LES ANNÉES DE TRANSITION
DURANT son voyage méditerranéen, Jésus avait soigneusement étudié les
personnes rencontrées et les pays traversés, et c'est alors qu'il parvint
à sa décision finale concernant le reste de sa vie sur terre. Il avait
pleinement considéré et désormais définitivement approuvé le plan
prévoyant qu'il naîtrait de parents juifs en Palestine. Il revint donc
délibérément en Galilée pour attendre le commencement de son oeuvre
d'instructeur public de la vérité. Il se mit à faire des projets en vue
d'une carrière publique dans le pays du peuple de son père Joseph, et en
l'espèce selon son propre libre arbitre.
Par expérience personnelle et humaine, Jésus avait constaté que, dans
tout le monde romain, la Palestine était le meilleur endroit pour
développer les derniers chapitres de sa vie terrestre et en jouer les
scènes finales. Pour la première fois, il fut pleinement satisfait du
programme consistant à manifester ouvertement sa vraie nature et à révéler
son identité divine parmi les Juifs et les Gentils de sa Palestine natale.
Il décida catégoriquement de terminer sa vie terrestre et de parachever sa
carrière d'existence mortelle dans le pays même où il avait commencé son
expérience humaine en tant que bébé impuissant. Sa carrière sur Urantia
avait débuté chez les Juifs de Palestine; il choisit de terminer également
sa vie en Palestine et parmi les Juifs.
1. -- LA TRENTIÈME ANNÉE (AN 24)
Après avoir pris congé de Gonod et de Ganid à Charax (en décembre de
l'an 23) Jésus revint par Ur à Babylone où il se joignit à une caravane du
désert qui faisait route vers Damas. De Damas il alla à Capharnaüm, où il
s'arrêta seulement quelques heures pour rendre visite à la famille de
Zébédée. Il y rencontra son frère Jacques, venu quelque temps auparavant
travailler à sa place au chantier naval de Zébédée. Après s'être entretenu
avec Jacques et Jude (qui se trouvait aussi par hasard à Capharnaüm) et
après avoir remis à son frère Jacques la petite maison que Jean Zébédée
avait réussi à acheter, Jésus continua son chemin vers Nazareth.
À la fin de son voyage méditerranéen, Jésus avait reçu assez d'argent
pour faire face à son entretien presque jusqu'au commencement de son
ministère public. Mais en dehors de Zébédée à Capharnaüm et des gens que
Jésus rencontra au cours de cette tournée extraordinaire, le monde ne sut
jamais qu'il avait fait ce voyage. Sa famille crut toujours qu'il avait
passé son temps à étudier à Alexandrie. Jésus ne confirma jamais cette
croyance, et ne réfuta pas non plus ouvertement ce malentendu.
Durant son séjour de quelques semaines à Nazareth, Jésus s'entretint
avec sa famille et ses amis, passa quelque temps à l'atelier de
réparations avec son frère Joseph, mais se consacra en majeure partie à
Marie et à Ruth. Ruth approchait de ses quinze ans, et c'était la première
occasion pour Jésus de causer longuement avec elle depuis qu'elle était
devenue une jeune fille.
Depuis quelque temps, Simon et Jude désiraient tous deux se marier,
mais il leur avait déplu de le faire sans le consentement de Jésus. Ils
avaient donc retardé l'événement, espérant le prochain retour de leur
frère aîné. Bien que tous aient considéré Jacques comme le chef de la
famille dans la plupart des affaires, quand il s'était agi de se marier,
ils voulaient la bénédiction de Jésus. Le double mariage de Simon et de
Jude fut donc célébré en une seule cérémonie au début de mars de l'an 24.
Tous les aînés étaient maintenant mariés; seule Ruth restait à la maison
avec Marie.
Jésus rendit visite tout naturellement et normalement aux divers
membres de sa famille mais, quand ils étaient tous réunis, il avait si peu
de choses à dire qu'ils en firent la remarque entre eux. Marie surtout
était déconcertée par la conduite étrange de son fils aîné.
Au moment où Jésus se préparait à quitter Nazareth, le conducteur d'une
grosse caravane qui passait par la ville tomba gravement malade, et Jésus,
connaissant les langues étrangères, s'offrit pour le remplacer. Ce voyage
nécessitait son absence pendant une année; puisque tous ses frères étaient
mariés et que sa mère vivait seule au foyer avec Ruth, Jésus réunit un
conseil de famille auquel il proposa que sa mère et Ruth aillent vivre à
Capharnaüm dans la maison qu'il avait tout récemment donnée à Jacques. En
conséquence, quelques jours après que Jésus fût parti avec la caravane,
Marie et Ruth allèrent s'installer à Capharnaüm où elles vécurent durant
le reste de la vie de Marie dans la maison fournie par Jésus. Joseph et sa
famille emménagèrent dans la vieille maison de Nazareth.
Cette année fut l'une des plus exceptionnelles dans l'expérience
intérieure du Fils de l'Homme; il fit de grands progrès dans la
réalisation d'une harmonie fonctionnelle entre sa pensée humaine et son
Ajusteur intérieur. L'Ajusteur avait été activement occupé à réorganiser
les pensées de Jésus et à apprêter sa mentalité en vue des grands
événements qui se situaient alors dans le proche avenir. Jésus préparait
sa personnalité à un net changement de comportement envers le monde. Il se
trouvait dans une période intermédiaire, le stade de transition entre
l'être ayant commencé sa vie en tant que Dieu apparaissant comme un homme,
et qui s'apprêtait maintenant à parachever sa carrière terrestre en tant
qu'homme apparaissant comme Dieu.
2. -- LE VOYAGE PAR CARAVANE À LA MER CASPIENNE
Ce fut au premier avril de l'an 24 que Jésus quitta Nazareth pour le
voyage dans la zone de la Mer Caspienne. La caravane à laquelle Jésus
s'était joint comme conducteur partait de Jérusalem pour la région située
au sud-est de la Mer Caspienne en passant par Damas et le lac Urmia, et en
traversant l'Assyrie, la Médie, et la Parthie. Il s'écoula une année
entière avant qu'il ne revint de cette expédition.
Pour Jésus, ce voyage en caravane était une nouvelle aventure
d'exploration et de ministère personnel. Il eut une expérience
intéressante avec les membres de sa caravane -- passagers, gardes, et
conducteurs de chameaux. Des dizaines d'hommes, de femmes, et d'enfants
habitant aux abords de la route suivie par la caravane vécurent une vie
plus riche par suite de leur contact avec Jésus, qu'ils apprécièrent en
tant que chef extraordinaire d'une caravane ordinaire. Ceux qui
bénéficièrent de son ministère personnel en ces occasions n'en tirèrent
pas tous profit, mais en grande majorité ceux qui le rencontrèrent et lui
parlèrent furent améliorés pour le restant de leur vie terrestre.
Parmi tous ses voyages dans le monde, cette expédition vers la mer
Caspienne fut celle qui amena Jésus le plus près de l'Orient et lui permit
d'acquérir une meilleure compréhension des peuples d'Extrême-Orient. Il
établit des contacts amicaux avec des membres de chacune des races
survivantes sur Urantia, sauf la rouge. Son ministère personnel lui
procura le même plaisir auprès de chacune de ces races variées et de ces
peuplades mélangées, et toutes furent réceptives à la vérité vivante qu'il
leur apportait. Les Européens d'Extrême-Occident aussi bien que les
Asiatiques d'Extrême-Orient prêtaient attention à ses paroles d'espoir et
de vie éternelle; ils étaient tous également influencés par la vie de
service affectueux et de ministère spirituel qu'il vivait parmi eux avec
tant de bienveillance.
Le voyage de la caravane fut réussi à tous points de vue. Ce fut un
épisode des plus intéressants dans la vie humaine de Jésus, car durant
cette année il joua un rôle exécutif en étant responsable des biens
matériels confiés à sa charge et des voyageurs de la caravane qu'il devait
mener à bon port. Il accomplit ses multiples devoirs avec une fidélité,
une efficacité, et une sagesse extrêmes.
À son retour de la région caspienne, Jésus abandonna la direction de la
caravane après être arrivé au lac Urmia, où il s'arrêta une quinzaine de
jours. Il revint à Damas comme voyageur avec une autre caravane dont les
propriétaires des chameaux lui demandèrent de rester à leur service.
Déclinant cette offre, il continua son voyage avec le train de la caravane
jusqu'à Capharnaüm, où il arriva le 1ier avril de l'an 25. Il ne
considérait plus Nazareth comme son foyer. Capharnaüm était devenu le
foyer de Jésus, Jacques, Marie, et Ruth, mais Jésus ne vécut plus jamais
avec sa famille. Quand il se trouvait à Capharnaüm, il habitait chez les
Zébédée.
3. -- LES CONFÉRENCES D'URMIA
Sur la route d'aller vers la Mer Caspienne, Jésus s'était arrêté à la
vieille ville persane d'Urmia, sur la rive ouest du lac du même nom, pour
laisser à sa caravane quelques jours de repos et de récupération. Sur la
plus grande île d'un petit archipel proche de la côte au voisinage d'Urmia
se trouvait un vaste bâtiment -- un a amphithéâtre de conférences --
consacré à « l'esprit de la religion ». Cet édifice était en réalité un
temple de la philosophie des religions.
Ce temple de la religion avait été bâti par un riche négociant nommé
Cymboyton et ses trois fils. Ce citoyen d'Urmia comptait parmi ses
ancêtres des gens de souches très variées.
Dans cette école de religion, les conférences et les discussions
commençaient tous les jours de la semaine à 10 heures du matin. Les
sessions de l'après-midi débutaient à 3 heures, et les débats du soir
s'ouvraient à 8 heures. Cymboyton, ou l'un de ses trois fils, présidaient
toujours ces réunions d'enseignement, de discussions, et de débats. Le
fondateur de cette extraordinaire école religieuse vécut et mourut sans
jamais avoir révélé ses croyances religieuses personnelles.
À plusieurs reprises, Jésus participa aux discussions, et avant son
départ d'Urmia vers la mer Caspienne, il convint avec Cymboyton qu'à son
voyage de retour il séjournerait deux semaines à Urmia et ferait
vingt-quatre conférences sur « La Fraternité des Hommes ». Jésus devait
aussi diriger douze sessions du soir comportant des questions, des
discussions, et des débats sur ses conférences en particulier et sur la
fraternité des hommes en général.
Conformément à cet arrangement, Jésus s'arrêta à son voyage de retour
et fit ces conférences. De tous les enseignements donnés par Jésus sur
Urantia, elles furent ses exposés les plus systématiques et les plus
formels. Jamais auparavant, ni plus tard, il ne développa un sujet aussi
longuement qu'au cours de ces causeries et discussions sur la fraternité
des hommes. En réalité, ces conférences concernaient le « Royaume de Dieu
» et les « Royaumes des Hommes ».
Plus de trente religions et cultes religieux étaient représentés à la
faculté du temple de philosophie religieuse d'Urmia. Les éducateurs
étaient choisis, entretenus, et pleinement accrédités par leurs groupes
religieux respectifs. À ce moment-là, il y avait environ soixante-quinze
maîtres à la faculté, et ils vivaient dans des chalets abritant chacun une
douzaine de personnes. À chaque nouvelle lune, on changeait les groupes
par tirage au sort. L'intolérance, l'esprit de chicane ou toute autre
tendance à interférer avec la bonne marche de la communauté provoquaient
le congédiement prompt et sommaire de l'éducateur fautif. On le renvoyait
sans cérémonie et l'on installait immédiatement à sa place son remplaçant
éventuel.
Ces instructeurs des diverses religions faisaient un grand effort pour
montrer la similitude de leurs religions en ce qui concernait les éléments
fondamentaux de la vie présente et de la vie future. Pour obtenir un siège
à cette faculté, il suffisait d'accepter une seule doctrine -- chaque
maître devait représenter une religion qui reconnaissait Dieu -- une sorte
de Déité suprême. Il y avait en outre cinq maîtres indépendants qui ne
représentaient aucune religion organisée, et c'est à ce titre que Jésus
apparut devant la faculté.
[Lorsque nous, les médians, eûmes préparé le résumé des enseignements
de Jésus a Urmia, il s'éleva un désaccord entre les séraphins des Églises
et les séraphins du progrès sur l'opportunité d'inclure ces enseignements
dans la Révélation d'Urantia. Les conditions qui prévalent au XXième
siècle, tant dans les religions que dans les gouvernements humains, sont
si différentes de celles de l'époque de Jésus qu'il était en vérité
difficile d'adapter les enseignements du Maître à Urmia aux problèmes du
royaume de Dieu et des royaumes des hommes tels que ces fonctions existent
au XXième siècle. Nous ne fûmes jamais capables de formuler les
enseignements du Maître d'une manière accepté simultanément par ces deux
groupes de séraphins du gouvernement planétaire. Finalement, le
Melchizédek président de la commission de révélation nomma un comité de
trois médians de notre ordre pour présenter notre point de vue sur les
enseignements du Maître à Urmia adaptés aux conditions religieuses et
politiques du XXième siècle sur Urantia. En conséquence, les trois médians
secondaires que nous sommes parachevèrent cette adaptation des
enseignements de Jésus en réexposant ses déclarations de la manière dont
nous les appliquerions aux conditions du monde d'aujourd'hui (1935). Nous
donnons maintenant ces exposés tels qu'ils se présentent après avoir été
revus par le Melchizédek président de la commission de révélation.]
4. -- LA SOUVERAINETÉ — DIVINE ET HUMAINE
La fraternité des hommes est fondée sur la paternité de Dieu. La
famille de Dieu tire son origine de l'amour de Dieu. Dieu est amour. Dieu
le Père aime divinement ses enfants, sans en excepter aucun.
Le royaume des cieux, le gouvernement divin, est fondé sur le fait de
la souveraineté divine -- Dieu est esprit. Puisque Dieu est esprit, son
royaume est spirituel' Le royaume des cieux n'est ni matériel ni purement
intellectuel; il est une relation spirituelle entre Dieu et l'homme.
Si des religions différentes reconnaissent la souveraineté spirituelle
de Dieu le Père, toutes ces religions demeureront en paix. C'est seulement
quand une religion prétend avoir une certaine supériorité sur d'autres et
posséder une autorité exclusive sur elles qu'elle se permet de ne pas
tolérer les autres religions ou qu'elle ose persécuter leurs fidèles.
La paix religieuse -- la fraternité -- ne peut jamais exister sans que
toutes les religions soient disposées à se dépouiller de toute autorité
ecclésiastique et à abandonner entièrement tout concept de souveraineté
spirituelle. Dieu seul est esprit souverain.
Pour qu'il y ait égalité entre les religions (liberté relieuse) sans
guerres de religion, il faut que toutes les religions consentent à
transférer la souveraineté religieuse à un niveau supra-humain, à Dieu
lui-même.
Le royaume des cieux dans le coeur des hommes créera l'unité religieuse
(mais pas nécessairement l'uniformité) parce que chaque collectivité
religieuse composée de ces fidèles sera dégagée de toute notion d'autorité
ecclésiastique -- de souveraineté religieuse.
Dieu est esprit, et Dieu donne des fragments de son entité spirituelle
pour habiter le coeur des hommes. Spirituellement, tous les hommes sont
égaux. Le royaume des cieux est dépourvu de castes, de classes, de niveaux
sociaux, et de groupes économiques. Vous êtes tous frères.
Mais dès que l'humanité perd de vue la souveraineté d'esprit de Dieu le
Père, une religion donnée commence à affirmer sa supériorité sur les
autres. Alors, au lieu de paix sur terre et de bonne volonté parmi les
hommes, commencent les dissensions, les récriminations, et même les
guerres de religion, ou du moins les guerres entre fidèles de diverses
religions.
À moins qu'ils ne se reconnaissent mutuellement comme soumis à une
certaine super-souveraineté, à une certaine autorité qui les dépasse, des
êtres doués de libre arbitre et se considérant comme des égaux sont tôt ou
tard tentés de mettre à l'essai leur aptitude à gagner pouvoir et autorité
sur d'autres personnes et d'autres groupes. Le concept d'égalité n'apporte
jamais la paix, sauf dans la récognition mutuelle d'une super-souveraineté
dont l'influence est dominante.
Les hommes religieux d'Urmia vivaient ensemble dans une paix et une
tranquillité relatives parce qu'ils avaient totalement renoncé a toutes
leurs notions de souveraineté religieuse. Spirituellement, ils croyaient
tous en un Dieu souverain; socialement, ils se soumettaient à l'autorité
entière et incontestable de leur président Cymboyton. Ils savaient bien ce
qui arriverait a tout professeur qui chercherait à en imposer à ses
collègues. Aucune paix religieuse durable ne pourra s'établir sur Urantia
avant que toutes les collectivités religieuses ne renoncent librement à
leurs notions de faveur divine de peuple élu, et de souveraineté
religieuse. C'est seulement quand Dieu le Père deviendra suprême pour les
hommes que ceux-ci deviendront des frères en religion et vivront ensemble
sur terre dans la paix religieuse.
5. -- LA SOUVERAINETÉ POLITIQUE
[L'enseignement du Maître concernant la souveraineté de Dieu est une
vérité mais compliquée par l'apparition subséquente d'une religion à
propos de lui parmi les religions humaines. Par contre, ses exposés
concernant la souveraineté politique sont immensément compliqués par
l'évolution politique de la vie des nations durant les dix-neuf derniers
siècles. À l'époque de Jésus, il n'y avait que deux grandes puissances
mondiales -- l'Empire Romain en Occident et l'Empire de Han en Orient --
et elles étaient largement séparées par le royaume des Parthes et par
d'autres contrées interposées des régions de la Caspienne et du Turkestan.
Dans l'exposé qui suit, nous nous sommes donc écartés davantage de la
substance des enseignements du Maître à Urmia concernant la souveraineté
politique; en même temps, nous nous sommes efforcés de décrire
l'importance de ces enseignements tels qu'ils sont applicables au stade
particulièrement critique de l'évolution de la souveraineté politique au
XXième siècle de l'ère chrétienne.]
La guerre sur Urantia ne prendra jamais fin tant que les nations
s'attacheront à la notion illusoire de souveraineté nationale illimitée.
Il n'existe que deux niveaux de souveraineté relative sur un monde habits:
le libre arbitre spirituel de chaque individu, et la souveraineté
collective de l'ensemble de l'humanité. Entre le niveau de l'être humain
individuel et celui de l'humanité en bloc, tous les groupements et
associations sont relatifs, transitoires, et n'ont de valeur que dans la
mesure où ils accroissent le bonheur, le bien-être, et le progrès des
individus et du grand ensemble planétaire -- de l'homme et de l'humanité.
Les éducateurs religieux ne doivent jamais oublier que la souveraineté
spirituelle de Dieu l'emporte sur tous les loyalismes spirituels
intermédiaires et interposés. Les chefs civils apprendront un jour que les
Très Hauts règnent sur les royaumes des hommes.
Le règne des Très Hauts dans les royaumes des hommes n'est pas établi
au bénéfice spécial d'un groupe de mortels particulièrement favorisés. Il
n'y a nulle part de « peuple élu ». Le règne des Très Hauts, des
super-contrôleurs de l'évolution politique, est destiné à promouvoir,
parmi tous les hommes, le plus grand bien pour le plus grand nombre
et pour une durée aussi longue que possible.
La souveraineté est le pouvoir; elle grandit par organisation. La
croissance de l'organisation du pouvoir politique est bonne et
souhaitable; car elle tend à englober des secteurs toujours plus vastes de
l'ensemble de l'humanité. Mais cette même croissance des organisations
politiques crée un problème à chaque stade intermédiaire entre
l'organisation initiale et naturelle du pouvoir politique -- la famille --
et le couronnement final de la croissance politique -- le gouvernement de
toute l'humanité par toute l'humanité et pour toute l'humanité.
Partant du pouvoir parental dans le groupe familial, la souveraineté
politique évolue par organisation à mesure que les familles s'imbriquent
en clans consanguins qui s'unissent, pour diverses raisons, en unités
tribales -- en groupements politiques super-consanguins. Ensuite, par le
négoce, le commerce, et la conquête, les tribus s'unifient en une nation,
tandis que les nations elles-mêmes sont parfois unifiées en un empire.
À mesure que la souveraineté passe des petits groupes à des
collectivités plus vastes, les guerres se font plus rares. Nous voulons
dire que les guerres mineures entre petites nations diminuent, mais le
potentiel des grandes guerres s'accroît à mesure que les nations exerçant
la souveraineté deviennent de plus en plus grandes. Bientôt, quand le
monde entier aura été exploré et occupé, quand les nations seront peu
nombreuses, fortes, et puissantes, quand ces grandes nations se prétendant
souveraines en viendront à posséder des frontières communes, quand elles
ne seront séparées que par des océans, alors le cadre sera prêt pour des
guerres majeures, des conflits mondiaux. Les nations dites souveraines ne
peuvent se coudoyer sans engendrer des conflits et provoquer des guerres.
La difficulté pour faire évoluer la souveraineté politique depuis la
famille jusqu'à l'humanité entière réside dans l'inertie-résistance
rencontrée à tous les niveaux intermédiaires. À l'occasion, des familles
ont défié leur clan, et de leur côté des clans et des tribus ont souvent
refusé de se soumettre à la souveraineté de l'État territorial. Chaque
nouveau progrès évolutif de la souveraineté politique est (et a toujours
été) embarrassé et gêné par les « stades d'échafaudage » des
développements antérieurs de l'organisation politique. Cela est vrai parce
que les loyalismes humains, une fois mobilisés, sont difficiles à
modifier. Le même loyalisme qui rend possible l'évolution de la tribu rend
difficile l'évolution de la « super-tribu »
-- l'État territorial. Et le même loyalisme qui rend possible l'évolution
de l'État territorial complique immensément le développement
évolutionnaire du gouvernement de l'ensemble de l'humanité.
La souveraineté politique est créée grâce à l'abandon de l'autarchie,
d'abord par l'individu à l'intérieur de la famille, et ensuite par les
familles et clans par rapport à la tribu et aux collectivités plus
étendues. Ce transfert progressif de l'auto-détermination à des
organisations politiques toujours plus vastes s'est généralement poursuivi
sans répit en Orient depuis l'établissement des dynasties Ming et Mogol.
En Occident, il a prévalu pendant plus de mille ans jusqu'à la fin de la
guerre mondiale en 1918; un malencontreux mouvement rétrograde inversa
ensuite temporairement cette tendance normale en rétablissant la
souveraineté politique effondrée de nombreuses petites collectivités
européennes.
Urantia ne jouira pas d'une paix durable avant que les nations dites
souveraines ne remettent intelligemment et pleinement leurs pouvoirs
souverains àa la fraternité des hommes -- au gouvernement de l'humanité.
L'internationalisme -- les Ligues des Nations -- est impuissant à amener
une paix permanente parmi les hommes. Les confédérations mondiales de
nations empêcheront efficacement les guerres mineures et contrôleront
acceptablement les petites nations, mais elles ne réussiront ni à empêcher
les guerres mondiales, ni à contrôler les trois, quatre, ou cinq
gouvernements les plus puissants. En face de conflits réels, l'une de ces
puissances mondiales se retirera de la Ligue et déclarera la guerre. On ne
peut empêcher les nations de se lancer dans la guerre tant qu'elles
restent contaminées par le virus illusoire de la souveraineté nationale.
L'internationalisme est un pas dans la bonne direction. Une force de
police internationale empêchera bien des guerres mineures, mais elle sera
inefficace pour empêcher les guerres majeures, les conflits entre les
grands gouvernements militaires de la terre.
À mesure que décroît le nombre des nations vraiment souveraines (des
grandes puissances) l'opportunité et le besoin d'un gouvernement de
l'humanité s'accroissent. Quand il n'y aura plus que quelques puissances
réellement souveraines (grandes), il faudra soit qu'elles s'embarquent
dans une lutte à mort pour la suprématie nationale (impériale) soit qu'en
abandonnant certaines prérogatives de souveraineté elles créent le noyau
essentiel d'un pouvoir supra-national qui servira de commencement à la
souveraineté réelle de toute l'humanité.
La paix ne viendra pas sur Urantia avant que chaque nation dite
souveraine n'abandonne son pouvoir de faire la guerre entre les mains d'un
gouvernement représentatif de toute l'humanité. La souveraineté politique
est innée chez les peuples du monde. Quand tous les peuples d'Urantia
créeront un gouvernement mondial, ils auront le droit et le pouvoir de le
rendre SOUVERAIN. Et quand cette puissance mondiale représentative ou
démocratique contrôlera les forces terrestres, aériennes, et navales du
monde, la paix sur terre et la bonne volonté parmi les hommes pourront
prévaloir -- mais pas avant cela.
Citons un exemple marquant du XIXième et du XXième siècle. Les
quarante-huit États de l'Union Fédérale américaine jouissent de la paix
depuis longtemps. Ils n'ont plus de guerres entre eux. Ils ont abandonné
leur souveraineté au gouvernement fédéral et, par la force des armes, ils
ont renoncé à toute prétention aux illusions de l'autarchie. Chaque État
règle ses affaires intérieures, mais ne s'occupe pas des affaires
étrangères, des tarifs de douane, de l'immigration, des questions
militaires, ni du commerce entre États. Les États individuels ne
s'occupent pas non plus des questions de citoyenneté. Les quarante-huit
États ne souffrent des ravages de la guerre que si la souveraineté du
gouvernement fédéral est soumise à quelque danger.
Ayant abandonné les sophismes jumeaux de la souveraineté et de
l'autarchie, ces quarante-huit États jouissent entre eux de la paix et de
la tranquillité. De même les nations d'Urantia recommenceront à jouir de
la paix quand elles abandonneront librement leurs souverainetés
respectives entre les mains d'un gouvernement global -- la souveraineté de
la fraternité des hommes. Dans ces conditions mondiales, les petites
nations seront aussi puissantes que les grandes, de même que le petit État
de Rhode Island a ses deux sénateurs au congrès américain exactement comme
l'État populeux de New-York ou le vaste État du Texas.
La souveraineté (d'État) limitée de ces quarante-huit États fut créée
par les hommes et pour les hommes. La souveraineté super-étatigue
(nationale) de l'Union Fédérale Américaine fut créée par les treize
premiers de ces États pour leur propre bénéfice et au profit des hommes.
Un jour, la souveraineté supernationale du gouvernement planétaire de
l'humanité sera créée d'une manière similaire par des nations pour leur
propre bénéfice et au profit de tous les hommes.
Les citoyens ne naissent pas pour le profit des gouvernements; ce sont
les gouvernements qui sont créés et établis pour profiter aux hommes.
L'évolution de la souveraineté politique ne saurait avoir d'autre fin que
l'apparition du gouvernement de la souveraineté de tous les hommes. Toutes
les autres souverainetés ont des valeurs relatives, des significations
intermédiaires, et un statut subordonné.
Avec le progrès scientifique, les guerres vont devenir de plus en plus
dévastatrices jusqu'à équivaloir presque au suicide de la race humaine.
Combien faudra-t-il faire de guerres mondiales, et combien faudra-t-il
voir échouer de ligues des nations avant que les hommes soient disposés à
établir le gouvernement de l'humanité, à commencer à jouir des
bénédictions d'une paix permanente, et à prospérer grâce à la tranquillité
due à la bonne volonté -- mondiale -- parmi les hommes?
6. -- LA LOI, LA LIBERTÉ, ET LA SOUVERAINETÉ
Si un homme désire ardemment son indépendance -- la liberté -- il doit
se rappeler que tous les autres hommes souhaitent vivement la même
indépendance. Des groupes de mortels aimant ainsi la liberté ne peuvent
vivre ensemble en paix qu'en se soumettant aux lois, règles, et règlements
qui assureront à chacun le même degré d'indépendance, tout en sauvegardant
ce même degré d'indépendance pour tous leurs semblables. Si un homme
devait être absolument libre, alors il faudrait qu'un autre devienne
absolument esclave. La nature relative de la liberté est vraie dans les
domaines sociaux, économiques, et politiques. L'indépendance est le don de
la civilisation rendu possible par l'application de la LOI.
La religion rend spirituellement possible de réaliser la fraternité des
hommes, mais il faudra un gouvernement de l'humanité pour régler les
problèmes sociaux, économiques, et politiques associés à ce but
d'efficacité et de bonheur humains.
Il y aura des guerres et des rumeurs de guerre -- une nation s'élèvera
contre une nation (1)-- tant que la souveraineté politique du monde sera
divisée, et injustement détenue par un groupe d'États nationaux.
L'Angleterre, l'Ecosse, et le Pays de Galles furent constamment en guerre
les uns contre les autres jusqu'au jour où ils abandonnèrent leurs
souverainetés respectives en les confiant au Royaume Uni.
(1) Matthieu XXIV-7 et Marc XIII-8.
Une nouvelle guerre mondiale va enseigner aux nations soi-disant
souveraines à former une sorte de fédération, ce qui créera un mécanisme
permettant d'éviter les petites guerres, les guerres entre nations
secondaires; mais les guerres générales se poursuivront jusqu'à la
création du gouvernement de l'humanité. La souveraineté globale empêchera
les guerres globales -- rien d'autre ne peut le faire.
Les quarante-huit États américains libres vivent ensemble en paix, et
cependant ils abritent des citoyens de toutes les races et nationalités
alors que, chez les nations européennes, ceux-ci sont, perpétuellement en
guerre. Les américains représentent à peu près toutes les religions,
toutes les sectes religieuses, et tous les cultes de l'ensemble du vaste
monde, et cependant ils vivent ensemble en paix en Amérique du Nord. Tout
ceci est rendu possible parce que les quarante-huit États ont renoncé à
leur souveraineté et abandonné toute notion de prétendus droits à l'auto-détermination.
Ce n'est pas une question d'armements ou de désarmement. La question de
conscription ou de service militaire volontaire n'entre pas non plus en
ligne de compte dans ces problèmes pour maintenir la paix mondiale. Si
l'on enlevait aux grandes nations toutes les formes d'armement mécanique
moderne et tous les types d'explosifs, elles se battraient à coups de
poing, avec des pierres, et avec des bâtons tant qu'elles resteraient
accrochées à leurs illusions sur le droit divin à la souveraineté
nationale.
La guerre n'est pas une grande et terrible maladie humaine; elle est un
symptôme, un résultat. La vraie maladie est le virus de la souveraineté
nationale.
Les nations d'Urantia n'ont jamais possédé de souveraineté réelle;
elles n'ont jamais disposé d'une souveraineté capable de les protéger des
ravages et dévastations des guerres mondiales. En formant le gouvernement
global de l'humanité, il ne s'agit pas pour les nations d'abandonner leur
souveraineté, mais plutôt de créer effectivement une souveraineté
mondiale, réelle, durable, et de bonne foi, qui sera désormais pleinement
capable de les protéger de toutes les guerres. Les affaires locales seront
traitées par les gouvernements locaux, et les affaires nationales par les
gouvernements nationaux; les affaires internationales seront administrées
par le gouvernement planétaire.
La paix mondiale ne saurait être maintenue par des traités, par la
diplomatie, par des politiques étrangères, par des alliances ou des
équilibres de puissances, ni par tout autre type d'expédient jonglant avec
la souveraineté du nationalisme. Il faut faire éclore la loi mondiale et
la faire appliquer par un gouvernement mondial -- par la souveraineté de
toute l'humanité.
Sous un gouvernement mondial, les individus jouiront d'une liberté
beaucoup plus étendue. Aujourd'hui, les citoyens des grandes puissances
sont taxés, réglementés, et contrôlés d'une manière presque oppressive.
Une grande partie des immixtions actuelles dans les libertés individuelles
disparaîtra quand les gouvernements nationaux seront disposés, en matière
d'affaires internationales, à confier leur souveraineté à un gouvernement
général de la planète.
Sous un gouvernement planétaire, les collectivités nationales auront
réellement l'occasion de comprendre clairement les libertés personnelles
d'une démocratie authentique et d'en jouir. Avec une réglementation
globale des monnaies et du commerce viendra l'ère nouvelle d'une paix a
l'échelle mondiale. Un langage commun en sortirait peut-être bientôt, et
au moins on aurait l'espoir d'avoir un jour une religion mondiale, ou des
religions ayant un point de vue planétaire.
La sécurité collective n'assurera jamais la paix avant que la
collectivité n'englobe toute l'humanité.
La souveraineté politique du gouvernement représentatif de l'humanité
amenera une paix durable sur terre, et la fraternité spirituelle assurera
définitivement la bonne volonté parmi les hommes. Il n'existe aucun autre
moyen d'obtenir ces résultats.
Après la mort de Cymboyton, ses fils rencontrèrent de grandes
difficultés pour maintenir la paix dans leur université. Les répercussions
des enseignements de Jésus auraient été beaucoup plus grandes si les
éducateurs chrétiens ultérieurs qui professèrent à la faculté d'Urmia
avaient fait preuve de plus de sagesse et de tolérance.
Le fils aîné de Cymboyton avait appelé l'aide Abner, de Philadelphie,
mais le choix des éducateurs par Abner fut très malheureux, en ce sens
qu'ils se montrèrent inflexibles et intransigeants. Ces professeurs
cherchèrent à faire dominer leur religion sur les autres croyances. Ils ne
soupçonnèrent jamais que les conférences du conducteur de caravane
auxquelles on se référait si souvent avaient été faites par Jésus lui-même.
La confusion s'accrut au sein de la faculté, les trois frères
retirèrent leur appui financier, et au bout de cinq ans l'école ferma.
Elle rouvrit plus tard en tant que temple mithriaque et fut finalement
incendiée à l'occasion d'une célébration orgiaque.
7. -- LA TRENTE-ET-UNIÈME ANNÉE (AN 25)
Quand Jésus revint de son voyage à la Mer Caspienne, il savait que ses
déplacements à travers le monde étaient à peu près terminés. Il ne fit
plus qu'un voyage hors de Palestine, et ce fut en Syrie. Après un bref
séjour à Capharnaüm, il se rendit à Nazareth où il resta quelques jours
pour faire des visites. Au milieu d'avril, il quitta Nazareth pour Tyr. De
là il se dirigea vers le nord en s'arrêtant quelques jours à Sidon, mais
sa destination était Antioche.
Ce fut l'année des promenades solitaires de Jésus à travers la
Palestine et la Syrie. Au cours de ces pérégrinations, il fut connu sous
divers noms dans différentes parties du pays: le charpentier de Nazareth,
le constructeur de bateaux de Capharnaüm, le scribe de Damas, et le
professeur d'Alexandrie.
Le Fils de l'Homme vécut plus de deux mois à Antioche, observant,
étudiant, causant, rendant des services, et pendant tout ce temps
apprenant comment vivent les hommes, comment ils pensent, sentent, et
réagissent à l'entourage humain. Durant trois semaines de cette période,
il travailla comme fabricant de tentes. Au cours de son périple, il resta
à Antioche plus longtemps que dans toute autre ville. Dix ans plus tard,
quand l'Apôtre Paul prêcha à Antioche et entendit ses disciples parler des
doctrines du scribe de Damas, il ne soupçonna pas que ses élèves avaient
entendu la voix et écouté les enseignements du Maître lui-même.
Quittant Antioche, Jésus descendit le long de la côte vers le sud
jusqu'à Césarée où il s'arrêta quelques semaines, puis il continua le long
de la côte jusqu'à Jaffa. De Jaffa il se dirigea vers l'intérieur, passant
à Jamnia, Asdod, et Gaza. De Gaza il prit la piste intérieure vers
Béershéba, où il resta une semaine.
Jésus entama ensuite son dernier déplacement, en tant que personnalité
privée, au coeur de la Palestine, allant de Béershéba dans le sud jusqu'à
Dan dans le nord. Au cours de ce trajet vers le nord, il s'arrêta à
Hébron, Bethléhem (où il vit son lieu de naissance), Jérusalem (il ne
visita pas Béthanie), Béeroth, Lébona, Sychar, Schécham, Samarie, Géba,
En-Gannim, Endor, et Madon. Traversant Magdala et Capharnaüm, il continua
vers le nord, passa à l'est des Eaux de Mérom, et se rendit par Karatha à
Dan, ou Césarée-Philippe.
L'Ajusteur de Pensée conduisit alors Jésus à abandonner les lieux
d'habitation des hommes et à séjourner sur le Mont Hermon pour y achever
de maîtriser sa pensée humaine et pour parachever sa consécration totale
au reste de l'oeuvre de sa vie sur terre.
Ce fut l'une des époques inhabituelles et extraordinaires de la vie du
Maître sur Urantia. Une autre expérience très similaire fut celle par
laquelle il passa, seul dams les montagnes voisines de Pella, tout de
suite après son baptême. Sa période d'isolement sur le Mont Hermon avait
marqué la fin de sa carrière purement humaine, c'est-à-dire la terminaison
technique de son effusion incarnée, tandis que l'isolement ultérieur
marqua le commencement de la phase plus divine de son effusion. Jésus
vécut seul avec Dieu durant six semaines sur les pentes du Mont Hermon.
8. -- LE SÉJOUR SUR LE MONT HERMON
Après avoir passé quelque temps à proximité de Césarée-Philippe, Jésus
prépara des provisions, se procura une bête de somme, embaucha un garçon
nommé Tiglath, et suivit la route de Damas jusqu'à un village parfois
connu sous le nom de Beth-Jenn, sur les contreforts du Mont Hermon. C'est
là qu'un peu avant le milieu d'août de l'an 25 il établit son camp, laissa
ses provisions à la garde de Tiglath, et fit l'ascension des pentes
désertiques de la montagne. Au cours du premier jour, Tiglath accompagna
Jésus dans sa montée jusqu'à un point déterminé situé à environ 2.000
mètres au-dessus du niveau de la mer; ils y construisirent une niche de
pierre dans laquelle Tiglath devait déposer de la nourriture deux fois par
semaine.
Le lendemain du jour où il quitta Tiglath, Jésus n'avait effectué qu'un
court trajet vers le sommet lorsqu'il s'arrêta pour prier. Entre autres
choses, il demanda à son Père d'envoyer son ange gardien « accompagner
Tiglath ». Il sollicita la permission de monter seul vers sa dernière
lutte avec les réalités de l'existence humaine, et sa requête fut exaucée.
Il entra dans la grande épreuve accompagné uniquement de son Ajusteur
intérieur pour le guider et le soutenir.
Jésus mangea frugalement durant son séjour sur la montagne; il ne
s'abstint de toute nourriture qu'un jour ou deux de suite. Les êtres
supra-humains qui lui firent front sur cette montagne, avec lesquels il
lutta en esprit, et qu'il vainquit en puissance, étaient réels; c'étaient
ses ennemis implacables du système de Satania; ils n'étaient nullement des
fantômes de l'imagination issus des divagations intellectuelles d'un homme
affaibli et mourant de faim, incapable de distinguer la réalité d'avec les
visions d'une pensée troublée.
Jésus passa les trois dernières semaines d'août et les trois premières
de septembre sur le Mont Hermon. Durant ce temps, il acheva la tâche
humaine d'atteindre les cercles de compréhension mentale et de contrôle de
la personnalité. Pendant toute cette période de communion avec son Père
céleste, l'Ajusteur intérieur paracheva également les services qui lui
avaient été assignés. Le but humain de la créature terrestre fut alors
atteint. Il ne restait qu'à consommer la phase finale d'harmonisation de
sa pensée avec l'Ajusteur.
Après plus de cinq semaines de communion ininterrompue avec son Père du
Paradis, Jésus fut absolument assuré de sa nature et convaincu de son
triomphe sur les niveaux matériels de manifestation de la personnalité
dans l'espace-temps. Il crut pleinement à l'ascendant de sa nature divine
sur sa nature humaine et n'hésita pas à l'affirmer.
Vers la fin de son séjour sur la montagne, Jésus demanda à son Père
l'autorisation de tenir une conférence avec ses ennemis de Satania en tant
que Fils de l'Homme, en tant que Josué ben Joseph. Cette permission fut
accordée. Durant la dernière semaine sur le Mont Hermon, la grande
tentation, l'épreuve de l'univers, eut lieu. Satan (représentant Lucifer)
et Caligastia, le Prince Planétaire rebelle, étaient présents auprès de
Jésus et qui furent rendus pleinement visibles. Cette « tentation », cette
épreuve finale de loyalisme humain en face des faux exposés de
personnalités rebelles, ne concernait ni la nourriture, ni des pinacles de
temples, ni des actes présomptueux, ni même les royaumes de ce monde (1); il
s'agissait de la souveraineté d'un puissant et glorieux univers. Le
symbolisme de vos écrits était destiné aux âges arriérés de la pensée
enfantine du monde. Les générations suivantes devraient comprendre la
grande lutte que le Fils de l'Homme livra durant cette journée historique
sur le Mont Hermon.
(1) Cf. Matthieu IV-1 à 10.
Aux nombreuses propositions et contre-propositions des émissaires de
Lucifer, Jésus ne fit qu'une seule réponse: « Puisse la volonté de mon
Père céleste prévaloir, et quant à toi, mon fils rebelle, que les Anciens
des Jours te jugent divinement. Je suis ton Créateur-père; je ne puis
guère te juger justement, et tu as déjà méprisé ma miséricorde. Je te
remets au jugement des Juges d'un plus grand univers ».
À tous les expédients et compromis suggérés par Lucifer, à toutes les
propositions spécieuses au sujet de l'effusion en incarnation, Jésus se
borna à répondre: « Que la volonté de mon Père du Paradis soit faite ». Et
lorsque la sévère épreuve fut terminée, l'ange gardien détaché revint vers
Jésus et lui apporta son ministère.
Cet après-midi de fin d'été, au milieu des arbres et du silence de la
nature, Micaël de Nébadon gagna la souveraineté indiscutée de son univers.
Ce jour-là, il paracheva la tâche imposée aux Fils Créateurs de vivre
pleinement une vie incarnée dans la similitude d'une chair mortelle sur
les mondes évolutionnaires du temps et de l'espace. Cet accomplissement
capital ne fut pas annoncé à l'univers avant son baptême, quelques mois
plus tard, mais prit réellement place ce jour-là sur la montagne. Quand
Jésus descendit de son séjour sur le Mont Hermon, la rébellion de Lucifer
dans Satania et la sécession de Caligastia sur Urantia étaient
virtuellement réglées. Jésus avait payé le prix ultime exigé de qui pour
obtenir la souveraineté de son univers. Celle-ci règle par elle-même le
statut de tous les rebelles et détermine que tout soulèvement de cet ordre
(s'il s'en produit jamais) pourra être traité sommairement et
efficacement. En conséquence, on peut voir que la « grande tentation » de
Jésus eut lieu quelque temps avant son baptême et non immédiatement après.
À la fin de son séjour sur la montagne, tandis que Jésus en
redescendait, il rencontra Tiglath montant au rendez-vous avec la
nourriture. Il le renvoya en disant seulement: « Ma période de repos est
terminée; il faut que je retourne aux affaires de mon Père ». Jésus était
silencieux et très changé en faisant le trajet de retour vers Dan, où il
prit congé du garçon en lui faisant cadeau de l'âne. Il se dirigea ensuite
vers le sud par le chemin qu'il avait pris pour venir, et se rendit à
Capharnaüm.
9. -- LE TEMPS D'ATTENTE
On était maintenant à la fin de l'été, à peu près l'époque du jour des
propitiations et de la fête des tabernacles. Jésus eut une réunion de
famille à Capharnaüm pendant le sabbat. Le lendemain il partit pour
Jérusalem avec Jean, fils de Zébédée, en passant par l'est du lac et
Gérasa et en descendant la vallée du Jourdain. Tandis qu'en chemin il
rendait certaines visites avec son compagnon, Jean remarqua qu'un grand
changement s'était opéré en Jésus.
Jésus et Jean s'arrêtèrent pour la nuit à Béthanie, chez Lazare et ses
soeurs, et partirent de bonne heure le lendemain matin pour Jérusalem. Les
deux compagnons, ou tout au moins Jean, passèrent presque trois semaines à
Jérusalem et aux environs de la ville. En effet, Jean alla souvent seul à
Jérusalem pendant que Jésus déambulait dans les montagnes voisines et
s'engageait dans de longues périodes de communion avec son Père céleste.
Tous deux assistèrent au service solennel du jour des propitiations.
Jean fut très impressionné par les cérémonies de cette journée majeure
dans le rituel religieux juif, mais Jésus demeura un spectateur pensif et
silencieux. Pour le Fils de l'Homme, ce spectacle était pitoyable et
pathétique. Il le voyait comme une fausse représentation du caractère et
des attributs de son Père céleste. Il considérait les événements de cette
journée comme une parodie des faits de la justice divine et des vérités de
la miséricorde infinie. Il brûlait du désir de proclamer publiquement la
vérité au sujet du caractère aimant et miséricordieux de son Père dans
l'univers, mais son fidèle Moniteur le prévint que son heure n'était pas
venue. Cependant, ce soir-là à Béthanie, Jésus glissa de nombreuses
remarques qui troublèrent beaucoup Jean, lequel ne comprit jamais
complètement la véritable signification de ce que Jésus avait dit au cours
de cet entretien vespéral.
Jésus projeta de rester avec Jean pendant toute la semaine de la fête
des tabernacles. C'étaient les jours fériés annuels de toute la Palestine,
l'époque des vacances juives. Jésus ne participa point aux réjouissances
de circonstance, mais il était évident qu'il éprouvait du plaisir et de la
satisfaction à voir l'allégresse et la joie des jeunes et des vieux se
donner libre cours.
Au milieu de la semaine de célébration et avant la fin des festivités,
Jésus prit congé de Jean en disant qu'il désirait se retirer dans la
montagne où il pourrait mieux communier avec son Père du Paradis. Jean
l'aurait volontiers accompagné, mais Jésus lui demanda avec insistance de
rester là durant toutes les cérémonies et lui dit: « Il ne t'est pas
demandé de porter le fardeau du Fils de l'Homme; seul le gardien doit
veiller pendant que la ville dort en paix ». Jésus ne revint pas à
Jérusalem. Après une semaine presque entière de solitude dans les
montagnes proches de Béthanie, il partit pour Capharnaüm. Sur son chemin
de retour, il passa un jour et une nuit seul sur les pentes du Mont Gilboa,
près de l'endroit où le roi Saül s'était suicidé; quand il arriva à
Capharnaüm, il était plus serein qu'en quittant Jean à Jérusalem.
Le coffre contenant les effets personnels de Jésus était resté à
l'atelier de Zébédée. Le lendemain matin, Jésus alla y prendre son tablier
et se présenta au travail en disant: « Il m'incombe de rester actif en
attendant que vienne mon heure ». Et il travailla plusieurs mois au
chantier naval, jusqu'en janvier de l'année suivante, aux côtés de son
frère Jacques. Après cette période de travail avec Jésus, Jacques
n'abandonna plus jamais réellement et entièrement sa foi dans la mission
de Jésus, quels que fussent les doutes venus obscurcir sa compréhension de
l'oeuvre de la vie du Fils de l'Homme.
Durant cette période finale de travail au chantier naval, Jésus passa
la majeure partie de son temps a la finition intérieure de quelques grands
bateaux. Il mettait tous ses soins à son travail manuel et paraissait
éprouver la satisfaction des accomplissements humains quand il avait
terminé une belle pièce. Il ne perdait pas de temps à des détails, mais
quand il s'agissait de l'essentiel dans une entreprise donnée, il était un
ouvrier méticuleux.
Le temps passant, des rumeurs parvinrent à Capharnaüm au sujet d'un
certain Jean qui prêchait en baptisant des pénitents dans le Jourdain.
Jean disait: « Le royaume des cieux est à portée de la main; repentez-vous
et soyez baptisés ». Jésus prêta l'oreille à ces compte rendus, tandis que
Jean remontait lentement la vallée du Jourdain depuis le gué de la rivière
le plus proche de Jérusalem. Mais Jésus continua à travailler à la
construction des bateaux, jusqu'au moment où Jean eut remonté la rivière
jusqu'à un endroit proche de Pella, au mois de janvier de l'an 26. Alors
Jésus déposa ses outils en déclarant « Mon heure est venue », et il se
présenta bientôt a Jean pour être baptisé.
Un grand changement s'était opéré en Jésus. Rares furent les gens qui,
ayant bénéficié de ses visites et de son aide pendant qu'il parcourait le
pays de long en large reconnurent ultérieurement dans l'instructeur public
la même personne qu'ils avaient connue et aimée en privé au cours des
années précédentes. Il y avait une raison pour empêcher ses premiers
obligés de le reconnaître dans son rôle subséquent d'instructeur public
ayant autorité: sa transformation de pensée et d'esprit s'était poursuivie
pendant de longues années et s'était achevée durant le séjour mémorable
sur le Mont Hermon.
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