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LE MARDI MATIN AU TEMPLE
CE mardi matin à sept heures, Jésus retrouva chez Simon les apôtres, le
corps évangélique féminin, et deux douzaines d'autres disciples influents.
A cette réunion, il fit ses adieux à Lazare et lui donna des indications
qui l'incitèrent à fuir très rapidement à Philadelphie, en Pérée, où il se
lia plus tard avec le mouvement missionnaire qui avait son siège dans
cette ville. Jésus prit également congé du vieux Simon et donna au groupe
féminin ses ultimes conseils, car il ne lui adressa plus jamais
d'allocution officielle.
Ce matin-là, il reçut les douze en leur faisant individuellement les
recommandations suivantes: A André: « Ne te laisse pas décourager par les
événements imminents. Garde une ferme emprise sur tes collègues et veille
à ce qu'ils ne te trouvent pas abattu ». A Pierre: « Ne mets ta confiance
ni dans la vigueur de ton bras ni dans les armes d'acier. Etablis-toi sur
les fondements spirituels des rochers éternels ». A Jacques: « Ne perds
pas courage devant les apparences extérieures. Reste ferme dans ta foi, et
tu connaîtras bientôt la réalité de ce que tu crois ». A Jean: « Sois
doux; aime même tes ennemis. Sois tolérant, et rappelle-toi que je t'ai
confié bien des choses ». A Nathanael: « Ne juge pas sur les apparences;
reste ferme dans ta foi quand tout semblera s'effondrer; sois fidèle à ton
mandat d'ambassadeur du royaume ». A Philippe: « Ne te laisse pas ébranler
par les événements imminents. Reste impassible, même quand tu ne peux voir
le chemin. Sois fidèle à ton serment de consécration ». A Matthieu: «
N'oublie pas la miséricorde qui t'a fait recevoir dans le royaume. Ne
laisse personne te dérober ta récompense éternelle. Puisque tu as résisté
aux tendances de la nature humaine, accepte d'être ferme. A Thomas: « Si
difficile que ce soit, il faut actuellement que tu marches par la foi et
non par la vue. Ne doute pas que je sois capable d'achever l'oeuvre que
j'ai commencée, et que je reverrai finalement tous mes fidèles
ambassadeurs dans le royaume de l'au-delà ». Aux jumeaux Alphée: « Ne vous
laissez pas écraser par les choses que vous ne comprenez pas. Soyez
fidèles aux affections de votre coeur, et ne mettez votre confiance ni
dans les grands hommes, ni dans le comportement changeant du peuple.
Restez auprès de vos compagnons ». A Simon le Zélote: « Tu seras peut-être
écrasé de déception, mais ton esprit s'élèvera au-dessus de tout ce qui
pourra t'arriver. Ce que tu n'as pas réussi a apprendre de moi, mon esprit
te l'enseignera. Recherche les vraies réalités spirituelles et cesse
d'être attiré par des ombres irréelles et matérielles ». Et à Judas
Iscariot il dit: « Judas, je t'ai aimé et j'ai prié pour que tu aimes tes
frères. Ne te lasse pas de bien faire. Je t'avertis de te méfier de ceux
qui font glisser les hommes sur les sentiers de la flatterie et qui les
empoisonnent par les flèches du ridicule ».
Après avoir achevé ces salutations, Jésus partit pour Jérusalem avec
André, Pierre, Jacques, et Jean, tandis que les autres apôtres
s'occupaient d'établir le camp de Gethsémani, où ils devaient se rendre ce
soir-là et où ils installèrent leur quartier général pour le reste de la
vie incarnée du Maître. A mi-chemin de la descente du versant d'Olivet,
Jésus s'arrêta et s'entretint durant plus d'une heure avec les quatre
apôtres.
1. -- LE PARDON DIVIN
Depuis plusieurs jours, Pierre et Jacques avaient entrepris de discuter
leurs divergences d'opinion sur l'enseignement du Maître concernant le
pardon des péchés. Ils avaient convenu de soumettre la question à Jésus,
et Pierre saisit l'occasion comme fort opportune pour obtenir l'avis du
Maître. En conséquence, Simon Pierre interrompit la conversation sur les
différences entre la louange et l'adoration en demandant: « Maître,
Jacques et moi nous ne sommes pas d'accord sur tes enseignements au sujet
du pardon des péchés. Jacques prétend que, d'après toi, le Père nous
pardonne même avant que nous ne le lui demandions, et moi je maintiens que
le repentir et la confession doivent précéder le pardon. Qui de nous a
raison? Qu'en dis-tu? »
Après un bref silence, Jésus jeta un coup d'oeil significatif sur les
quatre apôtres et répondit: « Mes frères, vous vous trompez dans vos
opinions parce que vous ne comprenez pas la nature intime des relations
entre créature et Créateur, entre l'homme et Dieu. Vous ne saisissez pas
la sympathie intelligente que de sages parents éprouvent pour leurs
enfants dépourvus de maturité et parfois égarés. Il est même douteux que
des parents intelligents et affectueux soient jamais appelés à pardonner à
un enfant moyen et normal. Des échanges compréhensifs, associés à un
comportement plein d'amour, empêchent efficacement toutes les séparations
qui nécessitent ultérieurement un rajustement par le repentir chez
l'enfant et le pardon des parents.
« Dans chaque enfant vit une fraction de son père. Le père bénéficie
d'une priorité et d'une supériorité de compréhension dans toutes les
questions liées aux rapports entre parents et enfants. Les parents peuvent
regarder l'immaturité de l'enfant à la lumière de la maturité parentale
plus grande, de l'expérience plus mûre des époux plus âgés. Dans le cas de
l'enfant terrestre et du Père céleste, le parent divin possède, dans une
mesure infinie et divine, la compassion et l'aptitude à comprendre avec
amour. Le pardon divin est inévitable; il est inaltérable et inhérent à la
compréhension infinie de Dieu, à sa parfaite connaissance de tout ce qui
concerne le faux jugement et le choix erroné de l'enfant. La justice
divine est si éternellement équitable quelle englobe infailliblement la
miséricorde compréhensive.
« Quand un homme avisé comprend les impulsions intérieures de ses
semblables, il se met à les aimer; et quand vous aimez votre frère, vous
lui avez déjà pardonné. Cette aptitude à comprendre la nature des hommes
et à pardonner leurs actions apparemment mauvaises est divine. Si vous
êtes de sages parents, c'est ainsi que vous aimerez et comprendrez vos
enfants, et même que vous leur pardonnerez quand des malentendus
temporaires auront paru vous séparer. L'enfant est dépourvu de maturité et
ne comprend pas la profondeur des relations entre enfant et père; il
éprouve donc souvent un sentiment de culpabilité quand il ne reçoit pas la
pleine approbation de son père; mais un véritable père n'est jamais
conscient d'une telle séparation. Le péché est une expérience de la
conscience des créatures; il ne fait pas partie de la conscience de Dieu.
« Votre inaptitude ou votre répugnance à pardonner à vos semblables
dénote que vous manquez de maturité, que vous n'avez pas atteint le niveau
adulte de sympathie, de compréhension, et d'amour. Vos rancunes et vos
idées de vengeance sont directement proportionnelles à votre ignorance de
la nature intérieure et des véritables désirs de vos enfants et de vos
semblables. L'amour est la manifestation du divin besoin intérieur de
vivre. Il est fondé sur la compréhension, entretenu par le service
désintéressé, et transmué en sagesse par la perfection ».
2. -- LES QUESTIONS DES DIRIGEANTS JUIFS
Le lundi soir, il y avait eu conciliabule entre le sanhédrin et une
cinquantaine d'autres notables choisis parmi les scribes, les pharisiens,
et les sadducéens. Cette assemblée estima qu'il serait dangereux d'arrêter
Jésus en public, à cause de l'affection du petit peuple pour lui. La
majorité fut également d'avis qu'il fallait faire un effort résolu pour le
discréditer aux yeux de la multitude avant de l'arrêter et de le traduire
en jugement. En conséquence, divers groupes d'érudits furent désignés pour
aller le lendemain matin au temple afin d'essayer de prendre Jésus au
piège avec des questions difficiles et de chercher à l'embarrasser devant
le peuple. Les pharisiens, les sadducéens, et même les hérodiens étaient
enfin d'accord dans cet effort pour discréditer Jésus aux yeux de la foule
pascale.
Le mardi matin, lorsque Jésus arriva dans la cour du temple et commença
à enseigner, il fut interrompu des ses premiers mots par un groupe de
jeunes étudiants des académies, qui avaient subi une préparation spéciale
à cet effet. Ils s'avancèrent et s'adressèrent à Jésus par le truchement
de leur porte-parole: « Maître, nous savons que tu es un instructeur
droit, que tu proclames les voies de la vérité, et que tu es au service de
Dieu seul, car tu ne crains aucun homme et tu ne fais pas acception de
personnes. Nous ne sommes que des étudiants, et nous voudrions connaître
la vérité sur une question qui nous trouble. Voici la difficulté: « Est-il
licite pour nous de payer le tribut à César? Le payerons-nous ou ne le
payerons-nous pas? » Percevant leur hypocrisie et leur sournoiserie, Jésus
leur dit: « Pourquoi venez vous me tenter ainsi? Montrez-mol l'argent du
tribut, et je vous répondrai ». Les étudiants lui donnèrent un denier
qu'il examina, puis il dit: « De qui cette pièce porte-t-elle l'effigie et
l'inscription? » Ils répondirent: « De César ». Sur quoi Jésus dit: «
Rendez à César ce qui appartient à César, et rendez à Dieu ce qui
appartient à Dieu » (1).
(1) Cf. Matthieu XXII-17 à 21 ; Marc
XII-14 à 17, Luc XX-22 à 26.
Après avoir reçu cette réponse, les jeunes scribes et leurs complices
hérodiens se retirèrent hors de sa présence, et le peuple, y compris les
sadducéens, se réjouit de leur déconfiture. même les jeunes gens qui
avaient essayé de prendre le Maître au piège s'émerveillèrent grandement
de la sagacité de sa réponse.
La veille, les dirigeants avalent cherché à prendre Jésus en défaut
devant la foule sur des questions d'autorité ecclésiastique. N'y étant pas
parvenus, ils cherchaient maintenant à l'impliquer dans une discussion
préjudiciable sur l'autorité civile. Pilate et Hérode se trouvaient tous
deux à Jérusalem à ce moment-là, et les ennemis de Jésus supputèrent que
s'il osait déconseiller le payement du tribut à César, les deux chefs
pourraient aller immédiatement trouver les autorités romaines et l'accuser
de sédition. D'autre part, s'il recommandait le payement du tribut par un
long discours, ses ennemis calculaient, à juste titre, qu'il infligerait
une profonde blessure à l'orgueil national de ses auditeurs juifs, ce qui
lui aliénerait la bienveillance et l'affection de la multitude.
En tout ceci, les ennemis de Jésus furent battus, car un décret bien
connu du sanhédrin, fait pour la gouverne des Juifs dispersés parmi les
Gentils, précisait que « le droit de battre monnaie comportait le droit de
percevoir des impôts ». Jésus évita ainsi leur piège. S'il avait répondu «
non » à leur question, cela aurait été l'équivalent d'une incitation à la
rébellion. S'il avait répondu « où », cela aurait choqué les sentiments
nationalistes profondément enracinés de l'époque. Le Maître n'éluda pas la
question; il eut simplement la sagesse de faire une double réponse. Jésus
n'était jamais évasif, mais toujours bien avisé dans ses rapports avec
ceux qui cherchaient à le harceler et à l'anéantir.
3. -- LES SADDUCÉENS ET LA RÉSURRECTION
Avant que Jésus ait pu reprendre le fil de son enseignement, un autre
groupe s'avança pour le questionner. Cette fois il s'agissait d'un groupe
de sadducéens érudits et rusés, dont le porte-parole s'approcha en disant:
« Maître, Moïse a dit que si un homme marié meurt sans laisser d'enfants,
son frère devra épouser sa veuve et engendrer une postérité à son frère
décédé (1). Or il s'est produit un cas où un homme qui avait six frères
mourut sans enfants; son frère cadet prit sa femme, mais mourut bientôt
également sans laisser d'enfants. Le second frère prit alors la femme,
mais lui aussi mourut sans postérité. Et ainsi de suite jusqu'à ce que les
six frères l'eussent épousée et fussent tous morts sans laisser d'enfants.
Enfin la femme elle-même mourut après eux tous. Ceci dit, nous voudrions
te poser la question suivante: Lors de la résurrection, de qui sera-t-elle
la femme, vu que les sept frères l'ont épousée? »
Jésus, aussi bien que l'assistance, savait que ces sadducéens n'étaient
pas sincères en posant leur question, car il était peu probable que le cas
se fût réellement produit; en outre, la coutume pour les frères d'un mort
de chercher à lui engendrer une postérité était pratiquement devenue
lettre morte parmi les Juifs à cette époque. Jésus condescendit néanmoins
à répondre à leur question insidieuse. Il dit: « Vous vous trompez tous en
posant de telles questions, parce que vous ne connaissez ni les Écritures
ni le pouvoir vivant de Dieu. Vous savez que les fils de ce monde peuvent
se marier et sont donnés en mariage, mais vous ne semblez pas comprendre
que ceux qui, par la résurrection des justes, sont estimés dignes
d'atteindre les mondes à venir ne se marient pas et ne sont pas donnés en
mariage. Ceux qui font l'expérience de la résurrection d'entre les morts
ressemblent plus aux anges des cieux; ils ne meurent jamais. Ces
ressuscités sont éternellement les fils de Dieu. Ils sont les enfants de
lumière ressuscités dans le progrès de la vie éternelle. Même votre Père
Moïse le comprit car, en liaison avec son expérience auprès du buisson
ardent, il entendit le Père dire: « Je suis le Dieu d'Abraham, le
Dieu d'Isaac, et le Dieu de Jacob » (2). Ainsi, avec Moïse, je proclame
que mon Père n'est pas le Dieu des morts, mais celui des vivants. En lui
vous vivez tous, vous vous reproduisez, et vous possédez votre existence
humaine ».
Lorsque Jésus eut fini de répondre à ces questions, les sadducéens se
retirèrent, et certains pharisiens s'oublièrent au point de s'écrier: «
C'est vrai, c'est vrai, Maître, tu as bien répondu à ces sadducéens
incroyants ». Les sadducéens n'osèrent plus poser d'autres questions à
Jésus, et le peuple s'émerveilla de la sagesse de son enseignement.
Jésus ne fit appel qu'à Moïse dans son escarmouche avec les sadducéens,
car cette secte politico-religieuse ne reconnaissait comme valable que le
Pentateuque de Moïse. Elle n'admettait pas que les enseignements des
prophètes puissent servir de base à des dogmes doctrinaux. Dans sa
réponse, le Maître affirma positivement la survie des créatures mortelles
par la technique de la résurrection, mais en aucun sens il ne mentionna
avec approbation la croyance pharisienne à la résurrection du corps humain
sous sa forme physique. Jésus voulait souligner que le Père avait dit: «
Je suis le Dieu d'Abraham, d'Isaac, et de Jacob », et non « J'étais
leur Dieu ».
Les sadducéens avaient cru soumettre Jésus à l'influence flétrissante
du ridicule, sachant bien que toute persécution en public créerait
certainement un renouveau de sympathie pour lui dans la pensée de la
multitude.
(1) Cf. Deutéronome XXV-5 ; Matthieu XXII-24 et la suite ; Marc
XII-19 et la suite. |
(2) Exode III-6 et parallèles.
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4. -- LE GRAND COMMANDEMENT
Un autre groupe de sadducéens avait reçu des instructions pour poser à
Jésus des questions embarrassantes sur les anges, mais après avoir vu le
sort de leurs camarades qui avaient essayé de le prendre au piège avec des
questions concernant la résurrection, ils décidèrent fort sagement de se
tenir cois; ils se retirèrent en renonçant à leur interrogatoire. Les
scribes, pharisiens, sadducéens, et hérodiens coalisés avaient prémédité
de remplir toute la journée de questions embarrassantes. Ils espéraient
ainsi discréditer Jésus devant le peuple, et en même temps empêcher
efficacement qu'il ait le temps de proclamer ses enseignements
perturbateurs.
Un groupe de pharisiens s'avança ensuite pour le harceler de questions.
Son porte-parole fit un signe à Jésus et dit: « Maître, je suis un
juriste, et je voudrais te demander quel est à ton avis le plus grand
commandement? Jésus répondit: « Il n'y a qu'un seul commandement, qui est
le plus grand de tous et qui ordonne: « Ecoute, O Israël, l'Éternel notre
Dieu; l'Éternel est un; tu aimeras l'Éternel ton Dieu de tout ton coeur,
de toute ton âme, de toute ta pensée, et de toute ta force » (1). Ceci est
le premier et grand commandement. Et le second lui est semblable; en
vérité, il découle directement du premier et ordonne: « Tu aimeras ton
prochain comme toi-même » (2). Il n'y en a pas d'autres plus grands que
ceux-ci; de ces deux commandements dépendent toute la Loi et les Prophètes
».
(1) Cf. Deutéronome VI-4 ; Matthieu XXII-37. |
(2) Cf. Lévitique XIX-18 ; Matthieu XXII-39 ;
Luc X-27 ; Romains XIII-9 ; Galates V-14 ; Jacques II-8. |
Percevant que non seulement la réponse de Jésus était conforme au
concept le plus élevé de la religion juive, mais aussi qu'il avait répondu
sagement au vu de la multitude assemblée, le docteur de la loi pensa qu'il
valait mieux faire preuve de courage en louant ouvertement la réponse du
Maître. En conséquence il dit: « En vérité, Maître, tu as dit à juste
titre que Dieu est un, qu'il n'y en a pas d'autre en dehors de lui, et que
le premier et grand commandement consiste à l'aimer de tout notre coeur,
de toute notre intelligence, et de toute notre force, et aussi qu'il faut
aimer son prochain comme soi-même. Nous sommes d'accord que ce
commandement a beaucoup plus d'importance que toutes les offrandes brûlées
et tous les sacrifices ». Lorsque le juriste eut ainsi répondu prudemment,
Jésus le regarda et dit: « Mon ami, je perçois que tu n'es pas loin du
royaume de Dieu ».
Jésus disait vrai lorsqu'il fit allusion à ce docteur de la loi comme
n'étant « pas éloigné du royaume », car le même soir ce juriste se rendit
au camp du Maître près de Gethsémani, confessa sa foi dans l'évangile du
royaume, et fut baptisé par Josias, l'un des disciples d'Abner.
Deux ou trois autres groupes de scribes et de pharisiens étaient
présents avec l'intention de poser des questions, mais ils furent soit
désarmés par la réponse de Jésus au docteur de la loi, soit découragés par
la déconfiture de tous ceux qui avaient entrepris de le prendre au piège.
Après cela, personne n'osa plus lui poser de questions en public.
Voyant qu'aucune question n'était soulevée et que l'heure de midi
approchait, Jésus ne reprit pas son enseignement, mais se borna à poser à
son tour une question aux pharisiens et à leurs associés. Il dit: «
Puisque vous ne soulevez plus de questions, je voudrais vous en poser une.
Que pensez-vous du Libérateur? C'est-à-dire de qui est-il le Fils? » Après
une courte pause, l'un des scribes répondit: « Le Messie est fils de David
». Or Jésus savait qu'il y avait eu de nombreuses discussions, même parmi
ses disciples, sur le point de savoir s'il était ou non fils de David. Il
posa donc une nouvelle question: « Si le Libérateur est vraiment fils de
David, comment se fait-il que, dans le Psaume que vous lui attribuez,
David, parlant selon l'esprit, ait dit: L'Éternel a dit à mon Seigneur:
Assieds-toi à ma droite jusqu'à ce que j'aie réduit tes ennemis à te
servir de marchepied (1) ? Si David l'appelle Seigneur, comment peut-il
être son fils? » Les dirigeants, les scribes, et les chefs des prêtres ne
firent aucune réponse à cette question, mais ils s'abstinrent également
d'en poser de nouvelles pour essayer d'embarrasser Jésus. En fait, ils ne
répondirent jamais à la question qu'il leur avait posée mais, après la
mort du Maître, ils essayèrent d'éluder la difficulté en changeant
l'interprétation de ce Psaume de manière qu'il se réfère à Abraham au lieu
du Messie. D'autres docteurs de la loi essayèrent d'échapper au dilemme en
niant que David fût l'auteur de ce Psaume dit messianique.
(1) Psaume CX-1.
Quelques moments auparavant, les pharisiens s'étaient réjouis de la
manière dont les sadducéens avaient été réduits au silence par le Maître.
C'étaient maintenant les sadducéens qui prenaient plaisir à l'échec des
pharisiens, mais cette rivalité n'était que momentanée. Ils oublièrent
rapidement les points de vue divergents qu'ils soutenaient depuis
longtemps et reprirent leur effort commun pour mettre fin aux
enseignements et aux agissements de Jésus. Mais au cours de toutes ces
expériences, le petit peuple fut heureux de pouvoir écouter le Maître.
5. -- LES GRECS INVESTIGATEURS
A midi, tandis que Philippe achetait des vivres pour le nouveau camp
que l'on établissait près de Gethsémani, il fut accosté par une délégation
d'étrangers, un groupe de croyants grecs d'Alexandrie, d'Athènes, et de
Rome. Leur porte-parole dit à l'apôtre: « Tu nous as été signalé par des
gens qui te connaissent; alors nous t'abordons en te demandant de voir
Jésus, ton Maître ». Philippe fut pris au dépourvu en rencontrant ainsi
sur la place du marché ces éminents investigateurs Grecs et Gentils. Or
Jésus avait explicitement recommandé aux douze apôtres de ne pratiquer
aucun enseignement en public durant la semaine pascale. Philippe fut donc
un peu embarrassé sur la meilleure manière d'arranger cette affaire. Le
fait que ces hommes étaient des Gentils étrangers l'avait également
déconcerté. S'ils avaient été des Juifs, ou des Gentils habitant les
environs, il n'aurait pas montré tant d'hésitation. Philippe s'arrêta à la
solution consistant à demander aux Grecs de l'attendre sur place. Tandis
qu'il s'éloignait en hâte, les Grecs supposèrent qu'il était allé chercher
Jésus, mais en réalité Philippe se dépêchait d'aller chez Joseph d'Arimathie,
où il savait qu'André et les autres apôtres prenaient leur déjeuner. Il
appela André, lui explique le motif de sa venue, puis retourna avec André
auprès des Grecs qui l'attendaient.
Ayant à peu près fini d'acheter ses provisions, Philippe revint avec
André et les Grecs chez Joseph, où Jésus les reçut. Ils s'assirent près de
lui, tandis qu'il parlait à ses apôtres et à un certain nombre de
disciples éminents réunis à ce déjeuner. Jésus dit:
« Mon Père m'a envoyé dans ce monde pour révéler sa bonté et son amour
aux enfants des hommes, mais les premiers vers qui je suis allé ont refusé
de me recevoir. En vérité, beaucoup d'entre vous ont cru par eux-mêmes à
mon évangile, mais les enfants d'Abraham et leurs dirigeants vont me
rejeter; ce faisant, ils rejetteront Celui qui m'a envoyé. J'ai largement
proclamé l'évangile du salut à ce peuple; je lui ai parlé de la filiation
accompagnée de joie, de liberté, et de vie plus riche dans l'esprit. Mon
Père a accompli nombre d'oeuvres merveilleuses parmi ces fils des hommes
paralysés par la peur. C'est à juste titre que le Prophète Isaïe s'est
référé à ce peuple en écrivant: « Seigneur, qui a cru à nos enseignements?
Et à qui l'Éternel a-t-il été révélé? (1) » En vérité, les dirigeants de
mon peuple ont aveuglément fermé leurs yeux pour ne pas voir et endurci
leur coeur de peur de croire et d'être sauvés. Au long de ces dernières
années, j'ai cherché à les guérir de leur incrédulité, afin qu'ils
reçoivent le salut éternel du Père. Je sais que tous ne m'ont pas fait
défaut; certains d'entre vous ont vraiment cru à mon message. Il y a dans
cette salle plus de vingt hommes qui ont été membres du sanhédrin ou qui
ont occupé de hauts postes dans les conseils de la nation, bien que
certains d'entre eux répugnent encore à confesser ouvertement la vérité,
de crainte d'être expulsés de la synagogue. Plusieurs parmi vous sont
tentés de préférer la gloire des hommes à la gloire de Dieu. Je suis
obligé de faire preuve de tolérance, car je crains pour la sécurité et la
loyauté de ceux-là mêmes qui m'ont accompagné depuis si longtemps et ont
vécu si proches de moi.
(1) Isaïe LIII-1.
« Je perçois que, dans cette salle de banquet, les Juifs et les Gentils
se trouvent en nombre à peu près égal. Je m'adresse à vous en tant que
premier et dernier groupe de cette nature que je puisse instruire des
affaires du royaume avant de retourner auprès de mon Père.
Ces Grecs avaient fidèlement suivi les enseignements de Jésus au
temple. Le lundi soir, ils avaient tenu chez Nicodème une conférence qui
avait duré jusqu'à l'aube, et trente d'entre eux avaient décidé d'entrer
dans le royaume.
Tandis que Jésus se tenait là devant eux, il perçut qu'une dispensation
prenait fin et qu'une autre commençait. Tournant son attention vers les
Grecs, le Maître dit:
« Quiconque croit à cet évangile croit non seulement en moi, mais en
Celui qui m'a envoyé. Quand vous me regardez, vous ne voyez pas seulement
le Fils de l'Homme, mais aussi Celui qui m'a envoyé. Je suis la lumière du
monde, et quiconque croira en mon enseignement ne demeurera plus dans les
ténèbres. Si vous autres Gentils vous voulez bien m'écouter, vous recevrez
les paroles de vie et entrerez aussitôt dans la joyeuse liberté de la
filiation avec Dieu. Si mes compatriotes, les Juifs, décident de me
rejeter et de refuser mes enseignements, je ne me poserai pas en juge
contre eux, car je ne suis pas venu pour juger ce monde, mais pour lui
offrir le salut. Néanmoins, ceux qui me rejettent et refusent de recevoir
mon enseignement seront traduits en jugement en temps utile par mon Père
et par ceux qu'il a désignés pour juger ceux qui rejettent le don de la
miséricorde et les vérités du salut. Souvenez-vous tous que je ne parle
pas de moi-même, mais que j'ai fidèlement proclamé ce que mon Père m'a
commandé de révéler aux enfants des hommes. Et ces proclamations que le
Père m'a ordonné de faire au monde sont des paroles divinement vraies,
perpétuellement miséricordieuses, et éternellement vivantes.
« Mais je déclare aussi bien aux Juifs qu'aux Gentils que l'heure est
venue où le Fils de l'Homme va être glorifié. Vous savez qu'un grain de
blé reste isolé, à moins qu'il ne tombe en terre et ne meure; mais s'il
tombe dans une bonne terre, il surgit de nouveau à la vie et donne
beaucoup de fruits. Quiconque tient égoïstement à sa vie est en danger de
la perdre; mais quiconque est disposé à sacrifier sa vie pour moi et pour
l'évangile jouira d'une existence plus riche sur terre et au ciel; il aura
la vie éternelle. Si vous voulez sincèrement me suivre, même après que je
serai retourné auprès du Père, alors vous deviendrez mes disciples et les
fidèles serviteurs de vos semblables.
« Je sais que mon heure approche, et je suis troublé. Je perçois que
mon peuple est décidé à repousser le royaume, mais je me réjouis de
recevoir les Gentils ici présents, qui recherchent la vérité et
s'enquièrent des voies de la lumière. J'ai toutefois le coeur serré en
pensant à mon peuple, et mon âme est bouleversée par ce qui va m'arriver
incessamment. Que dirai-je tandis que je contemple les jours qui viennent
et que je discerne le sort qui m'attend? Dirai-je Père, épargne-moi ce
moment épouvantable? Non! Car c'est précisément pour cela que je suis venu
dans ce monde et parvenu jusqu'à cette heure. Je dirai plutôt, en priant
pour que vous vous joigniez à moi: Père, glorifie ton nom, et que ta
volonté soit faite ».
Lorsque Jésus eut ainsi parlé, l'Ajusteur Personnalisé qui avait habité
en lui avant son baptême apparut devant lui, et Jésus fit une pause que
l'assistance remarqua. L'Ajusteur, qui était maintenant un puissant esprit
parlant au nom du Père, dit à Jésus de Nazareth: « J'ai déjà maintes fois
glorifié mon nom dans tes effusions, et je le glorifierai encore une fois
».
Les Juifs et les Gentils de l'assistance n'entendirent aucune voix,
mais ils ne purent éviter de remarquer que Jésus s'était interrompu dans
son discours pendant qu'un message lui parvenait de quelque source
surhumaine. Chacun d'eux dit à son voisin: « Un ange lui a parlé ».
Puis Jésus reprit la parole et dit: « Tout ceci n'est pas arrivé par
égard pour moi, mais par égard pour vous. Je sais avec certitude que le
Père me recevra et acceptera ma mission en votre faveur, mais il est utile
que vous soyez encouragés et préparés à la rude épreuve qui est imminente.
Laissez-moi vous assurer que la victoire finira par couronner nos efforts
conjugués pour éclairer le monde et libérer l'humanité. L'ancien ordre de
choses se présente lui-même au jugement. J'ai abattu le Prince de ce
monde, et tous les hommes vont devenir libres par la lumière de l'esprit
que je répandrai sur toute chair après mon ascension auprès du Père
céleste.
« Maintenant je vous déclare que, si je suis élevé sur terre et dans
votre vie, j'attirerai tous les hommes à moi et dans la communauté de mon
Père (1). Vous avez cru que le Libérateur demeurerait perpétuellement sur
terre, mais je vous dis que le Fils de l'Homme va être rejeté par les
hommes et qu'il retournera auprès du Père. Je ne demeurerai plus bien
longtemps avec vous; la lumière vivante ne restera plus qu'un peu de temps
auprès de cette génération. Marchez pendant que vous avez cette lumière,
afin que les ténèbres et la confusion imminentes ne vous surprennent pas.
Celui qui marche dans les ténèbres ne sait où il va; mais si vous
choisissez de marcher dans la lumière, vous deviendrez tous en vérité des
fils de Dieu affranchis. Et maintenant, accompagnez moi tous au temple où
je vais retourner pour dire mes paroles d'adieu aux chefs des prêtres, aux
scribes, aux pharisiens, aux sadducéens, aux hérodiens, et aux dirigeants
enténébrés d'Israël ».
(1) Cf. Jean XII-32.
Après avoir ainsi parlé, Jésus marcha en tête du groupe et se dirigea
vers le temple par les rues étroites de Jérusalem. Ses auditeurs venaient
d'entendre le Maître dire que ce serait son discours d'adieu dans le
temple, et ils le suivirent silencieusement en méditant profondément.
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