LES DOUZE APÔTRES
LE charme et la droiture de la vie terrestre de Jésus comportent un
éloquent témoignage: bien qu'il n'eût cessé de briser les espoirs de ses
apôtres et de mettre en pièces chacune de leurs ambitions d'élévation
personnelle, il ne fut abandonné que par un seul d'entre eux.
Les apôtres furent instruits par Jésus sur le royaume du ciel, et Jésus
apprit beaucoup d'eux sur le royaume des hommes, sur la nature humaine
telle qu'elle existe sur Urantia et sur les autres mondes évolutionnaires
du temps et de l'espace. Ces douze hommes représentaient de nombreux types
différents de tempéraments humains, et l'instruction ne les avait pas
rendus semblables. Beaucoup de ces pêcheurs galiléens avaient une
forte ascendance de sang gentil par suite de la conversion forcée des
Gentils un siècle auparavant.
Ne commettez pas l'erreur de considérer les apôtres comme complètement
ignorants et dépourvus d'instruction. Tous, sauf les jumeaux Alphée,
avaient pris leurs grades dans les écoles des synagogues; ils avaient très
bien étudié les Écritures hébraïques et appris une grande partie des
notions courantes de l'époque. Sept d'entre eux étaient diplômés des
écoles de la synagogue de Capharnaüm, et il n'existait pas de meilleure
école juive dans toute la Galilée.
Quand vos historiens ont qualifié ces messagers du royaume «
d'ignorants et d'illettrés », leur intention était de transmettre l'idée
qu'il s'agissait de laïcs, non instruits dans la science des rabbins et
non éduqués dans les méthodes d'interprétation rabbinique des Écritures.
Ils manquaient de ce qu'on appelle l'instruction supérieure. Dans les
temps modernes, on les considérerait certainement comme dépourvus
d'instruction et même, dans certains cercles sociaux, comme dépourvus de
culture. Une chose est certaine: ils n'avaient as tous passé par le même
programme d'études rigide et stéréotypé. Depuis leur adolescence, chacun
d'eux avait appris à vivre par ses propres expériences.
1. -- ANDRÉ, LE PREMIER CHOISI
André, président du corps apostolique du royaume, naquit à Capharnaüm.
Il était l'aîné d'une famille de cinq -- lui-même, son frère Sinon, et
trois soeurs. Son défunt père avait été un associé de Zébédée dans une
affaire de séchage de poisson à Bethsaïde, le port de pêche de Capharnaüm.
Lorsqu'André devint un apôtre, il n'était pas marié, mais il s'installa
chez son frère marié Simon Pierre. Ils étaient tous deux pêcheurs et
associés de Jacques et Jean, Fils de Zébédée.
En l'an 26 où il fut choisi comme apôtre, André avait 33 ans, un an de
plus que Jésus, et il était le plus âgé des douze. Issu d'une excellente
lignée d'ancêtres, il était le plus capable des apôtres. Sauf pour le don
de la parole, il était l'égal de ses compagnons dans presque toutes les
aptitudes imaginables. Jamais Jésus ne donna à André de surnom ou
d'appellation familière. De même que les apôtres ne tardèrent pas à
appeler Jésus Maître, ils désignèrent André par un nom équivalent à Chef.
André était un bon organisateur, mais encore meilleur administrateur.
Il faisait partie du cercle intérieur de quatre apôtres, mais sa
nomination par Jésus comme chef du groupe apostolique l'obligeait à
s'occuper de ses collègues pendant que les trois autres bénéficiaient
d'une communion plus étroite avec le Maître. Jusqu'au bout, André resta le
doyen du corps apostolique.
Bien qu'il ne fût pas bon prédicateur, André faisait un travail
personnel efficace. Il était le missionnaire pionnier du royaume en ce
sens qu'ayant été le premier choisi, il amena immédiatement à Jésus son
frère Simon, qui devint ultérieurement l'un des plus grands prédicateurs
de l'évangile. André fut le principal soutien de la politique de Jésus
comme moyen d'éduquer les douze en tant que messagers du royaume.
Soit que Jésus enseignât les apôtres en privé, soit qu'il prêchât aux
foules, André était généralement au courant de ce qui se passait. Il était
un exécutant intelligent et un administrateur efficace. Il prenait de
promptes décisions sur toutes les affaires portées à son attention, sauf
quand il estimait que le problème dépassait le domaine de son autorité,
auquel cas il le soumettait directement à Jésus.
André et Pierre étaient fort dissemblables de caractère et de
tempérament, mais il faut inscrire éternellement à leur crédit qu'ils
s'entendaient magnifiquement. André ne fut jamais jaloux des dons
oratoires de Pierre. Il est rare de voir un homme plus âgé du type d'André
exercer une influence aussi profonde sur un frère plus jeune et bien doué.
André et Pierre ne semblaient jamais le moins du monde jaloux des talents
ou des accomplissements l'un de l'autre. Tard dans la soirée du jour de la
Pentecôte, lorsque deux mille âmes furent ajoutées au royaume
principalement à cause du sermon énergique et inspirant de Pierre, André
dit à son frère: « J'aurais été incapable de cela, mais je suis heureux
d'avoir un frère capable de l'avoir fait ». À quoi Pierre répondit: « Si
tu ne m'avais pas amené au Maître, et sans ta persévérance à me
maintenir auprès de lui, je n'aurais pas été ici pour faire cela ».
André et Pierre étaient des exceptions à la règle. Ils démontraient que
même des frères peuvent vivre paisiblement et travailler efficacement
ensemble.
Après la Pentecôte, Pierre devint célèbre, mais son aîné André ne
s'irrita jamais de passer le reste de sa vie à être présenté comme « le
frère de Simon Pierre ».
De tous les apôtres, c'était André qui jugeait le mieux les hommes. Il
savait que la révolte couvait dans le coeur de Judas Iscariot même avant
qu'aucun des autres ne soupçonnât le désarroi chez leur trésorier; mais il
ne parla à personne de ses craintes. Le grand service rendu par André au
royaume fut de conseiller Pierre, Jacques, et Jean sur le choix des
premiers missionnaires envoyés pour proclamer l'évangile, et aussi de
donner à ces premiers dirigeants des avis sur l'organisation des affaires
administratives du royaume. André avait un grand don pour découvrir les
ressources cachées et les qualités latentes des jeunes.
Très tôt après l'ascension de Jésus, André commença à écrire un recueil
personnel des dires et des actes de son défunt Maître. Après la mort
d'André, on fit d'autres copies de ce recueil privé, qui circulèrent
largement parmi les premiers éducateurs de l'Église chrétienne. Les notes
officieuses d'André furent ultérieurement corrigées, amendées, modifiées,
et complétées, jusqu'à faire un récit assez continu de la vie terrestre du
Maître. La dernière de ces copies adultérées et corrigées fut détruite
dans un incendie à Alexandrie, une centaine d'années après la rédaction de
l'original par le premier choisi des douze apôtres.
André était un homme de vision claire, de pensée logique, et de
décision ferme. La grande force de son caractère résidait dans sa superbe
stabilité. Le handicap de son tempérament était son manque d'enthousiasme;
il s'abstint maintes fois d'encourager ses compagnons par des éloges
judicieux. Cette réticence à louer les accomplissements méritoires de ses
amis venait de son horreur de la flatterie et de l'hypocrisie. André était
un homme de modeste envergure, complet, d'humeur égale, et parvenant au
succès par ses propres efforts.
Les douze apôtres aimaient tous Jésus, mais il reste vrai que chacun
était attiré vers lui par un trait caractéristique différent de la
personnalité du Maître, trait qui exerçait individuellement sur cet apôtre
un attrait spécial. André admirait Jésus à cause de sa constante
sincérité, de sa dignité sans affectation. Les hommes qui avaient une fois
rencontré Jésus éprouvaient le besoin de le faire connaître a leurs amis;
ils souhaitaient réellement que le monde entier le connaisse.
Quand les persécutions ultérieures dispersèrent les apôtres hors de
Jérusalem, André voyagea en Arménie, en Asie Mineure, et en Macédoine. Il
fut finalement arrêté et crucifié à Patras, en Achaïe. Cet homme robuste
mit deux jours à mourir sur la croix, et durant ces heures tragiques il
continua efficacement à proclamer la bonne nouvelle du salut du royaume
des cieux.
2. -- SIMON PIERRE
Lorsque Simon se joignit aux apôtres, il avait trente ans. Il était
marié, avait trois enfants, et vivait à Bethsaïde près de Capharnaüm. Son
frère André et la mère de sa femme vivaient avec lui. Pierre et André
étaient tous deux associés pour la pêche aux fils de Zébédée.
Le Maître avait connu Simon quelque temps avant qu'André le lui
présentât comme second apôtre. Lorsque Jésus donna à Simon le nom de
Pierre, il le fit avec un sourire; cela devait être une sorte de surnom.
Simon était bien connu de tous ses amis comme un compagnon excentrique et
impulsif. Il est vrai que plus tard Jésus attacha une importance nouvelle
et significative à ce surnom donné à la légère.
Simon Pierre était un impulsif, un optimiste. Il avait grandi en se
permettant de manifester librement de vigoureux sentiments. Il se mettait
constamment en difficulté parce qu'il persistait à parler sans réfléchir.
Cette sorte d'étourderie amenait aussi des ennuis incessants à tous ses
amis et associés, et fut la cause de nombreuses réprimandes amicales qu'il
reçut de son Maître. La seule raison pour laquelle ses paroles
irréfléchies ne le plongèrent pas dans des difficultés pires fut qu'il
apprit de bonne heure à discuter beaucoup de ses plans et projets avec son
frère André avant de s'aventurer à faire des propositions publiques.
Pierre était un orateur disert, éloquent, et théâtral. Par naturel il
était aussi un entraîneur d'hommes, un penseur rapide, mais sans
raisonnements profonds. Il posait beaucoup de questions, plus que tous les
apôtres réunis, et bien que ces questions fussent en majorité bonnes et
pertinentes, beaucoup étaient sottes et inconsidérées. Pierre n'était pas
un penseur profond, mais il connaissait assez bien sa mentalité. Il était
donc un homme de décision rapide et d'action brusquée. Tandis que les
autres discutaient avec étonnement en voyant Jésus sur le rivage, Pierre
sauta à l'eau et nagea à la rencontre du Maître (1).
Le trait que Pierre admirait le plus dans le caractère de Jésus était
sa divine tendresse. Pierre ne se lassa jamais d'observer la longanimité
de Jésus. Il n'oublia jamais la leçon consistant à pardonner aux méchants
non seulement sept fois, mais soixante-dix-sept fois (2). Il médita
longuement ces impressions sur le caractère indulgent du Maître durant les
jours sombres et mornes qui suivirent son reniement irréfléchi et
involontaire dans la cour du grand-prêtre (3).
Simon Pierre vacillait d'une manière affligeante; il passait
soudainement d'un extrême à l'autre. D'abord il refusa de laisser Jésus
lui laver les pieds et ensuite, en entendant la réplique du Maître, il le
pria de lui laver le corps tout entier (4). Après tout, Jésus savait que
les fautes de Pierre venaient de la tête et non du coeur. Pierre
représentait l'une des combinaisons les plus inexplicables de courage et
de lâcheté que l'on ait jamais vues sur terre. La plus grande force de son
caractère était la fidélité, l'amitié. Pierre aimait réellement et
sincèrement Jésus et cependant, malgré cette sublime force de dévotion, il
était si instable et inconstant qu'il laissa une servante le taquiner
jusqu'à lui faire renier son Seigneur et Maître. Pierre pouvait supporter
les persécutions et toute autre forme d'attaque directe, mais il était
désemparé et s'effondrait devant le ridicule. Il était un vaillant soldat
quand on l'attaquait de front, mais un lâche, courbant l'échine de
frayeur, quand il était surpris par derrière.
(1) Jean XXI-7. |
(2) Matthieu XVIII-21 et 22. |
(3) Matthieu XXVI-69 à 75. |
(4) Jean XIII-8 et 9. |
Pierre fut le premier apôtre de Jésus à se mettre en avant pour
défendre l'oeuvre de Philippe chez les Samaritains et celle de Paul chez
les Gentils. Cependant, plus tard à Antioche, il se rétracta lorsqu'if fut
confronté avec des judaïsants qui le ridiculisaient; il se retira
temporairement de chez les Gentils, ce qui attira sur sa tête le désaveu
intrépide de Paul.
Il fut le premier apôtre à reconnaître de tout coeur la conjugaison
d'humanité et de divinité chez Jésus, et le premier -- après Judas -- à le
renier. Pierre n'était pas spécialement un rêveur, mais il n'aimait pas
descendre des nuées de l'extase et des satisfactions de l'enthousiasme
théâtral pour se retrouver dans le simple monde des réalités terrestres.
En suivant Jésus (au propre et au figuré), ou bien il était en tête de
la procession, ou bien il traînait à la queue -- « suivant loin en arrière
». Mais il était le plus remarquable prédicateur des douze. Il contribua
plus que n'importe qui, sauf Paul, à établir le royaume et, en l'espace
d'une génération, à envoyer ses messagers aux quatre coins de la terre.
Après avoir étourdiment renié le Maître, il se ressaisit et, sous la
direction sympathique et compréhensive d'André, il fut le premier à
retourner à ses filets de pêche, tandis que les apôtres s'attardaient pour
voir ce qui allait arriver après la crucifixion. Quand il fut pleinement
assuré que Jésus lui avait pardonné et qu'il se sut réintégré dans le
giron du Maître, les feux du royaume brûlèrent si vivement dans son âme
qu'il devint une grande lumière de salut pour des multitudes errant dans
les ténèbres.
Après avoir quitté Jérusalem, et avant que Paul ne devint l'esprit
dirigeant dans les Églises chrétiennes des Gentils, Pierre visita toutes
les Églises depuis Babylone jusqu'à Corinthe. Il apporta même son
ministère à beaucoup d'Églises fondées par Paul. Bien que Pierre et Paul
fussent très différents de tempérament et d'éducation, et même du point de
vue théologique, ils travaillèrent harmonieusement ensemble, durant leurs
dernières années, à constituer les Églises.
Le style et l'enseignement de Pierre ressortent quelque peu dans les
sermons partiellement transcrits par Luc, et dans l'Évangile de Marc. Son
style vigoureux apparaît mieux dans sa lettre connue sous le titre de
Première Épître de Pierre; c'était du moins vrai avant qu'elle ne fût
altérée plus tard par un disciple de Paul.
Pierre persista dans son erreur de vouloir convaincre les Juifs
qu'après tout Jésus était réellement et véritablement le Messie juif.
Jusqu'à sa mort, Simon Pierre continua à confondre dans sa pensée les
trois concepts de Jésus en tant que Messie des Juifs, que Christ
rédempteur du monde, et que Fils de l'Homme révélant Dieu, le Père aimant
de toute l'humanité.
L'épouse de Pierre était une femme très capable. Pendant des années
elle travailla utilement en tant que membre de la corporation féminine des
disciples, et lorsque Pierre fut chassé de Jérusalem, elle l'accompagna
dans toutes ses visites aux Églises et dans tous ses voyages de
missionnaire. Le jour où son illustre mari perdit la vie, elle fut jetée
en pâture aux bêtes féroces dans l'arène de Rome.
C'est ainsi que Pierre, un intime de Jésus, un membre du cercle
intérieur, partit de Jérusalem en proclamant avec puissance et gloire la
bonne nouvelle du royaume, jusqu'à ce que la plénitude de son ministère
eût été accomplie. Il considéra qu'on lui faisait un grand honneur lorsque
ceux qui s'étaient emparés de lui l'informèrent qu'il devait mourir comme
son Maître était mort -- sur la croix. C'est ainsi que Simon Pierre fut
crucifié à Rome.
3. -- JACQUES ZÉBÉDÉE
Jacques, l'aîné des deux apôtres fils de Zébédée que Jésus surnommait «
les fils du tonnerre », avait trente ans quand il devint un apôtre. Il
était marié, avait quatre enfants, et vivait près de ses parents à
Bethsaïde, faubourg de Capharnaüm. Il était pêcheur et exerçait son métier
en compagnie de son jeune frère Jean, et en association avec André et
Simon. Jacques et son frère Jean avaient sur les autres apôtres l'avantage
de connaître Jésus depuis plus longtemps qu'eux.
Cet apôtre compétent avait un tempérament contradictoire; il semblait
réellement posséder deux natures, toutes deux mues par de forts
sentiments. Il était particulièrement véhément quand son indignation était
à son comble. Il manifestait une humeur fougueuse quand il était
sérieusement provoqué. Quand l'orage était passé, il
avait toujours l'habitude de justifier et d'excuser son emportement en
alléguant que c'était entièrement une manifestation de juste indignation.
Sauf pour ces accès périodiques de colère, la personnalité de Jacques
ressemblait beaucoup à celle d'André. Il n'avait pas autant de
perspicacité qu'André pour scruter la nature humaine, mais il parlait
beaucoup mieux que lui en public. Après Pierre, et peut-être Matthieu,
Jacques était le meilleur tribun parmi les douze.
Bien que Jacques ne fût aucunement maussade il pouvait être tranquille
et taciturne un jour, puis le lendemain un très bon causeur et conteur
d'histoires. Il parlait habituellement sans contrainte avec Jésus, mais
parmi les douze il était l'homme silencieux, parfois durant plusieurs
jours consécutifs. Ses périodes de silence inexplicable constituaient sa
grande faiblesse.
Le trait le plus remarquable de la personnalité de Jacques était son
aptitude à voir tous les aspects d'un problème. Il était celui des douze
qui fut le plus près de saisir l'importance et la signification réelles de
l'enseignement de Jésus. Lui aussi fut d'abord lent à comprendre ce que
voulait dire le Maître, mais avant la fin de leur entraînement collectif
il avait acquis un concept supérieur du message de Jésus. Jacques était
capable de comprendre un vaste domaine de la nature humaine. Il
s'entendait bien avec le souple André, avec l'impétueux Pierre, et avec
son peu communicatif frère Jean.
Bien que Jacques et Jean eussent leurs difficultés en essayant de
travailler ensemble, il était réconfortant d'observer leur bon accord. Ils
ne réussirent pas aussi bien qu'André et Pierre, mais ils firent un
travail bien meilleur que l'on ne peut ordinairement l'espérer de deux
frères, et surtout de deux garçons entêtés et bien résolus. Si étrange que
cela paraisse, les deux fils de Zébédée se supportaient bien mieux qu'ils
ne toléraient les étrangers; ils avaient toujours été d'heureux compagnons
de jeu. Ce furent ces « fils du tonnerre » qui voulurent faire descendre
le feu du ciel afin d'anéantir les Samaritains assez présomptueux pour
manquer de respect à leur Maître. La mort prématurée de Jacques modifia
considérablement le caractère véhément de son jeune frère Jean.
Le trait de caractère de Jésus que Jacques admirait le plus était la
sympathie affectueuse du Maître. L'intérêt compréhensif de Jésus pour les
petits et les grands, les riches et les pauvres, exerçait sur lui un grand
attrait.
Jacques Zébédée était un penseur et un organisateur bien équilibré.
Avec André, il était l'un des membres les plus pondérés du groupe
apostolique. Il était énergique, mais jamais pressé. Il formait un
excellent contre-poids pour Pierre.
Il était modeste et peu emphatique, un serviteur quotidien, un
travailleur sans prétention, ne recherchant aucune récompense spéciale
lorsqu'il eut quelque peu saisi la signification réelle du royaume. Même
dans l'histoire de la mère de Jacques et de Jean demandant que des places
fussent accordées à ses fils à droite et à gauche de Jésus (1), il ne faut
pas oublier que ce fut leur mère qui présenta cette requête. En déclarant
qu'ils étaient prêts à accepter ces responsabilités, il faut reconnaître
qu'ils étaient au courant des dangers inhérents à la prétendue révolte du
Maître contre le pouvoir romain, et qu'ils acceptaient aussi d'en payer le
prix. Lorsque Jésus leur demanda s'ils étaient prêts à boire la coupe, ils
répondirent affirmativement (2). En ce qui concerne Jacques, ce fut
littéralement vrai -- il but la coupe avec le Maître, vu qu'il fut le
premier apôtre à subir le martyre, car Hérode Agrippa le fit bientôt périr
par l'épée. Jacques fut donc le premier des douze à sacrifier sa vie sur
le nouveau front de bataille du royaume. Hérode Agrippa redoutait Jacques
plus que tous les autres apôtres. En vérité, Jacques était souvent
tranquille et silencieux, mais il était courageux et résolu quand ses
convictions étaient mises en jeu ou au défi.
(1) Matthieu XX-21. |
(2) Marc X-38. |
Jacques vécut sa vie avec plénitude, et lorsque la fin arriva, il se
comporta avec tant de grâce et de force morale que même son accusateur et
dénonciateur, témoin de son jugement et de son exécution, fut touché au
point que, fuyant précipitamment le spectacle de la mort de Jacques, il
alla se joindre aux disciples de Jésus.
4. -- JEAN ZÉBÉDÉE
Lorsque Jean devint un apôtre, il avait vingt-quatre ans et il était le
plus jeune de tous. Il était célibataire et vivait avec ses parents à
Bethsaïde. Il était pêcheur et travaillait avec son frère Jacques en
association avec André et Pierre. Avant et après son ordination comme
apôtre, Jean opéra comme agent personnel de Jésus pur s'occuper de la
famille du Maître, et il assuma cette responsabilité aussi longtemps que
vécut Marie, mère de Jésus.
Du fait que Jean était le plus jeune des douze et en contact étroit
avec Jésus pour les affaires de famille de ce dernier, il était très cher
au Maître, mais on ne saurait dire en vérité qu'il était « le disciple
préféré de Jésus ». On ne peut guère suspecter une personnalité aussi
magnanime que Jésus, d'avoir fait montre de favoritisme et d'avoir aimé un
de ses apôtres plus que les autres. Le fait que Jean était l'un les trois
auxiliaires personnels de Jésus donna quelque vraisemblance à cette idée
fausse, ainsi que son frère Jacques connaissant Jésus depuis plus
longtemps que les autres apôtres.
Pierre, Jacques, et Jean furent affectés comme auxiliaires personnels
de Jésus peu après être devenus ses apôtres. Quand
les douze eurent été choisis, Jésus nomma André directeur du groupe et lui
dit: «
Maintenant je désire que tu désignes deux ou trois de tes compagnons pour
me servir, rester à mes côtés, me réconforter, et veiller à mes
besoins quotidiens ». André estima que, pour cette mission spéciale, le
mieux était de choisir trois apôtres dans l'ordre où ils avaient été admis
au groupe. Lui-même aurait aimé se porter volontaire pour ce service béni,
mais le Maître lui avait déjà donné sa mission. André ordonna donc
immédiatement que Pierre, Jacques, et Jean fussent attachés à la personne
de Jésus.
Jean Zébédée avait des traits de caractère charmants, mais un trait
beaucoup moins gracieux était sa vanité démesurée, généralement bien
dissimulée. Sa longue collaboration avec Jésus provoqua de nombreux et
importants changements dans son caractère. Sa suffisance diminua
considérablement, mais quand il eut vieilli et fut un peu retombé en
enfance, cet amour-propre réapparut dans une certaine mesure. Ainsi,
tandis qu'il guidait Nathan dans la rédaction de l'Évangile qui porte
actuellement son nom, le vieil apôtre n'hésita pas à se désigner lui-même
maintes fois comme « le disciple que Jésus aimait ». Jean fut plus près
que tout autre mortel d'être un camarade pour Jésus; du fait qu'il était
son représentant personnel pour tant de questions, il n'est pas étonnant
qu'il en soit venu à se considérer comme le disciple préféré de Jésus, car
il savait parfaitement qu'il était le disciple à qui Jésus se confiait le
plus souvent.
Le trait le plus notable du caractère de Jean était la confiance qu'il
inspirait; il était prompt et courageux, fidèle et dévoué. Son grand
défaut était sa vanité caractéristique. Dans la famille de son père et
dans le groupe apostolique, il était le plus jeune. Peut-être avait-il été
un peu gâté, ou un peu trop ménagé. Mais le Jean de la maturité était un
personnage fort différent du jeune homme autoritaire et satisfait de
lui-même qui entra dans les rangs des apôtres de Jésus à l'âge de
vingt-quatre ans.
Les traits de caractère de Jésus que Jean appréciait le plus étaient
son amour du prochain et sa générosité. Ces traits firent une telle
impression sur lui que toute sa vie ultérieure fut dominée par un
sentiment d'amour et de dévotion fraternelle. IL parla d'amour et écrivit
sur l'amour. Ce « fils du tonnerre » devint « l'apôtre de l'amour ». À
Ephèse, quand le vieil évêque qu'il était devenu ne pouvait plus se tenir
debout en chaire et prêcher, il fallut durant des années le porter à
l'église sur une chaise, et quand à la fin du service on lui demandait de
dire quelques mots pour les croyants, il se bornait à répéter: « Mes
petits enfants, aimez-vous les uns les autres ».
Jean était peu loquace, sauf quand il perdait son sang-froid. Il
pensait beaucoup mais parlait peu. Avec l'âge, son humeur s'adoucit et il
se contrôla mieux, mais il ne surmonta jamais sa répugnance à parler; il
ne vainquit jamais complètement cette réticence. Par contre, il était doué
dune remarquable imagination créatrice.
Jean avait un autre trait de caractère que l'on ne se serait pas
attendu à trouver chez ce type d'homme tranquille et introspectif. Il
était quelque peu sectaire et extrêmement intolérant. Sous ce rapport, il
ressemblait beaucoup à Jacques -- tous deux auraient voulu faire descendre
le feu du ciel sur la tête des Samaritains irrévérencieux. Lorsque Jean
rencontrait des étrangers enseignant au nom de Jésus, il le leur
interdisait aussitôt. Mais il n'était pas le seul des douze à être imbu de
cette sorte de suffisance et de cette conscience de supériorité.
La vie de Jean fut prodigieusement influencée quand il vit Jésus
circuler sans domicile, car il savait combien fidèlement Jésus avait pris
des dispositions pour assurer le bien-être de sa mère et de sa famille.
Jean sympathisait profondément aussi avec Jésus parce que le Maître était
incompris dans sa famille. Jean se rendait compte que la famille de Jésus
s'éloignait graduellement du Maître. L'ensemble de cette situation, de
même que le fait de voir Jésus soumettre ses moindres désirs à la volonté
de son Père céleste et d'observer la vie de confiance implicite du Maître,
produisirent sur Jean une impression si profonde qu'elle provoqua des
changements marqués et permanents dans son caractère; ces changements se
manifestèrent durant toute sa vie ultérieure.
Jean avait un courage froid et audacieux que peu d'autres disciples
possédaient. Il fut le seul apôtre qui suivit constamment Jésus durant la
nuit de son arrestation et qui osa accompagner son Maître jusque dans les
bras de la mort. Il fut présent et à portée de la main jusqu'à la dernière
heure, exécutant fidèlement sa mission concernant la mère de Jésus, et
prêt à recevoir les ultimes instructions qui pourraient lui être données
durant les derniers moments de l'existence terrestre du Maître. Une chose
reste certaine: Jean était entièrement digne de confiance. Il était
généralement assis à la droite de Jésus quand les douze étaient à table.
Il fut le premier des douze à croire réellement et pleinement à la
résurrection, et le premier à reconnaître le Maître venant vers eux sur le
rivage de la mer après sa résurrection.
Ce fils de Zébédée fut très étroitement associé à Pierre dans les
premières activités du mouvement chrétien et devint l'un des principaux
soutiens de l'Église de Jérusalem. Il fut le principal auxiliaire de
Pierre le jour de la Pentecôte.
Plusieurs années après le martyre de Jacques, Jean épousa la veuve de
son frère. L'une de ses petites-filles affectueuses s'occupa de lui durant
les vingt dernières années de sa vie.
Jean fut emprisonné plusieurs fois et banni pour quatre ans dans l'Île
de Patmos, jusqu'à ce qu'un nouvel
empereur prit le pouvoir à Rome. Si Jean n'avait pas été plein de tact et
de sagacité, il aurait indubitablement été tué comme le fut son frère
Jacques qui s'exprimait plus carrément. Les années passant,
Jean ainsi que Jacques (le frère du Seigneur) apprirent à pratiquer une
sage conciliation quand ils comparaissaient devant
les magistrats civils. Ils découvrirent « qu'une réponse douce détourne la
fureur » (1). Ils apprirent également à présenter l'Église comme une «
confraternité spirituelle consacrée au service social de l'humanité », et
non comme « le royaume des cieux ». Ils enseignèrent le service par amour
plutôt que le pouvoir souverain -- avec royaume et roi.
(1) Proverbes XV-1.
Durant son exil temporaire à Patmos, Jean écrivit l'Apocalypse, que
vous possédez actuellement sous une forme abrégée et déformée. Cette
Apocalypse contient les vestiges d'une grande révélation dont de
nombreuses parties furent perdues et d'autres supprimées après leur
rédaction par Jean. Elle n'est conservée que sous forme fragmentaire et
adultérée.
Jean voyagea beaucoup, travailla sans cesse, et s'installa à Ephèse
après être devenu évêques des Églises d'Asie. Alors qu'il était à Ephèse,
âgé de 99 ans, il guida son collaborateur Nathan dans la rédaction de ce
que l'on appelle « l'Évangile selon Jean ». Il devint finalement le plus
remarquable théologien de tous les apôtres. Jean Zébédée mourut de mort
naturelle à Ephèse en l'an 103, âgé de cent un ans.
5. -- PHILIPPE LE CURIEUX
Philippe fut le cinquième apôtre choisi, et fut appelé pendant que
Jésus et les quatre autres faisaient route entre le gué du Jourdain, où
Jean baptisait, et Cana en Galilée. Vivant à Bethsaïde, Philippe avait
entendu parler de Jésus depuis quelque temps, mais il ne lui était pas
venu à l'idée que le Maître était réellement un grand homme avant le jour
où, dans la vallée du Jourdain, Jésus lui dit: « suis moi ». Philippe
était aussi quelque peu influencé par le fait qu'André, Pierre, Jacques.
et Jean avaient accepté Jésus en tant que Libérateur.
Philippe avait 27 ans quand il se joignit aux apôtres; il s'était marié
récemment, mais n'avait pas encore d'enfants. Le surnom que les apôtres
lui donnèrent signifiait « curiosité ». Philippe voulait toujours qu'on
lui montre. Il ne semblait jamais voir bien loin dans une proposition
quelconque. Il n'était pas nécessairement obtus, mais il manquait
d'imagination. Ce défaut d'imagination était la grande faiblesse de son
caractère. Il était quelqu'un d'ordinaire et de terre à terre.
Quand les apôtres s'organisèrent pour leur mission, Philippe fut nommé
intendant; il avait pour charge de veiller à ce qu'il y ait à tout moment
des provisions de bouche. Il fut un bon intendant. Sa plus forte
caractéristique était son esprit consciencieux et méthodique; il était à
la fois mathématique et systématique.
Philippe était le second d'une famille de sept enfants, trois garçons
et quatre filles. Après la résurrection, il baptisa toute sa famille.
Philippe vivait dans un milieu de pêcheurs. Son père était un homme très
instruit, un profond penseur, mais sa mère venait d'une famille très
médiocre. Philippe n'était pas un homme capable d'accomplir de grandes
choses, mais il pouvait faire de petites choses avec grandeur, les faire
bien et d'une manière agréable. Sauf en de rares occasions au cours des
quatre années, vécues avec Jésus, il eut toujours sous la main assez de
vivres pour faire face aux besoins de tous. Il fut même rarement pris au
dépourvu par les nombreuses demandes d'urgence qui se présentèrent dans la
vie des apôtres. Le service de l'intendance de la famille apostolique fut
géré avec intelligence et efficacité.
Le point fort de Philippe était son caractère méthodique inspirant
confiance. Le point faible de sa formation était son manque d'imagination,
l'absence d'aptitude à réunir deux et deux pour faire quatre. Il était
calculateur dans l'abstrait, mais manquait à peu près totalement de
certains types d'imagination constructive. Il était le citoyen moyen
typique et ordinaire. Les foules qui venaient écouter Jésus prêcher et
enseigner comportaient un grand nombre d'hommes et de femmes de cet ordre,
qui éprouvaient un grand réconfort à voir un de leurs pareils élevé à un
poste d'honneur dans les conseils du Maître et occupant déjà une situation
importante dans les affaires du royaume. Quant à Jésus, en écoutant
patiemment les sottes questions de Philippe et en obtempérant maintes fois
aux requêtes de son intendant demandant « qu'on lui montre », il apprit
beaucoup sur le fonctionnement du mécanisme de certaines pensées humaines.
La principale qualité de Jésus que Philippe admirait constamment était
l'inlassable générosité du Maître. Jamais Philippe ne put trouver en Jésus
quelque chose de petit, de parcimonieux, ou de mesquin, et il adorait
cette libéralité intarissable et toujours active.
La personnalité de Philippe faisait peu d'impression. On l'appelait
souvent « Philippe de Bethsaïde, la ville où vivent André et Pierre ». Il
manquait de discernement dans sa vision des choses; il était incapable de
saisir les possibilités spectaculaires d'une situation donnée. Il n'était
pas pessimiste, mais simplement prosaïque. Il manquait également beaucoup
de clairvoyance spirituelle. Il n'hésitait pas à interrompre Jésus au
milieu de l'un de ses plus profonds discours pour poser une question
apparemment stupide. Mais Jésus ne le réprimandait jamais pour cette
étourderie; il était patient avec lui et prenait en considération son
inaptitude à saisir le sens profond de l'enseignement. Jésus savait que
s'il reprochait une seule fois à Philippe de poser des questions
ennuyeuses, non seulement il blesserait cette âme honnête, mais que sa
réprimande froisserait Philippe au point qu'il ne se sentirait plus jamais
libre de poser des questions. Jésus savait que, sur les mondes de l'espace
de son univers, il y avait des myriades d'hommes de cet ordre ayant de la
lenteur de pensée; il voulait les encourager tous à se tourner vers lui et
à toujours se sentir libres de lui soumettre leurs questions et leurs
problèmes. Après tout, les sottes questions de Philippe comptaient plus
pour Jésus que le sermon qu'il pouvait prêcher. Jésus s'intéressait
suprêmement aux hommes, à toutes les sortes d'hommes.
L'intendant apostolique ne parlait pas bien en public, mais en
tête-à-tête il était excellent et persuasif. Il ne se décourageait pas
facilement. Il travaillait avec persévérance et grande ténacité dans tout
ce qu'il entreprenait. Il possédait le grand don exceptionnel de savoir
dire: «Venez ». Lorsque Nathanael, son premier converti, voulut discuter
les mérites de Jésus et la réputation de Nazareth, la réponse efficace
de Philippe fut: « Viens et vois » (1). Il n'était pas un prêcheur
dogmatique exhortant ses auditeurs à
« agir » -- à faire ceci et cela. Il faisait face à toutes les situations
à mesure qu'elles se présentaient dans son travail, en disant: «Venez --
venez avec moi, je vous montrerai le chemin ». C'est toujours la technique
la plus efficace dans toutes les formes et phases de l'enseignement. Même
des parents peuvent apprendre de Philippe la meilleure manière de ne
pas dire à leurs enfants: « Allez faire ceci et allez faire cela »,
mais plutôt: «Venez avec nous, nous allons vous montrer la meilleure route
à suivre et y cheminer avec vous ».
(1) Jean I-46.
L'inaptitude de Philippe à s'adapter à une nouvelle situation ressort
bien dans l'anecdote des Grecs qui vinrent vers lui à Jérusalem en lui
disant: « Monsieur, nous désirons voir Jésus ». À tout Juif lui posant
cette question, Philippe aurait répondu: « Viens ». Mais ces hommes
étaient des étrangers, et Philippe n'avait souvenir d'aucune instruction
de ses supérieurs en pareille matière; la seule chose qui lui vint à la
pensée fut de consulter le chef, André, et ensuite tous deux
accompagnèrent les Grecs investigateurs auprès de Jésus. De même, quand il
alla en Samarie prêcher et baptiser des croyants comme son Maître l'en
avait chargé, il s'abstint d'imposer les mains sur ses convertis pour
signifier qu'ils avaient reçu l'Esprit de Vérité. Ce geste fut exécuté par
Pierre et Jean, qui vinrent bientôt de Jérusalem pour observer son
activité au nom de l'Église mère.
Philippe continua son travail durant les heures éprouvantes de la mort
du Maître, participa à la réorganisation des douze, et fut le premier à
partir pour gagner des âmes au royaume en dehors de la communauté juive
immédiate. Il réussit fort bien dans son oeuvre auprès des Samaritains, et
dans tous ses travaux ultérieurs en faveur de l'évangile.
La femme de Philippe, qui était membre actif de la corporation
féminine, s'associa efficacement à son mari après qu'ils eurent fui les
persécutions de Jérusalem. Elle était intrépide. Elle se tint au pied de
la croix de Philippe et l'encouragea à proclamer la bonne nouvelle même à
ses meurtriers. Quand les forces de Philippe faiblirent, elle commença à
raconter l'histoire du salut par la foi en Jésus, et ne fut réduite au
silence qu'au moment où les Juifs furieux se ruèrent sur elle et la
lapidèrent à mort. Leur fille aînée Léa poursuivit leur oeuvre et devint
plus tard la célèbre prophétesse d'Hiérapolis.
Philippe, jadis intendant des douze, était un homme puissant dans le
royaume, gagnant des âmes partout où il passait. Il fut finalement
crucifié pour sa foi et enterré à Hiérapolis.
6. -- L'HONNÊTE NATHANAEL
Nathanael, le sixième et dernier apôtre choisi personnellement par le
Maître, fut amené à Jésus par son ami Philippe. Il avait été l'associé de
Philippe dans plusieurs entreprises commerciales, et il l'accompagnait
pour aller voir Jean le Baptiste quand ils rencontrèrent Jésus.
Lorsque Nathanael se joignit aux apôtres, il était le plus jeune du
groupe après Jean. Nathanael était le dernier d'une famille de sept
enfants; il était célibataire et le seul soutien de parents âgés et
infirmes avec lesquels il vivait à Cana. Ses frères et soeurs étaient tous
mariés ou décédés, et aucun d'eux ne vivait là. Nathanael et Judas
Iscariot étaient les deux hommes les plus instruits parmi les douze.
Nathanael avait songé à s'établir commerçant.
Jésus ne donna pas lui-même un surnom à Nathanael, mais les douze ne
tardèrent pas à parler de lui en termes qui signifiaient honnêteté,
sincérité. Il était « sans artifice » (1) et c'était sa principale vertu;
il était très fier de sa famille, de sa ville, de sa réputation, et de sa
nation, ce qui est louable quand ce n'est pas poussé à l'excès. Mais avec
ses propres préventions, Nathanael avait un penchant à aller aux extrêmes.
Il avait tendance à préjuger des individus selon ses opinions
personnelles. Même avant de rencontrer Jésus, il n'avait pas été long à
poser la question: « Quelque chose de bon peut-il sortir de Nazareth? »
Mais Nathanael, tout en ayant de l'amour-propre, n'était pas entêté. Dès
qu'il eut regardé le visage de Jésus, il changea d'avis.
(1) Jean I-47.
Sous bien des rapports, Nathanael était le génie original des douze. Il
était le philosophe et le rêveur apostolique, mais un rêveur d'une espèce
très pratique. Il alternait entre des moments de profonde philosophie et
des périodes d'humour rare et drolatique. Quand son humeur s'y prêtait, il
était probablement le meilleur conteur d'histoires parmi les douze. Jésus
aimait beaucoup entendre Nathanael discourir sur des choses graves et sur
des choses frivoles. Nathanael prit peu à peu conscience de l'importance
capitale de Jésus et du royaume, mais n'en attacha jamais à sa propre
personne.
Tous les apôtres aimaient et respectaient Nathanael, et il s'entendait
magnifiquement avec tous, sauf avec Judas Iscariot. Judas estimait que
Nathanael ne prenait pas son apostolat suffisamment à coeur; il eut une
fois la témérité d'aller trouver Jésus secrètement et de porter plainte
contre lui. Jésus lui dit: « Judas, prends bien garde aux faux pas; ne
surestime pas ta charge. Qui de nous est qualifié pour juger son frère? La
volonté du Père n'est pas que ses enfants partagent seulement les choses
sérieuses de la vie. Permets-moi de répéter que je suis venu pour que mes
frères incarnés puissent avoir de la joie, du bonheur, et une vie plus
épanouie. Va-t-en donc, Judas, et fais bien ce qui t'a été confié, mais
laisse ton frère Nathanael rendre compte de lui-même à Dieu ». Le souvenir
de cette expérience ainsi que de bien d'autres vécut longtemps dans le
coeur déçu de Judas Iscariot.
Bien souvent, pendant que Jésus était parti dans la montagne avec
Pierre, Jacques, et Jean, que la situation devenait tendue et embrouillée
entre les apôtres, et qu'André lui-même doutait de ce qu'il fallait dire à
ses frères désolés, Nathanael détendait l'atmosphère par un peu de
philosophie ou un trait d'humour, et aussi par sa bonne humeur.
Nathanael avait la charge de veiller sur les familles des douze. Il
était souvent absent des conseils apostoliques car, lorsqu'il apprenait
que la maladie ou un événement sortant de l'ordinaire était survenu à
l'une des personnes a sa charge, il ne perdait pas de temps pour se rendre
au foyer en question. Les douze vivaient en sécurité, sachant que le
bien-être des leurs était en bonnes mains grâce à Nathanael.
Nathanael révérait surtout Jésus pour sa tolérance. Il ne se lassa
jamais d'observer la largeur d'esprit et la généreuse compassion du Fils
de l'Homme.
Le père de Nathanael (Bartholomé) mourut peu après la Pentecôte.
Ensuite l'apôtre se rendit en Mésopotamie et aux Indes pour proclamer
l'évangile et baptiser les croyants. Ses compagnons ne surent jamais ce
qu'était devenu leur philosophe, poète, et humoriste de jadis. Lui aussi
fut un grand homme dans le royaume et contribua largement à répandre
l'enseignement de son Maître, bien qu'il n'ait pas participé à
l'organisation ultérieure de l'Église chrétienne. Nathanael mourut aux
Indes.
7. -- MATTHIEU LEVI
Matthieu, le septième apôtre, fut choisi par André. Matthieu
appartenait à une famille de collecteurs d'impôts, ou publicains; il était
lui-même receveur des douanes à Capharnaüm, où il habitait. Il avait 31
ans, était marié, et avait quatre enfants. Il possédait une petite fortune
et se trouvait le seul membre du corps apostolique disposant de quelques
ressources. Il était un homme d'affaires capable, s'adaptant bien à tous
les milieux sociaux, et il était doué de l'aptitude à se faire des amis et
à bien s'entendre avec toutes sortes de personnes.
André nomma Matthieu agent financier des apôtres. Il était en quelque
sorte le gérant et le publiciste de l'organisation apostolique. Il était
un bon juge de la nature humaine et un propagandiste très efficace. Il est
difficile de se faire une idée de sa personnalité, mais il était un
disciple très sincère. Il crut de plus en plus à la mission de Jésus et à
la certitude du royaume. Jésus ne donna jamais de surnom à Lévi, mais les
autres apôtres l'appelaient communément « le collecteur d'argent ».
Le point fort de Lévi était sa dévotion de tout coeur à la cause. Le
fait que lui, un publicain, ait été enrôlé par Jésus et ses apôtres
suscita une reconnaissance débordante chez l'ancien collecteur de taxes.
Il fallut toutefois un peu de temps au reste des apôtres, surtout à Simon
Zélotès et à Judas Iscariot, pour admettre la présence du publicain parmi
eux. La faiblesse de Matthieu était son point de vue étroit et
matérialiste sur la vie mais, à mesure que les mois s'écoulaient, il fit
de grands progrès dans ce domaine. Bien entendu, il était obligé de
manquer un grand nombre des séances d'instruction les plus précieuses,
puisqu'il avait la charge d'alimenter la trésorerie.
C'était la disposition au pardon que Matthieu appréciait le plus chez
le Maître. Matthieu ne cessait de répéter que la foi seule est nécessaire
dans l'effort pour trouver Dieu. Il aimait toujours à parler du royaume
comme de « cette affaire de trouver Dieu ».
Bien que Matthieu fût un homme ayant un passé de publicain, il
s'acquitta admirablement de sa tâche et, le temps s'écoulant, ses
compagnons s'enorgueillirent de la réussite du publicain. Il fut l'un des
apôtres qui prirent d'amples notes sur l'enseignement de Jésus. Ces notes
servirent plus tard de base à la rédaction par Isadore des paroles et
actes de Jésus, ultérieurement connue sous le nom d'Évangile selon
Matthieu.
La grande et utile vie de Matthieu, l'homme d'affaires et le receveur
des douanes de Capharnaüm, a servi à amener des milliers et des milliers
d'autres hommes d'affaires, de fonctionnaires, et de politiciens, durant
les âges subséquents, à écouter aussi la voix engageante du Maître disant:
« Suis-moi ». Matthieu était réellement un habile politicien, mais il
était intensément fidèle à Jésus et suprêmement dévoué à la tâche de
veiller à ce que les messagers du royaume à venir disposent des ressources
financières appropriées.
La présence de Matthieu parmi les douze fut le moyen de garder les
portes du royaume bien ouvertes pour une foule d'âmes découragées et
déshéritées qui s'étaient considérées depuis longtemps comme exclues de la
consolation religieuse. Des hommes et des femmes déchus et désespérés
s'attroupaient pour entendre Jésus, qui n'en repoussa jamais aucun.
Matthieu recevait des dons librement offerts par des disciples croyants
et des auditeurs directs de l'enseignement du Maître, mais il ne sollicita
jamais ouvertement la contribution des foules. Il accomplit tout son
travail financier d'une manière tranquille et personnelle, et se procura
la majeure partie de l'argent parmi la classe relativement aisée des
partisans de Jésus. Il consacra pratiquement la totalité de sa modeste
fortune au travail du Maître et de ses apôtres, mais ils ne connurent
jamais sa générosité, sauf Jésus qui était au courant de tout. Matthieu
hésitait à contribuer ouvertement aux fonds apostoliques de crainte que
Jésus et ses collaborateurs ne risquent de considérer son argent comme
souillé; en conséquence, il fit beaucoup de dons au nom d'autres croyants.
Durant les premiers mois, alors que Matthieu se rendait compte que sa
présence parmi les apôtres causait une plus ou moins grande gêne, il fut
fortement tenté de leur faire savoir que leur pain quotidien était bien
souvent acheté de ses propres deniers, mais il ne céda pas à cette
tentation. Quand la preuve du dédain pour le publicain devenait manifeste,
Lévi brûlait de révéler sa générosité, mais il s'arrangea toujours pour
garder le silence.
Quand les fonds pour la semaine étaient insuffisants pour le budget
prévu, Lévi avait souvent recours à ses ressources personnelles pour des
montants importants. Parfois aussi, lorsqu'il prenait un grand intérêt aux
enseignements de Jésus, il préférait rester là et écouter ses leçons, même
en sachant qu'il lui faudrait compenser personnellement les fonds
nécessaires qu'il n'était pas allé solliciter. Mais Lévi ne souhaitait pas
que Jésus puisse savoir qu'une grande partie de l'argent sortait de sa
propre poche! Il ne réalisait guère que le Maître était au courant de
tout. Les apôtres moururent tous sans savoir que Matthieu avait été leur
bienfaiteur dans une mesure telle, qu'au moment où il partit proclamer
l'évangile du royaume après le commencement des persécutions, il était
pratiquement sans ressources.
Quand les persécutions amenèrent les croyants à quitter Jérusalem,
Matthieu se dirigea vers le nord, prêchant l'évangile du royaume et
baptisant les croyants. Ses anciens associés apostoliques perdirent le
contact avec lui , mais il continua à prêcher et à baptiser en Syrie, en
Cappadoce, en Galatie, en Bythinie, et en Thrace. Ce fut en Thrace, à
Lysimachie, que certains Juifs incroyants conspirèrent avec les soldats
romains pour consommer sa mort. Le publicain régénéré mourut dans la foi
triomphante du salut que, durant son récent séjour sur terre, son Maître
lui avait enseigné avec tant de certitude.
8. -- THOMAS DIDYME
Thomas était le huitième apôtre et fut choisi par Philippe. Plus tard
on l'appela « Thomas l'incrédule », mais ses compagnons apôtres ne le
considéraient guère comme un incrédule invétéré. Il est vrai que son type
de pensée était logique et sceptique, mais il avait une forme de loyauté
courageuse qui interdisait à ceux qui le connaissaient intimement de le
regarder comme un sceptique sans intérêt.
Lorsque Thomas se joignit aux apôtres, il avait 29 ans, était marié, et
avait quatre enfants. Il avait jadis été charpentier et maçon, mais plus
récemment il était devenu pêcheur. Il résidait à Tarichée, localité située
sur la rive occidentale du Jourdain à sa sortie de la Mer de Galilée, et
il était considéré comme le premier citoyen de ce petit village. Il avait
peu d'instruction, mais raisonnait très bien. Il était le fils d'excellent
parents qui vivaient à Tibériade. Parmi les douze, Thomas était le seul
penseur vraiment analytique; il était l'homme réellement scientifique du
groupe apostolique.
La vie de famille de Thomas avait débuté dune façon malheureuse; ses
parents n'étaient pas entièrement satisfaits de leur vie conjugale, et
cela eut sa répercussion dans la vie d'adulte de Thomas. Il grandit avec
un caractère désagréable et querelleur. Même sa femme fut très heureuse de
le voir se joindre aux apôtres; elle fut soulagée à l'idée que son
pessimiste mari serait la plupart du temps loin de son foyer. Thomas avait
aussi une tendance à la suspicion qui rendait très difficile de s'entendre
paisiblement avec lui. Pierre fut d'abord très démonté par Thomas et se
plaignit à son frère André de ce que Thomas était « méprisant,
disgracieux, et toujours soupçonneux ». Mais plus ses compagnons connurent
Thomas, plus ils l'aimèrent. Ils découvrirent qu'il était magnifiquement
honnête et indéfectiblement loyal. Il était parfaitement sincère et
indubitablement véridique, mais il avait une tendance innée à découvrir
des défauts. Il avait grandi en devenant réellement pessimiste, et sa
pensée analytique s'était empreinte de suspicion. Il était en train de
perdre rapidement foi en ses semblables quand il s'associa aux douze et
entra ainsi en contact avec le noble caractère de Jésus. Cette association
avec le Maître commença immédiatement à transformer tout le caractère de
Thomas et effectuer de grands changements dans ses réactions mentales
envers ses semblables.
La grande force de Thomas était sa magnifique pensée analytique et son
courage stoïque -- une fois qu'il avait pris ses décisions. Sa grande
faiblesse était son doute soupçonneux, dont il ne triompha jamais
complètement durant son incarnation.
Dans l'organisation des douze, Thomas avait la charge d'établir et
d'ordonner l'itinéraire, et il dirigeait fort bien le travail et les
déplacements du corps apostolique. Il était un bon exécutant, un excellent
homme d'affaires, mais il était handicapé par ses sautes d'humeur; il
n'était pas le même homme d'un jour à l'autre. Il avait un penchant pour
de sombres et mélancoliques méditations quand il se joignit aux apôtres,
mais son contact avec eux et avec Jésus le guérit dans une large mesure de
cette introspection morbide.
Jésus prenait beaucoup de plaisir à la compagnie de Thomas et eut de
longues conversations personnelles avec lui. La présence de Thomas parmi
les apôtres était un grand réconfort pour tous les sceptiques honnêtes;
elle encouragea nombre de penseurs troublés à entrer dans le royaume, même
s'ils ne pouvaient comprendre entièrement tous les aspects spirituels et
philosophiques des enseignements de Jésus. L'admission de Thomas parmi les
douze était une déclaration permanente que Jésus aimait même les
incrédules sincères.
Les autres apôtres révéraient Jésus à cause de quelque trait spécial et
remarquable de sa personnalité si riche, mais Thomas révérait son Maître
pour son caractère superbement équilibré. Thomas admirait et honorait de
plus en plus un être qui était miséricordieux avec tant d'amour, et
cependant juste et équitable avec tant d'inflexibilité; qui était si
ferme, mais non entêté; si calme, mais jamais indifférent; si secourable
et si compatissant, sans jamais se mêler de tout et faire le dictateur; si
fort et en même temps si doux; si positif, mais jamais brutal ni rude; si
tendre sans jamais chanceler; si pur et innocent, mais en même temps si
viril, dynamique, et énergique; si véritablement courageux, mais jamais
téméraire ni imprudent; si amoureux de la nature, mais si dégagé de toute
tendance à la révérer; si humoriste et enjoué, mais si dépourvu de
légèreté et de frivolité. Cette incomparable harmonie de personnalité
charmait particulièrement Thomas. Parmi les douze, c'était probablement
lui qui intellectuellement comprenait le mieux Jésus et appréciait le
mieux sa personnalité.
Dans les conseils des douze, Thomas était toujours prudent et
recommandait la politique de « sécurité d'abord ». Mais si l'on avait voté
contre son conservatisme ou passé outre, il était toujours le premier à se
lancer avec intrépidité dans l'exécution du programme décidé. Maintes et
maintes fois il s'opposa à certains projets qu'il considérait comme
téméraires ou présomptueux, et les discuta avec acharnement jusqu'au bout.
Mais si André mettait la proposition aux voix et si les douze
choisissaient d'adopter le projet auquel il s'était si vigoureusement
opposé, Thomas était le premier a dire: « Allons-y! » Il était beau
joueur. Il ne tenait pas rancune et n'était pas susceptible. De temps en
temps, il s'opposait a laisser Jésus s'exposer a un danger, mais si le
Maître décidait de prendre le risque, c'était toujours Thomas qui ralliait
les apôtres avec ses paroles courageuses: « Venez, camarades, allons-y et
mourons avec lui ».
Sous certains rapports, Thomas ressemblait à Philippe; il voulait aussi
«qu'on lui montre », mais ses expressions extérieures de doute étaient
fondées sur un mécanisme intellectuel entièrement différent. Thomas était
analytique et pas seulement sceptique. Quant au courage personnel, il
était l'un des plus braves parmi les douze.
Thomas passa par de très mauvais moments; il était parfois sombre et
abattu. La perte de sa soeur jumelle lorsqu'il avait neuf ans lui avait
causé un grand chagrin de jeunesse et avait compliqué les problèmes de
caractère de toute sa vie. Quand Thomas devenait morose, c'était tantôt
Nathanael qui l'aidait à se remettre d'aplomb, tantôt Pierre, et assez
souvent l'un des jumeaux Alphée. Malheureusement, il essayait toujours
d'éviter le contact avec Jésus durant les périodes où il était le plus
déprimé; mais le Maître était au courant de tout cela et, durant les
moments de dépression de son apôtre harassé de doutes, il l'entourait
d'une sympathie compréhensive.
Thomas obtenait parfois d'André la permission de s'absenter seul pour
un ou deux, mais il apprit bientôt que cette manière de faire était peu
sage, et qu'il était préférable, quand il était abattu, de s'attacher
étroitement à son travail et de rester près de ses compagnons. Mais quels
que fussent les événements de sa vie émotionnelle, il restait fermement un
apôtre. Quand le moment arrivait de prendre l'initiative, c'était toujours
Thomas qui disait « Allons-y! »
Thomas est le grand exemple d'un être humain qui a des doutes, qui y
fait face, et qui en triomphe. Il était un grand penseur et non un
critique malveillant. Il avait une pensée logique et il était la pierre de
touche de Jésus et de ses compagnons. Si Jésus et son oeuvre n'avaient pas
été sincères, jamais le groupe n'aurait pu retenir depuis le
commencement jusqu'à la fin un homme comme Thomas. Il avait un sens aigu
et sûr des faits. À la première trace de fraude ou de
tromperie, Thomas aurait abandonné le groupe. Les savants peuvent ne pas
comprendre pleinement tout ce qui concerne Jésus et son oeuvre terrestre,
mais quelqu'un dont la pensée était véritablement celle d'un homme de
science a vécu avec le Maître et ses collaborateurs -- Thomas Didyme -- et
il croyait en Jésus de Nazareth.
Thomas traversa une sévère épreuve durant le jugement et la
crucifixion. Pendant quelque temps il fut plongé dans un abîme de
désespoir, mais il reprit courage, resta solidaire des apôtres, et fut
parmi eux pour accueillir Jésus au bord de la Mer de Galilée. Pendant un
moment il succomba à la dépression due à son incrédulité, mais retrouva
finalement sa foi et son courage. Il donna de sages conseils aux apôtres
après la Pentecôte et, quand les persécutions dispersèrent les croyants,
il alla à Chypre, en Crête, sur la côte de l'Afrique du Nord, et en
Sicile, prêchant l'évangile du royaume et baptisant des croyants. Thomas
continua à prêcher et à baptiser jusqu'au moment où il fut appréhendé par
les agents du gouvernement romain et mis à mort à Malte. Quelques années
avant sa fin, il avait commencé à écrire la vie et les enseignements de
Jésus.
9 et 10. -- JACQUES ET JUDE ALPHÉE
Jacques et Jude Alphée, les pêcheurs jumeaux habitant près de Kérasa,
furent les neuvième et dixième apôtres et furent choisis par Jacques et
Jean Zébédée. Ils avaient 26 ans et étaient mariés; Jacques avait trois
enfants et Jude en avait deux.
Il n'y a pas grand-chose à dire sur ces pêcheurs ordinaires. Ils
aimaient leur Maître et Jésus les aimait, mais ils n'interrompaient jamais
ses discours par des questions. Ils comprenaient très peu les discussions
philosophiques ou les débats théologiques de leurs compagnons apôtres,
mais se réjouissaient de se trouver incorpores dans un groupe d'hommes
aussi puissants. Quant à leur apparence personnelle, à leurs
caractéristiques mentales, et à l'étendue de leur perception spirituelle,
les deux jumeaux étaient à eu près identiques. Ce que l'on peut dire de
l'un, on peut le dire de l'autre.
André les chargea du maintien de l'ordre parmi les foules. Ils étaient
les principaux huissiers durant les heures de sermon, et en fait les
serviteurs généraux du groupe, dont ils faisaient les commissions. Ils
aidaient Philippe au ravitaillement, apportaient de l'argent aux familles
de la part de Nathanael, et se tenaient toujours disposés à prêter une
main secourable à n'importe quel apôtre.
Les multitudes de gens du peuple étaient très encouragées de voir deux
de leurs semblables honorés d'une place parmi les apôtres. Par leur seule
admission comme apôtres, ces médiocres jumeaux furent le truchement
permettant de faire entrer dans le royaume une quantité de croyants
pusillanimes. En outre, les gens du peuple acceptaient plus volontiers
l'idée d'être conduits et dirigés par des surveillants officiels très
semblables à eux-mêmes.
Jacques et Jude, que l'on appelait aussi Thaddée et Lébbée, n'avaient
ni points forts ni points faibles. Les surnoms que leur donnèrent les
disciples étaient de bienveillantes appellations de médiocrité. Ils
étaient « les moindres de tous les
apôtres » ils le savaient, et cela les mettait de bonne humeur.
Jacques Alphée aimait particulièrement Jésus a cause de la simplicité
du Maître. Les jumeaux ne pouvaient comprendre la pensée de Jésus, mais
ils saisissaient le lien de sympathie entre eux et le coeur de leur
Maître. Leur mentalité n'était pas d'un ordre élevé et révérence parler,
on pourrait même les qualifier de stupides, mais ils subirent une réelle
évolution dans leur nature spirituelle. Ils croyaient en Jésus; ils
étaient des fils de Dieu et des citoyens du royaume.
Jude Alphée était attiré par Jésus à cause de l'humilité sans
ostentation du Maître. Une pareille humilité jointe à une pareille dignité
personnelle exerçait un grand attrait sur Jude. Le fait que Jésus
recommandait toujours le silence sur ses actes extraordinaires faisait
grande impression sur ce simple enfant de la nature.
Les jumeaux apportaient leur aide avec bonne humeur et simplicité.
Jésus confia a ces jeunes gens peu doués des postes d'honneur dans son
état-major personnel du royaume parce qu'il existe des myriades d'autres
âmes semblables, simples et craintives, sur les mondes de l'espace; le
Maître désirait également accueillir ces âmes dans une communion active et
croyante avec lui-même et avec son Esprit de Vérité effusé. Jésus ne
dédaignait pas la petitesse, mais seulement le mal et le péché. Jacques et
Jude étaient humbles, mais ils étaient également fidèles.
Ils étaient simples et ignorants, mais avaient aussi un grand coeur, de la
bonté, et de la générosité.
On peut imaginer la fierté reconnaissante de ces humbles le jour où le
Maître refusa d'accepter un certain riche comme évangéliste, a moins qu'il
ne consente à vendre ses biens et à venir en aide aux pauvres. Quand le
peuple entendit cela et vit les jumeaux parmi ses conseillers, on sut avec
certitude que Jésus ne faisait pas acception de personnes. Seule une
institution divine -- le royaume des cieux -- pouvait s'ériger sur des
fondements humains aussi médiocres!
Au cours de toute leur association avec Jésus, les jumeaux ne se
hasardèrent qu'une fois ou deux à poser des questions en public. Jude fut
une fois intrigué au point de poser une question à Jésus après que le
Maître eut parlé de se révéler ouvertement au monde. Il se sentait un peu
décu à l'idée que les douze ne détiendraient plus de secrets et s'enhardit
à demander: «Mais alors, Maître, quand tu te proclameras ainsi au monde,
comment nous favoriseras-tu par des manifestations spéciales de ta bonté?
»
Les jumeaux servirent fidèlement jusqu'au bout, jusqu'aux jours sombres
du jugement, de la crucifixion, et du désespoir. Ils ne perdirent jamais
la foi de leur coeur en Jésus et (après Jean Zébédée) ils furent les
premiers a croire a sa résurrection; mais ils ne purent comprendre
l'établissement du royaume. Peu après la crucifixion de leur Maître, ils
retournèrent à leur famille et à leurs filets; leur tâche était achevée.
Ils n'étaient pas aptes à s'engager dans les batailles plus complexes du
royaume, mais ils vécurent et moururent conscients d'avoir été honorés et
bénis par quatre années d'association étroite et personnelle avec un Fils
de Dieu, créateur souverain d'un univers.
11. -- SIMON LE ZÉLOTE
Simon le Zélote, le onzième apôtre, fut choisi par Simon Pierre.
C'était un homme capable, de bonne souche qui vivait avec sa famille à
Capharnaüm. Il avait 28 ans lorsqu'il fut adjoint aux apôtres. Il était un
fougueux agitateur, et aussi un homme qui parlait beaucoup sans réfléchir.
Il avait été commerçant à Capharnaüm avant de porter toute son attention
sur l'organisation patriotique des Zélotes.
Simon Zélotès fut chargé des divertissements et de la détente du groupe
apostolique. Il organisa très efficacement les distractions et les
activités récréatives des douze.
La force de Simon était sa fidélité entraînante. Quand les apôtres
rencontraient un homme ou une femme se débattant dans l'indécision au
sujet de leur entrée dans le royaume, ils envoyaient chercher Simon. En
général, cet avocat enthousiaste du salut par a foi en Dieu n'avait guère
besoin de plus d'un quart d'heure pour calmer tous les doutes et ôter
toute indécision, pour voir une nouvelle âme naître dans « la liberté de
la foi et la joie du salut ».
La grande faiblesse de Simon était sa mentalité matérialiste. Ce Juif
nationaliste ne put se transformer rapidement en un internationaliste à
mentalité spirituelle. Un délai de quatre ans était insuffisant pour
effectuer une telle transformation intellectuelle et émotionnelle, mais
Jésus fut toujours patient avec lui.
La qualité de Jésus que Simon admirait le plus était le calme du
Maître, son assurance, son équilibre, et son inexplicable sérénité.
Bien que Simon fût un révolutionnaire enragé, un intrépide brandon
d'agitation, il vainquit graduellement sa fougueuse nature jusqu'à devenir
un puissant et efficace prédicateur « de paix sur terre et de bonne
volonté parmi les hommes ». Simon brillait dans les débats; il aimait
discuter. Quand on avait à faire face à la mentalité procédurière des
Juifs instruits ou aux arguties intellectuelles des Grecs, la tâche était
toujours attribuée à Simon.
Il était un rebelle par nature et un iconoclaste par entraînement, mais
Jésus le gagna aux concepts supérieurs du royaume des cieux. Simon s'était
toujours identifié au parti protestataire, mais maintenant il adhérait au
parti progressiste, celui de la progression illimitée et éternelle de
l'esprit et de la vérité. Simon était un homme de fidélité ardente, de
chaud dévouement personnel, et il aimait profondément Jésus.
Jésus ne craignait pas de s'identifier à des hommes d'affaires, des
ouvriers, des optimistes, des pessimistes, des philosophes, des
sceptiques, des publicains, des politiciens, et des patriotes.
Le Maître eut de nombreux entretiens avec Simon, mais ne réussit jamais
pleinement à transformer cet ardent nationaliste juif en un
internationaliste. Jésus répéta souvent à Simon qu'il était légitime de
souhaiter l'amélioration du système social, économique, et politique, mais
il ajoutait toujours: « Ce n'est pas l'affaire du royaume des cieux. Il
faut que nous soyons consacrés à faire la volonté du Père. Notre affaire
consiste à être les ambassadeurs d'un gouvernement spirituel d'en haut, et
nous ne devons pas nous occuper immédiatement d'autre chose que de
représenter la volonté et le caractère du Père divin qui se trouve à la
tête du gouvernement dont nous portons les lettre de créance ». Tout cela
était difficile à comprendre pour Simon, mais il parvint graduellement à
saisir quelque peu la signification de l'enseignement du Maître.
Après la dispersion causée par les persécutions de Jérusalem, Simon
prit une retraite temporaire. Il était littéralement accablé.
En tant que patriote nationaliste, il avait abandonné sa position par
déférence pour les enseignements de Jésus; maintenant, tout était perdu.
Il était dans le désespoir, mais au bout de quelques années il reprit
espoir et partit proclamer l'évangile du royaume.
Il se rendit à Alexandrie et, après avoir péniblement remonté le Nil,
il pénétra au coeur de l'Afrique, prêchant partout l'évangile de Jésus et
baptisant les croyants. Il travailla ainsi jusqu'à ce qu'il fût devenu
vieux et faible. Il mourut et fut enterré au coeur de l'Afrique.
12. -- JUDAS ISCARIOT
Judas Iscariot, le douzième apôtre, fut choisi par Nathanael. Il était
né à Kérioth, petite ville de la Judée méridionale. Quand il était petit
garçon, ses parents s'étaient installés à Jéricho, où il vécut et fut
employé dans les diverses affaires commerciales de son père jusqu'au
moment où il s'intéressa aux sermons et à l'oeuvre de Jean le Baptiste.
Ses parents étaient des sadducéens, et lorsque Judas se joignit aux
disciples de Jean, ils le renièrent.
Quand Nathanael le rencontra à Tarichée, Judas cherchait un emploi dans
une sécherie de poisson à l'extrémité aval de la Mer Galilée. Il avait 30
ans quand il se joignit aux apôtres et il état célibataire. Il était le
seul Judéen dans la famille apostolique du Maître, et probablement le plus
instruit des douze. Judas n'avait aucun trait saillant de force
intérieure, bien qu'il eût apparemment de nombreux traits extérieurs de
culture et de bonne éducation. Il était un grand penseur, mais pas
toujours un penseur vraiment honnête. Judas ne se comprenait
réellement pas lui-même; il n'était pas franchement sincère quand il
s'agissait de lui-même.
André nomma Judas trésorier des douze, poste qu'il était éminemment
qualifié pour occuper. Jusqu'au moment où il trahit son Maître, il assuma
honnêtement, fidèlement, et très efficacement les responsabilités de sa
charge.
Nul trait de caractère spécial chez Jésus n'était plus admiré par Judas
que la personnalité généralement attirante et délicatement charmante du
Maître. Judas ne fut jamais capable de s'élever au-dessus de ses préjugés
de Judéen contre ses compagnons galiléens. Il allait même jusqu'à
critiquer dans sa pensée bien des manières de faire de Jésus. Ce Judéen
prétentieux osait souvent condamner dans son coeur le Maître que les onze
autres apôtres considéraient comme l'homme parfait, « exquis et suprême
parmi dix mille ». Judas entretenait réellement la notion que Jésus était
timide et quelque peu effrayé d'affirmer son pouvoir et son autorité.
Judas était un excellent homme d'affaires. Il fallait du tact, de
l'habileté, et de la patience, aussi bien que de la minutie dans le
dévouement, pour diriger les affaires financières d'un idéaliste tel que
Jésus, sans parler de la lutte contre les méthodes désordonnées de
certains apôtres. Judas était réellement un grand réalisateur, un
financier prévoyant et capable, et un rigoriste pour l'organisation. Nul
apôtre ne critiqua jamais Judas. Autant qu'ils pouvaient voir, Judas
Iscariot était un trésorier incomparable, un homme instruit, un apôtre
loyal (bien que parfois critique) et, dans tous les sens du mot, un homme
qui réussissait fort bien. Les apôtres aimaient Judas; il était réellement
l'un d'eux. Il croyait probablement en Jésus, mais nous doutons
qu'il ait réellement aimé le Maître de tout son coeur. Le cas de
Judas illustre la vérité du proverbe: « Il existe une voie qui paraît
juste à un homme, mais la fin en est la mort ». Il est tout à fait
possible de tomber dans le piège apparemment innocent consistant à
s'adapter agréablement aux voies du péché et de la mort. Soyez assuré que
Judas fut toujours financièrement loyal envers son Maître et ses collègues
apôtres. Jamais l'argent n'aurait pu être un motif l'incitant à trahir le
Maître.
Judas était le fils unique de parents peu sages qui le choyèrent et le
dorlotèrent durant son enfance. Il était un enfant gâté. En grandissant,
il se fit une idée exagérée de son importance personnelle. Il n'était pas
beau joueur. Il avait des idées vagues et biscornues sur l'équité, et il
était enclin à la haine et à la suspicion. Il était habile à interpréter
de travers les paroles et les actes de ses amis. Durant toute sa vie,
Judas avait cultivé l'habitude de rendre la pareille à ceux qu'il
imaginait l'avoir maltraité. Son sens des valeurs et du loyalisme était
défectueux.
Jésus avait pris le risque d'avoir foi en Judas. Dès le commencement,
le Maître avait parfaitement compris la faiblesse de cet apôtre et
connaissait bien les dangers de l'admettre dans la communauté. Mais il est
dans la nature des Fils de Dieu de donner à tout être créé une chance
égale de salut et de survie. Jésus voulait que non seulement les mortels
de ce monde, mais aussi les observateurs innombrables sur d'autres mondes,
sachent que, s'il existe des doutes sur la sincérité et la franchise de la
dévotion d'une créature au royaume, la pratique invariable des Juges des
hommes consiste à recevoir pleinement le candidat douteux. La porte de la
vie éternelle est grande ouverte à tous; « quiconque le désire peut entrer
»; il n'y a ni restriction ni qualification, sauf la foi de celui
qui vient.
C'est précisément la raison pour laquelle Jésus permit à Judas de
continuer jusqu'au bout, en faisant toujours tout son possible pour
transformer et sauver cet apôtre faible et tourmenté. Mais si la lumière
n'est pas reçue de bonne foi et si l'on ne s'y conforme pas dans la vie,
elle tend à venir ténèbres à l'intérieur de l'âme. En ce qui concerne les
enseignements de Jésus sur le royaume, Judas grandit intellectuellement,
mais ne progressa pas comme les autres apôtres dans l'acquisition d'un
caractère spirituel. Il ne réussit pas à faire des progrès satisfaisants
en expérience spirituelle.
Judas s'adonna de plus en plus à de sombres méditations sur ses
déceptions personnelles et devint finalement une victime de sa propre
rancune. Ses sentiments avaient été maintes fois blessés; il devint
anormalement soupçonneux de ses meilleurs amis, et même du Maître. Il fut
bientôt obsédé par l'idée de leur rendre la pareille, de faire n'importe
quoi pour se venger, oui, même de trahir ses collègues et son Maître.
Mais ces idées perverses et dangereuses ne prirent pas nettement corps
avant le jour où une femme reconnaissante brisa un coûteux vase d'encens
aux pieds de Jésus (1). Cela parut un gaspillage à Judas, et lorsque sa
protestation publique fut aussitôt désavouée par Jésus au vu et au su de
tout le monde, c'en fut trop pour lui. Cet événement déclencha la
mobilisation de tout ce qu'il avait accumulé de haine, de froissements, de
méchanceté, de préjugés, de jalousie, et de désirs de revanche durant
toute sa vie, et il résolut de rendre la pareille à n'importe qui. Mais il
cristallisa toute la perversité de sa nature sur l'unique personne
innocente dans tout le drame sordide de sa vie malheureuse, simplement
parce que Jésus s'était trouvé l'acteur principal dans l'épisode qui
marqua son passage du royaume progressif de lumière au domaine de ténèbres
qu'il avait lui-même choisi.
(1) Matthieu XXVI-7.
En public et en privé, le Maître avait maintes fois prévenu Judas qu'il
déviait, mais les avertissements divins sont généralement inutiles quand
ils s'adressent à une nature humaine aigrie. Jésus fit tout ce qui était
possible et compatible avec le libre arbitre moral des hommes pour
empêcher Judas de choisir la mauvaise voie. La grande épreuve finit par
arriver. Le fils de la rancune échoua. Il céda aux directives acariâtres
et sordides d'une pensée orgueilleuse et vengeresse résultant de
l'importance exagérée qu'il attribuait à sa personne, et plongea
rapidement dans le désordre, le désespoir, et la dépravation.
Judas entra alors dans la vile et honteuse intrigue destinée à trahir
son Seigneur et Maître et mit rapidement en oeuvre son projet néfaste.
Durant l'exécution de ses plans de trahison conçus dans la colère, il
éprouva des moments de regret et de honte. Au cours de ces intervalles de
lucidité, il conçut timidement, comme justification dans sa propre pensée,
l'idée que Jésus pourrait peut-être exercer son pouvoir et se délivrer au
dernier moment.
Quand cette affaire immonde et impie fut terminée, le mortel renégat,
qui avait attaché peu d'importance a vendre son ami pour trente pièces
d'argent afin de satisfaire le désir de revanche qu'il nourrissait depuis
longtemps, se sauva précipitamment et commit l'acte final du drame
consistant à fuir les réalités de l'existence terrestre -- il se suicida.
Les onze apôtres furent horrifiés et abasourdis. Jésus se borna à
regarder le traître avec pitié. Les mondes extérieurs ont trouvé difficile
d'absoudre Judas, et l'on s'abstient de prononcer son nom dans tout un
vaste univers.
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