L'ÉVOLUTION DU CONCEPT DE DIEU CHEZ LES HÉBREUX
LES chefs spirituels des
Hébreux accomplirent ce que personne avant eux n'avait réussi à faire --
ils «
désanthropomorphisèrent » leur concept de Dieu sans le convertir en une
abstraction de la Déité, intelligible aux seuls philosophes. Sous ce
concept mûri, même les gens du commun furent capables de considérer
Jéhovah comme un père, sinon des individus, du moins de la race.
Le concept de la personnalité de Dieu avait été clairement enseigné à
Salem à l'époque de Melchizédek. Il était vague et embrumé au temps de
l'exode d'Égypte et n'évolua que graduellement de génération en génération
dans la pensée hébraïque, en réponse aux enseignements des chefs
spirituels. La perception de la personnalité de Jéhovah suivit une
évolution beaucoup plus continue que celle de bien d'autres attributs de
la Déité. Depuis Moïse jusqu'à Malachie, la représentation mentale de la
personnalité de Dieu subit une croissance à peu près ininterrompue dans la
pensé hébraïque, et finalement ce concept fut exalté et glorifié par les
enseignements de Jésus sur le Père céleste.
1. -- SAMUEL — LE PREMIER DES PROPHÈTES HÉBREUX
La pression hostile des peuples environnant la Palestine enseigna
bientôt aux cheiks hébreux qu'ils ne pouvaient espérer survivre sans
confédérer leurs organisations tribales en un gouvernement centralisé.
Cette concentration de l'autorité administrative fournit à Samuel une
meilleure occasion d'opérer comme instructeur et réformateur.
Samuel était issu d'une longue lignée d'éducateurs de Salem qui avaient
persisté à maintenir les vérités de Melchizédek comme une partie de leurs
formes de culte. Il était viril et résolu. Seule sa grande dévotion,
doublée de son extraordinaire détermination, lui permit de résister à
l'opposition quasi-universelle qu'il rencontra au début de ses efforts
pour ramener Israël à l'adoration du Jéhovah suprême de l'époque de Moïse.
Même alors, il n'obtint qu'un succès partiel; il ne gagna au concept
supérieur de Jéhovah que la moitié la plus intelligente des Hébreux;
l'autre moitié continua à croupir dans l'adoration des dieux tribaux de la
contrée et dans les basses conceptions de Jéhovah.
Samuel était un type d'homme taillé à la hache, un réformateur pratique
capable de sortir un jour avec ses amis et de démolir une vingtaine de
lieux réservés à Baal. C'est purement par la force de la contrainte qu'il
fit accomplir des progrès; il prêcha peu, il enseigna encore moins, mais
il agit. Un jour il se moquait des prêtres de Baal, le lendemain il
coupait en morceaux un roi captif. Il croyait pieusement au Dieu unique et
avait une conception claire de ce Dieu comme créateur du ciel et de la
terre: « Les colonnes de la terre appartiennent au Seigneur, et il a posé
le monde sur elles (1).
La grande contribution que Samuel apporta au développement du concept
de la Déité fut son annonce retentissante que Dieu était invariant,
qu'il personnifiait toujours la même perfection et la même divinité
infaillibles. À cette époque, on croyait que Jéhovah était un Dieu
d'humeur changeante, regrettant toujours d'avoir fait ceci ou cela.
Maintenant, pour la première fois depuis qu'ils étaient sortis d'Égypte,
les Hébreux entendirent ces paroles saisissantes: « La Force d'Israël ne
ment point et ne se repent point, car il n'est as un homme pour se
repentir » (2). La stabilité dans les relations avec la Divinité était
proclamée. Samuel réitéra l'alliance de Melchizédek avec Abraham et
déclara que le Seigneur Dieu d'Israël était la source de toute vérité, de
toute permanence, et de toute constance. Les Hébreux avaient toujours
considéré leur Dieu comme un homme, un surhomme, un esprit élevé d'origine
inconnue, mais maintenant ils entendaient l'esprit d'Horeb de jadis exalté
comme un Dieu immuable dans sa perfection de créateur. Samuel aidait le
concept évoluant de Dieu à s'élever au-dessus de l'état changeant de la
pensée humaine et des vicissitudes de l'expérience terrestre. Sous
l'influence de ses enseignements, le Dieu des Hébreux commençait son
ascension, partant d'une idée sur la hiérarchie des dieux tribaux pour
aboutir à l'idéal d'un tout-puissant et immuable Créateur et
Superviseur de toute la création.
(1) 1 Samuel II-8. |
(2) I Samuel XV-29. |
À nouveau il prêcha l'histoire de la sincérité de Dieu et de la
confiance que l'on pouvait mettre en lui pour maintenir l'alliance. Samuel
dit: « Le Seigneur n'abandonnera point son peuple ». « Il a établi avec
nous une alliance éternelle, bien ordonnée à tous égards, et certaine »
(3). Ainsi résonnait dans toute la Palestine l'appel au retour à
l'adoration de Jéhovah suprême. L'énergique éducateur proclamait toujours:
« Tu es grand, ô Seigneur Dieu, car il n'est personne de semblable à toi,
et il n'y a pas de Dieu en dehors de toi ».
Jusque-là les Hébreux avaient principalement considéré la faveur de
Dieu en termes de prospérité matérielle. La proclamation suivante de
Samuel fut un grand choc pour Israël et faillit coûter la vie à son
auteur: « Le Seigneur enrichit et appauvrit; il exalte et il abaisse. Il
tire les pauvres de la poussière et il élève les mendiants au rang des
princes pour leur faire hériter le trône de gloire » (4). Jamais depuis
Moïse des promesses aussi encourageantes pour les humbles et les moins
fortunés n'avaient été proclamées; des milliers de désespérés parmi les
pauvres commencèrent à espérer qu'ils pourraient améliorer leur statut
spirituel.
(3) II Samuel XXIII-5. |
(4) I Samuel II-7. |
Samuel ne progressa pas bien loin au-delà du concept d'un dieu tribal.
Il proclama un Jéhovah créateur de tous les hommes, mais s'intéressant
principalement aux Hébreux, son peuple élu. Même alors, comme au temps de
Moïse, le concept de Dieu dépeignait une Déité sainte et intègre: « Nul
n'est saint comme l'Éternel. Qui peut-on comparer au saint Seigneur Dieu?
»
Les années passant, le vieux chef grisonnant progressa dans la
compréhension de Dieu, car il déclara: « l'Éternel est un Dieu de
connaissance, et par lui les actions sont pesées. Le Seigneur jugera les
confins de la terre, témoignant de la miséricorde aux miséricordieux, et
il sera droit aussi avec l'homme intègre »(5). C'est ici que se place
l'aurore de la miséricorde, bien qu'elle y soit limitée à ceux qui la
pratiquent. Plus tard, Samuel fit encore un pas en avant lorsqu'il exhorta
le peuple dans l'adversité « Remettons-nous maintenant aux mains du
Seigneur, car ses miséricordes sont grandes ». « Rien n'empêche l'Éternel
de sauver beaucoup ou peu de gens » (6).
(5) I Samuel II-3, 10, etc. |
(6) I Samuel XIV-6. |
Ce développement graduel du concept du caractère de Jéhovah se
poursuivit sous le ministère des successeurs de Samuel. Ils essayèrent de
présenter Jéhovah comme un Dieu gardant son alliance, mais n'avancèrent
pas à la même allure que Samuel; ils ne réussirent pas à développer l'idée
de ,a miséricorde divine telle que Samuel avait fini par la concevoir. Il
se produisit un recul régulier vers la récognition d'autres dieux, malgré
l'affirmation que Jéhovah était au-dessus de tous. « Le royaume est à toi,
ô Éternel, et tu es exalté comme chef sur tous ».
L'accent de cette époque était mis sur le pouvoir divin; les prophètes
d'alors prêchaient une religion destinée à maintenir le roi sur le trône
hébreu, « A toi Seigneur appartiennent la grandeur, la puissance, la
gloire, la splendeur, et la majesté. Ta main détient le pouvoir et la
puissance, et tu peux agrandir et affermir toutes choses » (7). Tel était le
statut du concept de Dieu à l'époque de Samuel et de ses successeurs
immédiats.
(7) 1 Chroniques XXIX-11.
2. -- ÉLIE ET ÉLISÉE
Au dixième siècle avant le Christ, la nation hébraïque se divisa en
deux royaumes. Dans ces deux divisions politiques, de nombreux éducateurs
de la vérité s'efforcèrent d'endiguer le flot réactionnaire de décadence
spirituelle qui s'amorçait et qui continua désastreusement après la guerre
de séparation. Ces efforts pour faire progresser la religion hébraïque ne
portèrent pas de fruits avant le commencement des enseignements d'Élie en
faveur de la droiture. Ce guerrier résolu et intrépide restaura dans le
royaume du nord un concept de Dieu comparable à celui qui existait au
temps de Samuel. Élie eut peu d'occasions de présenter une conception
évoluée de Dieu; il était trop occupé, comme Samuel avant lui, à renverser
les autels de Baal et à démolir les idoles des faux dieux. Il effectua ses
réformes en affrontant l'opposition d'un monarque idolâtre. Sa tâche fut
encore plus gigantesque et difficile que celle à laquelle Samuel avait
fait face.
Quand Élie fut appelé à quitter la terre, Élisée, son fidèle compagnon,
reprit son oeuvre et maintint la lumière de la vérité vivante en Palestine
avec l'aide inappréciable de Michée, un prophète peu connu.
Ce ne fut pas une époque de progrès dans le concept de la Déité. Les
Hébreux ne s'étaient même pas encore élevés à la hauteur de l'idéal de
Moïse. À la clôture de l'époque d'Élie et d'Élisée, les meilleures classes
d'Hébreux revenaient à l'adoration du suprême Jéhovah, et la restauration
de l'idée du Créateur Universel se trouvait à peu près au point où Samuel
l'avait laissée.
3. -- JÉHOVAH ET BAAL
L'interminable controverse entre les fidèles de Jéhovah et les
partisans de Baal fut un conflit socio-économique d'idéologies plutôt
qu'un différend de croyances religieuses.
Les habitants de la Palestine avaient des comportements différents au
sujet de la propriété privée de la terre. Les tribus méridionales ou
errantes (les Yahvistes) considéraient la terre comme inaliénable -- comme
un don de la Déité au clan. Elles estimaient que la terre ne devait être
ni vendue ni hypothéquée. « Jéhovah a parlé et dit: la terre ne sera pas
vendue car le pays est à moi » (1).
(1) Lévitique XXV-23.
Les Cananéens du nord (les Baalites) plus stables achetaient,
vendaient, et hypothéquaient leurs terres sans restriction. Le mot Baal
signifie propriétaire. Le culte de Baal était fondé sur deux doctrines
principales: premièrement la validité des échanges de biens, des contrats,
et des alliances -- le droit d'acheter et de vendre des terres;
deuxièmement Baal était censé envoyer la pluie -- il était le dieu de la
fertilité du sol. Les bonnes récoltes dépendaient de la faveur de Baal. Le
culte concernait largement les terres, leur propriété et leur fertilité.
En général, les Baalites possédaient des terres des maisons, et des
esclaves. Chaque Baal avait son lieu sacré, sa prêtrise, et ses « saintes
femmes », les prostituées rituelles.
La divergence fondamentale des points de vue sur les terres fit naître
les implacable antagonismes de comportement social,moral, et religieux
entre les Cananéens et les Hébreux. Cette controverse socio-économique ne
devint pas une affaire nettement religieuse avant l'époque d'Élie. À
partir de l'intervention de ce prophète agressif, la lutte se déroula sur
un plan plus strictement religieux -- Jéhovah contre Baal -- et se termina
par la victoire de Jéhovah et la poussée subséquente vers le monothéisme.
Élie fit passer la controverse Jéhovah-Baal de l'aspect foncier à
l'aspect religieux des idéologies hébraïque et cananéenne. Quand Ahab fit
assassiner Naboth et sa famille au cours de l'intrigue pour s'emparer de
leurs terres, Élie s'attaqua aux anciennes moeurs foncières; il en fit une
question morale et lança sa vigoureuse campagne contre les Baalites. Ce
fut aussi une lutte des paysans contre la domination par les citadins.
C'est principalement sous l'influence d'Élie que Jéhovah devint Elohim. Le
prophète débuta comme réformateur agraire et termina en exaltant la Déité.
Les Baals étaient nombreux et Jéhovah était unique -- le monothéisme
triompha du polythéisme.
4. -- AMOS ET OSÉE
Une grande étape fut franchie par Amos dans la transition entre le dieu
tribal -- le dieu qui avait si longtemps été servi au moyen de sacrifices
et de cérémonies, le Jéhovah des premiers Hébreux -- et un Dieu qui
punissait le crime et l'immoralité même chez son propre peuple. Amos
apparut, venant des montagnes du sud, pour dénoncer la criminalité,
l'ivrognerie, l'oppression, et l'immortalité des tribus du nord. Jamais
depuis l'époque de Moïse, des vérités aussi éclatantes n'avaient été
proclamées en Palestine.
Amos ne se borna pas simplement à restaurer ou à réformer; il découvrit
aussi de nombreux concepts de la Déité. Il répéta au sujet de Dieu
beaucoup de proclamations déjà faites par ses prédécesseurs, et attaqua
courageusement la croyance en un Être divin autorisant le péché dans son
propre peuple dit élu. Pour la première fois depuis l'époque de
Melchizédek, les oreilles humaines entendirent proclamer le double critère
de la justice et de la moralité nationales. Pour la première fois dans
l'histoire, des Hébreux entendirent de leurs propres oreilles que leur
Dieu Jéhovah ne tolérerait pas plus le crime et le péché dans leur vie que
dans celle des membres de n'importe quel autre peuple. Amos eut la vision
du Dieu sévère et juste de Samuel et d'Élie, mais il vit aussi un Dieu qui
ne faisait aucune distinction entre les Hébreux et toute autre nation
quand on en venait à punir la malfaisance. C'était une attaque directe
contre la doctrine égoïste du « peuple élu », et un bon nombre d'Hébreux
de l'époque en furent profondément froissés.
Amos dit: « Cherchez celui qui a formé les montagnes et fait lever le
vent, celui qui a créé les Pléiades et Orion, qui change en matin l'ombre
de la mort et rend le jour aussi sombre que la nuit » (1). En dénonçant ses
contemporains opportunistes, mi-religieux, et parfois immoraux, il chercha
à décrire la justice inexorable d'un Jéhovah invariant en disant des
malfaisants: « Même s'ils pénètrent jusque dans l'enfer, de là ma main les
prendra, et même s'ils montent dans les cieux, de là je les ferai
descendre,... et même s'ils vont en captivité devant leurs ennemis, là je
commanderai à l'épée de la justice, et elle les tuera » (2). Amos effraya
encore davantage ses auditeurs en dirigeant vers eux un doigt réprobateur
et accusateur et en déclarant au nom de Jéhovah: « Sûrement je n'oublierai
aucune de vos oeuvres... et je passerai au crible la maison d'Israël parmi
toutes les nations, comme on secoue le blé dans un tamis » (3).
(1) Amos V-8. |
(2) Amos IX-2 et 4. |
(3) Amos IX-9. |
Amos proclama que Jéhovah était le « Dieu de toutes les nations » et
avertit les Israélites que le rituel ne devait pas se substituer à la
droiture. Avant que ce courageux éducateur ne fût lapidé à mort, il avait
répandu assez de levain de la vérité pour sauver la doctrine du Jéhovah
suprême; il avait assuré la suite évolutionnaire de la révélation de
Melchizédek.
Osée suivit Amos et sa doctrine d'un Dieu universel de justice en
ressuscitant le concept mosaïque d'un Dieu d'amour. Osée prêcha le pardon
par repentir, et non par sacrifice. Il proclama un évangile de bonté
aimante et de miséricorde divine en disant au nom de Jéhovah: « Je vous
fiancerai à moi pour toujours, oui, je vous fiancerai à moi en droiture et
en jugement et en bonté aimante et en miséricorde. Je vous fiancerai même
à moi en fidélité » (4).
(4) Osée II-19.
Osée continua fidèlement les avertissements moraux d'Amos en disant de
Dieu: « Je les châtierai à mon gré » (5). Mais les Israélites considérèrent
comme une cruauté frisant la trahison les paroles suivantes qu'il
prononça: « Je dirai à ceux qui n'étaient pas mon peuple: vous êtes mon
peuple; et eux diront: tu es notre Dieu » (6). Il continua à prêcher le
repentir et le pardon en disant: « Je guérirai leur récidive. Je les
aimerai abondamment, car ma colère s'est détournée ». Osée proclama
constamment l'espoir et le pardon. L'essentiel de son message fut
toujours: « J'aurai de la miséricorde pour mon peuple. Ils ne connaîtront
pas d'autre Dieu que moi, car je suis le seul qui sauve ».
(5) Osée X-10. |
(6) Osée II-23. |
Amos vivifia la conscience nationale des Hébreux en leur faisant
reconnaître que Dieu ne pardonnerait pas le crime et le péché parmi eux
sous prétexte qu'ils étaient censément le peuple élu. De son côté, Osée
fit résonner les notes d'ouverture des miséricordieux choeurs ultérieurs
de compassion divine et de bonté aimante qui furent si délicieusement
chantés par Isaïe et ses compagnons.
5. -- LE PREMIER ISAÏE
Ce fut une époque où certains proclamaient des menaces de punition pour
les péchés personnels et les crimes nationaux des clans du nord, tandis
que d'autres prédisaient des calamités en châtiment des transgressions du
royaume du sud. Ce fut dans le sillage de ce réveil de conscience des deux
nations hébraïques que le premier Isaïe fit son apparition.
Isaïe continua à prêcher la nature éternelle de Dieu, sa sagesse
infinie, la perfection immuable avec laquelle on pouvait compter sur lui.
Il représenta le Dieu d'Israël comme disant: « J'ajusterai exactement le
jugement et j'alignerai la droiture sur le fil à plomb ». « Le Seigneur
vous reposera de vos chagrins, de vos peurs, et de la dure servitude où
l'homme a été créé pour servir ». « Vos oreilles entendront une parole
prononcée derrière vous et disant: voici le chemin, marchez-y » (1). « Voyez,
Dieu est mon salut; j'aurai confiance et ne serai pas effrayé, car le
Seigneur est ma force et ma chanson ». « Venez à moi et raisonnons
ensemble, dit l'Éternel: si vos péchés sont comme l'écarlate, ils
deviendront blancs comme la neige; s'ils sont rouges comme le cramoisi,
ils seront comme la laine » (2).
(1) Isaïe XXX. |
(2) Isaïe I-18. |
Parlant aux âmes affamées des Hébreux tourmentés par la peur, ce
prophète dit: « Lève-toi et resplendis, car ta lumière est venue et la
gloire du Seigneur s'est levée sur toi » (3). « L'esprit du Seigneur est sur
moi parce qu'il m'a oint pour apporter de bonnes nouvelles aux
débonnaires; il m'a envoyé pour panser ceux qui ont le coeur brisé, pour
proclamer la liberté aux captifs, et l'ouverture de la prison à ceux qui
sont enchaînés » (4). « Je me réjouirai grandement en l'Éternel, mon âme
s'égayera en mon Dieu, car il m'a revêtu des vêtements du salut et m'a
recouvert de sa robe de justice » (5). « Dans toutes leurs détresses, il a été
affligé, et l'ange de sa présence les a sauvés. Dans son amour et sa
miséricorde, il les a rachetés »(6).
(3) Isaïe LX-1. |
(4) Isaïe LXI-1. |
(5) Isaïe LXI-10. |
(6) Isaïe LXIII-9. |
Cet Isaïe fut suivi de Michée et d'Abdias, qui confirmèrent et
embellirent son évangile satisfaisant l'âme. Ces deux vaillants messagers
dénoncèrent audacieusement le rituel pratiqué par les Hébreux sous
l'empire des prêtres et attaquèrent avec intrépidité tout le système
sacrificiel.
Michée critiqua « les chefs qui jugent pour des présents, les prêtres
qui enseignent pour un salaire, et les prophètes qui devinent pour de
l'argent » (7). Il enseigna la venue d'un jour où l'on serait libéré des
superstitions et de la prêtrise, en disant: « Chaque homme se reposera
sous sa propre vie et nul ne l'effrayera, car tout le peuple vivra, chacun
se conformant à la manière dont il comprend Dieu ».
(7) Michée III-11.
Michée prêcha toujours les obligations suivantes dans son message: «
Viendrai-je devant Dieu avec des offrandes brûlées? l'Éternel voudra-t-il
agréer mille béliers ou dix mille torrents d'huile? Donnerai-je mon
premier né pour ma transgression, le fruit de mon corps pour le péché de
mon âme? Il m'a déclaré, ô l'homme, ce qui est bon. Et que réclame
l'Éternel de ta part sinon que tu agisses avec justice, que tu aimes la
miséricorde et que tu marches humblement avec ton Dieu » (8). Ce fut en vérité
une grande époque au cours de laquelle les mortels entendirent, et
certains allèrent même jusqu'à croire, ces messages émancipateurs d'il y a
plus de deux mille cinq cents ans. Sans la résistance obstinée des
prêtres, ces éducateurs auraient aboli tout le cérémonial sanguinaire du
rituel hébreu d'adoration.
(8) Michée VI-6 à 8.
6. -- JÉRÉMIE L'INTRÉPIDE
Plusieurs éducateurs continuèrent à exposer l'évangile d'Isaïe, mais il
appartenait à Jérémie de franchir audacieusement l'étape suivante de
l'internationalisation de Jéhovah, Dieu des Hébreux.
Jérémie déclara avec intrépidité que Jéhovah n'était pas du côté des
Hébreux dans leurs guerres militaires contre d'autres nations. Il affirma
que Jéhovah était le Dieu de toute la terre, de toutes les nations, et de
tous les peuples. L'enseignement de Jérémie fut le crescendo de la marée
montante pour internationaliser le Dieu d'Israël. Ce prédicateur intrépide
proclama une fois pour toutes que Jéhovah était le Dieu de toutes les
nations, et qu'il n'existait ni d'Osiris pour les Égyptiens, ni de Bel
pour les Babyloniens, ni d'Assur pour les Assyriens, ni de Dagon pour les
Philistins. À cette époque et par la suite, la religion des Hébreux
participa ainsi à la renaissance du monothéisme dans le monde entier;
enfin le concept de Jéhovah s'était élevé à un niveau divin comportant une
dignité planétaire et même cosmique.
Toutefois, bien des compagnons de Jérémie trouvèrent difficile de
concevoir Jéhovah indépendamment de la nation hébraïque.
Jérémie fit également des sermons sur le Dieu juste et aimant décrit
par Isaïe; il déclara: « Oui, je vous ai aimés d'un amour éternel; c'est
pourquoi je vous ai attirés avec amouret bonté » (1). « Car il n'afflige pas
volontiers les enfants des hommes » (2).
Ce prophète intrépide a dit encore « Notre Seigneur est droit, grand
dans ses conseils, et puissant dans ses oeuvres. Ses yeux sont ouverts sur
toutes les voies des fils des hommes pour donner à chacun selon ses voies
et selon le fruit de ses actions » (3). Mais les paroles suivantes, prononcées
durant le siège de Jérusalem, furent considérées comme une trahison
blasphématoire: « Et maintenant j'ai livré ce pays entre les mains Nébucadnetsar, roi de Babylone, mon serviteur »
(4). Quand Jérémie conseilla
la reddition de la ville, les prêtres et les chefs civils le jetèrent dans
la boue d'un sombre cul de basse-fosse.
(1) Jérémie XXXI-3. |
(2) Lamentations de Jérémie III-33. |
(3) Jérémie XXXII-19. |
(4) Jérémie XXIX-21 et XLIII-10. |
7. - LE SECOND ISAÏE
La destruction de leur nation et la captivité des Hébreux en
Mésopotamie auraient fait faire de grands progrès à leur théologie en
expansion si elle n'avait pas rencontré l'opposition résolue de leur
prêtrise. La nation hébraïque avait succombé devant les armées de
Babylone, et son Jéhovah nationaliste avait souffert des sermons
internationalistes des dirigeants spirituels. Ce fut le ressentiment de la
perte de leur dieu national qui amena les prêtres à aller aussi loin dans
l'invention des fables et de la multiplicité d'événements apparus
miraculeusement dans l'histoire hébraïque; ils voulaient rétablir les
Juifs comme peuple élu, même du Dieu de toutes les nations sous son aspect
d'une idée nouvelle et internationalisée.
Durant leur captivité, les Juifs furent très influencés par les
traditions et légendes babyloniennes. Il faut cependant remarquer qu'ils
améliorèrent systématiquement le ton moral et la signification spirituelle
des histoires chaldéennes qu'ils adoptèrent, bien qu'ils eussent
invariablement déformé ces légendes pour en faire rejaillir de l'honneur
et de la gloire sur l'ascendance et l'histoire d'Israël.
Les prêtres et les scribes hébreux n'avaient qu'une seule idée en tête,
celle de réhabiliter la nation juive, de glorifier les traditions
hébraïques, et d'exalter leur histoire raciale. Si l'on éprouve du
ressentiment devant le fait que ces prêtres ont insufflé leurs idées
erronées à une si grande partie du monde occidental, il faut se rappeler
qu'ils ne le firent pas intentionnellement. Ils ne prétendaient ni écrire
sous une inspiration ni rédiger un livre sacré. Ils préparaient simplement
un manuel destiné à ranimer le courage faiblissant de leurs compagnons de
captivité. Ils avaient nettement pour but d'améliorer l'esprit national et
de relever le moral de leurs compatriotes. Il appartenait à des hommes
apparus plus tard de réunir ces écrits, ainsi que certains autres, en un
livre guide dont les enseignements furent supposés infaillibles.
Les prêtres juifs utilisèrent libéralement ces écrits après leur retour
de captivité, mais leur influence sur leurs compagnons de captivité fut
grandement entravée par la présence d'un jeune et indomptable prophète,
Isaïe le second, qui était pleinement converti au Dieu de justice,
d'amour, de droiture, et de miséricorde d'Isaïe l'aîné. Il croyait aussi,
avec Jérémie, que Jéhovah était devenu le Dieu de toutes les nations. Il
prêcha ces théories sur la nature de Dieu avec un succès tellement marqué
qu'il fit autant de convertis parmi les Juifs que parmi ceux qui les
avaient déportés. Ce jeune prédicateur laissa par écrit ses enseignements
que les prêtres hostiles et implacables cherchèrent à dissocier
complètement d'avec lui; cependant, par pur et simple respect pour leur
beauté et leur grandeur, les enseignements du second Isaïe furent
incorporés dans les écrits du premier Isaïe. Ils forment maintenant les
chapitres 40 à 55 inclus du livre qui porte son nom.
Depuis Machiventa jusqu'à l'époque de Jésus, nul prophète ou éducateur
religieux n'atteignit le haut concept de Dieu que le second Isaïe proclama
durant la période de captivité. Pour ce chef spirituel, il ne s'agissait
pas d'un Dieu mesquin, anthropomorphe, créé par des hommes: « Voici, il
enlève les îles comme des poussières » (1). « De même que les cieux sont plus
élevés que la terre, mes voies sont plus élevées que vos voies, et mes
pensées plus hautes que vos pensées » (2).
Machiventa pouvait enfin voir des éducateurs humains proclamer aux
mortels un Dieu véritable. Comme le premier Isaïe, ce chef prêcha un Dieu
ayant créé l'univers et continuant à le maintenir. « J'ai créé la terre,
et l'ai mis l'homme dessus. Je ne l'ai pas créée en vain, je l'ai formée
pour quelle soit habitée » (3). « Je suis le premier et le dernier; il n'y a
point de Dieu en dehors de moi ». Parlant au nom du Seigneur Dieu
d'Israël, ce nouveau prophète dit: « Les cieux peuvent disparaître et la
terre vieillir, mais ma droiture subsistera toujours et mon salut durera
de génération en génération». « Ne craignez point, car je suis avec vous;
ne soyez pas consternés, car je suis votre Dieu ». « Il n'y a point de
Dieu en dehors de moi -- un Dieu juste et un Sauveur » (4).
(1) Isaïe XL-15. |
(2) Isaïe LV-8. |
(3) Isaïe XLV-18. |
(4) Isaïe XLIII-11. |
Les captifs juifs furent réconfortés comme des millions d'autres hommes
depuis lors, en entendant des paroles telles que: « Ainsi dit le Seigneur,
je vous ai créés, je vous ai rachetés, je vous ai appelés par votre nom;
vous êtes à moi »(5). « Lorsque vous passerez à travers les eaux, je serai
avec vous, car vous êtes précieux à ma vue ». « Une femme peut-elle
oublier son nourrisson et n'avoir pas de compassion pour son fils? Oui,
elle peut oublier, mais moi je n'oublierai pas mes enfants car voici, j'ai
gravé leur nom sur la paume de mes mains » (6). « Que le méchant abandonne ses
voies et l'homme inique ses pensées, et qu'ils retournent à l'Éternel, car
il aura compassion d'eux; qu'ils reviennent à notre Dieu, car il pardonne
abondamment » (7).
Ecoutez à nouveau l'évangile de cette nouvelle révélation du Dieu de
Salem: « Il paîtra son troupeau comme un berger; il rassemblera les
agneaux dans ses bras et les portera sur son sein. Il donne du pouvoir aux
timides et il accroît la force de ceux qui n'ont pas de puissance. Ceux
qui attendent l'Éternel renouvelleront leur vigueur; ils s'élèveront avec
des ailes, tels des aigles; ils courront et ne seront pas fatigués; ils
marcheront et ne seront pas affaiblis » (8).
(5) Isaïe XLIII-1. |
(6) Isaïe XLIX-15 et 16. |
(7) Isaïe LV-7. |
(8) Isaïe XL-31. |
Ce second Isaïe mena une vaste propagande évangélique en faveur du
concept élargi d'un Jéhovah suprême. Il rivalisa avec Moïse par
l'éloquence avec laquelle il décrivit le Seigneur Dieu d'Israël comme le
Créateur Universel. Il fut poétique dans sa description des attributs
infinis au sujet du Père céleste. Au même titre que les Psaumes, les
écrits d'Isaïe comptent parmi les présentations les plus sublimes et les
plus véridiques du concept spirituel de Dieu qui aient jamais atteint les
oreilles des mortels avant l'arrivée de Micaël sur Urantia. Ecoutez son
portrait de la Déité: « Je suis le haut et le sublime qui habite
l'éternité ». « Je suis le premier et le dernier, et il n'y a pas d'autre
Dieu en dehors de moi ». « Et la main du Seigneur n'est pas si courte
qu'il ne puisse sauver, ni son oreille bouchée pour l'empêcher d'entendre
». Ce fut une nouvelle doctrine pour les populations juives que d'entendre
ce prophète bénin mais plein d'autorité, persister dans sa prédication sur
la constance divine, la fidélité de Dieu. Il déclara que « Dieu
n'oublierait pas et n'abandonnerait pas ».
Cet audacieux éducateur proclama que l'homme était très étroitement lié
à Dieu « J'ai créé pour ma gloire chacun de ceux qui s'appellent de mon
nom, et ils proclameront ma louange. C'est moi, oui moi, qui efface leurs
transgressions par égard pour moi-même, et je ne me souviendrai pas de
leurs péchés ».
Écoutez ce grand Hébreu démolir le concept d'un Dieu national, tandis
qu'en gloire il proclame la divinité du Père Universel dont il dit: « Les
cieux sont mon trône, et la terre est mon marchepied »(9). Le Dieu d'Isaïe
n'en était pas moins saint, juste, majestueux, et insondable. Le concept
du coléreux, vindicatif, et jaloux Jéhovah des Bédouins du désert avait
presque disparu. Un nouveau concept du Jéhovah suprême et universel était
apparu dans la pensée des mortels pour ne jamais plus être perdu de vue
par l'humanité. La conception claire de la nouvelle justice avait commencé
la destruction de la magie primitive et de la peur biologique. L'homme
était enfin introduit dans un univers de loi et d'ordre et présenté à un
Dieu universel sur lequel il pouvait compter et qui possédait des
attributs.
(9) Isaïe LXVI-1.
Isaïe, prédicateur d'un Dieu céleste, ne cessa mais de proclamer le
Dieu d'amour. « J'habite le haut lieu élevé et saint, et aussi avec celui
dont l'esprit est contrit et humble » (10). Ce grand éducateur adressa encore à
ses contemporains de nouvelles paroles d'encouragement: « Et l'Éternel te
guidera continuellement et satisfera ton âme. Tu seras comme un jardin
arrosé, comme une source où l'eau ne manque pas. Si l'ennemi vient sur toi
comme une inondation, l'esprit de l'Éternel élèvera une défense contre lui
» (11). Une fois de plus l'évangile de Melchizédek, destructeur de la peur, et
la religion de Salem, nourrissant la confiance, brillèrent pour la
bénédiction de l'humanité.
(10) Isaïe LVII-15. |
(11) Isaïe LIX-19. |
Le clairvoyant et courageux Isaïe éclipsa efficacement le Jéhovah
nationaliste par son portrait sublime de la majesté et de l'omnipotence
universelle du suprême Jéhovah, Dieu d'amour, souverain de l'univers, et
Père affectueux de toute l'humanité. Depuis ces jours mémorables, le
concept supérieur de Dieu en Occident a toujours englobé la justice
universelle, la miséricorde divine, et la droiture éternelle. Dans un
langage superbe et avec une grâce incomparable, ce grand instructeur
décrivit le Créateur tout-puissant comme le Père aimant tout le monde.
Le second Isaïe prêcha Dieu à ses compatriotes et à des étrangers de
bien des nations, qui l'écoutaient au bord du fleuve à Babylone. Ce
prophète de la captivité contribua beaucoup à neutraliser les nombreuses
conceptions fausses et racialement égoïstes de la mission du Messie
promis, mais il ne réussit pas entièrement dans ses efforts. Si les
prêtres ne s'étaient pas adonnés à bâtir un nationalisme mal conçu, les
enseignements des deux Isaïe auraient préparé la voie à la récognition et
à la réception du Messie attendu.
8. -- HISTOIRE SAINTE ET HISTOIRE PROFANE
L'habitude de considérer le récit des expériences des Hébreux comme
l'histoire sainte, et les opérations du reste du monde comme l'histoire
profane est responsable d'une grande partie de la confusion qui existe
dans la pensée humaine au sujet de l'interprétation de l'histoire. Cette
difficulté s'éleva parce qu'il n'existe pas d'histoire laïque dis Juif.
Durant l'exil à Babylone, les prêtres commencèrent par préparer un nouveau
récit des rapports, supposés miraculeux, de Dieu avec les Hébreux --
l'histoire sainte d'Israël relatée dans l'Ancien Testament. Ensuite ils
détruisirent soigneusement et complètement les archives existantes des
affaires hébraïques -- les livres tels que « Les Actes des Rois d'Israël »
et « Les Actes des Rois de Juda », ainsi que divers récits plus ou moins
exacts de l'histoire des Hébreux.
La pression accablante et la contrainte irrésistible de l'histoire
laïque terrorisaient les Juifs captifs et gouvernés par des étrangers, au
point qu'ils tentèrent de récrire et de refondre complètement leur
histoire. Pour bien comprendre ce point, il est bon de passer brièvement
en revue le compte rendu de leur troublante expérience nationale. Il faut
se rappeler que les Juifs ne réussirent pas à dégager une philosophie
adéquate et non-théologique de la vie. Ils luttèrent avec leur conception
originelle et égyptienne de récompenses divines pour la droiture et de
sévères punitions pour le péché. La dramatique histoire de Job fut quelque
peu une protestation contre cette philosophie erronée. Le franc pessimisme
de l'Ecclésiaste fut une sage réaction terrestre contre les croyances trop
optimistes en la Providence.
Mais cinq cents ans de suzeraineté par des chefs étrangers dépassaient
la mesure, même pour les Juifs patients et endurants. Les prophètes et les
prêtres commencèrent a crier « Jusques à quand, Seigneur, jusques à quand?
(1) » Quand un Juif honnête sondait les Écritures, la confusion de ses pensées
s'aggravait encore. Un ancien voyant avait promis que Dieu protégerait et
délivrerait son « Peuple élu ». Amos avait formulé la menace que Dieu
abandonnerait Israël si ce peuple ne rétablissait pas ses critères de
droiture nationale. Le scribe du Deutéronome avait décrit le Grand Choix
-- entre le bien et le mal, entre la bénédiction et la malédiction. Le
premier Isaïe avait prêché un bienfaisant roi-libérateur. Jérémie avait
proclamé une ère de droiture intérieure -- l'alliance écrite sur les
tablettes du coeur. Ézéchielavait proclamé la délivrance par la piété du
service, et Ezra avait promis la prospérité par adhésion à la foi. Malgré
tout cela, les Juifs se traînaient dans la servitude, et leur délivrance
était différée. Daniel présenta alors le drame de la crise imminente -- le
bris de la grande statue et l'établissement immédiat du règne perpétuel de
la droiture, le royaume messianique.
(1) Isaïe VI-11.
Tous ces faux espoirs amenèrent les Juifs à un tel degré de déception
et de frustration raciale que leurs chefs se troublèrent au point de ne
pas accepter et de ne pas reconnaître la mission et le ministère d'un
divin Fils du Paradis lorsqu'il vint bientôt vers eux dans la similitude
d'une chair mortelle -- incarné en tant que Fils de l'Homme.
Toutes les religions modernes ont commis de sérieuses bévues en
essayant d'interpréter miraculeusement certaines époques de l'histoire. Il
est vrai que Dieu a maintes fois tendu une main maternelle en intervenant
providentiellement dans la marche des affaires humaines, mais il est faux
de considérer des dogmes théologiques et des superstitions religieuses
comme une sédimentation surnaturelle apparaissant par une action
miraculeuse dans le cours de l'histoire. Le fait que les « très Hauts
gouvernent le royaume des hommes » ne convertit pas l'histoire laïque en
une histoire soi-disant sainte.
Des auteurs du Nouveau Testament et des écrivains chrétiens ultérieurs
compliquèrent encore la déformation de l'histoire hébraïque par leurs
tentatives bien intentionnées pour présenter les prophètes juifs comme
transcendants. L'histoire hébraïque fut ainsi exploitée désastreusement
par des écrivains tant juifs que chrétiens. L'histoire laïque des Hébreux
a été complètement dogmatisée. Elle a été convertie en une fiction
d'histoire sainte et elle est devenue inextricablement liée aux
conceptions morales et aux enseignements religieux des nations dites
chrétiennes.
Un bref exposé des points saillants de l'histoire hébraïque illustrera
comment les faits contenus dans les archives furent déformés à Babylone
par les prêtres juifs, au point de transformer l'histoire laïque
quotidienne de leur peuple en une histoire fictive et prétendue sainte.
9. -- L'HISTOIRE DES HÉBREUX
Il n'y eut jamais douze tribus d'Israélites -- mais seulement trois ou
quatre tribus établies en Palestine. La nation hébraïque prit corps par
suite de l'union des soi-disant Israélites et des Cananéens. « Et les
enfants d'Israël habitèrent parmi les Cananéens (1). Et ils prirent leurs
filles pour femmes et donnèrent leurs filles aux fils des Cananéens ». Les
Hébreux ne chassèrent jamais les Cananéens de Palestine, en dépit des
chroniques établies à ce sujet par les prêtres qui affirmèrent sans
hésiter cette expulsion.
(1) Juges III-5.
La conscience israélienne prit origine dans la contrée montagneuse
d'Ephraïm; la conscience juive ultérieure naquit dans le clan méridional
de Juda. Les Juifs (les Judaïtes) cherchèrent toujours à diffamer et à
noircir l'histoire des Israélites du nord (les Éphraïmites).
La prétentieuse histoire des Hébreux commence avec Saül ralliant les
clans du nord pour résister à une attaque des Ammonites contre les hommes
d'une tribu semblable -- les Giléadites -- à l'est du Jourdain. Avec une
armée d'un peu plus de trois mille hommes il vainquit l'ennemi, et ce fut
cet exploit qui amena les tribus des montagnes à en faire leur roi.
Lorsque les prêtres exilés récrivirent cette histoire, ils élevèrent à
330.000 le nombre des soldats de Saül et ajoutèrent « Juda » à la liste
des tribus ayant participé à la bataille.
Immédiatement après la défaite des Ammonites, Saül devint roi par une
élection populaire de ses troupes. Nul prêtre ou prophète ne participa à
cette affaire. Mais les prêtres inscrivirent plus tard dans les chroniques
que Saül avait été couronné roi par Samuel conformément à des ordres
divins (2). Ils agirent ainsi afin d'établir une « ligne divine de descendance
» pour le royaume Judaïte de David.
(2) I Samuel X-1.
Parmi les altérations de l'histoire juive, la plus grande concerne
David. Après la victoire de Saül sur les Ammonites (victoire qu'il
attribua à Jéhovah) les Philistins s'alarmèrent et commencèrent à attaquer
les clans du nord, David et Saül ne purent jamais s'entendre. David, avec
six cents hommes, conclut une alliance avec les Philistins et remonta la
côte jusqu'à Esdraélon. À Gath, les Philistins ordonnèrent à David de
quitter le champ de bataille. Ils craignaient qu'il ne se rallie à Saül.
David se retira; les Philistins attaquèrent et battirent Saül. Ils n'y
seraient jamais parvenus si David avait été fidèle à Israël. L'armée de
David était un assemblage polyglotte de mécontents, composé en majeure
partie d'inadaptés sociaux et de délinquants fuyant la justice.
La défaite tragique de Saül à Gilboa par les Philistins déprécia
beaucoup Jéhovah aux yeux des Cananéens du voisinage. Ordinairement, la
défaite de Saül aurait été attribuée à une apostasie envers Jéhovah, mais
cette fois-ci les éditeurs Judaïtes l'attribuèrent à des erreurs de
rituel. Ils avaient besoin de la tradition de Saül et de Samuel comme
arrière-plan pour le règne de David.
David, avec sa petite armée, établit son quartier général à Hébron,
ville non hébraïque. Ses compatriotes ne tardèrent pas à le proclamer roi
du royaume de Juda. Juda était principalement composé d'éléments non
Hébreux -- Kénites, Calébites, Jébusites, et autres Cananéens. Ils étaient
des nomades -- des pâtres -- donc partisans de l'idée hébraïque sur la
propriété collective de la terre. Ils étaient attachés aux idéologies des
clans du désert.
La différence entre l'histoire sainte et l'histoire profane est bien
illustrée par les deux récits différents concernant le couronnement de
David comme roi, tels qu'on les trouve dans l'Ancien Testament. Une partie
de l'histoire profane sur la manière dont ses partisans immédiats (son
armée) le nommèrent roi fut laissée par inadvertance dans les archives par
les prêtres qui préparèrent ultérieurement la longue et prosaïque version
de l'histoire sainte. Celle-ci décrit comment, par gouverne divine, le
prophète Samuel choisit David parmi ses compagnons et procéda ensuite
officiellement, par des cérémonies compliquées et solennelles, à son
onction comme roi des Hébreux, puis à sa proclamation comme successeur de
Saül.
C'est ainsi que bien des fois, après avoir réparé leurs récits fictifs
des interventions miraculeuses de Dieu auprès d'Israël, les prêtres
omirent de détruire complètement les données claires et positive déjà
incluses dans les Chroniques.
David chercha à se créer une situation politique en épousant d'abord la
fille de Saül, puis la veuve de Nabal, le riche Édomite, et ensuite la
fille de Talmaï, roi de Guerschur. Il prit six épouses parmi les femmes de
Jébus, sans compter Bethsabée, la femme du Hittite.
Ce fut par ces méthodes et avec ces méthodes et avec ces personnages que
David élabora la fiction un divin royaume de Juda, succédant à héritage et
aux traditions du royaume du nord formé par l'Israël d'Ephraïm, alors en
voie de disparition. La tribu cosmopolite de David, dite de Juda, se
composait de plus de Gentils que de Juifs; les aînés d'Ephraïm, bien
qu'opprimés descendirent cependant de leur montagnes et « l'oignirent roi
d'Israël ». Après une menace militaire, David fit un pacte avec les
Jébusites et installa la capitale du royaume uni à Jébus (Jérusalem), qui
était une ville bien fortifiée à mi-chemin entre Juda et Israël. Les
Philistins en furent irrités et ne tardèrent pas à attaquer David. Après
une farouche bataille, ils furent vaincus, et Jéhovah fut établi une fois
de plus en tant que « Dieu, l'Éternel des Armées ».
Mais il fallait à tout prix que Jéhovah partageât une partie de sa
gloire avec les Dieux cananéens, car le gros de l'armée de David n'était
pas hébreu. C'est pourquoi l'on voit apparaître dans vos Écritures une
indication révélatrice à laquelle les éditeurs judaïtes ne prêtèrent pas
attention: «Jéhovah a fait une brèche au milieu de mes ennemis devant moi;
c'est pourquoi il appela le nom de ce lieu Baal Pératsim »(1). Cela eut lieu
parce que quatre-vingts pour cent des soldats de David étaient des Baalites.
(1) Le Baal des Brèches, 2 Samuel V-20.
David expliqua la défaite de Saül à Gilboa en faisant remarquer que
Saül avait attaqué une ville cananéenne, Gilboa, dont la population avait
un traité de paix avec les Éphraïmites. C'est pourquoi Dieu l'avait
abandonné. Même du temps de Saül, David avait défendu la ville cananéenne
de Kella contre les Philistins, puis choisi pour capitale une ville
cananéenne. Fidèle à sa politique de compromis avec les Cananéens, David
remit sept descendants de Saül aux Gibéonites pour être pendus.
Après la défaite des Philistins, David prit possession de « l'arche de
l'Éternel », l'amena à Jérusalem, et rendit officiel le culte de Jéhovah
dans son royaume. Il imposa ensuite un lourd tribut aux peuplades
environnantes -- les Édomites, les Moaabites, les Ammonites, et les
Syriens.
Le comité politique corrompu du parti de David commença à prendre
personnellement possession de terres dans le nord, en violation des moeurs
hébraïques, et s'empara bientôt des taxes sur les caravanes, précédemment
perçues par les Philistins. Vint ensuite une série d'atrocités culminant
dans le meurtre d'Urie. Tous les appels judiciaires étaient jugés à
Jérusalem; «les anciens » ne pouvaient plus rendre justice. Naturellement,
la rébellion éclata. Aujourd'hui, on qualifierait Absalon de démagogue; sa
mère était une Cananéenne. Il y avait une demi-douzaine de prétendants au
trône en dehors de Salomon, le fils de Bethsabée.
Après la mort de David, Salomon expurgea l'organisation politique de
toute influence nordique, mais n'abandonna rien de la tyrannie et de la
taxation du régime de son père. Salomon ruina la nation par les
prodigalités de sa cour et par son programme compliqué de constructions
comprenant la maison du Liban, le palais de la fille du pharaon, le temple
de Jéhovah, le palais du roi, et la restauration des murs de nombreuses
villes. Il avait près de mille femmes dans son harem.
À cette époque, le temple de Jéhovah à Siloé tomba en discrédit, et
tout le culte de la nation fut concentré à Jébus, dans la fastueuse
chapelle royale. Le royaume du nord se tourna davantage vers l'adoration
d'Elohim. Il bénéficiait de la faveur du Pharaon qui asservit
ultérieurement Juda en soumettant le royaume du sud au tribut.
Il y eut des hauts et des bas -- des guerres entre Israël et Juda.
Après quatre années de guerre civile et trois dynasties Israël tomba sous
la coupe de despotes citadins qui commencèrent à faire commerce des
terres. Le roi Omri essaya même d'acquérir Shémer (2). Mais la fin approcha
rapidement lorsque Salmanasar Il décida de contrôler la côte
méditerranéenne (3). Achab, roi d'Ephraïm, rassembla dix autres groupes et
résista à Karkar; la bataille resta indécise. L'avance de l'Asyrien fut
arrêtée, mais les alliés furent décimés. Cette bataille n'est même pas
mentionnée dans l'Ancien Testament.
De nouvelles difficultés apparurent quand le roi Acbab essaya d'acheter
des terres à Naboth. Jézabel, sa femme phénicienne, imita la signature
d'Achab sur les documents ordonnant la confiscation de la terre de Naboth
accusé d'avoir blasphémé les noms « d'Elohim et du roi ». Naboth et ses
fils furent rapidement mis à mort (4). L'énergique Élie apparut sur la
scène,.accusant Acliab du meurtre des Naboth. C'est ainsi qu'Élie, l'un
des plus grands prophètes, commença son enseignement comme défenseur des
anciennes moeurs concernant les terres, en opposition avec le comportement
des Baalim vendeurs de terres et avec la tentative des villes pour dominer
le pays. Mais la réforme n'aboutit pas avant le moment où un grand
propriétaire terrien, Jéhu, joignit ses forces à celles du roitelet nomade Jonadab pour détruire les prophètes (agents immobiliers) de Baal à
Samarie (5).
(2) Schémer ou la Samarie, I Rois
XVI-24. |
(3) 2 Rois XVIII-9. |
(4) 1 Rois XXI. |
(5) 2 Rois X. |
Un regain de vie apparut lorsque Joas et son fils Jéroboam délivrèrent
Israël de ses ennemis (6). Mais à cette époque la Samarie était gouvernée par
une féodalité de brigands dont les déprédations rivalisaient avec celles
de l'ancienne dynastie de David. L'État et l'Église coopéraient
étroitement. Leurs tentatives pour supprimer la liberté de parole
conduisirent Élie, Amos, et Osée à écrire en secret, et ce fut le
véritable commencement des Bibles juive et chrétienne.
(6) 2 Rois XIV-23.
Le royaume du nord ne fut pas effacé de l'histoire avant le moment où
le roi d'Israël conspira avec le roi d'Égypte et refusa de continuer à
payer tribut a l'Assyrie. Alors commença un siège de trois ans suivi par
la dispersion totale des populations du nord. Ephraïm (Israël) disparut
ainsi. Juda -- les Juifs, le « reste d'Israël » -- avait commencé à
concentrer les terres entre les mains d'un petit nombre, « accumulant
maison après maison et champ après champ » comme disait Isaïe. Il y eut
bientôt à Jérusalem un temple de Baal à côté du temple de Jéhovah. Ce
règne de la terreur se termina par une révolte monothéiste conduite par le
tout jeune roi Joas qui fit ensuite croisade pendant trente-cinq ans en
faveur de Jéhovah.
Amatsia, le roi suivant, eut des difficultés avec les contribuables
édomites en révolte et avec leurs voisins. Après une victoire éclatante,
il se mit à attaquer ses voisins du nord et subit une défaite tout aussi
retentissante. Ensuite les paysans se révoltèrent; ils assassinèrent le
roi et mirent sur le trône son fils de seize ans Azaria (7) appels Uzza par
Isaïe. Après Uzza, les choses allèrent de mal en pis, et Juda vécut
pendant cent ans en payant tribut aux rois d'Assyrie. Le premier Isaïe
leur dit que Jérusalem, étant la ville de Jéhovah, ne tomberait jamais,
mais Jérémie n'hésita pas à proclamer sa chute.
(7) 2 Rois XIV-19 et XV-1.
La véritable ruine de Juda fut amenée par une bande de riches
politiciens corrompus, sous le gouvernement du roi-enfant Manassé.
L'économie changeante favorisa le retour à l'adoration de Baal, dont les
opérations immobilières privées sur les terres étaient contraires à
l'idéologie de Jéhovah. La chute de l'Assyrie et l'ascendant de l'Égypte
amenèrent pour un temps la délivrance de Juda, et les paysans prirent le
pouvoir. Sous Josias, ils détruisirent la horde des politiciens corrompus
de Jérusalem.
Cette ère prit fin tragiquement lorsque Josias prétendit sortir pour
intercepter la puissante armée du pharaon Nécho qui remontait la côte en
venant d'Égypte pour aider l'Assyrie contre Babylone. Josias fut balayé,
et Juda dut payer tribut à l'Égypte. Le parti politique de Baal revint au
pouvoir à Jérusalem, et c'est alors que commença la véritable servitude
égyptienne. Vint ensuite une période au cours de laquelle les politiciens
de Baal contrôlèrent à la fois les tribunaux et la prêtrise. L'adoration
de Baal était un système économique et social concernant les droits de
propriété ainsi que la fertilité du sol.
Lorsque Nébucadnetsar renversa Nécho, Juda tomba sous la suzeraineté de
Babylone et reçut dix ans de grâce, mais ne tarda pas a se révolter.
Nébucadnetsar l'attaqua. Les Judaïtes inaugurèrent alors des réformes
sociales, telles que l'affranchissement des esclaves, pour influencer
Jéhovah. L'armée babylonienne se retira temporairement, et les Hébreux se
réjouirent de ce que la vertu magique de leur réforme les eût délivrés. Ce
fut durant cette période que Jérémie leur annonça le sort fatal qui les
attendait, et bientôt Nébucadnetsar revint.
La fin de Juda survint alors soudainement. Sa capitale fut détruite et
le peuple emmené à Babylone. La lutte Jéhovah-Baal se termina par la
captivité, et le contrecoup de la captivité ramena le reste d'Israël au
monothéisme.
À Babylone, les Juifs arrivèrent à la conclusion qu'ils ne pouvaient
subsister en Palestine en tant que petit groupe ayant ses propres coutumes
économiques et sociales, et que si leurs idéologies devaient prévaloir, il
leur fallait convertir les Gentils. C'est ainsi que prit naissance leur
nouveau concept de la destinée -- l'idée que les Juifs devaient être les
serviteurs élus de Jéhovah. La religion juive de l'Ancien Testament
accomplit réellement son évolution à Babylone durant la captivité.
La doctrine de l'immortalité prit également forme à Babylone. Les Juifs
avaient cru que l'idée de la vie future détournait l'attention de leur
évangile de justice sociale. Maintenant, pour la première fois, la
théologie remplaçait la sociologie et l'économie. La religion prenait
corps en tant que système de pensée et de conduite de plus en plus séparé
de la politique, de la sociologie, et de l'économie.
C'est ainsi que la vérité au sujet du peuple juif révèle que bien des
événements considérés comme appartenant à l'histoire sainte, ne
représentent guère plus que la chronique de l'histoire profane ordinaire.
Le Judaïsme fut le terrain dans lequel grandit le Christianisme, mais les
Juifs ne furent pas un peuple miraculeux.
10. -- LA RELIGION HÉBRAÏQUE
Leurs chefs avaient enseigné aux Israélites qu'ils étaient un peuple
élu, non à cause d'une indulgence et d'un monopole spéciaux de la faveur
divine, mais à cause de leur mission particulière d'apporter à toutes les
nations la vérité d'un Dieu unique et suprême. Ils avaient promis aux
Juifs que, s'ils accomplissaient cette destinée, ils deviendraient les
dirigeants spirituels de tous les peuples, et que le Messie attendu
régnerait sur eux et sur le monde entier comme Prince de la Paix.
Quand les Juifs eurent été libérés par les Persans, ils ne revinrent en
Palestine que leur pour retomber sous la servitude de leurs propres
prêtres, avec leur code de lois, de sacrifices, et de rituels. De même que
les clans hébreux avaient rejeté la merveilleuse histoire de Dieu
présentée dans le discours d'adieu de Moïse sur les rites de sacrifice et
de pénitence, de même ces restes de la nation hébraïque rejetèrent la
magnifique conception du second Isaïe sur les lois, les règles, et les
rites de leur nation grandissante.
L'égoïsme national, la fausse confiance en un Messie promis et mal
compris, ainsi que la servitude et la tyrannie croissante de la prêtrise,
réduisirent définitivement au silence les voix des dirigeants spirituels
(sauf Daniel, Ezéchiel, Aggée, et Malachie). Depuis cette époque jusqu'à
celle de Jean le Baptiste, tout Israël subit une régression spirituelle
constante. Toutefois, les Juifs ne perdirent jamais le concept du Père
Universel; même jusqu'au XXième siècle après le Christ, ils maintinrent
cette conception de la Déité.
Depuis Moïse jusqu'à Jean le Baptiste étend une ligné ininterrompue
d'éducateurs fidèles qui transmirent de génération en génération le
flambeau de la lumière monothéiste, tandis qu'ils réprimandaient sans
cesse les chefs sans scrupules, dénonçaient les prêtres faisant commerce,
et exhortaient toujours les populations à se rallier à l'adoration du
suprême Jéhovah, le Seigneur Dieu d'Israël.
En tant que nation, les Juifs finirent par perdre leur identité
politique, mais la religion hébraïque de croyance sincère en un lieu
unique et universel continue à vivre dans le coeur des exilés dispersés.
Cette religion survit parce quelle a efficacement fonctionné pour
conserver les plus hautes valeurs de ses partisans. La religion juive a
bien réussi à préserver les idéaux d'un peuple, mais non à entretenir le
progrès et à encourager la découverte philosophique créative dans le
domaine de la vérité. La religion juive avait beaucoup de défauts -- elle
était déficiente en philosophie et à peu près dépourvue de qualités
esthétiques -- mais elle conserve les valeurs morales, et c'est pourquoi
elle subsista. Comparé avec d'autres concepts de la Déité, le suprême
Jéhovah était bien clair, vivant, personnel, et moral.
Les Juifs aimaient la justice, la sagesse, la vérité, et la droiture
comme peu de peuples l'on fait, mais ils ont moins contribué que tous les
autres peuples à la compréhension intellectuelle et spirituelle de ces
qualités. Bien que la théologie hébraïque ait refusé de s'amplifier, elle
a joué un rôle important dans le développement de deux autres religions
mondiales, le christianisme et le mahométisme.
La religion juive persista aussi à cause de ses institutions. Il est
difficile à une religion de survivre en tant que pratique personnelle
d'individus isolés. Les chefs religieux ont toujours commis l'erreur
suivante: apercevant les maux de la religion institutionnelle, ils
cherchent à détruire la technique de son fonctionnement collectif. Au lieu
de détruire tout le rituel, ils feraient mieux de le réformer. Sous ce
rapport, Ézéchielfut plus sage que ses contemporains. Il se joignit a eux
pour insister sur la responsabilité morale personnelle, mais il entreprit
aussi d'établir l'observance fidèle d'un rituel, supérieur et purifié.
C'est ainsi que les éducateurs successifs d'Israël effectuèrent dans
l'évolution religieuse le plus grand accomplissement qui ait eu lieu sur
Urantia: la transformation graduelle, mais continue, du concept barbare du
sauvage démon Jéhovah, le jaloux et cruel dieu-esprit du fulminant volcan
du Sinaï, en un concept ultérieur, exalté et céleste, du Jéhovah suprême,
créateur de toutes choses et Père miséricordieux de toute l'humanité. Ce
concept hébraïque de Dieu fut l'évocation humaine la plus élevée du Père
Universel jusqu'au moment où il fut encore élargi et amplifié avec un
charme extrême par les enseignements personnels et l'exemple de la vie de
son Fils, Micaël de Nébadon.
[Présenté par un Melchizédek de Nébadon.]
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