantômes.
Chez les tribus de sang pur, l'accouchement était relativement aisé et
ne nécessitait que deux ou trois heures; il est rare qu'il soit aussi
facile chez les races mêlées. Si une femme mourait en couches, et
spécialement si elle donnait le jour à des jumeaux, on croyait qu'elle
avait été coupable d'adultère avec un esprit. Plus tard, les tribus
supérieures considérèrent la mort pendant les couches comme la volonté du
ciel, et l'on estima que ces mères avaient péri pour une noble cause.
La soi-disant modestie des femmes pour s'habiller et éviter de montrer
leur corps provint de la peur mortelle qu'elles avaient d'être observées
pendant une période menstruelle. En se laissant découvrir dans cet état,
elles commettaient un grave péché, elles violaient un tabou. Les moeurs
des temps anciens exigeaient que toute femme, depuis sa puberté jusqu'à sa
ménopause, fût soumise a une quarantaine familiale et sociale complète
pendant une semaine par mois. Tous les objets qu'elle avait touchés ou sur
lesquels elle s'était assise ou couchée étaient « souillés ». On eut
longtemps la coutume de frapper brutalement les jeunes filles, après
chaque période menstruelle, pour essayer de chasser de leur corps le
mauvais esprit. Toutefois, lorsqu'une femme avait franchi sa ménopause, on
la traitait généralement avec plus de considération, on lui accordait plus
de droits et de privilèges. En raison de tout ce qui précède, il n'était
pas étonnant que les femmes fussent regardées avec mépris. Même les Grecs
estimaient que la femme en menstruation était l'une des trois grandes
causes de souillure, les deux autres étant la viande de porc et l'ail.
Si stupides que fussent ces antiques notions, elles firent un peu de
bien en ce sens qu'elles procurèrent aux filles et femmes surmenées, au
moins pendant leur jeunesse, une semaine par mois pour un repos bienvenu
et pour des méditations profitables. Les femmes purent ainsi aiguiser leur
intelligence en vue de leurs rapports avec leurs associés masculins
pendant le reste du temps. Cette quarantaine des femmes protégea aussi les
hommes contre les excès sexuels, ce qui contribua indirectement à
restreindre la population et à rehausser la maîtrise de soi.
Un grand progrès fut effectué quand on dénia a l'homme le droit de vie
et de mort sur sa femme. De même, ce fut une étape en avant lorsqu'une
femme eut le droit de posséder ses cadeaux de mariage. Plus tard, elle
gagna le droit légal d'avoir des biens, de les contrôler, et même d'en
disposer, mais elle fut longtemps privée du droit de tenir un poste dans
l'Église ou dans l'État. La femme a toujours été traitée plus ou moins
comme une propriété jusqu'au XIXième siècle de l'ère chrétienne, et même
au cours du XXième siècle. Elle n'a pas encore réussi à se libérer, à
l'échelle mondiale, de sa mise en tutelle sous le contrôle de l'homme.
Même chez les peuples évolués, les tentatives des hommes pour protéger
les femmes ont toujours représenté une affirmation tacite de supériorité.
Mais les femmes primitives ne s'apitoyaient pas sur elles-mêmes comme
leurs soeurs plus récemment libérées ont l'habitude de le faire. Après
tout, elles étaient assez heureuses et satisfaites, et n'osaient pas
imaginer un mode d'existence meilleur ou différent.
5. -- LA FEMME ET L'ÉVOLUTION DES MOEURS
Dans la perpétuation de la race, la femme est l'égale de l'homme, mais
dans l'association pour subsister elle travaille avec un net désavantage.
Le handicap de la maternité forcée ne peut être compensé que par les
moeurs éclairées d'une civilisation en progrès et par le développement
chez l'homme du sens de l'équité.
À mesure que la société évolua, la morale sexuelle s'éleva parmi les
femmes parce qu'elles souffraient davantage des conséquences quand elles
avaient transgressé les moeurs sexuelles. Les critères sexuels de l'homme
ne s'améliorèrent que tardivement comme conséquence du simple sens de
l'équité exigé par la civilisation. La nature ne connaît pas l'équité --
elle ne fait subir qu'à la femme les douleurs de la parturition.
L'idée moderne de l'égalité des sexes est belle et digne d'une
civilisation en expansion, mais elle ne se trouve pas dans la nature.
Quand la force prime le droit, l'homme le prend de haut avec la femme;
quand la justice, la paix, et l'équité commencent à prévaloir, la femme
émerge graduellement de l'esclavage et de l'obscurité. La position sociale
de la femme a généralement varié à l'inverse du militarisme dans toutes
les nations et à toutes les époques.
Mais ce n'est ni consciemment ni intentionnellement que l'homme s'est
saisi des droits de la femme pour les lui restituer graduellement en
rechignant. Tout ceci fut un épisode involontaire et non calculé de
l'évolution sociale. Quand le moment arriva réellement pour la femme de
bénéficier de droits additionnels, elle les obtint tout à fait
indépendamment du comportement conscient de l'homme. Lentement mais
sûrement, les moeurs changent pour assurer les adaptations sociales qui
font partie de l'évolution continue de la civilisation. Le progrès des
moeurs a lentement procuré aux femmes un traitement constamment meilleur.
Les tribus qui persistèrent dans leur cruauté envers elles ne survécurent
pas.
Les Adamites et les Nodites accordèrent aux femmes une récognition
accrue. Les groupes qui furent influencés par les migrations des Andites
tendirent à adopter certains enseignements édéniques concernant la place
des femmes dans la société.
Les Chinois primitifs et les Grecs traitèrent les femmes mieux que la
plupart des peuples environnants, mais les Hébreux étaient extrêmement
méfiants envers elles. En occident, l'ascension des femmes fut rendue
difficile par les doctrines de Paul qui furent annexées au christianisme,
et pourtant le christianisme fit progresser les moeurs en imposant aux
hommes des obligations sexuelles plus rigoureuses. Chez les Mahométans, la
condition des femmes est à peu près désespérée à cause de l'avilissement
spécial qui s'attache à elles, et elles sont encore moins bien traitées
sous l'influence des enseignements de diverses autres religions
orientales.
Ce fut la science, et non la religion, qui émancipa réellement les
femmes; c'est l'usine moderne qui les dégagea largement des limites du
foyer. Les aptitudes physiques de l'homme ne sont pas un élément essentiel
dans le nouveau mécanisme d'entretien. La science a changé les conditions
de vie de telle sorte que la force masculine a cessé d'avoir une grande
supériorité sur la force féminine.
Ces changements tendirent à libérer les femmes de l'esclavage
domestique; ils apportèrent une telle modification à son statut qu'elle
jouit maintenant d'une liberté personnelle et d'un pouvoir de décision en
matière sexuelle qui la rendent pratiquement l'égale de l'homme. Jadis, la
valeur d'une femme consistait en son aptitude à procurer des aliments. Les
inventions et l'aisance lui ont permis de créer un nouveau monde dans
lequel elle peut opérer -- les sphères de grâce et de charme. L'industrie
a ainsi gagné une bataille inconsciente et imprévue pour l'émancipation
sociale et économique des femmes. À nouveau, l'évolution a réussi un
accomplissement pour lequel la révélation elle-même avait échoué.
La réaction des peuples éclairés contre les moeurs injustes gouvernant
la place de la femme dans la société a vraiment oscillé comme un pendule
entre des extrêmes. Parmi les races industrialisées, la femme a reçu à peu
près tous les droits et elle a été exemptée de nombreuses obligations
telles que le service militaire. Chaque détente dans la lutte pour
l'existence a contribué à libérer les femmes, et elles ont directement
profité de tous les progrès de la monogamie. Les plus faibles font
toujours des gains disproportionnés dans chaque ajustement des moeurs à
l'évolution progressive de la société.
Quant aux idéaux du mariage d'un couple, la femme a finalement gagné
récognition, dignité, indépendance, égalité, et éducation; mais va-t-elle
se montrer digne de cette réussite nouvelle et sans précédent? La femme
moderne répondra-t-elle à cette grande libération sociale par la paresse,
l'indolence, la stérilité, et l'infidélité? Aujourd'hui, au XXième siècle,
la femme subit l'épreuve décisive de sa longue existence dans le monde!
La femme est associée à égalité avec l'homme dans la reproduction de la
race; elle joue donc un rôle aussi important que lui dans le développement
de l'évolution raciale, et c'est pourquoi l'évolution a travaillé de plus
en plus vers la réalisation des droits de la femme. Mais les droits des femmes
ne sont nullement ceux des hommes. La femme ne peut s'épanouir en abusant
des droits de l'homme, pas plus que l'homme ne peut prospérer en abusant
de ceux de la femme.
Chaque sexe a sa propre sphère d'existence distincte avec ses propres
droits dans cette sphère. Si la femme aspire littéralement a profiter de
tous les droits de l'homme, alors une concurrence impitoyable et dépourvue
de sentimentalité remplacera certainement tôt ou tard la chevalerie et la
considération spéciale dont beaucoup de femmes bénéficient actuellement et
qu'elles n'ont obtenues des hommes que tout récemment.
La civilisation ne pourra jamais supprimer l'abîme des différences de
comportement entre les sexes. Les moeurs changent d'âge en âge, mais
jamais l'instinct. L'amour maternel inné ne permettra jamais aux femmes
émancipées de rivaliser sérieusement avec les hommes dans l'industrie.
Chaque sexe restera perpétuellement suprême dans son propre domaine
déterminé par la différenciation biologique et la dissemblance mentale.
Les sphères spéciales à chaque sexe subsisteront toujours, en empiétant
de temps en temps l'une sur l'autre. C'est seulement dans le domaine
social que l'homme et la femme s'affronteront à égalité.
6. -- L'ASSOCIATION DE L'HOMME ET DE LA FEMME
Le besoin de reproduction réunit infailliblement l'homme et la femme
pur qu'ils se perpétuent, mais à lui seul il n'assure pas que le couple
restera uni dans une coopération mutuelle -- la fondation d'un foyer.
Toute institution humaine couronnée de succès contient des antagonismes
d'intérêts personnels qui ont été harmonieusement adaptés au travail
pratique; la création des foyers ne fait pas exception. Le mariage, base
de l'édification d'un foyer, est la plus haute manifestation de la
coopération antagoniste qui caractérise si souvent les contacts entre la
nature et la société. Le conflit est inévitable par ce que l'appariement
est spontané et naturel, tandis que le mariage n'est pas biologique mais
sociologique. La passion assure que l'homme et la femme se réuniront, mais
ce sont l'instinct parental et les moeurs sociales qui maintiennent leur
union.
Considérés dans la pratique, le mâle et la femelle sont deux variétés
distinctes de la même espèce vivant en association étroite et intime.
Leurs points de vue et toutes leurs réactions vitales sont essentiellement
différents; ils sont entièrement incapables de se comprendre pleinement et
réellement l'un l'autre. La compréhension complète entre les sexes est
impossible à atteindre.
Les femmes semblent avoir plus d'intuition que les hommes, mais elles
paraissent aussi un peu moins logiques. Toutefois, les femmes ont toujours
été le porte-drapeau de la morale et les directrices spirituelles de
l'humanité. La main qui balance le berceau fraternise encore aujourd'hui
avec la destinée.
Les différences de nature, de réactions, de points de vue, et de pensée
entre les hommes et les femmes ne devraient pas causer de soucis, mais
bien plutôt être considérées comme hautement bénéfiques pour l'humanité, à
la fois individuellement et collectivement. De nombreux ordres de
créatures de l'univers sont créés sous des phases doubles de manifestation
de la personnalité. Chez les humains, chez les Fils Matériels, et chez les
midsonitaires, la différence est désignée par mâle et femelle. Parmi les
séraphins, les chérubins, et les Compagnons Morontiels, on l'a nommé
positive ou agressive, et négative ou réservée. Ces associations de
couples multiplient grandement la variété de talents et triomphent des
limitations naturelles, comme le font certaines associations trines dans
le système Paradis-Havona.
Les hommes et les femmes ont besoin les uns des autres dans leur
carrière morontielle et spirituelle aussi bien que dans leur vie incarnée.
Les différences des points de vue masculins et féminins persistent au delà
de la première vie et dans toute l'ascension de l'univers local et des
superunivers. Même dans Havona, les pèlerins qui furent jadis des hommes
et des femmes continueront à s'entraider dans la montée au Paradis. Plus
loin encore, même dans le Corps de la Finalité, la métamorphose des
créatures n'ira jamais jusqu'au point d'effacer les tendances de la
personnalité que les humains appellent masculine et féminine. Ces deux
variétés fondamentales de l'espèce humaine continueront à s'intriguer, à
se stimuler, à s'encourager, et à s'entraider. Elles resteront toujours
mutuellement dépendantes de leur coopération pour résoudre les problèmes
troublants de l'univers et triompher de multiples difficultés cosmiques.
Jamais les sexes ne peuvent espérer se comprendre totalement l'un
l'autre, mais ils sont effectivement complémentaires, et bien que leur
coopération soit souvent plus ou moins antagoniste, elle reste capable
d'entretenir et de reproduire la société. Le mariage est une institution
destinée à accommoder les différences de sexe tout en assurant la
continuité de la civilisation et la reproduction de la race.
Le mariage est la source de toutes les institutions humaines, car il
conduit directement a la fondation et à l'entretien des foyers, qui sont
la base structurelle de la société. La famille est vitalement liée au
mécanisme de l'instinct de conservation. Elle constitue le seul espoir de
perpétuer la race sous les moeurs de la civilisation, tandis qu'en même
temps elle procure certaines formes hautement satisfaisantes de
contentement de soi. La famille est le plus grand accomplissement purement
humain, parce qu'il conjugue l'évolution des relations biologiques entre
mâle et femelle avec les relations sociales entre mari et femme.
7. -- LES IDÉAUX DE LA VIE DE FAMILLE
L'union sexuelle est instinctive, les enfants en sont le résultat
naturel, et la famille naît ainsi automatiquement. Telles les familles
d'une race ou d'une nation, telle sa société. Si les familles sont bonnes,
la société est également bonne. La grande stabilité culturelle des peuples
juif et chinois réside dans la force de leurs groupes familiaux.
L'instinct féminin d'aimer et de soigner les enfants a contribué à
faire de la femme la partenaire intéressée à promouvoir le mariage et la
vie de famille primitive. Seule la pression des moeurs ultérieures et des
conventions sociales a obligé les hommes a s'occuper de l'édification des
foyers; ils furent lents à s'intéresser à l'établissement du mariage et du
foyer parce que l'acte sexuel ne comporte pas de conséquences biologiques
pour eux.
L'association sexuelle est naturelle, mais le mariage est social et a
toujours été réglementé par les moeurs. Les moeurs (religieuses, morales,
et d'éthiques), ainsi que la propriété, l'orgueil, et la chevalerie,
stabilisent les mariages et les familles.
Toute fluctuation dans les moeurs se répercute sur la stabilité de
l'institution foyer-mariage. Le mariage sort maintenant du stade de la
propriété et passe dans l'ère de la personnalité. Auparavant, l'homme
protégeait la femme parce qu'elle était sa chose, et elle lui obéissait
pour la même raison. Indépendamment de ses mérites, le système assurait la
permanence. Aujourd'hui, la femme a cessé d'être considérée comme un bien
privé, et de nouvelles moeurs émergent pour stabiliser l'institution
mariage-foyer:
1. Le nouveau rôle de la religion -- l'enseignement que l'expérience
parentale est essentielle. L'idée de procréer des citoyens cosmiques, la
compréhension élargie du privilège de la procréation -- donner des fils au
Père.
2. Le nouveau rôle de la science -- la procréation devient de plus en
plus volontaire, soumise au contrôle de l'homme. Autrefois, par manque de
compréhension, la survenance des enfants était assurée même en l'absence
de tout désir d'en avoir.
3. La nouvelle fonction de l'attrait du plaisir -- ceci introduit un
nouveau facteur dans la survie de la race; les anciens faisaient mourir
les enfants non désirés; les modernes refusent de les mettre au monde.
4. Le renforcement de l'instinct parental. Chaque génération tend
maintenant à éliminer du courant reproducteur de la race les individus
chez qui l'instint parental est insuffisamment fort pour assurer la
procréation d'enfants -- de parents en perspective pour la nouvelle
génération.
Le foyer en tant qu'institution -- l'association entre un seul homme et
une seule femme -- date plus spécifiquement du temps de Dalamatia, il y a
environ 500.000 ans. Les habitudes monogames d'Andon et de ses descendants
immédiats avaient été abandonnées longtemps auparavant. Toutefois, il n'y
avait guère lieu de s'enorgueillir de la vie de famille avant l'époque des Nodites et plus tard des Adamites. Adam et Ève exercèrent une influence
durable sur toute l'humanité. Pour la première fois dans l'histoire du
monde, on put observer des hommes et des femmes travaillant côte à côte
dans le Jardin. L'idéal édénique d'une famille entière de jardiniers était
une idée nouvelle sur Urantia.
La famille primitive englobait un groupe lié par le travail, y compris
les esclaves, et vivant tout entier dans une seule habitation. Le mariage
n'a pas toujours été identique à la vie de famille, mais ils ont forcément
été étroitement associés. La femme a toujours désiré une famille
individuelle et a fini par obtenir gain de cause.
L'amour de la progéniture est à peu près universel et représente
nettement une valeur de survie. Les anciens sacrifiaient toujours les
intérêts de la mère au bien-être de l'enfant. Aujourd'hui encore, chez les
Esquimaux, les mères lèchent leurs bébés au lieu de les laver. Cependant
les mères primitives ne nourrissaient et ne soignaient leurs enfants que
pendant leur prime jeunesse; à l'instar des animaux, elles les écartaient
aussitôt qu'ils avaient grandi. Les associations humaines durables et
continues n'ont jamais été fondées sur la seule affection biologique. Les
animaux aiment leurs petits; les hommes (civilisés) aiment les enfants de
leurs enfants. Plus la civilisation est avancée, plus les parents se
réjouissent des progrès et de la réussite des enfants; c'est ainsi que
naquit la notion nouvelle et supérieure de l'orgueil du nom.
Chez les peuples anciens, les grandes familles ne résultaient pas
nécessairement de l'affection. Beaucoup d'enfants furent désirés pour les
raisons suivantes:
|
1. Ils étaient précieux comme travailleurs. |
|
2. Ils étaient une assurance pour la vieillesse. |
|
3. On pouvait vendre les filles. |
|
4. L'orgueil familial exigeait l'extension du nom. |
|
5. Les fils apportaient une protection et une défense. |
|
6. La peur des fantômes engendrait la peur de la solitude. |
|
7. Certaines religions exigeaient une progéniture. |
Les pratiquants du culte des ancêtres considèrent l'absence de fils
comme la calamité suprême dans le temps et l'éternité. Ils désirent avant
tout avoir des fils pour officier dans les cérémonies mortuaires, pour
offrir les sacrifices permettant au fantôme de progresser en traversant le
pays des esprits.
Parmi les anciens sauvages, on commençait de très bonne heure à
discipliner les enfants, et ceux-ci ne tardaient pas à comprendre que la
désobéissance signifiait l'échec ou même la mort, exactement comme pour
les animaux. La civilisation protège maintenant les enfants contre les
conséquences naturelles d'une conduite stupide, et c'est ce qui contribue
tant à l'insubordination moderne.
Les enfants des Esquimaux prospèrent avec fort peu de discipline et de
punitions, simplement parce qu'ils sont naturellement dociles comme de
petits animaux; les enfants des hommes rouges et des hommes jaunes sont
presque aussi faciles. Par contre, dans les races contenant une hérédité
andite, les enfants sont moins placides; cette jeunesse imaginative et
aventureuse a besoin de plus d'éducation et de discipline. Les problèmes
modernes d'éducation des enfants sont rendus de plus en plus difficiles
par:
|
1. Le degré important des mélanges raciaux. |
|
2. L'éducation artificielle et superficielle. |
|
3. L'inaptitude des enfants à se cultiver en imitant leurs parents qui
passent une trop grande partie de leur temps hors de leur foyer. |
Les anciennes idées sur la discipline de famille étaient biologiques et
provenaient du fait que les parents comprenaient qu'ils avaient créé
l'existence de l'enfant. Le idéaux plus évolués de la vie de famille
conduisent au concept que l'apport d'un enfant au monde, loin de conférer
certains droits aux parents, implique la responsabilité suprême de
perpétuer l'existence humaine.
La civilisation considère que les parents assument toutes les charges
et que l'enfant a tous les droits. Le respect de l'enfant pour ses parents
ne provient pas de ce qu'il connaît l'obligation impliquée dans la
procréation parentale. Ce respect grandit naturellement comme conséquence
des soins, de l'éducation, et de l'affection qui lui sont dispensés avec
amour pour l'aider à gagner la bataille de la vie. De véritables parents
s'engagent avec continuité dans un ministère de service que l'enfant avisé
finit par reconnaître et par apprécier.
Dans l'ère industrielle et urbaine contemporaine, l'institution du
mariage évolue selon de nouvelles lignes économiques. La vie de famille
devient de plus en plus onéreuse, et les enfants, qui étaient autrefois un
actif, sont devenus un passif économique. Mais la sécurité de la
civilisation elle-même repose encore sur la bonne volonté croissante de
chaque génération à investir ses moyens dans le bien-être de la prochaine
génération et des suivantes. Toute tentative pour transférer la
responsabilité parentale à l'État ou à l'Église se révélera fatale pour le
bonheur et le progrès de la civilisation.
Le mariage, avec les enfants et la vie de famille qui s'ensuit, stimule
les plus hauts potentiels de la nature humaine et fournit en même temps le
canal idéal pour exprimer ces attributs vivifiés de la personnalité
humaine. La famille assure la perpétuation biologique de l'espèce humaine.
Le foyer est le cadre social naturel dans lequel les enfants grandissants
peuvent saisir la morale de la fraternité du sang. La famille est l'unité
fondamentale de fraternité dans laquelle parents et enfants apprennent les
leçons de patience, d'altruisme, de tolérance, et d'indulgence qui sont si
essentielles pour réaliser la fraternité entre tous les hommes.
La société humaine serait grandement améliorée si les races civilisées
voulaient revenir plus généralement à la pratique du conseil de famille
des Andites. Ils ne maintinrent pas la forme patriarcale ou autocratique
de gouvernement familial. Ils étaient très amicaux et coopératifs. Ils
discutaient franchement et librement toutes les propositions et règles de
nature familiale. Tous leurs conseils de famille étaient empreints d'une
atmosphère idéalement fraternelle. Dans une famille idéale, l'affection
filiale et l'amour parental sont tous deux accrus par le dévouement
fraternel.
La vie de famille est le berceau de la vraie moralité, l'ancêtre de la
fidélité consciente au devoir. Les associations forcées de la vie de
famille stabilisent la personnalité et stimulent sa croissance par
l'obligation indispensable de s'adapter à d'autres personnalités diverses.
Mais il y a plus: une famille -- une bonne famille -- révèle aux parents
procréateurs le comportement du Créateur envers ses enfants, tandis qu'en
même temps ces véritables parents dépeignent à leurs enfants la première
d'une longue série de divulgations concernant l'amour du Père paradisiaque
de tous les enfants de l'univers.
8. -- LES DANGERS DE LA JOUISSANCE ÉGOÏSTE
La grande menace contre la vie de famille est la marée montante des
jouissances égoïstes, la manie moderne des plaisirs. Autrefois, le
principal mobile du mariage était économique, et l'attraction sexuelle
secondaire. Le mariage fondé sur l'entretien du couple conduisait à la
perpétuation de soi et procurait en même temps l'une des formes les plus
désirables de jouissance personnelle. Dans la société humaine, c'est la
seule institution qui englobe les trois grandes raisons de vivre.
À l'origine, la propriété était l'institution fondamentale pour
s'entretenir, tandis que le mariage fonctionnait comme institution unique
pour se perpétuer. Bien que les satisfactions alimentaires, les jeux, et
l'humour, ainsi que les rapports sexuels périodiques, soient les moyens de
jouissance égoïste, il n'en reste pas moins que l'évolution des moeurs n'a
pas réussi à bâtir une institution distinctes pour les plaisirs égoïstes. À
cause de cet échec dans la mise au point de techniques spécialisées pour
des jouissances agréables, toutes les institutions humaines sont
complètement imprégnées de cette recherche du plaisir. L'accumulation des
biens devient un instrument pour accroître toutes les formes de jouissance
égoïste, tandis que l'on se borne souvent à considérer le mariage comme un
moyen d'obtenir un plaisir. Le temps excessif consacré aux plaisirs, la
manie largement répandue de s'y adonner, constituent maintenant la plus
grande menace qui ait jamais été dirigée contre le foyer, institution
évolutionnaire sociale de la vie de famille.
La race violette a introduit dans l'expérience de l'humanité une
caractéristique nouvelle encore incomplètement comprise -- l'instinct de
jeu doublé du sens de l'humour. Cet instinct existait dans une certaine
mesure chez les Sangiks et les Andonites, mais les lignées adamiques
élevèrent ce penchant primitif au niveau d'un potentiel de plaisir, forme
nouvelle et glorifiée de la jouissance égoïste. En dehors de l'apaisement
de la faim, le type fondamental de jouissance égoïste est l'assouvissement
sexuel; cette forme de plaisir sensuel fut considérablement accrue par
l'union des Sangiks et des Andites.
La combinaison d'agitation, de curiosité, d'aventure, et d'abandon au
plaisir caractéristique des races postérieures aux Andites comporte un
réel danger. Les plaisirs physiques ne peuvent satisfaire la soif de
l'âme; la poursuite malavisée du plaisir n'augmente pas l'amour du foyer
et des enfants. Même en épuisant les ressources de l'art, des couleurs, de
la musique, et du luxe vestimentaire, on ne peut entretenir ainsi l'espoir
d'élever l'âme ou de nourrir l'esprit. La vanité et la mode ne peuvent
aider ni à l'édification des foyers ni à la culture des enfants; l'orgueil
et la rivalité sont impuissants à rehausser les qualités de survie des
générations successives.
Tous les êtres célestes qui progressent jouissent de périodes de repos
et du ministère des directeurs de la rétrospection. Tous les efforts pour
obtenir des diversions saines et pratiquer des jeux qui élèvent sont
salubres. Il vaut la peine de se livrer à un sommeil réparateur, à des
repos, à des récréations, et à tous les passe-temps qui empêchent la
monotonie de faire naître l'ennui. Les jeux de compétition, les narrations
d'histoires, et même le goût de la bonne nourriture, peuvent servir de
formes de jouissance égoïste. (Quand vous employez du sel pour ajouter de
la saveur à vos aliments, souvenez-vous que pendant près d'un million
d'années les hommes n'ont pu obtenir du sel qu'en plongeant leurs aliments
dans de la cendre.)
Que les hommes se réjouissent; que la race humaine trouve du plaisir de
mille et une manières; que l'humanité évolutionnaire explore toutes les
formes légitimes de satisfaction égoïste, les fruits de la longue lutte
biologique pour s'élever. L'homme a bien mérité certains de ses plaisirs
et joies d'aujourd'hui. Mais faites bien attention au but de la destinée!
Les plaisirs sont véritablement des suicides s'ils parviennent à détruire
la propriété, qui est devenue l'institution permettant aux personnes de
s'entretenir. Les jouissances égoïstes auront vraiment été un prix funeste
si elles provoquent l'effondrement du mariage, la décadence de la vie de
famille, et la destruction du foyer -- acquisition évolutionnaire suprême
des hommes et seul espoir de survie de la civilisation.
[Présenté par le Chef des Séraphins
stationnés sur Urantia.]
|