L'ÉPOQUE DE L'EFFUSION DE MICAËL
JE SUIS le médian secondaire qui fut jadis attaché à l'Apôtre André, et
j'agis sous la supervision d'une commission, de douze membres de la
Confraternité Unie des Médians d'Urantia parrainée conjointement par le
chef présidant notre ordre et par le Melchizédek en fonction. Je suis
autorisé à rédiger le récit des expériences de la vie de Jésus de Nazareth
telles qu'elles ont été observées par mon ordre de créatures terrestres et
telles qu'elles furent ensuite partiellement rapportées par le sujet
humain dont j'étais le gardien temporel. Sachant combien son Maître
évitait scrupuleusement de laisser des traces écrites de son passage,
André refusa fermement de multiplier les copies de sa narration écrite. Un
comportement similaire chez les autres apôtres de Jésus retarda
considérablement la rédaction des Évangiles.
1. -- L'OCCIDENT AU PREMIER SIÈCLE DE L'ÈRE
CHRÉTIENNE
Ce n'est pas au cours d'un âge de décadence spirituelle que Jésus est
venu dans ce monde. Au moment de sa naissance, Urantia passait par une
renaissance de pensée spirituelle et de vie religieuse comme elle n'en
avait pas connue dans toute son histoire antérieure depuis Adam, et comme
il n'y en a eu à aucune époque depuis lors. Lorsque Micaël s'incarna sur
Urantia, le monde offrait, pour l'effusion du Fils Créateur, l'ambiance la
plus favorable qui ait jamais prévalu précédemment ou se soit présentée
par la suite. Au cours des siècles immédiatement antérieurs à cette
époque, la culture et la langue grecques s'étaient répandues dans
l'Occident et le Proche-Orient. Les Juifs étaient une race levantine de
nature partie occidentale et partie orientale; ils se trouvaient donc
éminemment qualifiés pour utiliser ce cadre culturel et linguistique en
vue de répandre efficacement une nouvelle religion à la fois en Orient et
en Occident. Ces circonstances très favorables étaient encore rehaussées
par la tolérance politique du gouvernement du monde méditerranéen par les
Romains.
Toute cette combinaison d'influences mondiales est bien illustrée par
les activités de Paul, de qui la culture religieuse était celle d'un
Hébreu d'entre les Hébreux et qui proclama en langue grecque l'évangile
d'un Messie juif, tandis que lui-même était citoyen romain.
Rien de semblable à la civilisation du temps de Jésus n'a été vu en
Occident avant ou depuis cette époque. La civilisation européenne fut
unifié et coordonnée sous une triple influence extraordinaire:
|
1. Les systèmes politiques et sociaux romains. |
|
2. Le langage et la culture de la Grèce -- et dans
une certaine mesure sa philosophie. |
|
3. L'influence en rapide expansion des enseignements
moraux et religieux des Juifs. |
À la naissance de Jésus, le monde méditerranéen en entier était un
empire unifié. Pour la première fois dans l'histoire, de bonnes routes
reliaient de nombreux centres majeurs. Les mers étaient débarrassées des
pirates, et une grande ère de commerce et de voyages s'ouvrait rapidement.
Depuis le Christ jusqu'au XIXième siècle, l'Europe n'a plus joui d'une
période semblable de commerce et de voyages.
Nonobstant la paix intérieure et la prospérité superficielle du monde
gréco-romain, la majorité des habitants de l'empire languissait dans une
misère sordide. La classe supérieure peu nombreuse était riche; une classe
inférieure misérable et appauvrie englobait la masse de l'humanité. En ces
jours-là, il n'y avait pas de classe moyenne heureuse et prospère; cette
classe venait juste de naître dans la société romaine.
Les premières luttes entre les États en voie d'expansion des Romains et
des Parthes avaient récemment pris fin, laissant la Syrie aux mains des
Romains. À l'époque de Jésus, la Syrie et la Palestine jouissaient d'une
période de prospérité, de paix relative, et de rapports commerciaux très
étendus avec les pays de l'Orient et de l'Occident.
2. -- LE PEUPLE JUIF
Les Juifs faisaient partie de la race sémitique pus ancienne qui
incluait aussi les Babyloniens, les Phéniciens, et les plus récents
ennemis de Rome, les Carthaginois. Au début du premier siècle de l'ère
chrétienne, les Juifs étaient le groupe le plus influent des peuples
sémitiques, et il se trouva qu'ils occupaient une position géographique et
stratégique particulière dans le monde tel qu'il était alors gouverné et
organisé pour le commerce.
Beaucoup de grandes routes reliant les nations de l'antiquité passaient
par la Palestine qui devint ainsi le point de contact, la croisée des
chemins, de trois continents. Les voyageurs, le commerce, et les armées de
Babylone, d'Assyrie, d'Égypte, de Syrie, de Grèce, de Parthie, et de Rome
passèrent successivement par la Palestine. Depuis des temps immémoriaux,
beaucoup de caravanes d'Orient traversaient tell ou telle partie de cette
région en allant vers les rares bons ports de mer de l'extrémité orientale
de la Méditerranée, d'où des bateaux transportaient leurs cargaisons à
tout l'Occident maritime. Plus de la moitié du trafic de ces caravanes
passait par la petite ville de Nazareth en Galilée, ou à proximité.
Bien que la Palestine fût le foyer de la culture religieuse juive et le
lieu de naissance du christianisme, les Juifs étaient répandus dans le
monde entier, implantés dans beaucoup de nations, et pratiquaient le
commerce dans toutes les provinces des États romain et parthe.
La Grèce apportait un langage et une culture, Rome construisait les
routes et unifiait un empire, mais la dispersion des Juifs, avec plus de
deux cents synagogues et leurs communautés religieuses bien organisées
réparties çà et là dans tout le monde romain, fournissait les centres
culturels où le nouvel évangile du royaume des cieux reçut son accueil
initial et d'où il se répandit par la suite aux confins de la terre.
Chaque synagogue juive tolérait une faible proportion de croyants
venant de chez les Gentils, des hommes « dévots » ou « craignant Dieu »,
et c'est parmi ces prosélytes extérieurs que Paul opéra la majeurs partie
de ses conversions au christianisme. Même au temple de Jérusalem, il y
avait pour les Gentils une cour surchargée d'ornements. La culture, le
commerce, et le culte de Jérusalem étaient très étroitement liés avec ceux
d'Antioche. C'est à Antioche que les disciples de Paul furent appelés pour
la première fois « les Chrétiens ».
La centralisation du culte au temple de Jérusalem constituait à la fois
le secret de la survivance du monothéisme juif et la promesse qu'il
nourrirait et répandrait dans le monde un nouveau concept élargi de
l'unique Dieu de toutes les nations et Père de tous les hommes. Le service
du temple à Jérusalem représentait la survivance d'un concept culturel
religieux en face de la chute d'une succession de suzerains Gentils,
persécuteurs raciaux de la nation juive.
Bien que le peuple juif de l'époque fût sous la suzeraineté romaine, il
jouissait d'une très grande autonomie gouvernementale. Il se rappelait les
héroïques exploits de délivrance alors récemment accomplis par Judas
Macchabée et ses successeurs immédiats; il vibrait dans l'attente de
l'apparition toute prochaine d'un libérateur encore plus grand, le Messie
longtemps attendu.
Le secret de la survie de la Palestine, royaume des Juifs, était
intimement lié à la politique étrangère du gouvernement romain qui
désirait conserver le contrôle de la grande route palestinienne de transit
entre la Syrie et l'Égypte, ainsi que les terminus occidentaux des routes
des caravanes entre l'Orient et l'Occident. Rome ne souhaitait pas qu'une
puissance put s'élever dans le Levant avec la possibilité de brider son
expansion future dans ces régions. La politique d'intrigues qui avait pour
objet d'opposer la Syrie Séleucide et l'Égypte des Ptolémées conduisait à
entretenir un État indépendant en Palestine. La politique romaine, la
dégénérescence de l'Égypte, et l'affaiblissement progressif des Séleucides
devant le pouvoir croissant des Parthes expliquent pourquoi, pendant
plusieurs générations, un faible petit groupe de Juifs parvint à maintenir
son indépendance à la fois contre les Séleucides au nord et les Parthes au
sud. C'est donc à des circonstances fortuites que les Juifs devaient
d'être libres et indépendants du gouvernement politique des peuples plus
puissants qui les entouraient, mais ils l'attribuaient au fait qu'ils
étaient le « peuple élu », à l'intervention directe de Jéhovah. Cette
attitude de supériorité raciale leur rendit d'autant plus dur de supporter
la suzeraineté romaine lorsqu'elle s'abattit finalement sur leur pays.
Même à ce triste moment, les Juifs refusèrent d'apprendre que leur mission
mondiale était spirituelle et non politique.
Les Juifs étaient normalement craintifs et soupçonneux à l'époque de
Jésus, parce qu'ils étaient alors gouvernés par un étranger, Hérode
l'Iduméen, qui s'était emparé de la suzeraineté sur la Judée en
s'insinuant habilement dans les bonnes grâces des dirigeants romains. Bien
qu'Hérode professât d'être loyal aux observances du cérémonial juif, il se
mit à construire des temples pour nombre de dieux étrangers.
Les relations amicales d'Hérode avec les dirigeants romains
permettaient aux Juifs de voyager en sécurité dans le monde. Elles
frayaient donc le chemin à une pénétration accrue des Juifs, même dans les
régions lointaines de l'empire romain et dans les nations étrangères avec
lesquelles Rome avait des traités; les Juifs pouvaient y apporter leur
nouvel évangile du royaume des cieux. Le règne d'Hérode contribua aussi
beaucoup à la fusion des philosophies hébraïque et hellénique.
Hérode bâtit le port de Césarée qui contribua encore à faire de la
Palestine la croisée des chemins du monde civilisé. Il mourut en l'an 4
avant l'ère chrétienne, et son fils Hérode Antipas gouverna la Galilée et
la Pérée pendant la jeunesse et le ministère de Jésus, et jusqu'à l'an 39
de l'ère chrétienne. Comme son père, Antipas était un grand bâtisseur. Il
reconstruisit beaucoup de villes de Galilée, y compris l'important centre
commercial de Séphoris.
Les Galiléens ne jouissaient pas pleinement de la faveur des chefs
religieux et des maîtres rabbiniques de Jérusalem. A la naissance de
Jésus, la Galilée hébergeait plus de Gentils que de Juifs.
3. -- PARMI LES GENTILS
Bien que les conditions économiques et sociales de l'État romain ne
fussent pas de l'ordre le plus élevé, il y régnait une paix intérieure et
une prospérité propices à l'effusion de Jésus. Au premier siècle de l'ère
chrétienne, la société du monde méditerranéen se composait de cinq classes
bien définies:
1. L'aristocratie. Les classes supérieures
possédant de la fortune et le pouvoir officiel -- les groupes privilégiés
et les dirigeants.
2. Les groupes d'affaires. Les princes des
marchands et les banquiers -- les grands importateurs et exportateurs --
les commerçants internationaux.
3. La classe moyenne peu nombreuse. Bien que ce
groupe fût vraiment restreint, il était très influent et fournit
l'ossature de l'Église chrétienne primitive qui, encouragea ses membres à
continuer d'exercer leurs divers métiers et commerces. Parmi les Juifs,
beaucoup de pharisiens appartenaient à cette classe de commerçants.
4. Le prolétariat libre. Les hommes appartenant à
ce groupe avaient un statut social très médiocre ou insignifiant. Bien
qu'ils fussent fiers de leur liberté, ils étaient très désavantagés parce
qu'ils étaient forcés de concurrencer la main d'oeuvre esclave. Les
classes supérieures les considéraient avec dédain, estimant qu'ils étaient
inutiles sauf pour « la reproduction ».
5. Les esclaves. La moitié des habitants de l'État
romain se composait d'esclaves. Un assez grand nombre d'entre eux étaient
des individus supérieurs qui faisaient rapidement leur chemin en S'élevant
dans le prolétariat libre et même dans le commerce, mais en majorité ils
étaient médiocres ou très inférieurs.
La réduction à l'esclavage, même des peuples supérieurs, caractérisait
les conquêtes militaires romaines. Les maîtres disposaient d'un pouvoir
absolu sur leurs esclaves. L'Église chrétienne primitive était composée en
grande partie de ces esclaves et des classes inférieures de la population.
Les esclaves supérieurs recevaient souvent des salaires qu'ils
pouvaient économiser pour acheter leur liberté. Beaucoup de ces esclaves
émancipés s'élevaient à de hautes situations dans l'État, l'Église, ou le
monde des affaires. Ce sont précisément ces possibilités qui rendirent
l'Église chrétienne primitive si tolérante envers cette forme modifiée
d'esclavage.
Au premier siècle de l'ère chrétienne, il n'y avait pas de problème
social général. La majeure partie de la population se considérait comme
appartenant au groupe où le hasard l'avait fait naître. Il y avait
toujours une porte ouverte par laquelle les individus doués et capables
pouvaient s'élever des classes inférieures aux classes supérieures de la
société romaine, mais les gens acceptaient généralement leur rang social.
Ils n'avaient pas de conscience de classe et ne considéraient pas les
distinctions de classes comme mauvaises ou injustes. Le christianisme
n'était en aucun sens un mouvement économique ayant pour but de pallier la
misère des classes opprimées.
Les femmes avaient plus de liberté dans tout l'empire romain qu'en
Palestine avec leur statut limité, mais la dévotion familiale et la
gentillesse naturelle des Juifs surpassaient de loin celles du monde des
Gentils.
4. -- LA PHILOSOPHIE DES GENTILS
Au point de vue moral, les Gentils étaient quelque peu inférieurs aux
Juifs, mais il existait dans le coeur des Gentils un vaste terrain de
bonté naturelle et un potentiel d'affection humaine où la semence du
christianisme pouvait germer et produire une abondante récolte de
caractères moraux et de réussites spirituelles. Le monde des Gentils était
alors dominé par quatre grandes philosophies, toutes plus ou moins
dérivées du platonisme grec primitif. Ces écoles de philosophie étaient
les suivantes:
1. Les Épicuriens. Cette école de pensée
était consacrée à la poursuite du bonheur. Les meilleurs Epicuriens ne
s'adonnaient pas aux excès sensuels. Leur doctrine eut au moins le mérite
d'aider les Romains à se délivrer d'une forme désastreuse du fatalisme;
elle enseignait que les hommes avaient faire quelque chose pour améliorer
leur statut terrestre. Elle combattit efficacement les superstitions
ignorantes.
2. Les Stoïciens. Le stoïcisme était la philosophie
supérieure des meilleures classes. Les Stoïciens croyaient qu'un
Destin-Raison directeur dominait toute la nature. Ils enseignaient que
l'âme de l'homme était divine et emprisonnée dans un corps mauvais de
nature physique. L'âme de l'homme atteignait la liberté en vivant en
harmonie avec la nature, avec Dieu, et ainsi la vertu devenait sa propre
récompense. Le stoïcisme s'éleva à une moralité sublime, à des idéaux qui
ne furent jamais surpassés depuis lors par aucun système de philosophie
purement humain. Les Stoïciens se déclaraient «descendants de Dieu », mais
ils ne réussirent pas à le connaître, et donc pas à le trouver. Le
stoïcisme resta une philosophie et ne devint jamais une religion. Ses
adeptes cherchaient à mettre leurs pensées à l'unisson de l'harmonie de la
Pensée Universelle, mais ne parvinrent pas à se considérer comme les
enfants d'un Père aimant. Paul inclinait fortement vers le stoïcisme
lorsqu'il écrivit: « Dans quelque état que je me trouve, j'ai appris à en
être satisfait » (1).
(1) Épître aux Philippiens IV-11.
3. Les Cyniques. Bien que les Cyniques fissent
remonter leur philosophie à Diogène l'Athénien, ils tiraient une grande
partie de leur doctrine des vestiges des enseignements de Machiventa
Melchizédek. Autrefois, le cynisme avait plus tenu de la religion que de
la philosophie. Tout au moins les Cyniques rendirent-ils démocratique leur
religio-philosophie. Dans les campagnes et sur les places des marchés, ils
prêchaient continuellement leur doctrine que « l'homme pouvait se sauver
s'il le voulait ». Ils prônaient la simplicité et la vertu, et pressaient
les hommes d'affronter la mort avec intrépidité. Les prédicateurs cyniques
itinérants contribuèrent largement à préparer la populace spirituellement
affamée à la venue des missionnaires chrétiens qui arrivèrent plus tard.
Leurs sermons populaires ressemblaient beaucoup aux Épîtres de Paul par
leur plan et leur style.
4. Les Sceptiques. Le scepticisme affirmait que la
connaissance était trompeuse et que la conviction et l'assurance étaient
impossibles. C'était une attitude purement négative qui ne se répandit
jamais beaucoup.
Ces philosophies étaient semi-religieuses et souvent fortifiantes,
morales, et ennoblissantes, mais leur niveau était généralement trop élevé
pour le commun des mortels. À l'exception peut-être du cynisme, c'étaient
des philosophies pour les forts et les sages, et non des religions de
salut destinées également aux pauvres et aux faibles.
5. -- LES RELIGIONS DES GENTILS
Au cours des âges précédents, la religion avait principalement été une
affaire de tribu ou de nation; elle n'avait pas souvent été un sujet
d'intérêt pour les individus. Les Dieux étaient ceux des tribus et des
nations, mais n'étaient pas des Dieux personnels. Les systèmes religieux
n'apportaient guère de satisfaction aux aspirations spirituelles
individuelles de la moyenne des gens ordinaires.
À l'époque de Jésus, les religions de l'Occident comprenaient:
1. Les cultes païens. C'étaient des combinaisons de
mythologies, de patriotismes, et de traditions helléniques et latines.
2. L'adoration de l'empereur. La déification de
l'homme comme symbole de l'État froissait profondément les Juifs et les
Chrétiens primitifs; elle conduisit directement le gouvernement romain à
persécuter cruellement les deux Églises.
3. L'astrologie. Cette pseudo-science de Babylone
se transforma en une religion dans tout l'empire gréco-romain. Même en
notre XXième siècle, les hommes ne sont pas entièrement libérés de cette
croyance superstitieuse.
4. Les religions des mystères. Sur ce monde
spirituellement affamé s'était abattu un flot de cultes mystérieux,
d'étranges et nouvelles religions du Levant, qui avaient passionné les
gens du commun et leur avaient promis le salut individuel. Ces
religions devinrent rapidement la croyance acceptée par des classes
inférieures du monde gréco-romain, et contribuèrent beaucoup à préparer le
chemin à la diffusion rapide des enseignements chrétiens, qui leur étaient
bien supérieurs. Ceux-ci présentaient en effet un concept majestueux de la
Déité associé à une théologie mystérieuse pour les intelligents et à une
profonde offre de salut pour tous, y compris les hommes ordinaires de ce
temps, qui étaient ignorants mais spirituellement affamés.
Les religions des mystères sonnèrent le glas des croyances nationales
et aboutirent à la naissance de nombreux cultes personnels. Les mystères
étaient nombreux, mais présentaient tous les caractéristiques suivantes:
1. Un mythe légendaire, un mystère -- d'où leur nom. En
règle générale, ce mystère concernait l'histoire de quelque dieu, sa vie,
sa mort, et sa résurrection. On en trouve un exemple dans les
enseignements du mithracisme, qui fut pendant un certain temps
contemporain du culte croissant du christianisme selon Paul et lui fit
concurrence.
2. Les mystères étaient interraciaux et non nationaux,
personnels et fraternels. Ils donnèrent naissance à des confraternités
religieuses et à de nombreuses sociétés sectaires.
3. Les services religieux des mystères se caractérisaient
par des cérémonies d'initiation compliquées et par d'impressionnants
sacrements de ce culte. Leurs rites et leurs rituels secrets étaient
parfois macabres et révoltants.
4. Quels que fussent la nature de leurs cérémonies ou le
degré de leur excès, ces mystères promettaient invariablement le salut
à leurs zélateurs, «la délivrance du mal, la survie après la mort, et une
vie durable dans des royaumes de félicité au delà de ce monde de tristesse
et d'esclavage ».
Ne commettez pas l'erreur de confondre les enseignements de Jésus avec
les mystères. La popularité des mystères révèle qui les hommes cherchent à
survivre, ce qui dépeint une faim et une soif réelles de religion
personnelle et de droiture individuelle. Bien que les mystères n'aient pas
satisfait ces aspirations d'une manière adéquate, ils préparèrent le
chemin à l'apparition subséquente de Jésus, qui apporta vraiment à ce
monde le pain de vie et l'eau vive.
Dans un effort pour utiliser les nombreuses adhésions aux meilleurs
types de religions des mystères, Paul fit subir certaines adaptations aux
enseignements de Jésus de manière à les rendre plus acceptables par un
grand nombre de personnes susceptibles d'être converties. Même le
compromis de Paul sur les enseignements de Jésus (le christianisme) était
supérieur au meilleur des mystères en ce sens que:
1. Paul enseignait une rédemption morale, un salut
éthique. Le christianisme orientait vers une nouvelle vie et proclamait un
nouvel idéal. Paul renonça aux rites magiques et aux enchantements
cérémoniels.
2. Le christianisme présentait une religion qui
s'attaquait aux solutions définitives du problème humain, car non
seulement il offrait de vous sauver de la douleur et même de la mort, mais
il promettait aussi de vous délivrer du péché, après quoi vous seriez
pourvu d'un caractère droit comportant des qualités de survie éternelle.
3. Les mystères étaient édifiés sur des mythes. Le
christianisme tel que Paul le prêchait était basé sur un fait historique:
l'effusion de Micaël, le Fils de Dieu, sur l'humanité.
La moralité chez les Gentils n'était pas nécessairement liée à la
philosophie ou à la religion. Hors de Palestine, les gens n'avaient pas
toujours l'idée qu'un prêtre était censé mener une vie morale. La religion
juive, puis les enseignements de Jésus, et plus tard le christianisme
évoluant de Paul, furent les premières religions européennes à saisir
d'une part la morale et d'autre part l'éthique, en insistant pour que les
dévots prêtent quelque attention aux deux.
Jésus naquit en Palestine parmi les hommes de cette génération dominés
par des systèmes de philosophie incomplets et troublés par des cultes
religieux complexes. C'est à cette génération qu'il donna ultérieurement
son évangile de relation personnelle -- la filiation avec Dieu.
6. -- LA RELIGION HÉBRAÏQUE
Vers la fin du premier siècle avant le Christ, la pensée religieuse de
Jérusalem avait été profondément influencée et quelque peu modifiée par
les enseignements de la culture grecque, et même par la philosophie
grecque. Dans le long différend entre les postions des écoles orientales
et occidentales de pensée hébraïque, Jérusalem et le reste de l'Occident
ainsi que le Levant adoptèrent en général le point de vue des Juifs de
l'Ouest, le point de vue helléniste modifié.
Au temps de Jésus, trois langages prévalaient en Palestine: la masse du
peuple employait un dialecte araméen, les prêtres et les rabbins parlaient
l'hébreu, et les classes supérieures de la population juive utilisaient en
général le grec. Les Écritures hébraïques furent bientôt traduites en grec
à Alexandrie, ce qui contribua dans une large mesure à la prédominance
ultérieure des pratiquants grecs de la culture et de la théologie juives.
Les écrits des maîtres chrétiens ne devaient pas tarder à apparaître dans
la même langue. La renaissance du judaïsme date de la traduction en grec
des Écritures hébraïques. Cette influence fut décisive pour faire dériver
ultérieurement le culte chrétien de Paul vers l'Occident et non vers
l'Orient.
Bien que les croyances juives hellénisantes fussent très peu
influencées par les enseignements des Épicuriens, elles étaient
sérieusement affectées par la philosophie de Platon et les doctrines
d'abnégation des Stoïciens. Le grand envahissement du stoïcisme est
illustré par le Quatrième Livre des Macchabées. La double pénétration de
la philosophie platonicienne et des doctrines stoïciennes ressort dans la
Sagesse de Salomon. Les Juifs hellénisés apportèrent aux Écritures des
Hébreux une telle interprétation allégorique qu'ils ne trouvèrent aucune
difficulté à conformer la théologie hébraïque à la philosophie
aristotélienne qu'ils révéraient. Mais tout cela conduisit à une confusion
désastreuse, jusqu'à ce que Philon d'Alexandrie prit en main ces
problèmes. Il s'occupa d'harmoniser méthodiquement la philosophie grecque
et la théologie hébraïque, et en fit un système compact et assez cohérent
de croyances et de pratiques religieuses. C'est cet enseignement ultérieur
de philosophie grecque et de théologie hébraïque conjuguées qui prévalait
en Palestine au moment où Jésus y vécut et y enseigna. Paul l'utilisa
comme fondation pour bâtir son culte chrétien plus élevé et plus lumineux
que les autres.
Philon était un grand maître. Depuis Moïse on n'avait pas vu d'homme
exerçant une influence aussi profonde sur la pensée religieuse du monde
occidental. Quant à la combinaison des meilleurs éléments issus des
systèmes contemporains d'enseignement moral et religieux, il y eut sept
éducateurs humains exceptionnels: Séthard, Moïse, Zoroastre, Lao-Tsé,
Bouddha, Philon, et Paul.
Philon avait commis des inconséquences dans son effort pour combiner la
philosophie mystique grecque et les doctrines romaines des stoïciens avec
la théologie juridique des Hébreux. Paul reconnut beaucoup ces erreurs,
mais pas toutes, et les élimina sagement de sa théologie fondamentale
pré-chrétienne. Philon fraya la voie à Paul pour rétablir plus
complètement le concept de la Trinité du Paradis, qui avait été longtemps
en veilleuse dans la théologie juive. Sur un seul sujet Paul ne réussit ni
à se maintenir à la hauteur de Philon, ni à surpasser les enseignements de
ce Juif d'Alexandrie riche et instruit; il s'agissait de la doctrine de
l'expiation. Philon enseigna que le seul moyen de se libérer de la
doctrine du pardon était le versement du sang. Philon soupçonna peut-être
aussi plus clairement que Paul la réalité et la présence des Ajusteurs de
Pensée. Mais la théorie de Paul sur le péché originel, les doctrines de la
culpabilité héréditaire, du mal inné, et de sa rédemption étaient
partiellement d'origine mithriaque et avaient peu de points communs avec
la théologie hébraïque, ou avec la philosophie de Platon, ou avec les
enseignements de Jésus. Certains aspects de l'enseignement de Paul
concernant le péché originel et l'expiation provenaient de Paul lui-même.
L'Évangile de Jean, le dernier des récits de la vie terrestre de Jésus,
s'adressait aux peuples occidentaux et présente son histoire en
s'inspirant largement du point de vue des Chrétiens d'Alexandrie de la
seconde heure, qui étaient aussi des disciples de l'enseignement de
Philon.
À peu près à l'époque du Christ, un étrange revirement de sentiment
envers les Juifs se produisit à Alexandrie qui était précédemment une
forteresse pour eux; une virulente vague de persécution partit de là et
gagna même Rome d'où des milliers de Juifs furent bannis. Mais cette
campagne dénaturant les faits fut de courte durée; le gouvernement
impérial ne tarda pas à rétablir entièrement dans tout l'empire les
libertés des Juifs qu'il avait restreintes.
Quel que fût l'endroit du vaste monde où les Juifs se trouvaient
dispersés par le commerce ou l'oppression, ils gardaient d'un commun
accord leur coeur centré sur le temple sacré de Jérusalem. La théologie
juive survécut telle qu'elle était interprétée et pratiquée à Jérusalem,
bien qu'à plusieurs reprises elle ait été sauvée de l'oubli par
l'intervention opportune de certains éducateurs babyloniens.
En foule comptant jusqu'à deux millions et demi de personnes, les Juifs
dispersés avaient l'habitude de venir à Jérusalem pour célébrer leurs
fêtes religieuses nationales. Quels que fussent les dissentiments
théologiques entre les Juifs de l'Est (babyloniens) et ceux de l'Ouest
(helléniques), ils étaient tous d'accord pour garder Jérusalem comme
centre de leur culte et pour continuer à y attendre la venue du Messie.
7. -- JUIFS ET GENTILS
À l'époque de Jésus, les Juifs étaient parvenus à un concept stable de
leur origine, de leur histoire, et de leur destinée. Ils avaient construit
un mur de séparation rigide entre eux et le monde des Gentils, et
considéraient toutes les habitudes des Gentils avec un suprême dédain. Ils
adoraient la lettre de la loi et pratiquaient une forme de droiture
personnelle basée sur le faux orgueil de leur généalogie. Ils s'étaient
forgé des notions préconçues au sujet du Messie promis, et la plupart de
leurs espérances envisageaient un Messie qui viendrait comme un élément de
leur histoire nationale et raciale. Pour les Hébreux de ce temps-là, la
théologie juive était irrévocablement établie et fixée pour toujours.
Les enseignements et les pratiques de Jésus concernant la tolérance et
la bonté allaient à l'encontre de ce très ancien comportement des Juifs
envers les autres peuples, qu'ils considéraient comme païens. Pendant des
générations, les Juifs avaient entretenu vis-à-vis du monde extérieur une
attitude qui leur rendait impossible d'accepter les enseignements du
Maître sur la fraternité spirituelle des hommes. Ils ne voulaient pas
partager Jéhovah à égalité avec les Gentils, et répugnaient également à
accepter comme Fils de Dieu un être qui enseignait des doctrines aussi
nouvelles et étranges.
Les scribes, les pharisiens, et la prêtrise maintenaient les Juifs dans
un terrible esclavage de ritualisme et de légalité, une servitude bien
plus réelle que celle de la loi politique romaine. Les Juifs de l'époque
de Jésus n'étaient pas seulement asservis à la loi, mais aussi liés
par les exigences serviles des traditions qui impliquaient et
envahissaient tous les domaines de la vie personnelle et sociale. Des
règles de conduite minutieuses poursuivaient et dominaient tous les Juifs
loyaux. Il n'y eut rien de surprenant à les voir rejeter; l'un d'eux qui
prétendait ne pas tenir compte de leurs traditions sacrées et qui osait
faire fi de leurs règles de conduite sociale, honorées depuis si
longtemps. Ils ne pouvaient guère accueillir favorablement les
enseignements d'un homme qui n'hésitait pas à entrer en conflit avec des
dogmes qu'ils considéraient comme établis par leur père Abraham en
personne. Moïse leur avait donné leur loi, et ils ne voulaient pas faire
de compromis.
Au premier siècle de l'ère chrétienne, l'interprétation verbale de la
loi par les éducateurs reconnus, les scribes, avait acquis une autorité
plus haute que la loi écrite elle-même. Tout cela rendait plus facile à
certains chefs religieux des Juifs d'ameuter le peuple contre
l'acceptation d'un nouvel évangile.
Ces circonstances rendaient impossible aux Juifs d'accomplir leur
destinée divine comme messagers du nouvel évangile d'indépendance
religieuse et de liberté spirituelle; ils n'arrivaient pas à briser les
liens de la tradition. Jérémie avait annoncé la « loi qui devait être
écrite dans le coeur des hommes » (1). Ézéchiel avait parlé d'un « nouvel
esprit qui devait vivre dans l'âme de l'homme » (2), et le Psalmiste avait
prié pour que Dieu « crée un coeur intérieur pur et renouvelle un esprit
droit » (3). Mais quand la religion juive des bonnes oeuvres et de
l'esclavage de la loi tomba victime de la stagnation due à l'inertie des
traditions, le mouvement d'évolution religieuse se déplaça vers l'ouest
chez les peuples européens.
(1) Jérémie XXXI-33. |
(2) Cf. Ézéchiel XI-19 et XXXVI-27. |
(3) Psaume LI-10. |
C'est ainsi que d'autres peuples furent appelés à apporter au monde une
théologie en progrès, un système d'enseignement qui incorporait la
philosophie des Grecs, la loi des Romains, la moralité des Hébreux, et
l'évangile de sainteté personnelle et de liberté spirituelle formulé par
Paul et basé sur les leçons de Jésus.
Le culte chrétien de Paul faisait ressortir sa moralité comme un signe
de naissance juive. Les Juifs considéraient l'histoire comme la providence
de Dieu -- Jéhovah au travail. Les Grecs apportèrent au nouvel
enseignement des concepts plus clairs de la vie éternelle. Les doctrines
théologiques et philosophiques de Paul furent influencées non seulement
par les enseignements de Jésus, mais par Platon et Philon. Son éthique fut
inspirée non seulement par le Christ, mais aussi par les Stoïciens.
L'évangile de Jésus tel que Paul l'avait incorporé dans le culte du
christianisme d'Antioche se mélangea avec les enseignements suivants:
1. Les raisonnements philosophiques des prosélytes
grecs du judaïsme, y compris certains de leurs concepts de la vie
éternelle. |
2. Les enseignements attrayants des cultes
prédominants des mystères, et spécialement les doctrines mithriaques
de rédemption, de rachat, et de salut par le sacrifice fait par un
certain dieu. |
3. La robuste moralité de la religion juive
établie. |
À l'époque de Jésus, l'empire romain de la Méditerranée, le royaume des
Parthes, et les peuples adjacents avaient tous des idées sommaires et
primitives au sujet de la géographie du monde, de l'astronomie, de la
santé, et de la maladie. Ils furent naturellement stupéfaits par les
nouveaux enseignements saisissants du charpentier de Nazareth. Les idées
de possession par de bons ou de mauvais esprits ne s'appliquaient pas
uniquement aux êtres humains; beaucoup de gens considéraient que chaque
arbre et chaque rocher étaient possédés par un esprit. C'était un âge
d'enchantements, et chacun considérait les miracles comme des incidents
ordinaires.
8. -- ÉCRITS ANTÉRIEURS
Autant qu'il était possible et compatible avec notre mission, nous nous
sommes efforcés d'utiliser et, dans une certaine mesure, de coordonner les
archives existantes ayant rapport à la vie de Jésus sur Urantia. Bien que
nous ayons pu prendre connaissance des écrits perdus de l'apôtre André et
que nous ayons bénéficié de la collaboration d'une vaste foule d'êtres
célestes qui se trouvaient sur terre au temps de l'effusion de Micaël
(notamment son Ajusteur Personnalisé) nous avons eu l'intention de nous
servir également des Évangiles dits de Matthieu, de Marc, de Luc, et de
Jean.
Ces écrits du Nouveau Testament ont eu leur origine dans les
circonstances suivantes:
1. L'Évangile de Marc. À l'exception des notes d'André, c'est
Jean Marc qui écrivit la première, la plus courte, et la plus simple
histoire de la vie de Jésus. Il présenta le Maître comme un ministre, un
homme parmi les hommes. Bien que Marc fût un jeune garçon qui avait été
témoin de beaucoup de scènes qu'il décrit, son récit est en réalité
l'Évangile selon Simon Pierre. Marc s'associa de bonne heure avec Pierre,
et plus tard avec Paul. Il écrivit son histoire à l'instigation de Pierre
et à la demande instante de l'Église de Rome. Sachant avec quelle
persistance le Maître avait refusé d'écrire ses enseignements pendant son
incarnation sur terre, Marc, comme les apôtres et d'autres disciples
influents, hésitait à les mettre par écrit. Mais Pierre sentit qu'à Rome
l'Église avait besoin de s'appuyer sur un récit écrit, et Marc consentit à
entreprendre sa préparation. Il rédigea beaucoup de notes avant le décès
de Pierre en l'an 67. Conformément au cadre approuvé par Pierre, il
commença sa narration pour l'Église de Rome peu de temps après la mort de
Pierre. L'Évangile fut achevé vers la fin de l'an 68. Marc l'écrivit
entièrement de mémoire et d'après les souvenirs de Pierre. Ce document a
été considérablement modifié depuis lors. De nombreux passages en ont été
supprimés, et des additions ultérieures y ont été faites pour remplacer la
cinquième et dernière partie de l'Évangile original qui fut détachée du
premier manuscrit et perdue avant même d'avoir été copiée. Le récit de
Marc, en conjonction avec les notes d'André et de Matthieu, fut la base
écrite de tous les récits évangéliques ultérieurs qui cherchèrent à
peindre la vie et les enseignements de Jésus.
2. L'Évangile de Matthieu. L'Évangile dit selon Matthieu est le
récit de la vie du Maître écrit pour l'édification des Juifs chrétiens.
L'auteur de ce document cherche constamment à montrer que, dans la vie de
Jésus, beaucoup de choses furent faites « afin que s'accomplisse la parole
du prophète ». L'Évangile de Matthieu présente Jésus comme un fils de
David et le dépeint comme montrant un grand respect pour la loi et les
prophètes.
Ce n'est pas l'Apôtre Matthieu qui écrivit cet Évangile, mais Isador,
un de ses disciples qui, pour faciliter son travail, disposait non
seulement des souvenirs personnels de ces événements chez Matthieu, mais
aussi d'un certain memento sur les leçons de Jésus, que Matthieu avait
rédigé aussitôt après la crucifixion. Ces notes de Matthieu étaient
écrites en araméen. Isador écrivit en grec. Il n'y avait pas d'intention
de tromperie en attribuant l'oeuvre à Matthieu. En ces jours-là, les
élèves avaient l'habitude d'honorer ainsi leurs maîtres.
Le récit original de Matthieu fut édité et reçut ses additions en l'an
40, juste avant que Matthieu ne quittât Jérusalem pour se lancer dans la
prédication évangélique. C'était un document privé dont la dernière copie
fut détruite dans l'incendie d'un monastère syrien en l'an 416.
Isador s'échappa de Jérusalem en l'an 70 après que la ville eût été
cernée par les armées de Titus. Il emporta avec lui à Pella une copie des
notes de Matthieu, et en l'an 71, pendant qu'il habitait Pella, il écrivit
l'Évangile selon Matthieu. Isador possédait aussi les quatre premiers
cinquièmes de la narration de Marc.
3. L'Évangile de Luc. Luc, le médecin d'Antioche en Pisidie,
était un Gentil converti par Paul. Il écrivit une toute autre histoire la
vie du Maître. C'est en l'an 47 qu'il commença à suivre Paul et à
s'instruire sur la vie et les enseignements de Jésus. Luc conserve dans
son récit beaucoup de la « grâce du Seigneur Jésus-Christ » car il
rassembla ces faits d'après Paul et d'autres personnalités. Luc présenta
le Maître comme « l'ami des publicains et
des pécheurs ». Ce fut seulement après la mort de Paul qu'il réunit ses
nombreuses notes en un Évangile. Il l'écrivit en l'an 82, en Achaïe. Il
projetait trois livres traitant de l'histoire du Christ et du
christianisme, mais il mourut en l'an 90, juste avant d'achever le second
de ces ouvrages, les « Actes des Apôtres ».
Comme matériaux de compilation pour son Évangile, Luc eut d'abord
recours à l'histoire de la vie de Jésus telle que Paul la lui avait
racontée. L'Évangile de Luc est donc sous certains rapports l'Évangile
selon Paul. Mais Luc avait bien d'autres sources de renseignements. Non
seulement il interrogea des dizaines de témoins oculaires des nombreux
épisodes de la vie de Jésus qu'il relate, mais il possédait une copie de
l'Évangile de Marc (c'est -dire les quatre premiers cinquièmes de ce
livre), le récit d'Isador, et un bref récit fait à Antioche en l'an 78 par
un croyant nommé Cédès. Luc avait aussi une édition mutilée et très
répandue de quelques notes supposées prises par l'apôtre André.
4. L'Évangile de Jean. L'Évangile selon Jean relate beaucoup
d'oeuvres accomplies par Jésus en Judée et aux environs de Jérusalem, et
dont la description ne figure pas dans les autres récits. C'est l'Évangile
dit selon Jean fils de Zébédée; bien que Jean ne l'ait pas écrit, il l'a
inspiré. Depuis le manuscrit original, cet Évangile a été édité à
plusieurs reprises en vue de le faire apparaître comme ayant été écrit par
Jean lui-même. Au moment de composer son récit, Jean avait les autres
Évangiles et vit que beaucoup de choses y avaient été omises. En
conséquence, en l'an 101, il encouragea son ami Nathan, un Juif grec de
Césarée, à commencer une narration écrite dont lui, Jean, fournirait les
matériaux de mémoire en se référant aux trois écrits alors existants. Il
n'avait pas de notes écrites personnelles. L'Épître connue sous le titre
de « Première de Jean » fut écrite par Jean lui-même comme lettre de
présentation du travail que Nathan exécutait sous ses directives.
Tous ces écrivains présentèrent d'honnêtes descriptions de Jésus tel
qu'ils l'avaient vu, tel qu'ils se le rappelaient, ou d'après ce qu'ils
avaient appris de lui, selon leur concept de ces événements lointains,
plus ou moins modifié par leur ralliement ultérieur à la théologie
chrétienne de Paul. Si imparfaits que soient ces documents, ils ont suffi
pour changer le cours de l'histoire d'Urantia pendant près de deux mille
ans.
[TEMOIGNAGE: En exécutant ma mission de réexposer les enseignements de
Jésus de Nazareth et de raconter à nouveau ses oeuvres, j'ai eu largement
recours à toutes les sources d'archives et de renseignements planétaires.
Mon mobile a été de préparer un récit qui non seulement éclairerait la
génération des hommes actuellement vivants, mais qui serait également une
aide pour toutes les générations futures. Dans la vaste réserve de
renseignements mise à ma disposition, j'ai choisi ceux qui conviendraient
le mieux à l'accomplissement de ce dessein. Autant que possible, j'ai tiré
mes informations de sources purement humaines. C'est seulement quand ces
sources ont fait défaut que j'ai eu recours à des archives supra-humaines.
Lorsque des idées et des concepts de la vie et des enseignements de Jésus
ont été exprimés acceptablement par un penseur humain, j'ai
'invariablement donné la préférence à ces archétypes de pensée apparemment
humains. Je me suis efforcé d'adapter la terminologie pour la conformer de
mon mieux à la manière dont nous concevons le sens réel et la véritable
importance de la vie et des enseignements du Maître, mais autant que
possible j'ai adhéré dans tous mes exposés aux concepts et aux modèles de
pensée effectifs des hommes. Quand j'ai été incapable de trouver les
concepts nécessaires dans les annales où les expressions humaines, j'ai eu
recours en second lieu à la mémoire de mon propre ordre de créatures
planétaires, les médians. Enfin, quand cette source secondaire
d'information s'est révélée insuffisante, j'ai recouru sans hésitation aux
sources d'information extra-planétaires.
Les mémoranda que j'ai réunis et à partir desquels j'ai préparé ce
récit de la vie et des enseignements de Jésus -- outre le souvenir de ce
que l'Apôtre André avait enregistré -- contiennent des joyaux de pensée et
des concepts très élevés des leçons de Jésus provenant de plus de deux
mille êtres humains qui ont vécu sur terre depuis l'époque de Jésus
jusqu'au jour où furent rédigées les présentes révélations, ou plus
exactement ces réexposés. La permission de les révéler n'a été utilisée
que si les annales et les concepts des hommes ne parvenaient pas à nous
fournir des modèles de pensée adéquats. Ma mission de révélation
m'interdisait de recourir à des sources extra-humaines de renseignements
ou d'expressions avant que je puisse témoigner que j'avais échoué dans mes
efforts pour trouver dans des sources purement humaines la terminologie
nécessaire.
Avec la collaboration de mes onze compagnons médians associés, et sous
la supervision du Melchizédek en fonction, j'ai décrit cette histoire
selon mon concept de la manière dont elle s'était réellement passée et
selon mon sentiment pour en choisir la rédaction immédiate. Néanmoins, la
majorité des idées et même quelques-unes des expressions effectivement
employées ont leur origine dans la pensée d'hommes appartenant à de
nombreuses races qui ont vécu sur terre pendant les générations
intermédiaires allant jusqu'à celles qui sont encore vivantes et l'époque
de la présente entreprise (1). Sous beaucoup de rapports, j'ai plus servi
de collecteur et d'éditeur que de narrateur original. Je me suis approprié
sans hésitation les idées et les concepts, de préférence humains, qui
devaient me permettre de créer le tableau le plus efficace de la vie de
Jésus et qui me qualifieraient pour réexposer ses enseignements
incomparables avec la phraséologie la plus utilement frappante et la plus
universellement inspiratrice. Au nom de la Confraternité des Médians
Réunis d'Urantia, je reconnais avec la plus grande gratitude notre dette
envers toutes les sources de documentation et de concepts qui ont été
utilisées où vont l'être ci-après pour élaborer notre nouvel exposé de la
vie de Jésus sur terre.]
(1) L'année 1935 de notre ère.
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