LES ENSEIGNEMENTS DE MELCHIZÉDEK AU
MOYEN-ORIENT
DE même que l'Inde a donné naissance à bien des religions et des
philosophies de l'Asie orientale, de même le Moyen Orient a été le foyer
des communautés religieuses de l'Occident. Les missionnaires de Salem se
répandirent dans toute l'Asie du sud-ouest, en Palestine, en Mésopotamie,
en Égypte, en Iran, et en Arabie, proclamant partout la bonne nouvelle de
l'évangile de Machiventa Melchizédek. Dans certains pays, leurs
enseignements portèrent des fruits; dans quelques autres, les
missionnaires réussirent plus ou moins bien. Les échecs provinrent tantôt
d'un manque de sagesse et tantôt de circonstances indépendantes de leur
volonté.
1. -- LA RELIGION DE SALEM EN MÉSOPOTAMIE
Vers l'an 2.000 avant J.-C., les religions de Mésopotamie avaient
presque entièrement perdu les enseignements des Séthites et se trouvaient
largement sous l'influence des croyances primitives de deux groupes
d'envahisseurs: les Bédouins sémites qui s'étaient infiltrés en venant du
désert occidental, et les cavaliers barbares descendus du nord.
La coutume qu'avaient les premiers peuples adamites d'honorer le
septième jour de la semaine ne disparut jamais complètement en
Mésopotamie. Seulement, durant l'ère de Melchizédek, le septième jour fut
considéré comme le plus malchanceux. Il était dominé par des tabous;
pendant ce funeste septième jour, il était contraire à la loi de partir en
voyage, de cuire de la nourriture, ou de faire du feu. Les Juifs
ramenèrent en Palestine un grand nombre de tabous mésopotamiens qu'ils
avaient trouvés à Babylone et qui étaient fondés sur l'observance du
septième jour, le sabbatum.
Bien que les éducateurs de Salem eussent beaucoup contribué à raffiner
et à rehausser les religions de Mésopotamie, ils ne réussirent pas à
obtenir des divers peuples la récognition permanente d'un Dieu unique. Cet
enseignement prit le dessus pendant plus de cent cinquante ans, puis
s'effaça devant la croyance plus ancienne à une multiplicité de déités.
Les éducateurs de Salem réduisirent considérablement le nombre des
dieux de Mésopotamie et ramenèrent à un moment donné les principales
déités au nombre de sept: Bel, Shamash, Nabou, Anou, Ea, Mardouk, et Sin.
A l'apogée du nouvel enseignement, ils exaltèrent trois de ces dieux à la
suprématie sur tous les autres; ce fut la triode babylonienne de Bel, Ea,
et Anou, les dieux de la terre, de la mer, et du ciel. D'autres triodes
naquirent dans différentes localités; elles étaient toutes une
réminiscence des enseignements trinitaires des Andites et des Sumériens,
et basées sur la croyance des Salémites à l'emblème des trois cercles de
Melchizédek.
Jamais les éducateurs de Salem ne triomphèrent complètement de la
popularité d'Ishtar, la mère des dieux et l'esprit de la fécondité
sexuelle. Ils contribuèrent beaucoup à raffiner l'adoration de cette
déesse, mais les Babyloniens et leurs voisins ne transcendèrent jamais
complètement leurs formes déguisées d'adoration du sexe. La pratique pour
toutes les femmes de se soumettre, au moins une fois dans leur jeunesse, à
l'embrassement d'un étranger s'était répandue dans toute la Mésopotamie;
on pensait que c'était une dévotion exigée par Ishtar, et l'on croyait que
la fécondité dépendait largement de ce sacrifice sexuel.
Les premiers progrès de l'enseignement de Melchizédek furent hautement
satisfaisants jusqu'au moment où Nabodad, chef de l'école de Kish, décida
de lancer une attaque concertée contre les pratiques prévalentes de
prostitution dans les temples. Les missionnaires de Salem échouèrent dans
leur effort pour faire adopter cette réforme sociale et, dans ce naufrage,
tous leurs enseignements spirituels et philosophiques plus importants
sombrèrent dans la défaite.
Cet insuccès de l'évangile de Salem fut immédiatement suivi d'un grand
accroissement du culte d'Ishtar, un rituel qui avait déjà envahi la
Palestine sous le nom d'Astaroth, l'Égypte sous celui d'Isis, la Grèce
sous celui d'Aphrodite, et les tribus du nord sous celui d'Astarté. Ce fut
en liaison avec ce renouveau de l'adoration d'Ishtar que les prêtres de
Babylone revinrent à l'observation des étoiles; l'astrologie passa par son
dernier grand renouveau en Mésopotamie; les diseurs de bonne aventure
furent en vogue, et durant des siècles la prêtrise dégénéra de plus en
plus.
Melchizédek avait recommandé à ses disciples d'enseigner la doctrine
d'un Dieu unique, Père et Créateur de tout, et de ne prêcher que
l'évangile de la faveur divine obtenue par la simple foi. Mais les
éducateurs de la nouvelle vérité commirent souvent l'erreur de forcer le
mouvement, d'essayer de remplacer l'évolution lente par une révolution
soudaine. Les missionnaires de Melchizédek en Mésopotamie proposèrent un
niveau moral trop élevé pour le peuple; ils essayèrent d'aller trop loin,
et leur noble cause sombra dans la défaite. Leur mandat était de prêcher
un évangile précis, de proclamer la vérité que le Père Universel est réel,
mais ils s'embrouillèrent en prenant parti pour la cause apparemment
valable de réformer les moeurs. Leur grande mission aboutit ainsi à une
impasse et se perdit virtuellement dans l'anéantissement et l'oubli.
En une seule génération, le quartier général salémite de Kish cessa
toute activité, et la propagande de la croyance en un Dieu unique fut
pratiquement arrêtée dans toute la Mésopotamie. Toutefois, des restes des
écoles de Salem persistèrent. De petits groupes éparpillés çà et là
continuèrent à croire au Créateur unique et luttèrent contre l'idolâtrie
des prêtres mésopotamiens.
Ce furent les missionnaires de Salem de la période consécutive au rejet
de leur enseignement qui écrivirent nombre des Psaumes de l'Ancien
Testament. Ils les gravèrent sur des pierres, où des prêtres hébreux les
trouvèrent ultérieurement durant la captivité et les incorporèrent par la
suite dans la collection des hymnes attribués à des auteurs juifs. Ces
magnifiques psaumes ne furent pas écrits dans les temples de Bel-Mardouk;
ils furent l'oeuvre des descendants des premiers missionnaires de Salem et
forment un contraste frappant avec les compilations magiques des prêtres
babyloniens. Le livre de Job reflète assez bien les enseignements de
l'école salémite de Kish et de toute la Mésopotamie.
Une grande partie de la culture religieuse mésopotamienne put s'insérer
dans la littérature et la liturgie juives en passant par l'Égypte, grâce
au travail d'Aménémope et d'Ikhnaton. Les Égyptiens préservèrent
remarquablement bien les enseignements dérivés des premiers Mésopotamiens
Andites concernant les obligations sociales, enseignements qui furent si
largement perdus par les Babyloniens qui occupèrent plus tard la vallée de
l'Euphrate.
2. -- LA RELIGION ÉGYPTIENNE PRIMITIVE
C'est en Égypte, d'où ils se répandirent ensuite en Europe, que les
enseignements originels de Melchizédek s'enracinèrent le plus
profondément. La religion évolutionnaire de la vallée du Nil se développa
périodiquement par l'arrivée de lignées supérieures de Nodites,
d'Adamites, et plus tard d'Andites venant de la vallée de l'Euphrate. À
certains moments, un grand nombre d'administrateurs civils de l'Égypte
furent des Sumériens. De même que l'Inde hébergeait en ces temps le
mélange le plus complet des races du monde, de même l'Égypte entretint le
type de philosophie religieuse le plus entièrement composite que l'on
puisse trouver sur Urantia. De la vallée du Nil, cette philosophie se
répandit dans de nombreux pays. Les Juifs reçurent des Babyloniens une
grande partie de leurs idées sur la création du monde, mais ils tirèrent
des Égyptiens leur concept de la divine Providence.
Ce furent les tendances politiques et morales, plutôt que les penchants
philosophiques ou religieux, qui firent mieux accepter les enseignements
de Salem par l'Égypte que par la Mésopotamie. Chaque chef de tribu en
Égypte, après s'être battu pour accéder au trône, cherchait à perpétuer sa
dynastie en proclamant que son dieu tribal était la déité originelle et le
créateur de tous les autres dieux. De cette manière, les Égyptiens
s'habituèrent graduellement à l'idée d'un super-dieu; c'était un
marchepied vers la doctrine ultérieure d'un Dieu créateur universel.
Durant bien des siècles, l'idée du monothéisme passa en Égypte par des
hauts et des bas; la croyance en une Déité unique gagnait toujours du
terrain, mais ne domina jamais tout à fait les concepts évoluants du
polythéisme.
Pendant des âges, les Égyptiens s'étaient adonnés à l'adoration des
dieux de la nature. En particulier, chacune des quarante et quelque tribus
séparées avait un dieu collectif spécial, l'une adorant le taureau, une
autre le lion, une troisième le bélier, et ainsi de suite. Auparavant,
elles avaient été des tribus à totems, très semblables à celles des
Amérindiens.
Avec le temps, les Égyptiens remarquèrent que les cadavres placés dans
des tombeaux sans briques étaient préservés -- embaumés par l'action du
sable imprégné de soude, tandis que les cadavres inhumés dans des voûtes
de briques pourrissaient. Ces observations conduisirent aux expériences
qui aboutirent plus tard à la pratique d'embaumer les morts. Les Égyptiens
croyaient que la conservation du corps facilitait la traversée de la vie
future. Afin que la personne puisse être convenablement identifiée dans
l'avenir lointain après la dissolution de son corps, ils plaçaient une
statue funéraire dans le tombeau pour accompagner le cadavre et
sculptaient un portrait du mort sur le cercueil. La confection de ces
statues funéraires fit faire de grands progrès à l'art égyptien.
Pendant des siècles, les Égyptiens placèrent leur confiance dans les
tombeaux pour la sauvegarde des corps et la survie agréable qui en
résultait après la mort. L'évolution ultérieure des pratiques magiques,
bien qu'elles fussent encombrantes depuis le berceau jusqu'à la tombe, les
délivra efficacement de la religion des sépultures. Les prêtres
inscrivaient sur les cercueils des formules magiques dont on croyait
qu'elles protégeaient un homme contre le risque « de se voir enlever son
coeur dans le monde inférieur ». Bientôt l'on collectionna un assortiment
varié de ces textes magiques et on le conserve sous la forme du Livre des
Morts. Mais, dans la vallée du Nil, le rituel magique fut imbriqué de
bonne heure dans les domaines de la conscience et du caractère, à un degré
rarement atteint par les rites de cette époque. Ultérieurement on compta
davantage, pour le salut, sur ces idéaux éthiques et moraux que sur des
tombeaux compliqués.
Les superstitions de cette époque sont bien illustrées par la croyance
générale à l'efficacité des crachats comme agents de guérison; cette idée
prit naissance en Égypte et se répandit de là en Arabie et en Mésopotamie.
Dans la bataille légendaire d'Horus contre Set, le jeune dieu perdit un
oeil, mais après la défaite de Set, l'oeil fut restauré par le sage dieu
Thoth qui cracha sur la plaie et la guérit (1).
(1) Cf. Jean IX-6.
Les Égyptiens crurent longtemps que le scintillement des étoiles dans
le ciel nocturne représentait la survie des âmes des morts dignes de
louanges; ils pensaient que les autres survivants étaient absorbés par le
soleil. Durant une certaine période, la vénération solaire devint une
espèce de culte des ancêtres. Le passage incliné d'entrée dans la grande
pyramide était orienté directement vers l'Étoile Polaire afin que l'âme du
roi, quand elle émergerait du tombeau, puisse aller tout droit dans les
constellations stationnaires et établies des étoiles fixes, que l'on
supposait être la demeure des rois.
Quand on voyait les rayons obliques du soleil pénétrer vers la terre
par une ouverture dans les nuages, on croyait qu'ils indiquaient
l'abaissement d'un escalier céleste par lequel le roi et d'autres âmes
droites pouvaient monter. « Le roi Pépi a abaissé son rayonnement comme un
escalier sous ses pieds pour permettre de monter jusqu'à sa mère ».
Lors de l'incarnation de Melchizédek, les Égyptiens avaient une
religion très supérieure à celle des peuples environnants. Ils croyaient
qu'une âme désincarnée, si elle était convenablement armée de formules
magiques, pouvait éviter les mauvais esprits intermédiaires et parvenir à
la salle de jugement d'Osiris, où elle serait admise dans les royaumes de
la félicité si elle n'était pas coupable « de meurtre, de brigandage, de
fausseté, d'adultère, de vol ou d'égoïsme ». Si l'âme était pesée dans les
balances et trouvée en défaut, elle était consignée aux enfers, à la
Dévoratrice. C'était un concept relativement avancé de la vie future en
comparaison avec les croyances de beaucoup de peuples voisins.
Le concept du jugement dans l'au-delà pour les péchés d'une vie
incarnée sur terre, qui fut introduit dans la théologie des Hébreux,
provenait d'Égypte. Le mot jugement n'apparaît qu'une seule fois dans ce
sens au cours de tout le livre hébreu des Psaumes, et le psaume en
question fut écrit par un Égyptien.
3. -- L'ÉVOLUTION DES CONCEPTS MORAUX
Bien que la culture et la religion d'Égypte aient principalement tiré
leur origine des Andites de Mésopotamie et aient été largement transmises
aux civilisations subséquentes par les Hébreux et les Grecs, une grande,
une très grande partie de l'idéalisme éthique et social des Égyptiens
naquit évolutivement dans la vallée du Nil. Nonobstant l'importation en
grande quantité des vérités et de la culture d'origine andite, une culture
morale propre à l'Égypte s'y développa d'une manière purement
évolutionnaire. Avant l'effusion de Micaël, les techniques naturelles
similaires n'avaient fait apparaître une culture équivalente dans aucune
autre zone circonscrite du monde.
L'évolution morale ne dépend pas entièrement de la révélation. Les
hommes peuvent tirer de leur propre expérience des concepts moraux élevés.
Ils peuvent même faire apparaître par évolution des valeurs spirituelles
et tirer des clartés cosmiques de leur propre vie expérientielle, parce
qu'un esprit divin les habite. Dans la vallée du Nil, ces évolutions
naturelles de conscience et de caractère furent accélérées par l'arrivée
périodique d'instructeurs de la vérité venus du second Éden dans la haute
antiquité, et plus tard du quartier général de Melchizédek à Salem.
Des milliers d'années avant que l'évangile de Salem eût pénétré en
Égypte, ses dirigeants moraux y enseignaient qu'il fallait être équitable
et juste et éviter l'avarice. Trois mille ans avant la rédaction des
Écritures hébraïques, les Égyptiens avaient pour devise: « Affermi est
l'homme qui prend la droiture pour modèle et qui marche selon ses voies ».
Ils enseignaient la douceur, la modération, et la discrétion. L'un des
grands éducateurs de cette époque donna comme message: « Respectez le
droit de tous et traitez chacun avec justice ». La triode égyptienne de
cette époque était Vérité -- Justice -- Droiture. Parmi toutes les
religions purement humaines d'Urantia, nulle ne surpassa les idéaux
sociaux et la grandeur morale de cet humanisme de jadis dans la vallée du
Nil.
Les doctrines survivantes de la religion de Salem purent fleurir dans
le terrain de ces idées éthiques et de ces idéaux moraux en évolution. Les
concepts du bien et du mal trouvèrent une prompte réponse dans le coeur
d'un peuple qui croyait que « la vie est donnée aux débonnaires et la mort
aux coupables », que « le débonnaire est celui qui fait ce que l'on aime;
le coupable fait ce que l'on déteste ». Durant des siècles, les habitants
de la vallée du Nil avaient vécu selon ces critères éthiques et sociaux
qui émergèrent avant qu'ils eussent jamais entretenu les concepts
ultérieurs du juste et du faux -- du bien et du mal.
L'Égypte était intellectuelle et morale, mais assez peu spiritualiste.
En six mille ans, quatre grands prophètes seulement s'élevèrent parmi les
Égyptiens: Aménémope, Okhban, Ikhnaton, et Moïse. Les Égyptiens suivirent
le premier pendant un temps, ils assassinèrent le second, ils acceptèrent
le troisième sans enthousiasme pendant une brève génération, et ils
rejetèrent le quatrième. À nouveau ce furent des circonstances politiques
plutôt que religieuses qui rendirent facile à Abraham, et plus tard à
Joseph, d'exercer une grande influence dans toute l'Égypte avec
l'enseignement salamite d'un Dieu unique. Quand les missionnaires de Salem
entrèrent pour la première fois en Égypte, ils y trouvèrent cette culture
évolutionnaire hautement éthique mêlée aux critères moraux modifiés des
immigrants de Mésopotamie. Les éducateurs de la vallée du Nil furent les
premiers à proclamer que la conscience était le commandement de Dieu, la
voix de la Déité.
4. -- LES ENSEIGNEMENTS D'AMÉNÉMOPE
En temps voulu, il s'éleva en Égypte un instructeur que beaucoup
appelèrent le « fils de l'homme » et d'autres Aménémope. Ce voyant exalta
la conscience au point d'en faire l'arbitre supérieur du bien et du mal,
enseigna que les péchés seraient punis, et proclama le salut par appel à
la déité solaire.
Aménémope enseigna que les richesses et la fortune étaient des dons de
Dieu, concept qui colora entièrement la philosophie hébraïque apparue plus
tard. Ce noble éducateur croyait que la conscience de Dieu était le
facteur déterminant de toute conduite, qu'il fallait vivre à chaque
instant en ayant conscience de la présence de Dieu et de notre
responsabilité envers lui. Par la suite, les enseignements de ce sage
furent traduits en hébreu et devinrent le livre sacré de ce peuple bien
avant que l'Ancien Testament n'eût été écrit. Le principal sermon de cet
homme de bien concernait l'instruction de son fils quant à la rectitude et
à l'honnêteté à observer dans les postes de confiance gouvernementaux; ces
nobles sentiments d'un lointain passé honoreraient n'importe quel homme
d'État moderne.
Ce sage du Nil enseigna que « les richesses prennent des ailes et
s'envolent » -- que toutes les choses terrestres sont évanescentes. Sa
grande prière était « d'être délivré de la peur ». En substance, il
enseigna que l'homme propose mais que Dieu dispose. Traduits en hébreu,
ses enseignements déterminèrent la philosophie du Livre des Proverbes de
l'Ancien Testament. Traduits en grec, ils donnèrent sa couleur à toute la
philosophie religieuse hellénique subséquente. Philon, le philosophe
ultérieur d'Alexandrie, possédait un exemplaire du Livre de la Sagesse.
Aménémope fit le nécessaire pour conserver l'éthique de l'évolution et
la morale de la révélation; par ses écrits, il les transmit aussi bien aux
Hébreux qu'aux Grecs. Il ne fut pas le plus grand éducateur religieux de
cet âge, mais il fut le plus influent, en ce sens qu'il colora la pensée
ultérieure de deux chaînons essentiels de la civilisation occidentale --
les Hébreux, qui menèrent la foi religieuse occidentale à son apogée, et
les Grecs, qui développèrent la pensée purement philosophique jusqu'à ses
plus hauts sommets européens.
Dans le Livre des Proverbes Hébreux, les chapitres XV, XVII, XX, et le
chapitre XXII depuis le verset 17 jusqu'au chapitre XXIV verset 22 sont
tirés à peu près mot à mot du Livre de la Sagesse d'Aménémope. Le Psaume à
du Livre hébreu des Psaumes fut écrit par Aménémope et forme le coeur des
enseignements d'Ikhnaton.
5. -- LE REMARQUABLE IKHNATON
Les enseignements d'Aménémope perdaient lentement leur emprise sur la
pensée égyptienne lorsque, sous l'influence d'un médecin salémite
égyptien, une femme de la famille royale adopta les enseignements de
Melchizédek. Cette femme décida son fils Ikhnaton, pharaon d'Égypte, à
accepter la doctrine d'un Dieu Unique.
Depuis la fin de l'incarnation de Melchizédek, nul être humain n'avait
possédé de la religion révélée de Salem un concept d'une aussi étonnante
clarté qu'Ikhnaton. Sous certains rapports, ce jeune roi égyptien est
l'une des personnalités les plus remarquables de l'histoire de l'humanité.
Durant cette époque de dépression spirituelle croissante en Mésopotamie,
il conserva vivante en Égypte la doctrine d'El Elyon, le Dieu Unique. Il
maintint ainsi ouvert le chenal de philosophie monothéiste essentiel à
l'arrière-plan religieux de la future effusion de Micaël. Entre autres
raisons, ce fut en récognition de cet exploit que l'enfant Jésus fut
emmené en Égypte où certains successeurs spirituels d'Ikhnaton le virent
et comprirent quelque peu certaines phases de sa mission divine sur
Urantia.
Moïse, le plus grand caractère apparu entre Melchizédek et Jésus, fut
donné conjointement au monde par la race hébraïque et la famille royale
égyptienne. Si Ikhnaton avait été doué de la variété de talents et des
aptitudes de Moïse, s'il avait manifesté un génie politique comparable à
sa surprenante autorité religieuse, alors l'Égypte serait devenue la plus
grande nation monothéiste de cette époque. Et si cela était advenu, il est
possible que Jésus aurait vécu en Égypte la plus grande partie de sa vie
terrestre.
Jamais dans toute l'histoire un roi ne s'employa aussi méthodiquement
que cet extraordinaire Ikhnaton à faire passer une nation tout entière du
polythéisme au monothéisme. Avec une résolution stupéfiante, ce jeune
souverain rompit avec le passé, changea son nom, abandonna sa capitale,
bâtit une ville entièrement nouvelle, et créa une littérature et un art
nouveaux pour un peuple entier. Mais il alla trop vite et construisit
trop, plus qu'il n'en pouvait subsister après son départ. En outre, il
n'assura pas la stabilité et la prospérité matérielles de ses sujets, et
ceux-ci réagirent tous défavorablement contre ses enseignements religieux
quand les flots ultérieurs d'adversité et d'oppression balayèrent
l'Égypte.
Si cet homme étonnamment clairvoyant et extraordinairement concentré
sur un dessein unique avait eu la sagacité politique de Moïse, il aurait
changé toute l'histoire évolutionnaire de la religion et de la révélation
de la vérité dans le monde occidental. Durant sa vie, il fut capable de
refréner les activités des prêtres, qu'il tenait généralement en piètre
estime; mais ceux-ci maintinrent secrètement leurs cultes et se jetèrent
dans l'action aussitôt que le jeune roi cessa d'exercer le pouvoir; ils ne
furent pas longs à attribuer toutes les difficultés subséquentes de
l'Égypte à l'instauration du monothéisme durant son règne.
Très sagement, Ikhnaton chercha à établir la doctrine d'un Dieu unique
sous l'apparence du dieu-soleil. Cette décision d'approcher l'adoration du
Père Universel en absorbant tous les dieux dans l'adoration du soleil
était due aux conseils du médecin salémite. Il existait alors une
religion, dite d'Aton, concernant la paternité et la maternité de Dieu;
Ikhnaton en reprit les doctrines répandues et créa une religion qui
reconnaissait une relation intime d'adoration entre l'homme et Dieu.
Ikhnaton fut assez sage pour maintenir le culte extérieur d'Aton, le
dieu du soleil, tout en amenant son entourage au culte déguisé du Dieu
Unique, créateur d'Aton et Père de tous. Ce jeune instructeur-roi fut un
écrivain prolifique, auteur de l'exposé intitulé « Le Dieu Unique », un
livre de trente-neuf chapitres que les prêtres détruisirent complètement
quand ils reprirent le pouvoir. Ikhnaton écrivit aussi cent trente-sept
hymnes, dont douze sont actuellement conservés dans le Livre des Psaumes
de l'Ancien Testament et attribués à des auteurs hébreux.
Le mot suprême d'Ikhnaton dans la religion de la vie quotidienne était
«droiture »; il amplifia rapidement le concept de la bonne action jusqu'à
lui faire inclure l'éthique internationale aussi bien que l'éthique
nationale. Ce fut une génération de piété personnelle étonnante
caractérisée par une aspiration authentique, chez les hommes et femmes les
plus intelligents, à trouver Dieu et à le connaître. À cette époque, nul
Égyptien ne pouvait tirer avantage aux yeux de la loi de sa position
sociale ou de sa richesse. La vie de famille en Égypte contribua beaucoup
à préserver et à développer la culture morale; elle inspira plus tard la
merveilleuse vie de famille des Juifs en Palestine.
La faiblesse fatale de l'évangile d'Ikhnaton fut sa plus grande vérité,
l'enseignement qu'Aton n'était pas seulement le créateur de l'Égypte, mais
aussi « du monde entier, des hommes et des bêtes, et de tous les pays
étrangers, même de la Syrie et de Koush, en plus de ce pays d'Égypte. Il
met chacun en place et pourvoit aux besoins de tous ». Ces concepts de la
Déité étaient élevés et supérieurs, mais non nationalistes. Le sentiment
que la religion était internationale ne réussit pas à relever le moral de
l'armée égyptienne sur le champ de bataille, et en même temps il fournit
aux prêtres des armes efficaces contre le jeune roi et sa nouvelle
religion. Son concept de la Déité était bien supérieur à celui des
Hébreux, mais trop avancé pour servir les desseins d'un bâtisseur de
nation.
L'idéal monothéiste souffrit de la disparition d'Ikhnaton, mais l'idée
d'un Dieu unique persista dans la pensée de nombreux groupes. Le gendre d'Ikhnaton
se rangea du côté des prêtres, revint à l'adoration des anciens dieux, et
changea son nom en celui de Toutankhamon. Thèbes redevint la capitale; les
prêtres s'engraissèrent sur le pays et finirent par posséder un septième
de toute l'Égypte. Un membre de ce même ordre de prêtres eut bientôt
l'audace de s'emparer de la couronne.
Cependant les prêtres ne purent triompher entièrement de la vague
monothéiste. Ils furent progressivement contraints de fusionner leurs
dieux et de leur donner des noms composés; la famille des dieux se
contracta de plus en plus. Ikhnaton avait associé le disque flamboyant des
cieux avec le Dieu créateur, et cette idée continua à brûler dans le coeur
des hommes, même des prêtres, longtemps après le trépas du jeune
réformateur. Le concept du monothéisme ne mourut jamais dans le coeur des
Égyptiens et du reste du monde. Il persista jusqu'à l'arrivée du Fils
Créateur de ce même Père divin qu'Ikhnaton avait présenté avec tant de
zèle à l'adoration de toute l'Égypte.
La faiblesse de la doctrine d'Ikhnaton résidait dans le fait qu'il
proposait une religion tellement évoluée que seuls les Égyptiens instruits
pouvaient en comprendre pleinement les enseignements. Les ouvriers
agricoles du commun ne saisirent jamais réellement son évangile et en
conséquence se trouvaient prêts à revenir, avec les prêtres, à l'ancienne
adoration d'Isis et de son conjoint Osiris; on supposait que ce dernier
était miraculeusement ressuscité d'une mort cruelle infligée par Set, le
dieu des ténèbres et du mal.
L'enseignement que tous les hommes pouvaient
atteindre l'immortalité était trop avancé. Pour les Égyptiens, la
résurrection n'était promise qu'aux rois et aux riches; c'est pourquoi ils
apportaient tant de soin à embaumer et à préserver les corps dans des
tombeaux en vue du jour du jugement. Cependant la démocratie du salut et
de la résurrection telle qu'Ikhnaton l'enseigna finit par prévaloir, même
au point que les Égyptiens crurent plus tard à la survie des animaux.
Bien que l'effort de ce souverain égyptien pour imposer à son peuple
l'adoration d'un Dieu unique apparaisse comme ayant échoué, il faut noter
que les répercussions de son oeuvre se firent sentir pendant des siècles
en Palestine et en Grèce, et que l'Égypte devint ainsi l'agent qui
transmit à tous les peuples occidentaux ultérieurs la combinaison de la
culture évolutionnaire du Nil et de la religion révélée de l'Euphrate.
La gloire de cette grande ère de développement moral et de croissance
spirituelle dans la vallée du Nil était en voie de disparition rapide à
l'époque où commença la vie nationale des Hébreux. À la suite de leur
séjour en Égypte, ils emportèrent bien des enseignements d'Ikhnaton et
perpétuèrent nombre de ses doctrines dans leur religion raciale.
6. -- LES DOCTRINES DE SALEM EN IRAN
De Palestine, quelques missionnaires de Melchizédek se rendirent sur le
grand plateau iranien en passant par la Mésopotamie. Pendant plus de cinq
cents ans, les éducateurs de Salem progressèrent en Iran. Toute la nation
s'orientait vers la religion de Melchizédek lorsqu'un changement de
dirigeants précipita une implacable persécution qui mit pratiquement fin
aux enseignements monothéistes du culte de Salem. La doctrine de
l'alliance avec Abraham avait virtuellement disparu en Perse lorsqu'au
sixième siècle avant le Christ, ce grand siècle de renaissance morale,
Zoroastre apparut pour ranimer la flamme presque éteinte de l'évangile de
Salem.
Ce fondateur d'une nouvelle religion était un jeune homme viril et
aventureux. Au cours de son premier pèlerinage à Ur en Mésopotamie, il
avait entendu parler des traditions de Caligastia et de la rébellion de
Lucifer -- en même temps que de nombreuses autres traditions -- qui
avaient toutes fortement séduit sa nature religieuse. A Ur, il eut un rêve
à la suite duquel il se fixa le programme de retourner au nord dans son
foyer et d'entreprendre le remodelage de la religion de son peuple. Il
avait assimilé l'idée hébraïque d'un Dieu de justice, le concept mosaïque
de la divinité. L'idée d'un Dieu suprême était claire dans sa pensée; il
rabaissa tous les autres dieux au rang de diables, et les rangea parmi les
démons dont il avait entendu parler en Mésopotamie. En tant que vague
tradition à Ur, il avait appris l'histoire des Sept Maîtres Esprits, et en
conséquence il créa une galaxie de sept dieux suprêmes où Ahura-Mazda
dominait. Il associa les six dieux subordonnés à l'idéalisation de la
Juste Loi, de la Bonne Pensée, du Noble Gouvernement, du Saint Caractère,
de la Santé, et de l'Immortalité.
Il s'agissait d'une nouvelle religion d'action -- de travail -- et non
de prières et de rites. Son Dieu était un être suprêmement sage et
protecteur de la civilisation. C'était une philosophie religieuse
militante qui osait combattre le mal, l'inaction, et le retard mental.
Zoroastre n'enseigna pas l'adoration du feu, mais chercha à utiliser la
flamme comme symbole du pur et sage Esprit de domination universelle et
suprême. (Il est malheureusement vrai que ses disciples ultérieurs
révérèrent et adorèrent ce feu symbolique.) Finalement, après la
conversion d'un prince iranien, cette nouvelle religion fut répandue par
l'épée, et Zoroastre mourut héroïquement dans la bataille pour ce qu'il
croyait être « la vérité du Seigneur de lumière ».
Le Zoroastrisme est le seul credo urantien qui ait perpétué les
enseignements de Dalamatia et d'Éden au sujet des Sept Maîtres Esprits. Il
ne réussit pas à développer le concept de la Trinité mais, sous certains
rapports, il approcha de celui de Dieu le Septuple. Le zoroastrisme
originel n'était pas un pur dualisme; il est vrai que le mal était décrit
par les enseignements initiaux comme complémentaire de la bonté dans le
temps, mais il était nettement englouti pour l'éternité dans la réalité
ultime du bien. C'est seulement plus tard que l'on ajouta foi à la
croyance que le bien et le mal luttaient à égalité.
Les traditions juives du ciel et de l'enfer et la doctrine des démons,
telles que les rapportent les Écritures hébraïques, trouvaient une base
dans les vagues traditions de Lucifer et de Caligastia, mais elles
provenaient principalement des Zoroastriens à l'époque où les Juifs se
trouvaient sous la domination politique et culturelle des Persans. À
l'instar des Égyptiens, Zoroastre enseigna le « jour du jugement », mais
il lia cet événement à la fin du monde.
Le zoroastrisme influença notablement la religion qui lui succéda en
Perse. Quand les prêtres iraniens cherchèrent à ruiner les enseignements
de Zoroastre, ils ressuscitèrent l'ancien culte de Mithra. Le mithracisme
se répandit dans le Moyen Orient et dans le bassin de la Méditerranée;
pendant un certain temps, il fut contemporain à la fois du judaïsme et du
christianisme. Les enseignements de Zoroastre laissèrent donc
successivement leur empreinte sur trois grandes religions: sur le
judaïsme, sur le christianisme, et à travers eux, sur le mahométisme.
Il y a loin entre les enseignements élevés et les nobles psaumes de
Zoroastre, et les perversions modernes de son évangile par les Parsis avec
leur grande peur des morts doublée du maintien de la croyance en des
sophismes que Zoroastre ne s'abaissa jamais à sanctionner.
Ce grand homme fut l'une des personnalités du groupe extraordinaire qui
surgit au sixième siècle avant le Christ pour empêcher l'extinction finale
et définitive de la lumière de Salem qui brûlait si faiblement pour
montrer aux hommes, dans leur monde enténébré, le sentier lumineux qui
conduit à la vie éternelle.
7. -- LES ENSEIGNEMENTS DE SALEM EN ARABIE
Les enseignements de Melchizédek sur le Dieu unique ne s'affermirent
dans le désert d'Arabie qu'à une date relativement récente. De même qu'en
Grèce, les missionnaires de Salem échouèrent en Arabie parce qu'ils
avaient mal compris les instructions de Machiventa au sujet de l'excès
d'organisation. Ils avaient mieux interprété son exhortation contre tous
les efforts pour répandre l'évangile par la force militaire ou la
contrainte civile, et ne furent pas gênés sur ce point.
Même en Chine et à Rome, les enseignements de Melchizédek n'échouèrent
nulle part plus complètement que dans cette région désertique si proche de
Salem elle-même. Longtemps après que les peuples de l'Orient et de
l'Occident fussent en majorité devenus respectivement bouddhistes et
chrétiens, ceux du désert d'Arabie continuaient à vivre comme ils
l'avaient fait pendant des millénaires. Chaque tribu adorait son ancien
fétiche, et bien des familles avaient leurs dieux lares individuels. La
lutte continua longtemps entre l'Ishtar babylonienne, le Jéhovah hébreu,
l'Ahura iranien, et le Père chrétien du Seigneur Jésus-Christ. Jamais un
concept unique ne réussit à remplacer entièrement tous les autres en
Arabie.
Ça et là, certaines familles et certains clans n'abandonnaient pas la
vague idée du Dieu unique. Ces groupes chérissaient les traditions de
Melchizédek, d'Abraham, de Moïse, et de Zoroastre. De nombreux centres
auraient pu répondre à l'évangile de Jésus, mais les missionnaires
chrétiens des pays du désert formaient un groupe austère et inflexible,
contrastant avec les missionnaires innovateurs des régions
méditerranéennes, qui admettaient des compromis. Si les disciples de Jésus
avaient pris plus au sérieux son injonction « d'aller dans le monde entier
pour y prêcher l'évangile » et s'ils avaient été plus affables en le
prêchant, moins stricts dans les exigences sociales collatérales inventées
par eux-mêmes, alors bien des pays, y compris l'Arabie, auraient reçu avec
joie le simple évangile du fils du charpentier.
Malgré le fait que les grands monothéismes du Moyen Orient n'aient pas
réussi à prendre racine en Arabie, cette terre désertique put donner
naissance à une foi, sans doute moins sévère dans ses exigences sociales,
mais néanmoins monothéiste.
Les croyances primitives et inorganisées du désert ne comportaient
qu'un seul facteur commun de nature tribale, raciale, ou nationale:
c'était le respect particulier et général que presque toutes les tribus
arabes acceptaient de manifester envers une certaine pierre noire fétiche
dans un certain temple à La Mecque. Ce point commun de contact et de
vénération conduisit ultérieurement à l'établissement de la religion
islamique. La pierre de la Kaaba devint pour les Arabes l'équivalent de ce
que représentait Jéhovah, l'esprit du volcan, pour leurs cousins les Juifs
sémites.
La force de l'Islam a résidé dans sa présentation bien nette et bien
précise d'Allah comme la seule et unique Déité. Sa faiblesse fut
d'associer la force militaire à cette promulgation, et aussi de dégrader
les femmes. Mais l'Islam a fermement maintenu sa présentation de l'Unique
Dieu Universel de tous « qui connaît le visible et l'invisible et qui est
le miséricordieux et le compatissant ». « En vérité Dieu distribue
abondamment sa bonté à tous les hommes ». « Et quand je suis malade, c'est
lui qui me guérit ». « Là où trois personnes au moins parlent ensemble,
Dieu est présent comme une quatrième », car n'est-il pas « le premier et
le dernier, et aussi le vu et le caché? »
[Présenté par un Melchizédek de Nébadon.]
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