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LE MARDI SOIR SUR LE MONT OLIVET
CE mardi après-midi, tandis que Jésus et les apôtres sortaient du
temple pour aller au camp de Gethsémani, Matthieu attira l'attention sur
la structure du temple en disant: « Maître, observe la qualité de ces
bâtiments. Regarde leurs pierres massives et leur magnifique
ornementation. Est-il possible qu'un jour ces édifices soient détruits? »
Poursuivant son chemin vers Olivet, Jésus dit: « Tu vois ces pierres et ce
temple massif. En vérité, en vérité, je te dis que les jours viennent
bientôt où il n'en sera pas laissé pierre sur pierre. Elles seront toutes
jetées bas ». Ces remarques décrivant la destruction du temple sacré
éveillèrent la curiosité des apôtres qui marchaient derrière le Maître. A
part la fin du monde, ils ne pouvaient concevoir aucun événement qui
occasionnerait la destruction du temple.
Pour éviter les foules qui longeaient la vallée du Cédron vers
Gethsémani, Jésus et ses collaborateurs eurent l'idée de remonter sur une
petite distance le versant occidental du Mont des Oliviers, puis de suivre
une piste conduisant à leur camp privé situé à Gethsémani, un peu
au-dessus des terrains publics de campement. En bifurquant pour quitter la
route allant à Béthanie, ils contemplèrent le temple, glorifié par les
rayons du soleil couchant. Au cours de leur halte sur la colline, ils
virent s'allumer les lumières de la ville et observèrent la beauté du
temple illuminé. Jésus et les douze s'assirent là, sous la douce lumière
de la pleine lune. Le Maître s'entretint avec eux, et Nathanael posa
bientôt la question suivante: «Maître, dis-nous comment nous saurons que
ces événements sont sur le point d'arriver?»
1. -- LA DESTRUCTION DE JÉRUSALEM
En réponse à la question de Nathanael, Jésus dit: « Oui, je vais vous
parler de l'époque où ce peuple aura rempli la coupe de son iniquité, et
où la justice s'abattra rapidement sur cette ville de nos ancêtres (1). Je
suis sur le point de vous quitter et d'aller vers le Père. Après mon
départ, prenez garde que personne ne vous trompe, car plusieurs se
présenteront comme libérateurs et induiront beaucoup de gens en erreur.
Quand vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres, ne soyez
pas troublés, car toutes ces choses arriveront, mais la fin de Jérusalem
ne sera pas encore imminente. Ne soyez pas angoissés par des famines ou
des tremblements de terre, ni préoccupés quand vous serez livrés aux
autorités civiles et persécutés à cause de l'évangile. Vous serez expulsés
de la synagogue et mis en prison à cause de moi, et certains d'entre vous
seront tués. Quand vous serez traduits devant des gouverneurs et des
chefs, ce sera pour donner le témoignage de votre foi et pour montrer
votre fermeté dans l'évangile du royaume. Quand vous comparaîtrez devant
des juges, ne vous inquiétez pas d'avance de ce qu'il faut dire, car
l'esprit vous enseignera à l'instant même la réponse à faire à vos
adversaires. En ces jours de douleur, les personnes de votre propre
famille, sous le commandement de ceux qui ont rejeté le Fils de l'Homme,
vous livreront à la prison et à la mort. Pendant un temps il se peut que
vous soyez haïs de toute l'humanité à cause de moi, mais même au cours de
ces persécutions je ne vous abandonnerai pas; mon esprit ne vous désertera
pas. Soyez patients. Ne mettez pas en doute que l'évangile du royaume
triomphera de tous ses ennemis et sera finalement proclamé à toutes les
nations ».
(1) Cf. Matthieu XXIV.
Jésus s'interrompit et abaissa son regard sur la ville. Le Maître se
rendit compte que le rejet du concept spirituel du Messie, la résolution
de s'attacher obstinément et aveuglément à la mission matérielle du
libérateur attendu, amènerait bientôt un conflit direct entre les Juifs et
les puissantes armées romaines, et que cette lutte se terminerait
inévitablement par la destruction finale et complète de la nation juive.
Quand le peuple de Jésus rejeta son effusion spirituelle et refusa de
recevoir la lumière céleste qui brillait si miséricordieusement sur lui,
il scella sa ruine en tant que peuple indépendant chargé d'une mission
spirituelle spéciale sur terre. Les dirigeants juifs eux-mêmes reconnurent
ultérieurement que leur idée laïque du Messie était directement
responsable de l'agitation qui provoqua finalement leur anéantissement.
Puisque Jérusalem devait être le berceau du mouvement évangélique
primitif, Jésus ne voulait pas que ses instructeurs et prédicateurs
périssent dans la terrible ruine du peuple juif liée à la destruction de
sa capitale, et c'est pourquoi il donna ces instructions à ses partisans.
Jésus craignait beaucoup que ses disciples ne soient impliqués dans les
révoltes prochaines et ne périssent ainsi dans la chute de Jérusalem.
André demanda alors: « Maître, si la ville Sainte et le temple doivent
être détruits, et si tu n'es pas là pour nous diriger, quand devons-nous
abandonner Jérusalem? » Jésus dit: « Vous pouvez rester dans la ville
après mon départ, et même durant ces temps de douleurs et de persécutions
acharnées, mais quand vous verrez finalement Jérusalem encerclée par les
armées romaines après la révolte des faux prophètes, vous saurez que sa
désolation est proche; alors il vous faudra fuir dans les montagnes. Que
nul habitant de la ville et des faubourgs ne s'attarde pour sauver quoi
que ce soit. Ne laissez pas non plus ceux qui habitent à l'extérieur avoir
l'audace de pénétrer dans la ville. Il y aura une grande tribulation, car
ce seront les jours de vengeance des Gentils. Après que vous aurez
abandonné la ville, cette population désobéissante sera passée au fil de
l'épée ou envoyée captive chez toutes les nations. Entre temps, je vous en
avertis, ne vous laissez pas tromper. Si un homme vient vers vous en
disant: « Regarde le Libérateur, il est ici », ou «Regarde, il est là »,
ne le croyez pas, car plusieurs faux éducateurs surgiront et induiront en
erreur beaucoup de fidèles. Mais vous ne vous y tromperez pas, car je vous
ai annoncé tout cela d'avance ».
Les apôtres restèrent très longtemps assis en silence, sous la lumière
de la lune, tandis que ces étonnantes prédictions du Maître s'incrustaient
dans leur pensée des orientée. Ce fut en conformité avec ce même
avertissement que la quasi-totalité du groupe des croyants et des
disciples s'enfuit de Jérusalem dès la première apparition des troupes
romaines et trouva un abri sûr à Pella, en direction du nord.
Même après cet avertissement explicite, beaucoup de disciples de Jésus
interprétèrent ces prédictions comme se rapportant aux changements qui se
produiraient évidemment dans Jérusalem quand la réapparition du Messie
aurait pour résultat d'instaurer la nouvelle Jérusalem et d'agrandir la
ville pour quelle devienne la capitale du monde. Dans leur pensée, ces
Juifs étaient déterminés à lier la destruction du temple avec la « fin du
monde ». Ils croyaient que la Nouvelle Jérusalem remplirait toute la
Palestine; que la fin du monde serait immédiatement suivie de l'apparition
« des nouveaux cieux et de la nouvelle terre » (1). Il n'est donc pas
surprenant que Pierre ait dit: «Maître, nous savons que toutes choses
disparaîtront lors de l'apparition des nouveaux cieux et de la nouvelle
terre, mais comment connaîtrons-nous le moment où tu reviendras pour
accomplir tout cela? »
Quand Jésus entendit cette question, il resta un moment pensif, puis il
dit: « Vous vous trompez constamment parce que vous essayez toujours de
rattacher le nouvel enseignement à l'ancien. Vous êtes décidés à
comprendre de travers tout ce que je vous apprends. Vous persistez à
interpréter l'évangile conformément à vos croyances établies. Néanmoins,
je vais essayer de vous éclairer ».
(1) Cf. Apocalypse XXI-1.
2. -- LA SECONDE VENUE DU MAÎTRE
En plusieurs occasions, Jésus avait formulé des affirmations qui
amenèrent ses auditeurs à conclure qu'il avait l'intention de quitter
prochainement ce monde, mais qu'il reviendrait très certainement pour
parachever l'oeuvre du royaume des cieux. A mesure que ses disciples
étaient plus convaincus que Jésus allait les quitter, et après son départ
de ce monde, il était bien naturel que tous les croyants se cramponnent à
ces promesses de retour. La doctrine de la seconde venue du Christ fut
donc incorporée de bonne heure dans les enseignements chrétiens; presque
toutes les générations ultérieures de disciples ont pieusement cru à cette
vérité et espéré avec confiance que Jésus reviendrait un jour.
Puisque ces premiers disciples et apôtres devaient être séparés de
Jésus, ils s'attachèrent d'autant plus à cette promesse de retour et ne
tardèrent pas à associer la destruction prédite de Jérusalem à la seconde
venue promise. Ils persistèrent à interpréter ainsi ses paroles, bien que
le Maître, durant toute cette soirée d'instruction sur le Mont des
Oliviers, se fût spécialement appliqué à prévenir précisément cette faute.
Continuant à répondre à la question de Pierre, Jésus dit: « Pourquoi
supposez-vous encore que le Fils de l'Homme va siéger sur le trône de
David, et espérez-vous que les rêves matériels des Juifs s'accompliront?
Ne vous ai-je pas dit, au cours de toutes ces années, que mon royaume
n'est pas de ce monde? L'état de choses que vous considérez actuellement
avec mépris arrive à sa fin, mais cette fin constituera un nouveau
commencement à partir duquel l'évangile du royaume se répandra dans le
monde entier et le salut sera étendu à tous les peuples. Quand le royaume
sera parvenu à sa pleine maturité, soyez assurés que le Père céleste ne
manquera pas de vous apporter une révélation élargie de la vérité et une
démonstration accrue de la droiture. Il a déjà effusé sur ce monde celui
qui est devenu le Prince des ténèbres, puis Adam, suivi de Melchizédek, et
actuellement le Fils de l'Homme. C'est ainsi que mon Père continuera à
manifester sa miséricorde et à proclamer son amour, même à ce monde obscur
et pervers. Après que le Père m'aura investi de tout pouvoir et de toute
autorité, moi aussi je continuerai à suivre vos chances et à vous guider
dans les affaires du royaume par la présence de mon Esprit qui sera
bientôt répandu sur toute chair. Non seulement je serai ainsi présent
auprès de vous en esprit, mais aussi je promets que je reviendrai un jour
sur ce monde où j'ai vécu ma vie incarnée et réussi la double expérience
simultanée de révéler Dieu aux hommes et de conduire les hommes à Dieu. Il
faut que je vous quitte très prochainement et que je reprenne le travail
que le Père m'a confié mais ayez bon courage, car je reviendrai un jour.
Entre-temps, mon Esprit de la Vérité d'un univers vous consolera et vous
guidera.
« Vous me voyez maintenant dans la faiblesse de l'incarnation, mais
quand je reviendrai, ce sera avec la puissance de l'esprit. Les yeux de la
chair voient le Fils de l'Homme dans la chair, mais seul l'oeil de
l'esprit verra le Fils de l'Homme glorifié par le Père et apparaissant sur
terre en son propre nom.
« Toutefois, la date de la réapparition du Fils de l'Homme n'est connue
que dans les conseils du Paradis. Les anges du ciel eux-mêmes ne savent
pas quand elle aura lieu. Cependant, vous devriez comprendre ceci: quand
l'évangile du royaume aura été proclamé dans le monde entier pour le salut
de tous les peuples, et quand l'âge aura atteint sa plénitude, le Père
vous enverra une autre effusion dispensationnelle, ou bien alors le Fils
de l'Homme reviendra pour juger la dispensation.
« En ce qui concerne le sort douloureux de Jérusalem, dont je vous ai
parlé, cette génération ne passera pas sans que ma prédiction ait été
accomplie. Mais en ce qui concerne l'époque du retour du Fils de l'Homme,
nul dans le ciel ou sur terre ne peut prétendre en parler. Par contre,
vous pouvez observer avec intelligence la maturation d'un âge et discerner
avec promptitude les signes des temps. Quand le figuier montre ses
branches tendres et fait sortir ses feuilles, vous savez que l'été
approche. De même, quand le monde aura passé par le long hiver de la
mentalité matérialiste et que vous discernerez la venue du printemps
spirituel d'une nouvelle dispensation, sachez que l'été d'une nouvelle
visitation approche.
« Que signifie cet enseignement sur la venue des Fils de Dieu? Chacun
de vous sera appelé un jour à abandonner sa lutte pour la vie physique et
à passer par la porte de la mort. Ne percevez-vous pas que vous vous
trouverez alors en présence immédiate du jugement, face à face avec les
faits d'une nouvelle dispensation de service dans le plan éternel du Père
infini? C'est littéralement un fait qu'à la fin d'un âge le monde entier
doit faire face à une nouvelle situation. En tant qu'individus, vous aurez
très certainement à faire face à une situation analogue, à titre
d'expérience personnelle, quand vous arriverez à la fin de votre vie
terrestre et que le passage dans l'au-delà vous confrontera avec les
conditions et les exigences inhérentes à la révélation suivante de la
progression éternelle dans le royaume du Père ».
De tous les discours que le Maître adressa à ses apôtres, aucun
n'engendra chez eux une confusion mentale plus grande que celui-là,
prononcé ce mardi soir au Mont des Oliviers, sur le double sujet de la
destruction de Jérusalem et de la seconde venue de Jésus. En conséquence,
les narrations écrites ultérieurement et basées sur le souvenir de ce que
le Maître avait dit en cette occasion extraordinaire ne concordèrent pas
beaucoup, et une grande partie des indications données ce mardi soir fut
supprimée dans les écrits. Cette suppression fit naître de nombreuses
traditions. Tout au début du second siècle,
une apocalypse juive
au sujet
du Messie fut écrite par un certain Selta, attaché à la cour de l'empereur
Caligula. Elle fut intégralement insérée dans l'Evangile selon Matthieu et
ultérieurement ajoutée (en partie) aux Evangiles de Marc et de Luc. C'est
dans ces écrits de Selta qu'apparut la parabole des dix vierges. Aucune
partie des écrits évangéliques ne souffrit d'une fausse interprétation
plus trompeuse que l'enseignement donné ce soir-là. Mais l'apôtre Jean ne
se laissa jamais embrouiller sur ce point.
En reprenant leur marche vers le camp, les treize hommes restèrent
muets et furent soumis à une grande tension émotive. Judas s'était
définitivement résolu à abandonner ses compagnons. Il était tard quand
David Zébédée, Jean Marc, et un certain nombre des principaux disciples
accueillirent Jésus et les douze dans le nouveau camp. Les apôtres
n'avaient pas envie de dormir; ils voulaient en savoir davantage sur la
destruction de Jérusalem, le départ du Maître, et la fin du monde.
3. -- SUITE DE LA DISCUSSION AU CAMP
Tandis qu'ils se réunissaient au nombre d'une vingtaine autour du feu
de camp, Thomas demanda au Maître: « Puisque tu dois revenir pour achever
l'oeuvre du royaume, quel devra être notre comportement pendant que tu
seras absent pour t'occuper des affaires du Père? » Jésus les regarda à la
lumière du feu et répondit:
« Même toi, Thomas, tu n'as pas réussi à comprendre ce que j'ai dit. Ne
vous ai-je pas constamment enseigné que votre lien avec le royaume est
spirituel et individuel, qu'il est entièrement une affaire d'expérience
personnelle dans l'esprit, en comprenant par la foi que vous êtes fils de
Dieu? Que dirai-je de plus? La chute des nations, l'effondrement des
empires, la destruction des Juifs incroyants, la fin d'un âge, ou même la
fin du monde, quelle importance cela a-t-il pour celui qui croit à
l'évangile et qui a enfoui sa vie dans la sécurité du royaume éternel?
Vous qui connaissez Dieu et qui croyez à l'évangile, vous avez déjà reçu
les assurances de la vie éternelle. Puisque votre vie a été vécue dans
l'esprit et pour le Père, rien ne peut vous inquiéter sérieusement. Les
bâtisseurs du royaume, les citoyens accrédités des mondes célestes, ne
doivent pas être dérangés par des bouleversements temporels ou perturbés
par des cataclysmes terrestres. A vous qui croyez à l'évangile du royaume,
en quoi vous importa-t-il que des nations soient renversées, que l'âge
prenne fin, ou que toutes les choses visibles s'effondrent, puisque vous
savez que votre vie est le don du Fils, et quelle est éternellement en
sécurité chez le Père? Puisque vous avez vécu la vie temporelle par la foi
et produit les fruits de l'esprit sous forme de droiture en servant vos
semblables avec amour, vous pouvez envisager avec plaisir et confiance la
prochaine étape dans la carrière éternelle. Pensez-y avec une foi
semblable à celle qui vous a fait traverser sur terre votre première
aventure de filiation avec Dieu.
« Chaque génération de croyants devrait poursuivre son travail en
prenant en considération le retour possible du Fils de l'Homme, exactement
comme chaque croyant poursuit individuellement le travail de sa vie en
prenant en considération l'inévitable mort naturelle toujours menaçante.
Une fois que vous vous êtes affermis en tant que fils de Dieu, rien
d'autre n'a d'importance pour la sécurité de la survie. Mais ne vous y
trompez pas! La foi qui assure la survie est une foi vivante manifestant
de plus en plus les fruits de l'esprit divin qui a commencé à inspirer
cette foi au coeur humain. Le fait que vous ayez autrefois accepté la
filiation dans le royaume céleste ne vous sauvera pas si vous rejetez
sciemment et obstinément les vérités concernant la fécondité spirituelle
progressive des fils de Dieu incarnés. Vous qui m'avez accompagné dans les
affaires terrestres du Père, vous pouvez encore maintenant déserter le
royaume si vous constatez que vous ne souhaitez pas vous mettre au service
du Père pour l'humanité.
« En tant qu'individus et que génération de croyants, laissez-moi vous
conter une parabole: Avant de partir pour un long voyage dans un pays
étranger, un homme important convoqua ses serviteurs de confiance et remit
tous ses biens entre leurs mains. A l'un il donna cinq talents, à un autre
deux, à un autre encore un seul talent, et ainsi de suite pour tout le
groupe de serviteurs estimés. Il conta ses biens aux intéressés selon
leurs aptitudes variées, puis il partit pour son voyage. Quand ce seigneur
s'en fut allé, ses serviteurs se mirent au travail pour tirer profit des
richesses à eux confiées. Celui qui avait reçu cinq talents commença
immédiatement à s'en servir pour commercer, et il eut bientôt fait un
bénéfice de cinq autres talents. De même, celui qui avait reçu deux
talents en eut bientôt gagné deux de plus. Et tous les autres serviteurs
firent également des bénéfices pour leur maître, excepté celui qui n'avait
reçu qu'un seul talent. Celui-là partit de son côté et creusa dans la
terre un trou où il cacha l'argent de son seigneur. Bientôt, le maître
revint à l'improviste et convoqua tous ses serviteurs pour régler les
comptes. Celui qui avait reçu les cinq talents s'avança avec l'argent qui
lui avait été confié et apporta cinq talents supplémentaires en disant: «
Seigneur, tu m'as donné cinq talents à investir, et je suis heureux de
t'offrir cinq autres talents que j'ai gagnés ». Alors son maître lui dit:
« Bravo, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle dans un domaine
restreint, je vais maintenant t'établir régisseur sur beaucoup d'autres.
Partage dorénavant la joie de ton maître ». Ensuite celui qui avait reçu
les deux talents s'avança en disant: « Seigneur, tu as remis deux talents
entre mes mains; regarde, j'ai gagné ces deux autres talents ». Et son
maître lui dit alors: « Très bien, bon et fidèle économe; toi aussi tu as
été fidèle dans un domaine restreint et je vais maintenant t'établir sur
beaucoup d'autres; partage la joie de ton maître ». Ensuite celui qui
avait reçu un seul talent vint rendre ses comptes. Ce serviteur s'avança
en disant: « Seigneur, je te connaissais et j'avais compris que tu es un
homme astucieux, en ce sens que tu espérais des bénéfices là où tu n'avais
pas personnellement travaillé; j'ai donc eu peur de risquer une partie de
ce qui m'avait été confié. J'ai caché ton talent en sécurité dans la
terre; le voici; tu as maintenant ce qui t'appartient ». Mais son maître
répondit: « Tu es un économe indolent et paresseux. De ta propre bouche tu
confesses avoir su que j'exigerais de toi un règlement avec des bénéfices
raisonnables, comme ceux que tes diligents compagnons m'ont restitués
aujourd'hui. Sachant cela, tu aurais au moins dû placer mon argent chez
les banquiers, afin qu'à mon retour je puisse recevoir ce qui m'appartient
avec des intérêts ». Puis ce seigneur dit au chef des économes: « Enlève
cet unique talent des mains de ce serviteur inutile, et donne-le à celui
qui a les dix talents » (10.
(1) Pour ce chapitre. cf. Matthieu XXV-14 à
29.
« À quiconque possède, il sera donné davantage, et il possèdera
abondamment; mais à qui n'a rien, on enlèvera même ce qu'il détient. On ne
peut rester stagnant dans les affaires du royaume éternel. Mon Père
demande à tous ses enfants d'accroître leur grâce et leur connaissance de
la vérité. Vous connaissez ces vérités; il faut donc que vous produisiez
l'accroissement des fruits de l'esprit et que vous manifestiez un
dévouement croissant au service désintéressé de vos compagnons de route.
Souvenez-vous que, dans la mesure où vous servez le plus humble de mes
frères, c'est à moi que vous rendez service.
« C'est ainsi que vous devriez vous occuper des affaires du Père,
maintenant et désormais, et même éternellement. Persévérez jusqu'à mon
retour. Exécutez fidèlement la tâche qui vous est confiée, et vous serez
alors prêts pour le règlement de comptes qui accompagne l'appel de la
mort. Ayant ainsi vécu pour la gloire du Père et la satisfaction du Fils,
vous entrerez avec joie et un plaisir extrême au service perpétuel du
royaume éternel ».
La vérité est vivante. L'Esprit de Vérité conduit perpétuellement les
enfants de lumière dans de nouveaux domaines de réalité spirituelle et de
service divin. La vérité ne vous est pas donnée pour que vous la
cristallisiez dans des formes invariables, sûres, et honorées. Elle se
révèle à vous en passant par votre expérience personnelle. Il faut que ce
passage la rehausse de manière à dévoiler une nouvelle beauté et de réels
gains spirituels à tous ceux qui observent vos fruits spirituels, et que
ces spectateurs soient ainsi amenés à glorifier le Père qui est aux cieux.
Seuls les fidèles serviteurs qui acquièrent de la sorte une connaissance
croissante de la vérité, et qui développent ainsi leur aptitude à
apprécier divinement les réalités spirituelles, peuvent espérer « entrer
pleinement dans la joie de leur Seigneur ». Combien il est attristant de
voir des générations successives de disciples avoués de Jésus dire au
sujet de leur gestion de la vérité divine: «Maître, voici la vérité que tu
nous as confiée il y a cent ans ou mille ans. Nous n'en avons rien perdu;
nous avons fidèlement préservé tout ce que tu nous as donné. Nous n'avons
admis aucun changement dans ce que tu nous as enseigné. Nous te restituons
la vérité que tu nous as apportée ». Ce prétexte à indolence spirituelle
ne justifiera pas aux yeux du Maître le stérile serviteur de la vérité. Le
Maître de la vérité exigera une reddition de comptes conforme à la vérité
confiée à vos soins.
Dans le prochain monde, on vous demandera de rendre compte de vos dons
et de votre gestion dans le monde actuel. Que vos talents innés soient
rares ou nombreux, il faudra faire face à un règlement juste et
miséricordieux. Si des serviteurs n'emploient leurs dons que pour des fins
égoïstes et n'accordent aucune attention au devoir supérieur d'obtenir une
récolte accrue des fruits de l'esprit -- tels qu'ils se manifestent dans
une expansion constante du service des hommes et de l'adoration de Dieu --
ces serviteurs égoïstes doivent accepter les conséquences de leur choix
délibéré.
Combien le serviteur infidèle muni d'un seul talent ressemble à tous
les mortels égoïstes quand il reproche directement sa propre paresse à son
maître. Quand un homme est confronté avec les échecs qui proviennent de
lui-même, combien il a tendance à les imputer aux autres, et bien souvent
à ceux qui en sont le moins responsables!
Ce soir-là, au moment où ses auditeurs allaient se reposer pour la
nuit, Jésus leur dit: « Vous avez reçu largement la vérité du ciel; vous
devriez donc la donner largement. Cette vérité se multipliera et annoncera
la lumière croissante de la grâce qui sauve, dès le moment où vous la
dispenserez ».
4. -- LE RETOUR DE MICAËL
Aucune phase des enseignements du Maître n'a été aussi mal comprise que
sa promesse de revenir un jour en personne dans ce monde. Il n'est pas
surprenant que Micaël pense à revenir sur la planète où, en tant que
mortel du royaume, il a fait l'expérience de sa septième et dernière
effusion. Il est tout naturel de croire que Jésus de Nazareth, maintenant
chef souverain d'un vaste univers, s'intéresse à revenir non seulement une
fois, mais bien des fois, sur le monde où il a vécu une vie si
extraordinaire et finalement gagné pour lui-même le pouvoir et l'autorité
universels dont le Père lui a fait le don illimité. Urantia restera
éternellement l'une des sept sphères natales de Micaël au cours de ses
effusions pour gagner la souveraineté sur son univers.
Jésus a déclaré, en maintes occasions et à de nombreuses personnes, son
intention de revenir sur cette planète. Tandis que ses disciples
s'éveillaient au fait que leur Maître n'allait pas agir comme libérateur
temporel, et qu'ils écoutaient ses prédictions sur la destruction de
Jérusalem et l'écroulement de la nation juive, ils commencèrent tout
naturellement à établir un lien entre son retour promis et ces événements
catastrophiques. Mais lorsque les armées romaines nivelèrent les murs de
Jérusalem, détruisirent le temple, et dispersèrent les Juifs de Judée, et
que le Maître continua à ne pas se révéler en pouvoir et en gloire, ses
disciples commencèrent à élaborer une croyance qui finit par associer la
seconde venue du Christ à la fin de l'âge, et même à la fin du monde.
Jésus a promis de faire deux choses après son ascension auprès du Père
et après que tous pouvoirs au ciel et sur terre lui auraient été remis.
Premièrement, il a promis d'envoyer à sa place dans le monde un nouvel
instructeur, l'Esprit de Vérité, et il l'a fait le jour de la Pentecôte.
Deuxièmement, il a certainement promis à ses disciples qu'un jour il
reviendrait personnellement sur ce monde. Mais il n'a pas dit où, ni
quand, ni comment il revisiterait cette planète sur laquelle il avait fait
l'expérience de son effusion en incarnation. En une occasion, il laissa
entendre qu'à l'époque où il vivait ici-bas dans la chair, les yeux
charnels avaient pu le voir, mais qu'à son retour (ou tout au moins lors
d'une de ses visites possibles) il ne pourrait être discerné que par
l'oeil de la foi spirituelle.
Beaucoup de médians d'entre nous ont tendance à croire que Jésus
reviendra maintes fois sur Urantia au cours des âges à venir. Nous n'avons
pas sa promesse expresse qu'il fera ces multiples visites mais puisqu'il
porte parmi ses titres universels celui de Prince Planétaire d'Urantia, il
semble fort probable qu'il visitera de nombreuses fois la planète dont la
conquête lui a valu ce titre extraordinaire.
Nous croyons fermement que Micaël reviendra en personne sur Urantia,
mais nous n'avons pas la moindre idée de la date ni du procédé qu'il
choisira pour venir. Sa seconde venue sur terre sera-t-elle synchronisée
de manière à se produire en liaison avec le jugement final du présent âge,
avec ou sans l'apparition concomitante d'un Fils Magistral? Viendra-t-il
en liaison avec la fin d'un âge ultérieur sur Urantia? Sa venue
aura-t-elle lieu sans être annoncée et comme un événement isolé? Nous
n'avons de certitude que sur un point: quand il reviendra, le monde entier
en sera vraisemblablement informé, car il faudra qu'il vienne en tant que
chef suprême d'un univers, et non comme l'obscur nouveau-né de Bethléhem.
Mais si tout oeil doit le voir, et si seuls les yeux spirituels peuvent
discerner sa présence, alors il faudra que sa venue soit longtemps
différée.
Vous feriez donc bien de n'associer le retour personnel du Maître sur
terre à aucun événement prévu et à aucune époque déterminée. Nous ne
sommes certains que d'une chose: il a promis de revenir. Nous n'avons
aucune idée de la date où il accomplira cette promesse ni des événements
qui y seront liés. Autant que nous le sachions, il peut venir à tout
moment, mais il peut aussi venir seulement après que des âges et des âges
se soient écoulés et aient été dûment jugés par ses associés, les Fils du
corps paradisiaque.
La seconde venue de Micaël sur terre est un événement dont la valeur
sentimentale est prodigieuse aussi bien pour les médians que pour les
humains, mais autrement elle n'a pas d'importance immédiate pour les
médians. Quant aux humains, cette seconde venue n'a pas plus d'importance
pour eux que l'événement ordinaire de la mort naturelle. En effet, la mort
précipite brusquement les hommes dans l'emprise immédiate de la succession
des événements universels qui les amèneront directement en présence de ce
même Jésus, chef souverain de notre univers. Les enfants de lumière sont
tous destinés à le voir. Que nous allions vers lui ou qu'il vienne d'abord
vers nous, cela n'a pas une grande importance. Soyez donc toujours prêts à
l'accueillir sur terre, de même qu'il se tient prêt à vous accueillir au
ciel. Nous nous attendons avec confiance à sa glorieuse apparition, et
même à des visites répétées, mais nous ignorons complètement où, comment,
et en rapport avec quels événements il doit apparaître.
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