LES ENSEIGNEMENTS DE MELCHIZÉDEK EN
ORIENT
LES premiers instructeurs de la religion de Salem pénétrèrent jusqu'aux
tribus les plus reculées d'Afrique et d'Eurasie, prêchant toujours
l'évangile de Melchizédek qui présentait la confiance et la foi en
l'unique Dieu universel comme le seul prix à payer pour obtenir la faveur
divine. L'alliance de Melchizédek avec Abraham servit de modèle pour toute
la propagande initiale émanant de Salem et des autres centres. Urantia n'a
jamais eu de missionnaires religieux plus enthousiastes et plus dynamiques
que les nobles hommes et femme qui apportèrent les enseignements de
Melchizédek dans tout l'hémisphère oriental. Ces missionnaires furent
recrutés parmi de nombreux peuples et races, et répandirent en grande
partie leurs enseignements par le truchement d'indigènes convertis. Ils
établissaient des centres d'éducation dans les différentes parties du
monde où ils enseignaient la religion de Salem aux indigènes, et ensuite
ils chargeaient leurs élèves d'instruire leur propre peuple.
1. -- LES ENSEIGNEMENTS DE SALEM DANS L'INDE VÉDIQUE
À l'époque de Melchizédek, l'Inde était un pays cosmopolite récemment
tombé sous la domination politique et religieuse des envahisseurs
Aryens-Andites venus du nord et de l'ouest. À cette date, seules les
portions nord et ouest de la péninsule avaient été largement infiltrées
par les Aryens. Ces nouveaux arrivants védiques avaient amené avec eux
leurs nombreuses déités tribales. Les formes religieuses de leur culte
suivaient étroitement les pratiques cérémonielles de leurs anciens
ancêtres andites, en ce sens que le père opérait encore comme prêtre et la
mère comme prêtresse, et que l'âtre de la famille servait encore d'autel.
Le culte védique était alors en voie de croissance et de métamorphose
sous la direction de la caste des Brahmanes; ces prêtres éducateurs
prenaient graduellement le contrôle du rituel d'adoration qui se
développait. L'amalgamation des trente-trois déités aryennes était bien en
cours quand les missionnaires de Salem pénétrèrent dans le nord de l'Inde.
Le polythéisme des Aryens représentait une dégénérescence de leur
monothéisme primitif, causée par leur séparation en unités tribales,
chaque tribu ayant son dieu vénéré. Cette décentralisation du monothéisme
et du trinitarisme originels de la Mésopotamie andite allait subir une
synthèse nouvelle au cours des premiers siècles du second millénaire avant
le Christ. Les multiples dieux furent organisés en un panthéon sous la
direction trine de Dyaus Pitar, le seigneur du ciel, d'Indra, le
tempétueux seigneur de l'atmosphère, et d'Agni, le dieu tricéphale du feu,
seigneur de la terre et vestige symbolique d'un ancien concept de la
Trinité.
Des développements nettement hénothéistes (1) préparaient la voie à un
monothéisme évolué. Agni, la déité la plus ancienne, était souvent exalté
en tant que père-chef du panthéon tout entier. Le principe du dieu-père,
appelé tantôt Prajapati tantôt Brahma, fut submergé dans la bataille
théologique que les prêtres brahmanes livrèrent plus tard aux instructeurs
de Salem. Le principe d'énergie-divinité animant tout le panthéon védique
fut appelé Le Brahmane.
(1) N'admettant pour soi qu'un
seul Dieu, mais admettant que d'autres nations en aient un différent.
Les missionnaires de Salem prêchaient le Dieu unique de Melchizédek, le
Très Haut du ciel. Ce portrait n'était pas entièrement en désaccord avec
le concept émergent de Brahma-Père en tant que source de tous les dieux,
mais la doctrine de Salem ne comportait pas de rites; elle allait donc
directement à l'encontre des dogmes, traditions et enseignements de la
prêtrise brahmanique. Les brahmanes ne voulurent jamais accepter la
doctrine de Salem enseignant le salut par la foi, la faveur de Dieu
obtenue en dehors des observances rituelles et des sacrifices cérémoniels.
Le rejet de l'évangile de Melchizédek concernant la confiance en Dieu
et le salut par la foi marqua un tournant capital pour l'Inde. Les
missionnaires de Salem avaient beaucoup contribué à faire perdre la foi
dans les anciens dieux védiques, mais les chefs, les prêtres du védisme,
refusèrent d'accepter la doctrine de Melchizédek enseignant un seul Dieu
et une religion unique et simple.
Les brahmanes expurgèrent les livres sacrés de leur temps dans un
effort pour combattre les instructeurs de Salem. Leur compilation, à
nouveau corrigée plus tard, est parvenue aux temps modernes sous la forme
du Rig-Véda, l'un des livres sacrés les plus anciens. Les second,
troisième, et quatrième Védas suivirent à mesure que les brahmanes
cherchaient à cristalliser et à guider leurs rites d'adoration et de
sacrifices, et à les imposer aux gens de leur époque. Dans ce qu'ils ont
de meilleur, ces écrits sont l'équivalent, en beauté de caractère et en
discernement de la vérité, de n'importe quelle autre doctrine analogue.
Mais à mesure que cette religion supérieure fut corrompue par les milliers
de superstitions, cultes, et rites de l'Inde méridionale, elle devint
progressivement par métamorphose le système théologique le plus bigarré
que les hommes aient jamais mis sur pied. L'étude des Védas fera découvrir
certains concepts de la Déité parmi les plus élevés et d'autres parmi les
plus avilis qui aient jamais été conçus.
2. -- LE BRAHMANISME
À mesure que les missionnaires de Salem pénétrèrent plus au sud dans le
Deccan dravidien, ils rencontrèrent un système de castes de plus en plus
solidement établi; ce système avait été imaginé par les Aryens cherchant à
conserver leur identité raciale en face d'une marée montante de peuplades
Sangik secondaires. La caste sacerdotale brahmanique étant l'essence même
du système, cet ordre social retarda considérablement le progrès des
instructeurs de Salem. L'institution des castes ne réussit pas à sauver la
race aryenne, mais réussit à perpétuer les brahmanes, qui a leur tour
maintinrent leur hégémonie religieuse sur l'Inde jusqu'à l'époque
actuelle.
Ensuite, avec l'affaiblissement du védisme par le rejet de la vérité
supérieure, le culte des Aryens fut soumis à des incursions croissantes
venant du Deccan. Dans un effort désespéré pour endiguer le flot de
l'extinction raciale et de l'anéantissement religieux, la caste des
prêtres chercha à se hausser au-dessus de tout. Les brahmanes enseignèrent
que les sacrifices à la déité étaient entièrement efficaces, que la
puissance des sacrifices exerçait sur elle une contrainte totale. Ils
proclamèrent que, des deux principes divins essentiels de l'univers, l'un
était le dieu Brahmane, et l'autre la prêtrise brahmanique. Chez nul autre
peuple d'Urantia les prêtres ne prétendirent s'élever au-dessus de leurs
dieux et s'attribuer les honneurs dus à leurs dieux. Ils allèrent si
absurdement loin dans ces revendications présomptueuses que l'ensemble de
ce système précaire s'effondra devant les cultes avilissants qui
affluaient en provenance des civilisations environnantes moins avancées.
L'immense prêtrise védique elle même s'embourba et sombra sous le flot
noir d'inertie et de pessimisme dont sa propre présomption égoïste et
malavisée avait inondé l'Inde.
La concentration indue sur soi conduisit infailliblement à craindre la
perpétuation non-évolutionnaire de l'être dans un cycle sans fin
d'incarnations successives en tant qu'homme, bête, ou mauvaise herbe.
Parmi foutes les croyances corruptrices susceptibles d'être attachées à ce
qui aurait pu être un monothéisme émergent, nulle ne fut plus ridicule que
la croyance à la transmigration -- la doctrine de la réincarnation de
l'âme dans un animal -- qui venait du Deccan dravidien. Cette croyance a
un cycle fastidieux et monotone de transmigrations répétées enleva aux
mortels désemparés leur espoir longtemps chéri de trouver dans la mort la
délivrance et l'avancement spirituel qui avaient fait partie de la foi
védique primitive.
Cet enseignement philosophiquement débilitant fut bientôt suivi par
l'invention de la doctrine où l'on échappe éternellement à son identité en
s'immergeant dans le repos et la paix universels d'une union absolue avec
Brahmane, la super-âme de toute la création. Les désirs matériels et les
ambitions humaines furent efficacement ôtés aux hommes et virtuellement
détruits. Pendant près de deux mille ans, les meilleurs penseurs de l'Inde
ont cherché à échapper a tout désir, et la porte fut ainsi grande ouverte
à l'entrée des cultes et enseignements ultérieurs qui ont virtuellement
enchaîné les âmes d'un grand nombre d'Hindous dans les entraves du
désespoir spirituel. Parmi toutes les civilisations, ce fut la
védique-aryenne qui paya le prix le plus terrible pour avoir rejeté
l'évangile de Salem.
Les castes à elles seules ne pouvaient perpétuer le système
religio-culturel aryen, et à mesure que les religions inférieures du
Deccan s'infiltrèrent dans le nord, il survint une ère de découragement et
de désespoir. Ce fut au cours de cette sombre époque que naquit le culte
consistant à n'ôter la vie à aucune créature, et ce culte a toujours
subsisté depuis lors. Un grand nombre des nouveaux cultes étaient
franchement athées, prétendant que le salut possible à atteindre ne
pouvait provenir que des efforts humains sans assistance extérieure.
Toutefois, dans une grande partie de cette philosophie de malheur, on peut
trouver des vestiges déformés des enseignements de Melchizédek et même
d'Adam.
Ce fut l'époque de la compilation des dernières Ecritures de la foi
hindoue, les Brahmanas et les Upanishads. Ayant rejeté la doctrine
enseignant la religion personnelle par l'expérience de la foi personnelle
en un Dieu unique, et ayant été corrompue par le flot de cultes et de
croyances avilissants et débilitants du Deccan, avec leurs
anthropomorphismes et leurs réincarnations, la prêtrise brahmanique
manifesta une violente réaction contre les croyances corruptrices; il y
eut un net effort pour chercher et trouver la vraie réalité.
Les Brahmanes entreprirent de désanthropomorphiser le concept indien de la
déité, mais ce faisant ils tombèrent dans la grave erreur de
dépersonnaliser le concept de Dieu. Ils sortirent de cette épreuve, non
avec un concept sublime et spirituel du Père Paradisiaque, mais avec une
idée lointaine et métaphysique d'un Absolu englobant tout.
Dans leurs efforts d'auto-préservation, les brahmanes avaient rejeté le
Dieu unique de Melchizédek, et maintenant ils se trouvaient nantis de
l'hypothèse de Brahmane, cette entité philosophique imprécise et
illusoire, ce quelque chose d'impersonnel et d'impuissant qui a
laissé la vie spirituelle de l'Inde désemparée et prostrée depuis ce temps
jusqu XXième siècle.
Ce fut à l'époque où l'on écrivit les Upanishads que le bouddhisme
surgit aux Indes mais, malgré un millénaire de succès, il ne put
concurrencer la dernière phase de l'hindouisme. En dépit de sa moralité
supérieure, son portrait initial de Dieu était encore moins net que celui
de l'hindouisme qui fournissait des déités secondaires et personnelles.
Finalement, le bouddhisme céda dans l'Inde du nord devant les attaques
d'un Islam militant avec son concept bien défini d'Allah comme Dieu
suprême de l'univers.
3. -- LA PHILOSOPHIE BRAHMANIQUE
Bien que la phase supérieure du brahmanisme soit à peine une religion,
elle a vraiment été l'une des plus nobles tentatives de la pensée humaine
pour pénétrer les domaines de la philosophie et de la métaphysique. Après
avoir pris le départ pour découvrir la réalité finale, la pensée hindoue
ne s'est plus arrêtée avant d'avoir spéculé sur presque tous les aspects
de la théologie, excepté sur le concept essentiel et double de la
religion: l'existence du Père Universel de toutes les créatures, et le
fait de l'expérience ascendante, dans l'univers, de ces mêmes créatures
cherchant à atteindre le Père éternel qui leur a commandé d'être
parfaites, comme lui-même est parfait.
Dans le concept du Brahmane, les penseurs de cette époque saisissaient
véritablement l'idée d'un Absolu imprégnant tout, car ils identifiaient
simultanément ce postulat avec l'énergie créative et avec la réaction
cosmique. Ils concevaient Le Brahmane comme transcendant toute définition
et comme susceptible d'être compris seulement par la négation successive
de toutes les qualités finies. C'était nettement une croyance en un être
absolu, et même infini, mais ce concept était largement dépourvu des
attributs de la personnalité; il n'était donc pas expérimentable par des
croyants individuels.
Brahmane-Narayana fut conçu comme l'Absolu, comme l'infini CELA EXISTE,
comme la puissance créatrice primordiale du cosmos potentiel, comme l'Être
Universel existant à l'état statique et potentiel durant toute l'éternité.
Si les philosophes de l'époque avaient été capables de franchir l'étape
suivante dans la conception de la déité, s'ils avaient pu concevoir Le
Brahmane comme associatif et créatif, leur enseignement serait devenu la
présentation la plus avancée de la Déité sur Urantia, car il aurait
englobé cinq sur sept des premiers niveaux de la fonction totale de la
déité, et aurait peut-être envisagé les deux derniers.
Au cours de certaines phases, le concept de l'Unique Super-âme
Universelle en tant que totalité de la somme des existences de toutes les
créatures amena les philosophes hindous très près de la vérité de l'Être
Suprême; mais cette vérité ne leur servit à rien, parce qu'ils ne
réussirent à développer aucune méthode personnelle raisonnable ou
rationnelle pour atteindre leur but monothéiste théorique de
Brahmane-Narayana.
Le principe karmique de continuité causale était très proche de
l'aphorisme que toutes les actions dans l'espace-temps se répercutent en
une synthèse dans la présence divine du Suprême; mais ce postulat ne
permit jamais l'aboutissement coordonné a la Déité par les croyants
religieux individuels; il ne conduisit qu'à l'engloutissement ultime de
toute personnalité dans la Suprême Universelle.
La philosophie du brahmanisme fut également très près de comprendre
l'habitation par les Ajusteurs de Pensée, mais elle se laissa pervertir
par une fausse conception de la vérité. L'enseignement que l'âme est la
demeure de Brahmane aurait préparé le chemin à une religion avancée si ce
concept n'avait pas été complètement vicié par la croyance qu'il n'existe
pas d'individualité humaine en dehors de cette présence de l'Être
Universel.
Dans leur doctrine où l'âme individuelle se fond dans la Super-âme, les
théologiens de l'Inde ne réussirent pas à ménager la survie de quelque
chose d'humain, quelque chose de nouveau et d'unique, né de l'union du
vouloir de l'homme et de la volonté de Dieu. L'enseignement du retour de
l'âme au Brahmane est étroitement parallèle à la vérité du retour de
l'Ajusteur au sein du Père Universel, mais il y a quelque chose d'autre
qui survit aussi, à savoir la contrepartie morontielle de la personnalité
humaine. Or ce concept essentiel était désastreusement absent de la
philosophie brahmanique.
Celle-ci parvint à une approximation de beaucoup de faits de l'univers
et approcha de nombreuses vérités cosmiques, mais elle tomba bien trop
souvent victime d'erreurs, faute de différencier les sept niveaux de la
réalité, tels que les niveaux absolu, transcendantal, et fini. Elle n'a
pas réussi à faire entrer en ligne de compte qu'un aspect donné,
susceptible d'être fini et illusoire sur le niveau absolu, peut être
absolument réel sur le niveau fini. Elle n'a pas non plus pris acte de la
personnalité essentielle du Père Universel, avec qui l'on peut prendre
personnellement contact sur tous les niveaux, depuis l'expérience limitée
des créatures évolutionnaires avec Dieu par les Ajusteurs de Pensée
jusqu'à l'expérience limitée du Fils Éternel avec le Père du Paradis.
4. -- LA RELIGION HINDOUE
Au cours des siècles, le peuple hindou revint dans une certaine mesure
aux anciens rituels des Védas tels qu'ils avaient été modifiés par les
enseignements des missionnaires de Melchizédek et cristallisés par la
prêtrise brahmanique ultérieure. Cette religion, la plus ancienne et la
plus cosmopolite du monde, a subi de nouveaux changements en réponse au
Bouddhisme, au Jaïnisme, et aux influences plus récentes du Mahométisme et
du Christianisme. Mais quand les enseignements de Jésus parvinrent aux
indes, ils avaient déjà été occidentalisés au point d'être une « religion
des hommes blancs », donc insolite et étrangère à la pensée hindoue.
La théologie hindoue actuelle décrit quatre niveaux descendants de
déité et de réalité.
1. Le Brahmane, l'Absolu, l'Entité Infinie, le CELA
EXISTE.
2. La Trimurti, la trinité suprême de l'hindouisme.
Le premier membre de cette association, Brahma, se conçoit comme créé par
lui-même à partir du Brahmane -- l'infinité. S'il n'était pas étroitement
identifié à l'Entité Infinie panthéiste, Brahma pourrait constituer le
fondement d'un concept du Père Universel. Brahma est également identifié
avec le destin.
L'adoration de Siva et de Vishnou, les second et troisième membres de
la Trimurti, apparut au premier millénaire après le Christ. Siva est le
seigneur de la vie et de la mort, le dieu de la fécondité, et le maître de
la destruction. Vishnou est extrêmement populaire à cause de la
croyance à son incarnation périodique sous forme humaine. De cette
manière, Vishnou devient réel et vivant dans l'imagination des Hindous.
Certains considèrent@Siva et Vishnou comme suprêmes au-dessus de tout.
3 Les déités védiques et post-védiques. Beaucoup
d'anciens dieux des Aryens, tels qu'Agni, Indra, et Soma, ont subsisté
comme satellites des trois membres de la Trimurti. De nombreux dieux
additionnels ont surgi depuis les débuts de l'Inde védique, et ils ont
aussi été incorporés dans le panthéon hindou.
4. Les demi-dieux: surhommes, semi-dieux, héros,
démons, mauvais esprits, farfadets, monstres, lutins, et saints des cultes
plus récents.
Depuis longtemps l'hindouisme n'a pas réussi a vivifier le peuple
indien, mais en même temps il a généralement été une religion tolérante.
Sa grande force réside dans le fait qu'il s'est révélé comme la religion
la plus flexible et la plus vague qui soit apparue sur Urantia. Il est
capable de changements à peu près illimités et possède un champ inhabituel
d'adaptations souples, depuis les spéculations élevées et
semi-monothéistes des brahmanes intellectuels jusqu'au franc fétichisme et
aux pratiques culturelles primitives des classes avilies et déprimées de
croyants ignorants.
L'hindouisme a survécu parce qu'il est essentiellement une partie
intégrante de l'édifice social des Indes. Il ne comporte pas de grande
hiérarchie qui puisse être troublée ou détruite; il est imbriqué dans
l'archétype de vie du peuple. Il possède une adaptabilité aux conditions
changeantes dépassant celle de tout autre culte, et il prend une attitude
tolérante d'adoption envers beaucoup d'autres religions; il a ainsi
prétendu que Gautama Bouddha, et même le Christ étaient des incarnations
de Vishnou.
Aujourd'hui, l'Inde a surtout besoin d'une présentation de l'évangile
de Jésus -- la Paternité de Dieu et la filiation de tous les hommes, avec
la fraternité qui s'ensuit et que l'on manifeste personnellement par un
ministère aimant et des services sociaux. Aux Indes, le cadre
philosophique existe, la structure du culte est présente; il manque
simplement l'étincelle vivifiante de l'amour dynamique décrit dans
l'évangile originel du Fils de l'Homme, dépouillé des doctrines et dogmes
occidentaux qui ont tendu à faire de la vie d'effusion de Micaël une
religion des hommes blancs.
5. -- LA LUTTE POUR LA VÉRITÉ EN CHINE
Pendant que les missionnaires de Salem parcouraient l'Asie en répandant
la doctrine du Dieu Très Haut et du salut par la foi, ils s'imprégnèrent
beaucoup de la philosophie et de la pensée religieuse des divers pays
traversés. Toutefois, les éducateurs commissionnés par Melchizédek et ses
successeurs ne faillirent pas à leur mission; ils pénétrèrent chez tous
les peuples du continent eurasien, et ce fut au milieu du second
millénaire avant le Christ qu'ils arrivèrent en Chine. Pendant plus de
cent ans, les Salémites maintinrent leur quartier général à Si Fouch, où
ils entraînèrent des éducateurs chinois qui enseignèrent chez tous les
peuples de race jaune.
Ce fut comme conséquence directe de cet enseignement que la toute
première forme de Taoïsme apparut en Chine; c'était une religion
extrêmement différente de celle qui porte aujourd'hui ce nom. Le taoïsme
primitif ou proto-taoïsme était composé des facteurs suivants:
1. Les rémanences des enseignements de Singlangton, qui
persistèrent dans le concept de Shang-ti, le Dieu du Ciel. A l'époque de
Singlangton, le peuple chinois devint virtuellement monothéiste; il
concentra son adoration sur la Vérité Unique, connue plus tard sous le nom
d'Esprit du Ciel, chef de l'univers. La race jaune ne perdit jamais tout à
fait ce concept initial de la Déité, malgré le fait qu'au cours de siècles
ultérieurs de nombreux dieux et esprits subordonnés se soient insinués
subrepticement dans sa religion.
2. La religion de Salem d'une Très Haute Déité Créatrice
prête à octroyer sa faveur à l'humanité en réponse à la foi des hommes.
Mais à l'époque où les missionnaires de Melchizédek eurent pénétré dans
les pays de la race jaune, il est malheureusement trop vrai que leur
message s'était considérablement écarté de la simple doctrine de Salem du
temps de Melchizédek.
3. Le concept du Brahmane-Absolu des philosophes hindous
doublé du désir d'échapper à tous les maux. La plus grande influence sur
l'expansion vers l'est de la religion de Salem fut peut-être celle des
éducateurs hindous de la foi védique, qui introduisirent leur conception
du Brahmane -- de l'Absolu -- dans la pensée salutiste des Salémites.
Ce taoïsme primitif et composite se répandit dans les pays des races
jaune et brune comme une influence sous-jacente dans la philosophie de la
pensée religieuse. Au Japon, le proto-taoïsme fut connu sous le nom de
Shinto, et les peuples de cette contrée, fort éloignée de Salem en
Palestine, eurent connaissance de l'incarnation de Machiventa Melchizédek
qui habita sur terre afin que l'humanité n'oublie pas le nom de Dieu.
En Chine, toutes ces croyances furent ultérieurement confondues, et
mêlées au culte toujours croissant des ancêtres. Mais depuis l'époque de
Singlangton, les Chinois ne sont plus jamais tombés misérablement esclaves
d'une prêtrise. La race jaune fut la première à émerger de la servitude
barbare et à entrer dans une civilisation ordonnée, parce quelle fut la
première à se dégager dans une certaine mesure de la peur abjecte des
dieux; elle ne craignait même pas les fantômes des morts comme les
craignaient les autres races. La Chine rencontra la défaite parce quelle
ne réussit pas à progresser au delà de son émancipation initiale des
prêtres; elle tomba dans une erreur presque aussi calamiteuse, celle du
culte des ancêtres.
Toutefois, les Salémites ne travaillèrent as en vain. Ce fut sur les
fondements de leur évangile que les grands philosophes de la Chine du
VIième siècle avant J.-C. bâtirent leurs enseignements. L'atmosphère
morale et les sentiments spirituels de l'époque de Lao-tsé et de Confucius
provenaient des enseignements des missionnaires de Salem donnés au cours
d'un âge antérieur.
6. -- LAO-TSÉ ET CONFUCIUS
Environ six cents ans avant l'arrivée de Micaël, Melchizédek, alors
désincarné depuis longtemps, eut l'impression que la pureté de son
enseignement sur la Terre était indûment mise en péril par résorption
générale dans les croyances plus anciennes d'Urantia. Il apparut pour un
temps que sa mission comme précurseur de Micaël risquait d'échouer. Alors,
au VIième siècle avant le Christ, par une coordination exceptionnelle de
facteurs spirituels dont tous ne sont pas compris, même par les
superviseurs planétaires, Urantia assista à une présentation fort
inhabituelle de la vérité religieuse sous des formes multiples. Par le
truchement de divers éducateurs humains, l'Évangile de Salem fut réaffirmé
et revivifié; il subsista ensuite en grande partie, tel qu'il fut alors
présents, jusqu'à l'époque des présents écrits.
Ce siècle extraordinaire de progrès spirituel fut caractérisé par
l'apparition de grands instructeurs religieux, moraux, et philosophiques
dans tout le monde civilisé. En chine, les deux maîtres les plus
remarquables furent Lao-tsé et Confucius.
Lao-tsé édifia directement sur les concepts des traditions de
Salem en déclarant que Tao était l'Unique Cause Première de toute la
création. Lao-tsé avait une grande vision spirituelle. Il enseigna que «
la destinée éternelle de l'homme était l'union perpétuelle avec Tao, Dieu
Suprême et Roi Universel ». Il discernait profondément la cause ultime,
car il écrivit: « L'Unité naît du Tao Absolu; issue de cette Unité
apparaît la Dualité cosmique, puis, issue de cette Dualité, la Trinité
jaillit à l'existence, et la Trinité est la source primordiale de toute
réalité ». « Toute la réalité est toujours en équilibre entre les
potentiels et les manifestations du cosmos, et ceux-ci sont éternellement
harmonisés par l'esprit de divinité ».
Lao-tsé fut aussi l'un des premiers à présenter la doctrine consistant
à rendre le bien pour le mal: « La bonté engendre la bonté, mais pour
quiconque est vraiment bon, le mal engendre aussi la bonté ».
Il enseigna le retour de la créature au Créateur et décrivit la vie
comme l'émergence d'une personnalité issue des potentiels cosmiques,
tandis que la mort ressemblait à un retour au foyer de cette personnalité
créée. Sa conception de la foi était inhabituelle, et lui aussi
l'assimilait au «comportement d'un petit enfant ».
Sa compréhension du dessein éternel de Dieu était claire, car il dit:
«La Déité Absolue ne fait pas d'efforts, mais elle est toujours
victorieuse; elle ne contraint pas les hommes, mais se tient toujours
prête à répondre à leurs désirs sincères; la volonté de Dieu est
éternellement patiente, et son expression est inévitable dans l'éternité
». Exprimant la vérité qu'il est plus béni de donner que de recevoir,
Lao-tsé dit aussi en parlant de l'homme sincèrement religieuse: « l'homme
bon ne cherche pas à garder la vérité pour lui-même, mais plutôt à en
effuser les richesses sur ses semblables, car telle est la compréhension
claire de la vérité. La volonté du Dieu Absolu est toujours bénéfique et
jamais destructrice; le dessein du véritable croyant est toujours d'agir,
mais jamais de contraindre ».
Lao-tsé enseigna la non-résistance et la distinction entre l'action
et la contrainte, mais ces notions se déformèrent et devinrent plus
tard la croyance qu'il ne faut « rien voir, rien faire, et rien penser ».
Lao-tsé ne professa jamais une telle erreur, mais sa présentation de la
non-résistance fut un facteur pour développer la prédilection des peuples
chinois pour la paix.
Le taoïsme populaire du XXième siècle d'Urantia n'a plus grand-chose de
commun avec les sentiments sublimes et les conceptions cosmiques du vieux
philosophe qui enseignait la vérité telle qui la percevait, c'est-à-dire
que la foi dans le Dieu Absolu est la source de l'énergie divine qui
recréera le monde, et par laquelle l'homme s'élèvera à l'union spirituelle
avec Tao, la Déité Eternelle et le Créateur Absolu des univers.
Confucius (Kong Fou-tsé) était un jeune contemporain de Lao dans
la Chine du VIième siècle avant J.-C. Confucius basa ses doctrines sur les
meilleures traditions morales de la longue histoire de la race jaune; il
fut aussi quelque peu influencé par les vagues traditions des
missionnaires de Salem. Son principal travail consista à compiler les
sages dictons des anciens philosophes. Il fut rejeté comme éducateur
durant sa vie, mais depuis lors ses écrits et ses enseignements ont
toujours exercé une grande influence en Chine et au Japon. Confucius
réorienta les chamans, en ce sens qu'il remplaça la magie par la moralité.
Mais il construisit trop bien; il fit de l'ordre un nouveau fétiche et
affermit le respect des agissements des ancêtres, qui étaient encore
vénérés par les Chinois à l'époque du présent exposé.
Confucius prêchait la moralité en se basant sur la théorie que la voie
terrestre est l'ombre déformée de la voie céleste, que le véritable modèle
de la civilisation temporelle est l'image reflétée de l'ordre éternel des
cieux. Le concept potentiel de Dieu dans le confucianisme fut presque
complètement subordonné à l'accent mis sur la Voie du Ciel, l'archétype du
cosmos.
Les enseignements de Lao-tsé ont été perdus pour tous, sauf pour une
minorité en Orient, mais les écrits de Confucius ont toujours constitué,
depuis leur diffusion, la base de la contexture morale de la culture de
près d'un tiers des Urantiens. Les préceptes de Confucius, tout en
perpétuant le meilleur du passé, étaient quelque peu ennemis de l'esprit
chinois d'investigation, qui avait abouti aux accomplissements tant
vénérés. L'influence de ces doctrines fut combattue sans succès à la fois
par les efforts de l'empereur Chin Shi Huang Ti et par les enseignements
de Mo Ti. Ce dernier proclama une fraternité basée sur l'amour de Dieu et
non sur le devoir moral; il chercha à ranimer l'ancienne recherche des
vérités nouvelles, mais ses enseignements échouèrent devant la vigoureuse
opposition des disciples de Confucius.
Comme bien d'autres éducateurs spirituels et moraux, Confucius et
Lao-tsé finirent par être déifiés par leurs zélateurs au cours des âges de
ténèbres qui intervinrent en Chine entre le déclin et la perversion de la
foi taoïste et l'arrivée des missionnaires bouddhistes venant des Indes.
Durant ces siècles de décadence spirituelle, la religion de la race jaune
dégénéra en une pitoyable théologie où fourmillaient les diables, les
dragons, et les mauvais esprits, dénotant tous le retour des peurs de la
pensée humaine non éclairée. Alors la Chine, jadis à la tête de la société
humaine à cause de sa religion avancée, resta à la traîne à cause de son
impuissance temporaire à progresser dans le véritable sentier du
développement de la conscience de Dieu; celle-ci est indispensable au vrai
progrès, non seulement des mortels individuels, mais aussi des
civilisations enchevêtrées et complexes qui caractérisent l'avance de la
culture et de la société sur une planète évolutionnaire du temps et de
l'espace.
7. -- GAUTAMA SIDDHARTA
Contemporain de Lao-tsé et de Confucius en Chine, un autre instructeur
de la vérité surgit aux Indes. Gautama Siddharta naquit au sixième siècle
avant le Christ dans la province du Népal, au nord de l'Inde. Ses
disciples le présentèrent plus tard comme le fils d'un chef fabuleusement
riche, mais en vérité il était l'héritier présomptif d'un insignifiant
chef de clan qui régnait par consentement tacite sur une petite vallée
montagneuse isolée dans le sud des Himalaya.
Après avoir pratiqué le yoga en vain pendant six ans, Gautama formula
les théories qui devinrent la philosophie du bouddhisme. Siddharta engagea une lutte résolue mais infructueuse contre le système
grandissant des castes. Autour de ce jeune prince prophète régnait une
atmosphère de sincérité sublime et de générosité extraordinaire qui
séduisait beaucoup les hommes de cette époque. Il combattit la pratique
consistant à rechercher le salut individuel par des afflictions physiques
et des souffrances personnelles, et il exhorta ses disciples à apporter
son évangile au monde entier.
Au milieu de la confusion et des pratiques culturelles excessives de
l'Inde, les enseignements plus sains et plus modérés de Bouddha arrivèrent
comme un soulagement rafraîchissant. Il démontra les dieux, les prêtres,
et leurs sacrifices, mais lui non plus ne réussit pas à percevoir la
personnalité de l'Être Universel. Ne croyant as à l'existence d'âmes
humaines individuelles, Gautama lutta bien entendu vaillamment contre la
croyance à la transmigration des âmes, honorée depuis des siècles. Il
accomplit un noble effort pour délivrer les hommes de la peur afin
d'obtenir qu'ils se sentent à l'aise et chez eux dans le grand univers,
mais il ne réussit pas à leur montrer le sentier conduisant au véritable
foyer céleste des mortels ascendants -- le Paradis -- et au service
croissant de l'existence éternelle.
Gautama était un vrai prophète, et s'il avait prêté attention aux
instructions de l'ermite Godad, il aurait pu soulever toute l'Inde par
l'inspiration qu'aurait apporté un renouveau de l'évangile de Salem
prônant le salut par la foi. Godad descendait d'une famille qui n'avait
jamais perdu les traditions des missionnaires de Melchizédek.
Gautama fonda son école à Bénarès, et ce fut durant sa seconde année
qu'un élève, Bautan, communiqua à son maître les traditions des
missionnaires de Salem au sujet de l'alliance de Melchizédek avec Abraham.
Bien que Siddharta n'eût pas une conception très claire du Père Universel,
il prit une position avancée sur le salut par la foi -- la simple
croyance. Il la déclara devant ses disciples et commença à envoyer ses
élèves au dehors par groupes de soixante pour proclamer aux peuples de
l'Inde « la bonne nouvelle du salut libre: que tous les hommes, humbles ou
élevés, peuvent atteindre la félicité par la foi en la droiture et la
justice.»
La femme de Gautama croyait à l'évangile de son mari et fut la
fondatrice d'un ordre de nonnes. Son fils devint son successeur et étendit
beaucoup la pratique du culte; il saisit bien l'idée du salut par la foi,
mais chancela plus tard au sujet de la faveur divine obtenue par la foi
seule comme l'enseignait l'évangile de Salem. Dans sa vieillesse, les
paroles qu'il prononça avant de mourir furent les suivantes « Soyez
l'artisan de votre propre salut.»
Dans ce qu'il avait de mieux, l'évangile de salut universel proclamé
par Gautama et dépourvu de sacrifices, de tortures, de rites, et de
prêtres était une doctrine révolutionnaire et stupéfiante pour son époque.
Il fut étonnamment près de constituer une renaissance de l'évangile de
Salem. Il apporta du secours à des millions d'âmes désespérées, et malgré
ses ridicules altérations au cours des siècles ultérieurs, cet évangile
subsiste encore comme l'espoir de millions d'êtres humains.
Siddharta enseigna beaucoup plus de vérités qu'il n'en survécut dans
les cultes modernes portant son nom. Le bouddhisme moderne ne représente
pas plus les enseignements de Gautama Siddharta que le Christianisme ne
représente les enseignements de Jésus de Nazareth.
8 -- LA FOI BOUDDHIQUE
Pour devenir bouddhiste, on faisait simplement profession publique de
foi en récitant le Refuge: « Je prends mon refuge dans le Bouddha; je
prends mon refuge dans la Doctrine , je prends mon refuge dans la
Fraternité.»
Le bouddhisme prit naissance dans une personnalité historique, et non
dans un mythe. Les fidèles de Bouddha l'appelaient Sista, qui signifie
maître ou instructeur. Bien qu'il n'eût émis de prétentions surhumaines ni
pour lui ni pour ses enseignements, ses disciples commencèrent de bonne
heure à l'appeler l'illuminé, le Bouddha, et plus tard Sakyamouni
Bouddha.
L'évangile originel de Gautama était basé sur les quatre nobles
vérités:
|
1. Les nobles vérités de la souffrance. |
|
2. Les origines de la souffrance. |
|
3. La destruction de la souffrance. |
|
4. Le moyen de détruire la souffrance. |
Étroitement liée à la doctrine de la souffrance et aux moyens d'y
échapper, se plaçait la philosophie du Sentier Octuple: juste point de
vue, justes aspirations, justes paroles, juste conduite, justes moyens
d'existence, juste effort, juste attention, et juste contemplation.
Gautama n'avait pas l'intention d'essayer de détruire tout effort, tout
désir, et toute affection en échappant à la souffrance; son enseignement
était plutôt destiné à décrire aux mortels la futilité de placer
entièrement leurs espérances et leurs aspirations dans des buts temporels
et des objectifs matériels. Il ne s'agissait pas tant d'éviter d'aimer ses
semblables que d'amener aussi le vrai croyant à regarder, au delà des
associations du monde matériel, les réalités de l'éternel futur.
Les commandements moraux des sermons de Gautama étaient au nombre de
cinq:
|
1. Tu ne tueras pas. |
|
2. Tu ne déroberas pas. |
|
3. Tu ne seras pas impudique. |
|
4. Tu ne mentiras pas. |
|
5. Tu ne boiras pas de liqueurs enivrantes. |
Il existait encore plusieurs commandements additionnels ou secondaires
dont l'observance était facultative pour les croyants.
Siddharta ne croyait guère à l'immortalité de la personnalité humaine;
sa philosophie n'apportait qu'une sorte de continuité fonctionnelle. Il ne
définit jamais clairement ce qu'il entendait inclure dans la doctrine du
Nirvana. Le fait que l'on pouvait théoriquement en faire l'expérience
durant l'existence terrestre indiquerait que le nirvana n'était pas
considéré comme un état d'annihilation complète. Il impliquait une
condition d'illumination suprême et de félicité céleste où toutes les
chaînes attachant l'homme au monde matériel avaient été rompues; on était
libéré des désirs de la vie humaine et délivré de tout danger d'avoir à
subir une nouvelle incarnation.
D'après les enseignements originels de Gautama, le salut s'obtient par
l'effort humain, en dehors de l'aide divine; il n'y a place ni pour la foi
libératrice ni pour des prières à des puissances supra-humaines. Dans sa
tentative pour minimiser les superstitions de l'Inde, Gautama s'efforça de
détourner les hommes des bruyantes prétentions du salut par la magie. Mais
en faisant cet effort, il laissa à ses successeurs une porte grande
ouverte leur permettant de mal interpréter son enseignement et de
proclamer que tous les efforts humains pour aboutir sont déplaisants et
douloureux. Ses disciples négligèrent le fait que le bonheur suprême est
lié à la poursuite enthousiaste et intelligente de buts méritoires, et que
ces accomplissements constituent le vrai progrès dans l'épanouissement
cosmique de soi.
La plus grande vérité de l'enseignement de Siddharta fut sa
proclamation d'un univers de justice absolue. Il enseigna la meilleure
philosophie athée qui ait jamais été inventée par un mortel; elle était
l'humanisme idéal et ôta fort efficacement toute base aux superstitions,
aux rites magiques, et à la peur des fantômes et des démons.
La grande faiblesse de l'évangile originel du bouddhisme fut qu'il ne
créa pas une religion de service social désintéressé. Pendant longtemps,
la confraternité bouddhiste ne fut pas une communauté de croyants, mais
plutôt une confrérie d'élèves-maîtres. Gautama leur interdit de recevoir
de l'argent, et chercha par ce moyen à empêcher la croissance de tendances
hiérarchiques. Gautama lui-même était hautement social, et en vérité sa
vie fut plus grandiose que ses sermons.
9. -- LA DIFFUSION DU BOUDDHISME
Le bouddhisme prospéra parce qu'il offrait le salut par la croyance en
Bouddha, l'illuminé. Il était plus représentatif des vérités de
Melchizédek que tout autre système religieux pratiqué en Asie orientale.
Mais le bouddhisme ne se répandit pas beaucoup en tant que religion
jusqu'au jour où un monarque de basse caste, Açoka, l'adopta pour sa
propre protection; après Ikhnaton en Égypte, Açoka fut l'un des plus
remarquables chefs civile entre l'époque de Melchizédek et celle de Micaël.
Il bâtit un grand empire indien grâce à la propagande de ses missionnaires
bouddhistes. Au cours d'une période de vingt-cinq ans, il éduqua plus de
dix-sept mille missionnaires qu'il expédia jusqu'au plus lointaine
frontières du monde inconnu. En une seule génération, il fit du bouddhisme
la religion dominante de la moitié de la terre. Il prit bientôt pied au
Thibet, au Cachemire, à Ceylan, en Birmanie, à Java, au Siam, en Corée, en
Chine, et au Japon. D'une manière générale, ce fut une religion
considérablement supérieure à celles qu'elle supplanta ou rehaussa.
La diffusion du bouddhisme dans toute l'Asie à partir de son foyer aux
Indes est l'une des plus palpitantes histoire de consécration spirituelle
et de persévérance missionnaire d'homme sincèrement épris de religion. Non
seulement ceux qui enseignait l'évangile de Gautama bravèrent les périls
des routes des caravanes terrestres, mais ils firent face aux dangers des
mers de Chine, tandis qu'ils poursuivaient leurs mission sur le continent
asiatique, apportant à tous les peuples le message le message de leur foi.
Toutefois, ce bouddhisme n'était plus la simple doctrine de Gautama;
c'était l'évangile rendu miraculeux qui faisait de lui un dieu. Plus le
bouddhisme s'éloignait de son berceau des hautes terres de l'Inde, plus il
devenait différent des enseignements de Gautama, et plus il ressemblait
aux religion qu'il supplantait.
Plus tard le bouddhisme fut très influencé par le taoïsme en Chine, le
shinto au Japon, et le christianisme au Thibet. Aux Indes, après un
millénaire, le bouddhisme ne fit plus que s'étioler et mourir. Il se
brahmanisa, et plus tard baissa lâchement pavillon devant l'Islam; en même
temps, dans une grande partie du reste de l'Orient, il dégénéra en rites
que Gautama Siddharta n'aurait jamais reconnus.
Dans le sud, le stéréotype littéral des enseignements de Siddharta
persista à Ceylan, en Birmanie, et dans la péninsule d'Indochine. Il
s'agit là de la branche Hinayana du bouddhisme qui s'attache à sa doctrine
primitive ou asociale.
Même avant l'effondrement du bouddhisme aux Indes, les groupes de
disciples de Gautama de la Chine et du nord de l'Inde avaient commencé à
développer l'enseignement Mahayana de la «Route Majeure »vers le salut, en
opposition avec les puristes du sud qui s'en tenaient au Hinayana ou
«Route Mineure ». Les Mahayanistes rompirent avec les limitations sociales
inhérentes à la doctrine bouddhiste, et depuis lors cette branche
septentrionale du bouddhisme a poursuivi son évolution en Chine et au
Japon.
Le bouddhisme est aujourd'hui une religion vivante et croissante parce
qu'il réussit à conserver bon membre des plus hautes valeurs morales de
ses adhérents. Il facilite le calme et le contrôle de soi, augmente la
sérénité et le bonheur, et contribue beaucoup à empêcher le chagrin et le
deuil. Ceux qui croient à cette philosophie vivent des vies meilleures que
beaucoup de ceux qui n'y croient pas.
10. -- LA RELIGION AU THIBET
Au Thibet, on trouve la plus étrange association des enseignements de
Melchizédek combiné avec le bouddhisme, l'hindouisme, le taoïsme, et le
christianisme. Quand les missionnaires bouddhistes entrèrent au Thibet,
ils rencontrèrent un état de sauvagerie primitive très semblable à celui
que les premiers missionnaires chrétiens trouvèrent chez les tribus
nordiques de l'Europe.
Les candides Thibétains ne voulurent pas abandonner entièrement leur
ancienne magie et leurs amulettes. L'étude du cérémonial religieux des
rites thibétains actuel révèle l'existence d'une confrérie exagérément
nombreuses de prêtres aux têtes rasées qui pratiquent un rituel minutieux
comportant des cloches, des incantations, de l'encens, des processions,
des rosaires, des images, des amulettes, des tableaux, de l'eau bénite, de
somptueux vêtements, et des choeurs compliqués. Ils ont des dogmes rigides
et des croyances cristallisées, des rites mystiques et des jeûnes
spéciaux. Leur hiérarchie comprend des moines, des nonnes, des abbés, et
le Grand Lama. Ils adressent des prières à des anges, à des saints, à une
Sainte Mère, et à des dieux. Ils pratiquent la confession et croient au
purgatoire. Leurs monastères sont très vastes et leurs cathédrales
magnifiques. Ils maintiennent une interminable répétition de rites sacrés
et croient que ce cérémonial procure le salut. Ils attachent des prières à
un moulin et croient que sa rotation rend les suppliques efficaces. Chez
nul autre peuple des temps modernes on ne peut trouver tant d'observances
provenant de tant de religions; il est inévitable que cette liturgie
cumulative finisse par devenir encombrante à l'excès et intolérablement
pesante.
Les Thibétains possèdent quelque chose de toutes les principales
religions du monde, sauf les simples enseignements de l'évangile de Jésus:
la filiation avec Dieu, la fraternité des hommes, et la citoyenneté
toujours ascendante dans à univers éternel.
11. - LA PHILOSOPHIE BOUDDHIQUE
Le bouddhisme pénétra en Chine au premier millénaire après le Christ et
cadra bien avec les coutumes religieuses de la race jaune. Dans leur culte
des ancêtres, les Chinois avaient longtemps adressé des prières aux morts;
maintenant ils pouvaient aussi prier pour eux. Le bouddhisme s'amalgama
bientôt avec les vagues pratiques rituelles du taoïsme en désintégration.
Cette nouvelle religion synthétique, avec ses temps de culte et son
cérémonial religieux précis, ne tarda pas à devenir le culte généralement
accepté par les peuples de Chine, de Corée, et du Japon.
Sous certains rapports, il est fâcheux que le bouddhisme n'ait pas été
répandu avant que ses zélateurs aient perverti les traditions et
enseignements du culte au point de faire de Gautama un être divin.
Néanmoins, le mythe de sa vie humaine, embelli comme il le fut par une
multitude de miracles, se révéla très séduisant pour les auditeurs de
l'évangile nordique, ou Mahayana, du bouddhisme.
Certains de ses zélateurs ultérieurs enseignèrent que l'esprit de
Sakyamouni Bouddha revenait périodiquement sur terre comme un bouddha
vivant, ouvrant ainsi la voie à une perpétuation indéfinie des images de
Bouddha, des temples, des rituels, et des faux « bouddhas vivants ». C'est
ainsi que la religion du grand protestataire indien finit par se trouver
enchaînée dans les pratiques cérémonielles et les incantations rituelles
qu'il avait précisément combattues avec tant d'intrépidité et dénoncées
avec tant de courage.
Le grand progrès apporté par la philosophie bouddhique consista a
comprendre que toute vérité est relative. Par le mécanisme de cette
hypothèse, les Bouddhistes ont pu concilier et mettre en corrélation les
divergences intérieures de leurs propres écrits religieux, ainsi que les
divergences entre ceux-ci et beaucoup d'autres. On enseignait que les
petites vérités étaient faites pour les pensées étroites, et les grandes
vérités pour les vastes pensées.
Cette philosophie enseignait aussi que la nature (divine) de Bouddha
existait chez tous les hommes; que par ses propres efforts l'homme pouvait
arriver à se rendre compte de cette divinité intérieure. Cet enseignement
est l'une des plus claires présentations de la vérité au sujet des
Ajusteurs de Pensée qui aient jamais été faites par une religion d'Urantia.
L'évangile originel de Siddharta, tel que ses zélateurs
l'interprétaient, comportait une grande limitation parce qu'il essayait de
dégager complètement l'entité humaine de toutes les restrictions de la
nature mortelle par la technique consistant à isoler cette entité de la
réalité objective. Or le véritable épanouissement cosmique de soi résulte
de l'identification de soi avec la réalité cosmique et avec le cosmos fini
d'énergie, de pensée, et d'esprit, limité par l'espace et conditionné par
le temps.
Les cérémonies et les observances extérieures du bouddhisme furent
grossièrement dénaturées par celles des pays qu'il atteignaient, mais
cette dégénérescence n'eut pas entièrement lieu dans la vie philosophique
des grands penseurs qui, de temps à autre, embrassèrent ce système de
pensée et de croyance. Pendant plus de deux mille ans, beaucoup des
meilleurs cerveaux d'Asie se sont concentrés sur le problème de la vérité
absolue et de la Vérité de l'Absolu.
L'évolution d'un concept élevé de l'Absolu fut accomplie par de
nombreux cheminements de pensée et des sentiers tortueux de raisonnement.
Dans cette doctrine de l'infinité, le concept de l'ascension n'était pas
aussi clairement défini que l'évolution du concept de Dieu dans la
théologie hébraïque. Néanmoins, les penseurs bouddhistes atteignirent
certains niveaux élargis, s'y arrêtèrent, et les franchirent en continuant
leur chemin vers l'évocation de la Source Primordiale des univers:
1. La légende de Gautama. A la base du concept se
trouvait le fait historique de la vie et des enseignements de Siddharta,
le prince prophète hindou. Cette légende se transforma en un mythe au
cours de son passage séculaire à travers les vastes pays d'Asie; elle
finit par dépasser le statut de l'idée de Gautama en tant qu'illuminé, et
commença à se parer d'attributs additionnels.
2. Les nombreux Bouddhas. On tint le raisonnement
que si Gautama était venu vers les peuples de l'Inde, les races de
l'humanité avaient dû être bénies dans le lointain passé par la venue
d'autres instructeurs de la vérité, et le seraient encore indubitablement
dans le lointain futur. Ceci donna naissance à l'enseignement qu'il y
avait des Bouddhas en nombre illimité et infini, et même que n'importe qui
pouvait aspirer à en devenir un -- à atteindre la divinité d'un Bouddha.
3. Le Bouddha Absolu. Quand on se mit à croire à un
nombre presque infini de Bouddhas, les penseurs de l'époque sentirent la
nécessité de réunifier ce concept lourd à manier. En conséquence, on
commença à enseigner que tous les Bouddhas n'étaient que la manifestation
d'une essence supérieure, d'un certain Être Éternel ayant une existence
infinie et inconditionnée, d'une certaine Source Absolue de toute réalité.
À partir de là, le concept bouddhique de la Déité, sous sa forme la plus
élevée, devint distinct de la personne humaine de Gautama Siddharta et
rejeta les limitations anthropomorphiques qui l'avaient bridé. Cette
conception finale de Bouddha Éternel s'identifia assez bien avec l'Absolu,
et parfois même avec l'infini JE SUIS.
Bien que cette idée de Déité Absolue n'ait jamais rencontré une grande
faveur populaire chez les peuples d'Asie, elle permit aux intellectuels de
ces pays d'unifier leur philosophie et d'harmoniser leur cosmogonie. Le
concept du Bouddha Absolu est tantôt quasi-personnel, tantôt entièrement
impersonnel -- tantôt même une force créatrice infinie. Ces concepts sont
philosophiquement utiles, mais ne sont pas essentiels au développement
religieux. Même un Jéhovah anthropomorphe a une valeur religieuse plus
grande que l'Absolu infiniment lointain du bouddhisme ou du brahmanisme.
On crut même à certains moments que l'Absolu était contenu dans
l'infini JE SUIS. Mais ces spéculations n'apportaient qu'un encouragement
glacé aux multitudes affamées qui souhaitaient ardemment entendre des
paroles de promesse, écouter le simple évangile de Salem annonçant que la
foi en Dieu assurait la faveur divine et la survie éternelle.
12. -- LE CONCEPT DE DIEU DANS LE BOUDDHISME
La cosmogonie du bouddhisme avait deux grands points faibles: d'une
part elle était dénaturée par de nombreuses superstitions de l'Inde et de
la Chine, et d'autre part elle sublimait Gautama, d'abord en tant
qu'illuminé, et ensuite en tant que Bouddha Éternel. Exactement comme le
christianisme a souffert d'avoir absorbé beaucoup de philosophie humaine
erronée, de même le bouddhisme porte sa marque humaine de naissance; mais
les enseignements de Gautama ont continué à évoluer durant les vingt-cinq
derniers siècles. Pour un bouddhiste éclairé, le concept de Bouddha ne
représente pas plus la personnalité humaine de Gautama que, pour un
chrétien éclairé, le concept de Jéhovah n'est identique à l'esprit
démoniaque de Horeb. La pauvreté de terminologie ainsi que la conservation
sentimentale d'une antique nomenclature, empêchent souvent de comprendre
la vraie signification de l'évolution des concepts religieux.
La conception de Dieu en contraste avec l'Absolu commença à se faire
jour dans le bouddhisme. Sa source remonte aux premiers temps où les
disciples de la Route Mineure (Hinayana) se différencièrent de ceux de la
Route Majeure (Mahayana). Ce fut dans cette dernière branche du bouddhisme
que la double conception de Dieu et de l'Absolu finit par arriver a
maturité. Pas à pas, siècle après siècle, le concept de Dieu à évolué
jusqu'à mûrir finalement dans la croyance en Amida Bouddha, grâce aux
enseignements de Ryonin, de Honen Shonin, et de Shinran au Japon.
Chez ces croyants, on enseigne que l'âme, après avoir passé par la
mort, peut choisir de bénéficier d'un séjour au Paradis avant d'entrer au
Nirvana, état ultime de l'existence. On proclame que ce nouveau salut est
obtenu par la foi dans les miséricordes divines et dans les soins aimants
d'Amida, Dieu du Paradis en Occident. Dans leur philosophie, les Amidistes
s'attachent à une Réalité Infinie située au delà de toute compréhension
humaine finie. Dans leur religion, ils adhèrent à la foi en Amida,
l'infiniment miséricordieux qui aime le monde au point de ne pas souffrir
qu'un seul mortel faisant appel à son nom avec une foi sincère et un coeur
pur échoue dans l'obtention du bonheur suprême du Paradis.
La grande force du bouddhisme vient de ce que tous ses adhérents sont
libres de choisir la vérité dans toutes les religions; il est rare qu'une
pareille liberté de choix ait caractérisé une doctrine religieuse d'Urantia.
Sous ce rapport, la secte Shin au Japon est devenue l'un des groupes
religieux les plus progressifs du monde; elle a ranimé l'ancien esprit
missionnaire des disciples de Gautama et a commencé à envoyer des
éducateurs à d'autres peuples. Cet empressement à adopter la vérité
quelles que soient les sources dont elle provient est en vérité une
tendance recommandable pour tous les croyants religieux du XXième siècle
après le Christ.
Le bouddhisme lui-même passe par une renaissance au XXième siècle. Ses
aspects sociaux ont été grandement améliorés par ses contacts avec le
christianisme. Le désir d'apprendre s'est rallumé dans le coeur des
moines-prêtres de la confrérie, et la diffusion de l'éducation dans cette
communauté de foi provoquera certainement de nouveaux progrès dans
l'évolution religieuse.
À la date du présent exposé, une grande partie de l'Asie met ses
espoirs dans le bouddhisme. Cette noble foi, qui a si vaillamment traversé
les âges de ténèbres du passé, va-t-elle recevoir à nouveau la vérité des
réalités cosmiques amplifiées, comme jadis les disciples du grand
instructeur de l'Inde écoutaient sa proclamation d'une vérité nouvelle?
Cette ancienne religion répondra-t-elle une fois de plus au stimulant
vivifiant des nouveaux concepts de Dieu et de l'Absolu qui lui seront
présentés et quelle a si longtemps recherchés?
Tout Urantia attend que l'on proclame le message ennoblissant de Micaël,
débarrassé des dogmes et doctrines accumulés au cours de dix-neuf siècles
de contact avec les religions d'origine évolutionnaire. L'heure a sonné de
présenter au Bouddhisme, au Christianisme, à l'Hindouisme, et même aux
peuples de toutes les religions, non pas l'évangile à propos de Jésus,
mais la réalité vivante et spirituelle de l'évangile de Jésus.
[Présenté par un Melchizédek de Nébadon.]
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