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LE SÉJOUR À ROME
GONOD apportait les salutations des princes de l'Inde à Tibère. Les
deux Hindous et Jésus se présentèrent donc devant le souverain romain le
troisième jour après leur arrivée à Rome. Le morose empereur était
d'humeur exceptionnellement bonne ce jour-là et bavarda longuement avec le
trio. Après que les visiteurs l'eurent quitté, l'empereur, faisant
allusion à Jésus, fit observer à l'aide de camp qui se tenait à sa droite:
« Si j'avais la prestance royale et les manières gracieuses de ce garçon,
je serais un véritable empereur, n'est-ce pas? »
Pendant son séjour a Rome, Ganid eut des heures régulières pour ses
études et pour la visite des endroits intéressants de la ville. Son père
avait beaucoup d'affaires à traiter. Désireux qu'en grandissant son fils
devienne son digne successeur à la direction de ses vastes entreprises
commerciales, il estima le moment venu de l'introduire dans le monde des
affaires. Une quantité de citoyens de l'Inde vivaient à Rome, et il arriva
souvent que Gonod se fit accompagner par l'un de ses propres employés
comme interprète, de sorte que Jésus eut des journées entières
disponibles; cela lui donna le temps de se familiariser complètement avec
cette ville de deux millions d'habitants. On voyait fréquemment Jésus au
forum, centre des affaires et de la vie politique et juridique. Souvent
aussi il montait au Capitole et, tout en contemplant ce temple magnifique
dédié à Jupiter, Junon, et Minerve, il méditait sur l'esclavage dans
lequel l'ignorance maintenait les Romains. Il passait également beaucoup
de temps sur le Mont Palatin où se trouvaient la résidence de l'empereur,
le temple d'Apollon, et les bibliothèques latine et grecque.
À cette époque, l'empire romain s'étendait sur toute l'Europe
méridionale, l'Asie Mineure, la Syrie, l'Egypte, et le nord ouest de
l'Afrique et ses habitants comprenaient des citoyens de tous les pays de
l'hémisphère oriental. La principale raison pour laquelle Jésus avait
consenti à faire ce voyage était son désir d'étudier cet agrégat
cosmopolite de mortels d'Urantia et de s'y mêler.
Durant son séjour à Rome, Jésus acquit une grande connaissance des
hommes mais, au cours de ces six mois, sa plus précieuse expérience fut
son contact avec les chefs religieux de la capitale de l'empire et
l'influence qu'il exerça sur eux. Avant la fin de sa première semaine à
Rome, Jésus avait cherché et pris contact avec les dirigeants qualifiés
des Cyniques, des Stoïciens, et des cultes des mystères, en particulier du
groupe mithriaque. Peut-être Jésus pressentait-il que les juifs allaient
rejeter sa mission, mais en tous cas il prévoyait déjà avec certitude que
ses messagers viendraient bientôt à Rome pour y proclamer le royaume des
cieux. Il se mit donc, de la manière la plus étonnante, à préparer les
voies pour que leur message fût mieux et plus sûrement reçu. Il choisit
cinq dirigeants parmi les Stoïciens, onze parmi les Cyniques, et seize
parmi les adeptes du culte des mystères. Durant six mois, il passa une
grande partie de ses loisirs en association étroite avec ces chefs
religieux, et voici comment il les instruisit. Il ne s'attaqua pas une
seule fois à leurs erreurs et ne mentionna même jamais les fautes de leurs
enseignements. Dans chaque cas, il choisissait la vérité dans leurs
leçons, et ensuite il entreprenait d'embellir et d'éclairer cette vérité
dans leur mentalité, de telle sorte qu'en très peu de temps ce
rehaussement de la vérité remplissait leur pensée et chassait l'erreur
antérieure. C'est ainsi que les hommes et les femmes enseignés par Jésus
furent préparés à reconnaître ultérieurement des vérités additionnelles et
similaires dans les enseignements des premiers missionnaires chrétiens.
Leur acceptation rapide des enseignements des prédicateurs de l'évangile
fut l'élément qui donna une si puissante impulsion à la diffusion du
christianisme à Rome, et de là dans tout l'empire.
On comprend mieux la signification de cet accomplissement remarquable
en notant que dans ce groupe de trente deux chefs religieux de Rome, deux
seulement furent spirituellement stériles. Les trente autres jouèrent un
rôle capital dans l'établissement du christianisme à Rome, et certains
d'entre eux aidèrent aussi à faire du principal temple mithriaque la
première église chrétienne de cette ville. Nous qui contemplons les
activités humaines depuis la coulisse et à la lumière de dix-neuf siècles
écoulés, nous reconnaissons seulement trois facteurs comme ayant apporté
une contribution majeure à préparer le stade de diffusion rapide du
christianisme en Europe:
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1. Le choix et le maintien de Simon
Pierre comme apôtre. |
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2. L'entretien à Jérusalem avec
Etienne, qui conduisit à gagner Saül de Tarse. |
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3. La préparation préliminaire des
trente Romains dont nous venons de parler, pour en faire
ultérieurement les chefs de la nouvelle religion à Rome et dans tout
l'empire.4 |
Au cours de leurs expériences, ni Etienne, ni les trente sélectionnés
ne comprirent jamais qu'ils avaient jadis parlé à l'homme dont le nom
était devenu le centre de leurs enseignements religieux. L'oeuvre de Jésus
par rapport aux trente-deux qu'il avait choisis à l'origine fut
entièrement personnelle. Dans ses travaux avec ces hommes et ces femmes,
le scribe de Damas n'en réunissait jamais plus de trois à la fois, et
rarement plus de deux; la plupart du temps il les enseignait isolément. Il
réussit à accomplir cette grande oeuvre d'éducation religieuse parce que
les intéressés n'étaient pas prisonniers de traditions; ils n'étaient pas
victimes d'idées fixes préconçues sur tous les développements religieux de
l'avenir.
Au cours des années qui suivirent bientôt, Pierre, Paul, et les autres
éducateurs chrétiens de Rome entendirent maintes et maintes fois parler du
scribe de Damas qui les avait précédés et qui avait si évidemment préparé
(inconsciemment à leur avis) le chemin pour leur arrivée avec le nouvel
évangile. Paul ne devina jamais réellement l'identité de ce scribe de
Damas, mais peu de temps avant sa mort, à cause de la similitude des
descriptions personnelles, il parvint à la conclusion que le « fabricant
de tentes d'Antioche » était aussi « le scribe de Damas ». En une occasion
au cours de ses prédications à Rome, Simon Pierre soupçonna, en écoutant
une description du scribe de Damas, que cette personne aurait pu être
Jésus, mais il rejeta promptement cette idée, car il croyait savoir avec
certitude que le Maître n'était jamais allé à Rome.
1. -- LES VRAIES VALEURS
Ce fut avec Angamon, chef des Stoïciens, que Jésus eut un entretien
durant toute une nuit au début de son séjour à Rome. Cet homme devint plus
tard un grand ami de Paul et se révéla un puissant soutien de l'Eglise
chrétienne à Rome. Voici en substance, et transcrit en langage moderne, ce
que Jésus enseigna à Angamon:
Le critère des vraies valeurs doit être recherché dans le monde
spirituel et sur les niveaux divins de réalité éternelle. Les mortels
ascendants doivent reconnaître comme transitoires, partiels, et inférieurs
les grossiers étalons matériels. Les savants en tant que savants sont
limités à la découverte de la relativité des faits matériels.
Techniquement, ils n'ont pas le droit d'affirmer qu'ils sont
matérialistes, ou idéalistes, car en le faisant ils abandonneraient le
comportement des vrais savants; en effet, toutes ces prises de position
sont l'essence même de la philosophie.
À moins que la perspicacité morale et les connaissances spirituelles de
l'humanité ne soient accrues en proportion, le progrès illimité d'une
culture matérialiste peut finir par devenir une menace pour la
civilisation. Une science purement matérialiste recèle en elle-même le
germe potentiel de destruction de tout effort scientifique, car un pareil
comportement laisse présager l'effondrement ultime d'une civilisation qui
a abandonné son sens des valeurs morales et répudié le but spirituel de
ses réalisations.
Les savants matérialistes et les idéalistes extrémistes sont destinés à
vivre toujours dans la zizanie, mais ce n'est pas le cas pour les savants
et les idéalistes qui sont en possession d'un idéal commun de hautes
valeurs morales et de critères spirituels. A toutes les époques, les
savants et les religieux doivent reconnaître qu'ils passent en jugement
devant le tribunal des besoins de l'humanité. Ils doivent renoncer à
guerroyer entre eux, tout en continuant vaillamment à lutter pour leur
survie par une dévotion accrue au service du progrès humain. Si la
prétendue science ou la prétendue religion d'un âge sont fausses, il faut
qu'elles purifient leurs activités, ou alors qu'elles disparaissent devant
l'émergence d'une science matérielle ou d'une religion spirituelle d'un
ordre plus authentique et plus méritoire.
2. -- LE BIEN ET LE MAL
Mardus était le chef reconnu des Cyniques de Rome; il devint un grand
ami du scribe de Damas. Jour après jour il conversait avec Jésus, et soir
après soir il écoutait son enseignement divin. Parmi les plus importantes
discussions avec Mardus se trouve celle destinée à répondre à la question
de ce Cynique sincère sur le bien et le mal. Voici en substance, et
transposée et langage du XXième siècle, la réponse de Jésus:
Mon frère, le bien et le mal sont simplement des mots qui symbolisent
les niveaux relatifs où l'homme comprend l'univers observable. Si l'on est
éthiquement paresseux et socialement indifférent, on peut prendre pour
critères du bien les usages sociaux courants. Si l'on est spirituellement
indolent et moralement stagnant, on peut prendre pour critères du bien les
pratiques et traditions religieuses des contemporains. Mais l'âme qui
survit au temps et émerge dans l'éternité doit faire un choix vivant et
personnel entre le bien et le mal, tels qu'ils sont déterminés par les
vraies valeurs des critères spirituels établis par l'esprit divin que le
Père céleste a envoyé habiter le coeur des hommes. Cet esprit intérieur
détermine la survie de la personnalité.
De même que la vérité, la bonté est toujours relative et contraste
infailliblement avec le mal. C'est la perception des qualités de bonté et
de vérité qui permet aux âmes évoluantes des hommes de prendre les
décisions personnelles de choix essentielles à la survie éternelle.
La personne spirituellement aveugle qui suit logiquement les
prescriptions scientifiques, les usages sociaux, et les dogmes religieux
se trouve en grand danger de sacrifier son libre arbitre moral et de
perdre sa liberté spirituelle. Cette âme est destinée à devenir un
perroquet intellectuel, un automate social, et l'esclave des autorités
religieuses.
La bonté grandit toujours vers des niveaux supérieurs où se trouve
accrue la liberté de s'épanouir moralement et d'atteindre la personnalité
spirituelle -- la découverte de l'Ajusteur intérieur et l'identification
avec lui. Une expérience est bonne quand elle élève l'appréciation de la
beauté, accroît la volonté morale, rehausse le discernement de la vérité,
développe l'aptitude à aimer et à servir ses semblables, exalte les idéaux
spirituels, et unifie les suprêmes motifs humains du temps avec les plans
éternels de l'Ajusteur intérieur. Ceux-ci conduisent directement au désir
accru de faire la volonté du Père, ce qui entretient la passion divine de
trouver Dieu et de lui ressembler davantage.
À mesure que vous vous élevez sur l'échelle universelle de
développement des créatures, vous trouvez un accroissement de la bonté et
une diminution du mal, en parfaite conformité avec votre capacité de faire
l'expérience de la bonté et de discerner la vérité. L'aptitude à
entretenir l'erreur ou à pratiquer le mal ne se perd pas entièrement avant
que l'âme humaine ascendante atteigne les niveaux spirituels finaux.
La bonté est vivante, relative, toujours en progrès; elle est
invariablement une expérience personnelle et perpétuellement liée au
discernement de la vérité et de la beauté. La bonté se trouve dans la
récognition des valeurs positives de vérité du niveau spirituel qui doit,
dans l'expérience humaine, faire contraste avec sa contrepartie négative
-- l'ombre du mal potentiel.
Jusqu'à ce que l'on atteigne les niveaux du Paradis, la bonté est
toujours plus une recherche qu'une possession, plus un but qu'une
expérience acquise. Mais alors même que l'on a faim et soif de droiture,
on éprouve une satisfaction croissante à atteindre partiellement la bonté.
La présence du bien et du mal dans le monde est par elle-même une preuve
positive de l'existence et de la réalité de la volonté morale de l'homme
-- la personnalité -- qui identifie ainsi ces valeurs et se trouve capable
de choisir entre elles.
À l'époque où un ascendeur atteint le Paradis, son aptitude à
identifier l'ego avec les vraies valeurs spirituelles s'est amplifiée au
point qu'il a atteint la possession parfaite de la lumière de la vie. Sa
personnalité spirituelle perfectionnée s'identifie entièrement,
divinement, et spirituellement avec les qualités positives et suprêmes de
bonté, de beauté, et de vérité. Il ne subsiste aucune possibilité pour cet
esprit droit de projeter une ombre négative quelconque de mal potentiel
quand la divine lumière des Dirigeants infinis du Paradis fouille toute sa
personnalité. Chez toutes les personnalités spirituelles, la bonté a cessé
d'être partielle, opposée au mal, et relative; elle est devenue divinement
complète et spirituellement parachevée; elle s'approche de la pureté et de
la perfection du Suprême.
La possibilité du mal est nécessaire au choix moral, mais la
manifestation du mal ne l'est pas. Une ombre n'a qu'une réalité relative.
Le mal effectif n'est pas nécessaire en tant qu'expérience personnelle. Le
mal potentiel agit tout aussi bien comme stimulant de la décision dans les
domaines du progrès moral aux niveaux inférieurs du développement
spirituel. Le mal ne devient une réalité d'expérience personnelle que si
une pensée morale l'adopte.
3. -- LA VÉRITÉ ET LA FOI
Nabon était un Juif grec tenant le premier rang parmi les chefs du
principal culte des mystères à Rome, le culte mithriaque. Ce grand-prêtre
eut de nombreux entretiens avec le Scribe de Damas, mais ce fut leur
discussion sur la vérité et la foi qui exerça sur lui l'influence la plus
durable. Nabon avait songé à convertir Jésus et lui avait même suggéré de
retourner en Palestine comme éducateur mithriaque. Il ne se doutait guère
que Jésus le préparait à devenir l'un des premiers convertis à l'évangile
du royaume. Voici, transcrite en terminologie moderne, la substance de
l'enseignement de Jésus:
La vérité ne peut se définir par des mots, mais seulement en la vivant.
La vérité dépasse toujours la connaissance. La connaissance concerne les
choses observées, mais la vérité transcende ces niveaux purement
matériels, en ce sens quelle l'allie à la sagesse et englobe des
impondérables tels que l'expérience humaine, et même les réalités
spirituelles et vivantes. La connaissance prend origine dans la science;
la sagesse, dans la vraie philosophie; la vérité, dans l'expérience
religieuse de la vie spirituelle. La connaissance traite des faits; la
sagesse traite des relations; la vérité traite des valeurs de la réalité.
Les hommes tendent à cristalliser la science, à formuler la
philosophie, et à dogmatiser la vérité, parce qu'ils ont de la paresse
mentale à l'adapter aux luttes progressives pour la vie, et qu'ils ont
aussi terriblement peur de l'inconnu. L'homme est naturellement lent à
inaugurer des changements dans ses habitudes de pensée et dans ses
techniques de vie.
La vérité révélée, la vérité découverte personnellement, est la suprême
volupté de l'âme humaine. Elle est la création conjointe de la pensée
matérielle et de l'esprit intérieur. Le salut éternel d'une âme qui
discerne la vérité et aime la beauté est assuré par la faim et la soif de
bonté qui conduisent l'intéressé à se proposer un but unique, celui de
faire la volonté du Père, de trouver Dieu, et de lui ressembler. Il n'y a
jamais de conflit entre la véritable connaissance et la vérité. Il peut y
avoir conflit entre la connaissance et les croyances humaines, les
croyances de préjugés, déformées par la peur, et dominées par la crainte
d'affronter de nouveaux faits dans les découvertes matérielles et les
progrès spirituels.
Jamais l'homme ne peut posséder la vérité sans exercer sa foi. Ceci est
vrai parce que les pensées, la sagesse, la morale, et les idéaux d'un
homme ne peuvent s'élever plus haut que sa foi, que son espoir sublime. Et
toute véritable foi est basée sur des réflexions profondes, sur une
auto-critique sincère, et sur une conscience morale intransigeante. La foi
est l'inspiration de l'imagination créatrice spiritualisée.
La foi agit pour libérer les activités supra-humaines de l'étincelle
divine, le germe immortel qui vit dans la pensée humaine et qui représente
le potentiel de survie éternelle. Les plantes et les animaux survivent
dans le temps par la technique consistant à transmettre d'une génération à
la suivante des particules identiques d'eux-mêmes. L'âme humaine (la
personnalité de l'homme) survit à la mort en associant son identité à
celle de l'immortelle étincelle intérieure de divinité qui agit pour
perpétuer la personnalité humaine sur un niveau supérieur de continuité
d'existence universelle et progressive. Le germe caché de l'âme humaine
est un esprit immortel. La seconde naissance, ou formation de l'âme, est
la première des manifestations successives de la personnalité dans des
existences spirituelles progressives. Leur séquence ne prend fin qu'au
moment où l'entité divine atteint la source de son existence, la source
personnelle de toute existence, Dieu, le Père Universel.
La vie humaine continue -- survit -- parce qu'elle a une fonction dans
l'univers, la tâche de trouver Dieu. Animée par la foi, l'âme de l'homme
ne peut s'arrêter avant d'avoir atteint ce but de la destinée, et quand
elle l'a atteint, elle ne peut plus prendre fin car, à l'instar de Dieu,
elle est devenue éternelle.
L'évolution spirituelle est une expérience du choix volontaire et
croissant de la bonté, accompagnée d'une diminution égale et progressive
de la possibilité du mal. Quand on a atteint la finalité du choix de la
bonté et parachevé l'aptitude à apprécier la vérité, il naît une
perfection de beauté et de sainteté qui paralyse la possibilité
d'émergence du mal, et même du concept du mal potentiel. L'âme qui connaît
ainsi Dieu ne projette aucune ombre de suspicion du mal quand elle opère
sur un niveau aussi élevé de divine bonté.
La présence de l'esprit du Paradis dans la pensée de l'homme constitue
la promesse de révélation et l'engagement de foi d'une existence éternelle
de progression divine pour toute âme cherchant à s'identifier avec ce
fragment spirituel, immortel, et intérieur du Père Universel.
La caractéristique du progrès dans l'univers est une liberté croissante
de la personnalité, parce que cette liberté est associée au franchissement
progressif de niveaux de plus en plus élevés de compréhension de soi, et à
l'empire sur soi qui en est la conséquence. L'atteinte de la perfection
dans la maîtrise spirituelle de soi équivaut au parachèvement de la
liberté dans l'univers et du libre arbitre personnel. La foi nourrit et
maintient l'âme de l'homme au milieu de la confusion de son orientation
initiale dans un univers aussi vaste. Quant à la prière, elle devient la
grande unificatrice des diverses inspirations provenant de l'imagination
créatrice et des besoins de la foi pour les âmes essayant de s'identifier
avec les idéaux spirituels de la divine présence intérieure et associée.
Nabon fut grandement impressionné par ces paroles, comme il l'était
d'ailleurs par chacun de ses entretiens avec Jésus. Les vérités
correspondantes continuèrent à briller dans son coeur, et Nabon fut d'un
grand secours pour les disciples qui vinrent plus tard prêcher l'évangile
de Jésus.
4. -- MINISTÈRE PERSONNEL
Pendant son séjour à Rome, Jésus ne consacra pas tous ses loisirs au
travail de réparation des hommes et des femmes à devenir de futurs
disciples dans le royaume à venir. Il passa beaucoup de temps à acquérir
une connaissance intime de toutes les races et classes sociales qui
vivaient dans cette ville, la plus grande et la plus cosmopolite du monde.
Dans chacun de ses nombreux contacts humains, Jésus avait un double
dessein: il désirait connaître la réaction de ses interlocuteurs à leur
vie incarnée, et il était également enclin à dire ou à faire quelque chose
qui rende cette vie plus riche et plus digne d'être vécue. Au cours de ces
semaines, ses enseignements religieux ne différèrent pas de ceux qui
caractérisèrent sa vie ultérieure en tant qu'instructeur des douze apôtres
et prédicateur auprès des foules.
La substance de son message était toujours le fait de l'amour du Père
céleste et de la vérité de sa miséricorde, joint à la bonne nouvelle que
l'homme est fils par la foi de ce même Dieu d'amour. La technique
habituelle des contacts sociaux de Jésus consistait à poser des questions
pour faire sortir les gens de leur réserve et les amener à converser avec
lui. Au début de l'entretien, c'était généralement lui qui posait des
questions, et à la fin c'étaient eux qui l'interrogeaient. Il était aussi
expert à enseigner en posant des questions qu'à instruire en répondant à
des questions. En règle générale, c'est à ceux qu'il enseignait le plus
qu'il en disait le moins. Ceux qui tirèrent le plus grand profit de son
ministère personnel étaient des gens surmenés, anxieux, et déprimés à qui
l'occasion d'épancher leur âme à un auditeur sympathique et compréhensif
apportait un grand soulagement; Jésus était cet auditeur, et plus encore.
Quand ces êtres humains mal adaptés lui avaient parlé de leurs ennuis, il
était toujours en mesure de leur offrir des suggestions pratiques et
immédiatement utiles pour aplanir leurs véritables difficultés, sans
négliger de prononcer des paroles qui les encourageaient et les
consolaient aussitôt. A ces affligés, il parlait invariablement de l'amour
de Dieu et, par des méthodes diverses et variées, il les informait qu'ils
étaient les enfants de ce céleste Dieu d'amour.
De cette manière, durant son séjour à Rome, Jésus prit un contact
amical et vivifiant avec plus de cinq cents mortels du royaume. Il parvint
ainsi à une connaissance des diverses races de l'humanité, qu'il n'aurait
jamais pu acquérir à Jérusalem ni même à Alexandrie. Il considéra toujours
ces six mois à Rome comme l'une des périodes les plus enrichissantes et
les plus instructives de sa vie terrestre.
Comme on peut s'y attendre, un homme aussi dynamique et doué de talents
aussi variés ne pouvait vivre six mois ainsi dans la métropole du monde
sans être abordé par un grand nombre de personnes désireuses de s'assurer
ses services pour certaines affaires ou, plus souvent, pour des projets
d'enseignement, de réformes sociales, ou de mouvements religieux. Il reçut
plus d'une douzaine de propositions de cet ordre et utilisa chacune
d'elles comme une occasion pour transmettre quelques pensées
spirituellement ennoblissantes, soit par des mots bien choisis, soit par
un service obligeant. Jésus aimait beaucoup faire quelque chose -- même de
peu d'importance -- pour toutes sortes de gens.
Il s'entretint de politique et de gouvernement avec un sénateur romain,
et cet unique contact avec Jésus fit une telle impression sur ce
législateur que celui-ci passa le reste de sa vie à essayer vainement
d'inciter ses collègues à changer le cours de la politique en vigueur en
substituant l'idée d'un peuple entretenant le gouvernement à celle d'un
gouvernement entretenant et nourrissant le peuple. Jésus passa une soirée
avec un riche propriétaire d'esclaves nommé Claudius, et qui parla des
hommes en tant que fils de Dieu; le lendemain, Claudius affranchit cent
dix-sept esclaves. Jésus alla dîner chez un médecin grec et qui exposa que
ses patients avaient non seulement un corps, mais aussi une pensée et une
âme; il amena ainsi cet habile praticien à donner à ses semblables des
soins plus approfondis. Jésus s'entretint avec toutes sortes de gens de
tous les milieux sociaux. Les bains publics furent le seul endroit de Rome
qu'il ne visita pas. Il refusa d'y accompagner ses amis à cause de la
promiscuité sexuelle qui y régnait.
Marchant le long du Tibre avec un soldat romain, il dit: « Que ton
coeur soit aussi courageux que ton bras. Ose faire justice et sois de
taille à te montrer miséricordieux. Oblige ta nature inférieure à obéir à
ta nature supérieure, comme toi tu obéis à tes supérieurs. Respecte la
bonté et exalte la vérité. Choisis le beau à la place du laid. Aime ton
prochain et recherche Dieu de tout ton coeur, car Dieu est ton Père dans
les cieux».
À un orateur du forum nommé Marc, Jésus dit: « Ton éloquence est
plaisante, ta logique est admirable, ta voix est agréable, mais ton
enseignement n'est guère conforme à la vérité. Si seulement tu pouvais
jouir de la satisfaction vivifiante de connaître Dieu comme ton Père
spirituel, alors tu pourrais employer ta puissance d'élocution à libérer
tes semblables de la servitude des ténèbres et de l'esclavage de
l'ignorance ». Ce Marc fut celui qui entendit plus tard Pierre prêcher à
Rome et devint son successeur. Lors de la crucifixion de Simon Pierre, ce
fut lui qui défia les persécuteurs romains et continua audacieusement à
prêcher le nouvel évangile.
Rencontrant un pauvre homme qui avait à été accusé à tort, Jésus
l'accompagna devant le magistrat et reçut l'autorisation spéciale de
comparaître en son lieu et place. Il fit alors le superbe discours dans
lequel il dit: « La justice assure la grandeur d'une nation, et plus une
nation est grande, plus elle doit être soucieuse que l'injustice
n'atteigne pas même son plus humble citoyen. Malheur à une nation où seuls
ceux qui possèdent de l'argent et de l'influence peuvent obtenir
promptement justice devant les tribunaux! Un magistrat a le devoir sacré
d'acquitter l'innocent aussi bien que de punir le coupable. La survie
d'une nation dépend de l'impartialité, de l'équité, et de l'intégrité de
ses tribunaux. Le gouvernement civil est fondé sur la justice, de même que
la vraie religion est basée sur la miséricorde ». Le juge reconsidéra le
cas et, après passage au crible des témoignages, il libéra le prévenu.
Parmi toutes les activités de Jésus au cours de cette époque de ministère
personnel, cet incident fut celui où il fut le plus près d'intervenir
publiquement.
5. -- CONSEILS À L'HOMME RICHE
Un riche Stoïcien, citoyen romain, s'intéressa beaucoup aux
enseignements de Jésus, à qui il avait été présenté par Angamon. Après
plusieurs entretiens particuliers, ce riche citoyen demanda à Jésus ce
qu'il ferait d'une fortune s'il la possédait, et Jésus lui répondit: « Je
consacrerais la richesse matérielle à élever le niveau de la vie
matérielle, de même que j'offrirais ma connaissance, ma sagesse, et mes
services spirituels pour enrichir la vie intellectuelle, ennoblir la vie
sociale, et faire progresser la vie spirituelle. J'administrerais les
biens matériels comme un sage et efficace dépositaire des ressources d'une
génération pour le profit et l'ennoblissement des générations suivantes ».
L'homme riche ne fut pas entièrement satisfait de la réponse de Jésus
et s'enhardit à demander de nouveau: « Mais que crois-tu qu'un homme dans
ma position devrait faire de sa fortune? Dois-je la garder ou la
distribuer? » Jésus se rendit compte que cet homme désirait réellement
mieux connaître la vérité au sujet de sa fidélité envers Dieu et de ses
devoirs envers les hommes. Il développa sa réponse en lui disant: « Mon
bon ami, je discerne que tu recherches sincèrement la sagesse et que tu
aimes honnêtement la vérité; je suis donc disposé à t'exposer mon point de
vue sur la solution de tes problèmes concernant les responsabilités de la
fortune. Je le fais parce que tu m'as demandé conseil, et en te
donnant mon avis, je ne m'occupe de la fortune d'aucun autre homme riche.
Je te donne ces conseils uniquement pour ta gouverne personnelle. Si tu
désires honnêtement considérer ta fortune comme un dépôt, si tu souhaites
réellement devenir un gérant sage et efficace de tes capitaux accumulés,
alors je te conseille de faire l'analyse qui vante des sources de tes
richesses. Demande-toi, en faisant de ton mieux pour trouver la réponse
honnête, d'où elles viennent. Pour t'aider à analyser l'origine de ta
grande fortune, je suggère que tu gardes présentes à la mémoire les dix
méthodes différentes suivantes pour amasser des biens matériels:
|
« 1. La fortune héritée -- les richesses provenant
des parents et autres ancêtres. |
|
« 2. La fortune découverte -- les richesses tirées
des ressources inexploitées de la terre nourricière. |
|
« 3. La fortune commerciale -- les richesses
obtenues comme bénéfice équitable dans l'échange et le troc des
biens matériels. |
|
« 4. La fortune injuste -- les richesses tirées de
l'exploitation inéquitable de tes semblables ou de leur réduction à
l'esclavage. |
|
« 5. La fortune des intérêts -- le revenu tiré des
possibilités de rendement juste et équitable des capitaux investis. |
|
« 6. La fortune due au génie -- les richesses
récompensant les dons créatifs et inventifs de la pensée humaine. |
|
« 7. La fortune fortuite -- les richesses tirées de
la générosité de tes semblables ou prenant origine dans les
circonstances de la vie. |
|
« 8. La fortune volée -- les richesses obtenues par
injustice, malhonnêteté, vol, ou fraude. |
|
« 9. Les fonds en dépôt -- la fortune placée entre
tes mains par tes semblables pour un usage spécifique actuel ou
futur. |
|
« 10. La fortune gagnée -- les richesses tirées
directement de ton propre travail personnel, la juste et équitable
rémunération de tes propres efforts quotidiens, mentaux et
physiques. |
« Donc, mon ami, si tu veux être, devant Dieu et au service des hommes,
un fidèle et juste gérant de ta grande fortune, il faut la diviser
approximativement entre ces dix grands départements, et administrer
ensuite chaque portion conformément à l'interprétation sage et honnête des
lois de la justice, de l'équité, de la loyauté, et de la véritable
efficacité. Cependant le Dieu du ciel ne te condamnerait pas si, dans des
situations douteuses, tu te trompais parfois par considération
miséricordieuse et désintéressée pour la détresse des victimes souffrant
des circonstances malheureuses de la vie terrestre. Lorsque tu éprouves
honnêtement des doutes sur l'équité et la justice de certaines situations
matérielles, que tes décisions favorisent ceux qui sont dans le besoin.
Efforce-toi d'aider les personnes qui, par malheur, souffrent de
privations imméritées ».
Après avoir discuté ces sujets pendant plusieurs heures, l'homme riche
demanda des instructions plus complètes et plus détaillées, et Jésus
développa ses conseils en disant en substance: « En t'offrant de nouvelles
suggestions concernant ton comportement envers la fortune, je te
recommande de recevoir mes avis comme donnés exclusivement pour toi et
pour ta gouverne personnelle. Je ne parle que pour mon compte et à toi
comme a un ami interrogateur. Je te conjure de ne pas dicter à d'autres
hommes riches la manière dont ils doivent considérer leur fortune. Je te
donne les conseils suivants:
« 1. Comme gérant d'une fortune héritée, il faut
considérer son origine. Tu es moralement obligé de représenter la
génération passée dans la transmission honnête de la fortune légitime aux
générations suivantes après en avoir déduit un péage équitable au profit
de la génération présente. Mais tu n'es pas obligé de perpétuer une
malhonnêteté ou un injustice impliquée dans l'accumulation non équitable
d'une fortune par tes ancêtres. Si une partie de ta fortune héritée se
révèle provenir de fraudes ou d'injustices, tu peux la débourser
conformément à tes convictions sur la justice, la générosité, et la
restitution. Quant au reste de ta fortune légitimement héritée, tu peux en
disposer équitablement et la transmettre sans crainte en tant que
dépositaire d'une génération pour le compte de la suivante. Une sage
discrimination et un jugement sain dicteront tes dispositions
testamentaires.
« 2. Toute personne qui jouit d'une fortune provenant de
découvertes devrait se rappeler que chaque individu ne vit sur terre que
pendant un court laps de temps; en conséquence, il devrait prendre des
dispositions adéquates pour partager le bénéfice de ses découvertes d'une
manière utile avec le lus grand nombre possible de ses semblables. Le
prospecteur ne doit pas se voir refuser toute récompense pour ses efforts
de découverte, mais il ne doit pas non plus prétendre égoïstement
s'arroger tous les avantages et bienfaits provenant de la mise à jour des
ressources accumulées par la nature.
« 3. Tant que les hommes choisissent de mener les affaires
du monde par le commerce et le troc, ils ont le droit d'en tirer un
bénéfice équitable et légitime. Tout commerçant mérite une rémunération
pour ses services; tout marchand a droit a son salaire. La loyauté
commerciale et le traitement honnête accordés aux membres des affaires
organisées du monde créent toutes sortes de fortunes par bénéfices; ces
sources de richesse devraient être jugées d'après les principes supérieurs
de justice, d'honnêteté et d'équité. Un commerçant honnête ne doit pas
hésiter à prendre pour une opération donnée le bénéfice qu'il accorderait
volontiers à un collègue dans une affaire analogue. Bien que cette sorte
de profits, quand les affaires se traitent sur une grande échelle, ne soit
pas identique aux revenus gagnés individuellement, une fortune ainsi
accumulée honnêtement confère à son possesseur un droit considérable à
faire entendre sa voix quand il s'agit de la répartir.
« 4. Nul mortel connaissant Dieu et cherchant à faire la
volonté divine ne peut s'abaisser à exercer des contraintes au moyen de sa
fortune. Nul homme noble ne s'efforcera d'accumuler des richesses et
d'amasser une puissance financière par l'esclavage ou l'exploitation
injuste de ses frères. Quand la richesse est tirée du labeur d'humains
opprimés, elle est une malédiction morale et un stigmate spirituel. Toute
fortune de cet ordre devrait être restituée à ceux qui ont été ainsi
dépossédés, ou à leurs enfants et à leurs petits-enfants. On ne peut bâtir
une civilisation durable sur la pratique consistant à frustrer les
travailleurs de leur salaire.
« 5. Le capital honnête a droit à des intérêts. Tant que
les hommes emprunteront et prêteront, ils peuvent percevoir un intérêt
équitable, pourvu que la somme prêté acquise légitimement. Apure d'abord
ton capital avant de prétendre à des intérêts. Ne deviens pas mesquin et
cupide au point de t'abaisser à pratiquer l'usure. Ne te permets jamais
d'être assez égoïste pour employer le pouvoir de l'argent à gagner un
avantage injuste sur tes semblables qui se débattent. Ne cède pas à la
tentation d'exiger des intérêts usuraires de ton frère s'il a des embarras
financiers.
« 6. Si par hasard tu gagnes une fortune par des traits de
génie, si tes richesses représentent la rémunération de tes dons
inventifs, ne réclame pas une portion injuste de cette rémunération. Un
génie est redevable de quelque chose aussi bien à ses ancêtres qu'à sa
progéniture; de même il encourt des obligations envers la race, la nation,
et l'entourage de ses découvertes originales; il ne doit pas oublier que
c'est en tant qu'homme parmi les hommes qu'il a mis au point ses
inventions. Par contre, il serait injuste de priver un génie de toutes les
plus-values de sa fortune. D'ailleurs il sera toujours impossible aux
hommes d'établir des lois et des règlements uniformément applicables à
tous les problèmes de distribution équitable des richesses. Il faut
d'abord reconnaître les hommes comme tes frères. Si tu désires honnêtement
les traiter comme tu souhaiterais toi-même être traité, les impératifs
ordinaires d'honnêteté et d'équité te guideront dans le règlement juste et
impartial de tous les problèmes périodiques concernant les rémunérations
économiques et la justice sociale.
« 7. Sauf pour les honoraires justes et légitimes gagnés
dans l'administration de ses biens, nul homme ne devrait émettre de
prétentions personnelles sur la fortune que le temps et la chance peuvent
avoir concentrée entre ses mains. Il faut un peu considérer les richesses
accidentelles comme un dépôt de confiance à dépenser au profit de votre
groupe économique ou social. Les possesseurs de cette fortune doivent
avoir une voix majoritaire pour déterminer la distribution sage et
efficace de ces biens non gagnés. Les hommes civilisés cesseront un jour
de considérer tout ce qu'ils contrôlent comme leur propriété personnelle
et privée.
« 8. Si une portion quelconque de ta fortune provient de
fraudes, si une fraction de tes biens a été amassée par des pratiques
malhonnêtes ou par des méthodes inéquitables, si tes richesses sont le
produit d'affaires traitées injustement avec tes semblables, hâte-toi de
restituer tous ces gains mal acquis à leurs légitimes propriétaires.
Répare entièrement tes torts et épure ainsi ta fortune de tous ses
éléments malhonnêtes.
« 9. La gestion des biens par une personne pour le compte
de certaines autres est une responsabilité solennelle et sacrée. Ne
hasarde pas ce dépôt, ne le mets pas en péril. N'en prélève pour toi-même
que la fraction reconnue équitable par tous les honnêtes gens.
« 10. La partie de ta fortune qui représente les gains dus
à tes propres efforts physiques et mentaux -- si tu as travaillé
loyalement et équitablement -- est véritablement à toi. Nul ne peut
contester ton droit de détenir et d'utiliser cette fortune à ta
convenance, pourvu que l'exercice de ce droit ne nuise pas à tes
semblables ».
Quand Jésus eut fini de qui donner ces avis, le riche Romain se leva de
son divan et, en souhaitant le bonsoir à Jésus, il lui fit la promesse
suivante: « Mon cher ami, je perçois que tu es un homme plein de sagesse
et de bonté; dès demain je commencerai à administrer toute ma fortune
conformément à tes conseils ».
6. -- MINISTÈRE SOCIAL
C'est également à Rome que se passa l'incident touchant où le Créateur
d'un univers passa plusieurs heures à rendre un enfant perdu à sa mère
angoissée. Ce petit garçon s'était égaré en s'éloignant de sa maison, et
Jésus le trouva pleurant de désespoir. Jésus et Ganid avaient prévu de se
rendre à la bibliothèque, mais ils se dévouèrent pour s'occuper de
l'enfant et le ramener chez lui. Ganid n'oublia jamais le commentaire de
Jésus: « Tu sais, Ganid, la plupart des êtres humains ressemblent à cet
enfant égaré. Ils perdent beaucoup de temps à pleurer dans la crainte et a
souffrir dan le chagrin, alors qu'en vérité ils se trouvent tout près du
salut et de la sécurité, de même que cet enfant n'était pas loin de sa
maison. Tous ceux qui connaissent le chemin de la vérité et sont assurés
de connaître Dieu devraient considérer comme un privilège, et non comme un
devoir, d'offrir leurs conseils à leurs semblables qui recherchent les
satisfactions de la vie. N'avons-nous pas ressenti une joie suprême à
rendre cet enfant à sa mère? De même, ceux qui conduisent les hommes à
Dieu éprouvent la satisfaction suprême de servir l'humanité ». A partir de
ce jour-là et durant le reste de sa vie sur terre, Ganid fut toujours à
l'affût d'enfants perdus qu'il pourrait ramener à leur foyer.
Une veuve avec cinq enfants avait eu son mari tué dans un accident.
Jésus raconta à Ganid comment il avait lui-même perdu son père dans un
accident. Ils allèrent maintes fois réconforter cette mère et ses enfants,
et Ganid demanda de l'argent à son père pour leur fournir des vivres et
des vêtements. Ils ne cessèrent pas leurs efforts avant d'avoir trouvé un
emploi pour le fils aîné, de manière qu'il puisse contribuer à l'entretien
de la famille.
Un soir, tandis que Gonod écoutait le récit de ces expériences, il dit
avec bonhomie à Jésus: « Je me proposais de faire de mon fils un érudit ou
un homme d'affaires, et maintenant tu commences à en faire un philosophe
ou un philanthrope ou un philanthrope ». Jésus répondit en souriant: «
Peut-être ferons-nous de lui tous les quatre. Il pourra alors jouir d'une
quadruple satisfaction dans la vie, car son oreille subtile destinée à
reconnaître la mélodie humaine pourra discerner quatre toniques au lieu
d'une seule ». Alors Gonod dit: « Je perçois que tu es réellement un
philosophe. Il faut que tu écrives un livre pour les générations futures
». Et Jésus répondit: « Pas un livre -- ma mission est de vivre une vie
dans cette génération et pour toutes les générations. Je.. ». Mais il
s'arrêta et dit à Ganid: « Mon fils, il est l'heure d'aller se coucher.
7. -- VOYAGES AUTOUR DE ROME
Jésus, Gonod, et Ganid firent cinq voyages en partant de Rome vers des
points intéressants du territoire environnant. Au cours de leur visite de
la région des lacs italiens du nord, Jésus eut un long entretien avec
Ganid sur l'impossibilité de donner à un homme des enseignements sur Dieu
si cet homme ne désire pas connaître Dieu. Au cours de leur trajet vers
les lacs, ils avaient rencontré par hasard un païen borné, et Ganid fut
surpris de voir que Jésus, contrairement à sa manière de faire habituelle,
n'entraînait pas cet homme dans une conversation qui aurait naturellement
conduit à discuter des questions spirituelles. Lorsque Ganid demanda à son
précepteur pourquoi il portait si peu d'intérêt à ce païen, Jésus
répondit:
« Ganid, cet homme n'avait pas soif de vérité. Il n'était pas mécontent
de lui-même. Il n'était pas prêt à appeler à l'aide, et les yeux de sa
pensée n'étaient pas ouverts pour recevoir la lumière destinée à l'âme.
Cet homme n'était pas mûr pour la moisson du salut. Il faut lui accorder
un délai pour que les épreuves et les difficultés de la vie le préparent à
recevoir la sagesse et la connaissance supérieure. Ou bien encore, s'il
pouvait venir vivre avec nous, nous pourrions qui montrer le Père céleste
par notre exemple; nos vies en tant que fils de Dieu pourraient l'attirer
au point de l'obliger à s'enquérir de notre Père. On ne peut révéler Dieu
à ceux qui ne le cherchent pas, ni conduire des âmes réticentes aux joies
du salut. Avant qu'un être humain puisse agir comme intermédiaire pour
amener un compagnon à croire au Père céleste, il faut que les expériences
de la vie aient donné à ce compagnon la soif de la vérité, ou bien qu'il
désire connaître Dieu par suite du contact avec la vie de ceux qui
connaissent le divin Père. Si nous connaissons Dieu, notre véritable
travail sur terre consiste à vivre de manière à permettre au Père de se
révéler à travers notre vie. Ainsi, toutes les personnes qui recherchent
Dieu verront le Père et recourront à notre aide pour mieux connaître le
Dieu qui réussit à s'exprimer de cette manière dans notre vie ».
Ce fut dans la montagne, au cours de leur voyage en Suisse, que Jésus
eut avec le père et le fils un entretien de toute une journée sur le
bouddhisme. Ganid avait bien des fois posé à Jésus des questions directes
sur le Bouddha, mais avait toujours reçu des réponses plus ou moins
évasives. Ce jour-là, en présence de son fils, le père interrogea
carrément Jésus sur Bouddha et reçut une franche réponse. Gonod dit: « Je
voudrais réellement savoir ce que tu penses de Bouddha ». Et Jésus
répondit:
« Votre Bouddha fut très supérieur à votre bouddhisme. Bouddha fut un
grand homme, et même un prophète pour son peuple, mais un prophète
orphelin. Je veux dire par là que de bonne heure il perdit de vue son Père
spirituel, le Père céleste. Son expérience fut tragique. Il essaya de
vivre et d'enseigner en tant que messager de Dieu, mais sans Dieu. Bouddha
dirigea son navire sauveur droit vers le port de sécurité, jusqu'à
l'entrée du havre de salut des mortels, et là, à cause de cartes marines
erronées, le bon navire fut jeté à la côte. Il y est resté pendant de
nombreuses générations, immobile et presque irrémédiablement échoué.
Beaucoup de vos compatriotes sont restés sur ce bateau pendant toutes ces
années. Ils vivent à portée de voix des eaux tranquilles du havre, mais
refusent d'y entrer parce que la noble embarcation du bon Bouddha a eu la
malchance d'échouer juste à côté du port. Les peuples bouddhistes
n'entreront jamais dans cette rade à moins d'abandonner le navire
philosophique de leur prophète et de saisir son noble esprit. Si votre
peuple était resté fidèle à l'esprit de Bouddha, il y a longtemps que vous
seriez entrés dans votre havre de tranquillité d'esprit, de repos d'âme,
et d'assurance de salut.
« Tu vois, Gonod, Bouddha connaissait Dieu en esprit, mais ne réussit
pas à le découvrir clairement en pensée; au contraire, les Juifs
découvrirent Dieu en pensée, mais manquèrent dans une large mesure de le
connaître en esprit. Aujourd'hui les Bouddhistes pataugent dans une
philosophie sans Dieu, et les Juifs ont un Dieu, mais sont dépourvus d'une
philosophie de vie qui soit reliée. Faute d'avoir la vision de Dieu en
tant qu'esprit et Père, Bouddha n'a pas réussi à apporter dans son
enseignement l'énergie morale et la force motrice spirituelle qu'une
religion doit posséder pour changer une race et relever une nation ».
Alors Ganid s'écria: « Maître, instituons toi et moi une nouvelle
religion qui soit assez bonne pour l'Inde et assez grande pour Rome;
peut-être pourrons-nous l'apporter aux Juifs en échange de Jéhovah ».
Jésus répondit: « Ganid, les religions humaines ne s'instituent pas. Elles
se développent au cours de longues périodes de temps, tandis que les
révélations de Dieu éclatent sur terre dans la vie des hommes qui révèlent
Dieu à leurs semblables ». Mais ni Gonod ni Ganid ne comprirent la
signification de ces paroles prophétiques.
Cette nuit-la, après s'être couché, Ganid ne put dormir. Il parla
longuement à son père et finit par dire: « Tu sais, père, je crois parfois
que Jésus est un prophète ». Et son père répondit seulement d'un ton
somnolent: «Mon fils, il y en a d'autres ».
À partir de ce jour-là et pendant le reste de sa vie terrestre, Ganid
continua à mettre sur pied une religion à lui. Il était mentalement très
ému par la largeur d'esprit, l'équité, et la tolérance de Jésus. Dans
toutes leurs discussions philosophiques et religieuses, jamais le jeune
homme n'éprouva de sentiments de rancune ni de réactions d'antagonisme.
Quelle scène à contempler pour les intelligences célestes que ce
spectacle d'un adolescent hindou proposant au Créateur d'un univers
d'instituer avec lui une nouvelle religion! Or, bien que le jeune homme ne
le sût pas, ils étaient bel et bien en train d'établir une religion
nouvelle et éternelle -- une nouvelle méthode de salut, la révélation de
Dieu aux hommes par Jésus et en Jésus. Le garçon était en train de
réaliser inconsciemment son souhait le plus ardent. Il en fut et il en est
toujours ainsi. Quand l'imagination humaine éclairée et réfléchie,
spirituellement instruite et agissant de tout coeur avec désintéressement,
cherche à faire ou à être quelque chose, elle devient créative dans une
mesure appréciable selon le degré de consécration du mortel à faire
divinement la volonté du Père. Quand l'homme s'associe à Dieu, de grands
événements peuvent se produire et se produisent effectivement.
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