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JÉSUS TRAHI ET ARRÊTÉ
APRÈS que Jésus eut finalement réveillé Pierre, Jacques, et Jean, il
leur suggéra de retourner dans leurs tentes et de chercher à y dormir pour
se préparer aux tâches du lendemain. Mais les apôtres étaient alors tout à
fait réveillés; leurs brefs moments de sommeil les avaient reposés. En
outre, ils étaient stimulés et excités par l'arrivée sur la scène de deux
messagers très agités qui s'enquirent de David Zébédée et partirent
rapidement à sa recherche dès que Pierre leur eut indiqué où se trouvait
son poste de garde.
Huit des apôtres dormaient paisiblement, mais les Grecs qui campaient
près d'eux craignaient davantage les troubles, au point qu'ils avaient
posté une sentinelle pour donner l'alarme en cas de danger. Lorsque les
deux messagers entrèrent précipitamment dans le camp, la sentinelle
grecque se mit à réveiller ses compatriotes, qui sortirent de leurs tentes
tout habillés et complètement armés. Tout le camp était maintenant en
éveil, sauf les huit apôtres. Pierre voulait les appeler, mais Jésus le
lui interdit formellement. Le Maître recommanda doucement à tous les
campeurs de retourner dans leurs tentes, mais ils étaient peu disposés à
suivre cette invite.
N'ayant pas réussi à disperser ses partisans, le Maître les quitta et
descendit vers le pressoir à olives proche de l'entrée du Parc de
Gethsémani. Les trois apôtres, les Grecs, et les autres membres du camp
hésitèrent à le suivre immédiatement, mais Jean Marc se hâta de contourner
les oliviers et se cacha dans une petite baraque proche du pressoir à
olives. Si Jésus s'éloignait du camp et de ses amis, c'était afin que les
hommes venus pour s'emparer de lui puissent l'arrêter dès leur arrivée
sans déranger ses apôtres. Le Maître préférait que ses apôtres ne fussent
pas réveillés et présents au moment de son arrestation; il craignait que
le spectacle de la trahison de Judas n'excite leur animosité au point de
les faire résister aux soldats et emmener en prison avec lui. S'ils
étaient arrêtés avec lui, il avait peur qu'ils ne périssent aussi avec
lui.
Jésus savait que le plan pour le faire mourir avait son origine dans
les conseils des dirigeants juifs, mais il était également conscient que
ces projets néfastes avaient la pleine approbation de Lucifer, de Satan,
et de Caligastia. Il savait bien que ces rebelles des royaumes verraient
aussi avec plaisir tous les apôtres exterminés avec lui.
Jésus s'assit sur le pressoir à olives et y attendit l'arrivée du
traître. Seuls Jean Marc et une foule innombrable d'observateurs célestes
voyaient le Maître à ce moment-là.
1. -- LA VOLONTÉ DU PÈRE
Il y a de grands risques de malentendus sur la signification de
nombreux événements et récits associés à la fin de la carrière terrestre
du Maître. Le traitement cruel de Jésus par des serviteurs ignorants et
des soldats sans coeur, la manière injuste dont il fut jugé, et
l'insensibilité des chefs religieux reconnus ne doivent pas être confondus
avec le fait qu'en supportant patiemment toutes ces souffrances et
humiliations, Jésus accomplissait vraiment la volonté du Père du Paradis.
En fait et en vérité, la volonté du Père était bien que Jésus boive
pleinement la coupe de l'expérience humaine depuis la naissance jusqu'à la
mort; mais jamais le Père céleste ne contribua en quoi que ce soit à
provoquer la conduite barbare des êtres humains soi-disant civilisés qui
torturèrent si brutalement le Maître et accumulèrent successivement des
indignités si horribles sur sa personne qui ne résistait pas. Les épreuves
inhumaines et choquantes que Jésus eut à subir dans les dernières heures
de sa vie terrestre ne furent en aucun sens une partie de la volonté
divine du Père, que Jésus avec sa nature humaine s'était si triomphalement
engagé à exécuter. Cet engagement avait été pris au moment de la reddition
finale de l'homme à Dieu, comme l'exprimait la triple prière qu'il formula
dans le parc de Gethsémani pendant que ses apôtres fatigués dormaient du
sommeil de l'épuisement physique.
Le Père céleste désirait que le Fils d'effusion terminât sa carrière
terrestre d'une manière naturelle, exactement comme tous les
mortels doivent terminer leur vie terrestre. Les hommes et les femmes
ordinaires ne peuvent s'attendre à ce que leurs dernières heures sur terre
et la survenance de l'épisode de la mort leur soient facilitées par une
dispense spéciale. En conséquence, Jésus choisit de sacrifier sa vie
charnelle d'une manière conforme au cours naturel des événements. Il
refusa fermement de se dégager des griffes cruelles d'une affreuse
conspiration d'événements inhumains qui l'entraînait avec une horrible
certitude vers son incroyable humiliation et sa mort ignominieuse. Chaque
élément de cette étonnante manifestation de haine et de cette
démonstration inégalée de cruauté fut l'oeuvre d'hommes pervers et de
mortels haineux. Elle ne fut ni voulue par Dieu dans les cieux, ni
prescrite par les ennemis acharnés de Jésus, bien que ces derniers eussent
largement contribué à faire rejeter ainsi le Fils d'effusion par des
mortels bornés et méchants. Même le père du péché détourna sa face de
l'atroce scène d'horreur de la crucifixion.
2. -- JUDAS DANS LA VILLE
Après que Judas eut brusquement quitté la table au milieu du Dernier
Souper, il se rendit tout droit chez son cousin Annas, puis tous deux
allèrent directement trouver le capitaine des gardes du temple. Judas
demanda au capitaine de réunir les gardes et l'informa qu'il était prêt à
les conduire vers Jésus. Judas était venu un peu plus tôt qu'on ne
l'attendait, de sorte qu'il fallut un certain temps pour se mettre en
route vers la maison de Marc, où Judas espérait encore trouver Jésus
conférant avec les apôtres. Le Maître et les onze apôtres avaient quitté
le domicile d'Elie Marc au moins un quart d'heure avant l'arrivée du
traître et des gardes. Au moment où le peloton arriva chez Marc, Jésus et
les onze étaient déjà sortis de l'enceinte de la ville et en route vers le
camp d'Olivet.
Judas fut très inquiet de ne pas trouver Jésus à la résidence de Marc
et en compagnie des onze hommes, dont deux seulement étaient armés pour
résister. L'après-midi où il avait quitté le camp, il avait appris que
seuls Simon Pierre et Simon Zélotès s'étaient ceints d'une épée. Judas
avait espéré s'emparer de Jésus pendant que la ville était tranquille et
qu'il y avait peu de chances de résistance. Le traître craignait d'avoir à
faire face à plus de soixante disciples dévoués s'il attendait leur retour
au camp, et il savait aussi que Simon le Zélote disposait d'une ample
réserve d'armes. Judas devenait de plus en plus nerveux en songeant à quel
point les onze apôtres loyaux le détesteraient, et il redoutait qu'ils ne
cherchent tous à le tuer. Non seulement il était déloyal, mais aussi
réellement lâche dans son coeur.
Faute de trouver Jésus dans la salle du haut, Judas demanda au
capitaine des gardes de retourner au temple. A cette heure, les chefs
avaient commencé à s'assembler chez le grand-prêtre pour se préparer a
recevoir Jésus, vu que leur convention avec le traître comportait
l'arrestation de Jésus à minuit ce jour-là. Judas expliqua à ses complices
qu'ils avaient manqué Jésus à la maison de Marc, et qu'il faudrait aller à
Gethsémani pour l'arrêter. Le traître poursuivit en précisant que plus de
soixante disciples dévoués campaient avec lui et qu'ils étaient tous bien
armés. Les chefs des Juifs rappelèrent à Judas que Jésus avait toujours
prêché la non-résistance, mais il répliqua que l'on ne pouvait compter sur
tous les disciples de Jésus pour obéir à cet enseignement. Judas avait
réellement peur pour lui-même, et c'est pourquoi il osa demander une
compagnie de quarante soldats. N'ayant pas sous leur juridiction une force
armée aussi importante, les autorités juives se rendirent aussitôt à la
forteresse d'Antonia et requirent le commandant romain de leur fournir
cette garde. Mais en apprenant leur intention d'arrêter Jésus, le
commandant refusa aussitôt d'accéder à leur demande et les adressa à son
officier supérieur. De cette manière, ils perdirent plus d'une heure en
allant d'une autorité à l'autre, jusqu'au moment où ils durent aller
jusqu'à Pilate en personne pour obtenir l'autorisation d'employer les
gardes romains armés. Quand ils arrivèrent à la maison de Pilate il était
tard, et Pilate s'était retiré avec sa femme dans son appartement privé.
Il hésita à s'immiscer en quoi que ce soit dans l'entreprise, d'autant
plus que sa femme lui avait demandé de ne pas faire droit à la requête.
Mais puisque le président du sanhédrin juif était présent et demandait
personnellement cette assistance, le gouverneur crut sage de donner
l'autorisation; il s'estimait en mesure de rectifier ultérieurement les
mauvaises actions qui se préparaient.
En conséquence, lorsque Judas Iscariot partit du temple vers onze
heures et demie du soir, il était accompagné de plus de soixante personnes
-- gardes du temple, soldats romains, et serviteurs curieux des principaux
prêtres et dirigeants.
3. - L'ARRESTATION DU MAÎTRE
Tandis que la compagnie de soldats armés et de gardes approchait du
jardin, Judas prit une bonne avance sur la troupe pour être prêt à
identifier rapidement Jésus afin de permettre aux hommes chargés de
l'arrêter de mettre facilement la main sur lui avant que ses compagnons
n'aient le temps de se rassembler pour le défendre. Il y avait encore une
autre raison pour que Judas choisisse de précéder les ennemis du Maître:
s'il arrivait sur la scène avant les soldats, il espérait que les apôtres
et les autres disciples réunis autour de Jésus n'établiraient peut-être
pas de lien direct entre sa venue et les gardes armés qui le suivaient de
si près. Judas avait même pensé prétendre s'être hâté pour les prévenir de
l'approche de la police armée, mais ce plan fut contrecarré par la manière
flétrissante dont Jésus salua le félon. Le Maître parla aimablement à
Judas, mais l'accueillit comme un traître.
Aussitôt que Pierre, Jacques, Jean, et une trentaine de campeurs virent
la troupe armée munie de torches contourner la crête de la colline, ils
surent que les soldats venaient arrêter Jésus, et tous descendirent
précipitamment vers le pressoir à olives où le Maître était assis seul
sous le clair de lune. Tandis que la compagnie de soldats s'approchait
d'un côté, les trois apôtres et leurs compagnons s'approchaient de
l'autre. Judas s'avança à grandes enjambées pour accoster le Maître, et
les deux groupes se tinrent immobiles, avec le Maître entre eux, Judas se
préparant à déposer le traître baiser sur le front de Jésus.
Le félon avait espéré qu'après avoir conduit les gardes à Gethsémani,
il pourrait simplement désigner Jésus aux soldats, ou tout au plus
exécuter la promesse de le saluer par un baiser, puis quitter rapidement
la scène. Judas craignait beaucoup que les apôtres ne soient tous présents
et ne concentrent leur attaque sur lui pour le punir d'avoir osé trahir
leur instructeur bien-aimé, mais lorsque le Maître l'accueillit comme un
traître, il fut tellement confus qu'il ne fit aucune tentative pour
s'enfuir.
Jésus fit un dernier effort pour éviter à Judas d'accomplir
effectivement son geste de trahison. Avant que le traître ait pu le
joindre, il fit quelques pas de côté et interpella le militaire de tête
sur la gauche, le capitaine des Romains, en lui disant: « Qui cherches-tu?
» Le capitaine répondit: « Jésus de Nazareth ». Jésus se planta
immédiatement devant t'officier et, avec la calme majesté du Dieu de toute
notre création, il lui dit: « C'est moi ». Beaucoup de membres de la garde
armée avaient entendu Jésus enseigner dans le temple, et d'autres avaient
entendu parler de ses oeuvres puissantes. Lorsqu'ils l'entendirent se
nommer audacieusement, les soldats des premiers rangs reculèrent
soudainement, effondrés de surprise devant la calme et majestueuse
déclaration de son identité. Judas n'avait donc aucun besoin de poursuivre
son plan de trahison. Le Maître s'était audacieusement dévoilé à ses
ennemis, qui auraient pu s'emparer de lui sans l'assistance de Judas. Mais
il fallait que le traître fit quelque chose pour justifier sa présence
avec la troupe armée; en outre, il voulait donner le spectacle de jouer
son rôle dans l'accord de trahison avec les chefs des Juifs, pour mériter
les grosses récompenses et les grands honneurs qu'il espérait voir
s'amonceler sur lui en compensation de sa promesse de livrer Jésus entre
leurs mains.
Tandis que les gardes se ressaisissaient après avoir d'abord vacillé à
la vue de Jésus et au son de sa voix inhabituelle, et tandis que les
apôtres et les disciples se rapprochaient, Judas s'avança vers Jésus,
déposa un baiser sur son front, et dit: « Salut, Maître et Instructeur ».
Au moment où Judas embrassa ainsi son Maître, Jésus lui dit: « Ami, ne
suffit-il pas de faire cela! Veux-tu encore trahir le Fils de l'Homme par
un baiser? »
Les apôtres et les disciples furent littéralement abasourdis de ce
qu'ils voyaient. Pendant un moment, nul ne fit un geste. Puis Jésus, se
dégageant de la traîtresse étreinte de Judas, s'avança vers les gardes et
les soldats et demanda de nouveau: « Qui cherchez-vous? » Le capitaine
répéta: «Jésus de Nazareth ». Et Jésus répondit encore une fois: « Je t'ai
dit que c'est moi. Si donc c'est moi que tu recherches, laisse les autres
aller leur chemin. Je suis prêt à te suivre ».
Jésus était prêt à retourner à Jérusalem avec les gardes, et le
capitaine des soldats était entièrement disposé à permettre aux trois
apôtres et à leurs compagnons d'aller leur chemin en paix. Mais avant
qu'ils n'aient pu repartir, et tandis que Jésus attendait les ordres du
capitaine, un certain Malchus, un Syrien garde de corps du grand-prêtre,
s'avança vers Jésus et se prépara à lui lier les mains derrière le dos,
bien que le capitaine romain ne lui eût rien ordonné de tel. Lorsque
Pierre et ses compagnons virent leur Maître soumis à cette indignité, ils
furent incapables de se contenter plus longtemps. Pierre tira son épée et
se précipita avec ses amis pour frapper Malchus. Mais avant que les
soldats n'aient pu accourir à la défense du serviteur du grand-prêtre,
Jésus leva la main vers Pierre en un geste d'interdiction et lui parla
sévèrement en disant: « Pierre, rengaine ton épée. Quiconque tire l'épée
périra par l'épée. Ne comprends-tu pas que c'est la volonté de mon Père
que je boive cette coupe? Ne sais-tu pas non plus que même maintenant je
pourrais commander plus de douze légions d'anges et leurs compagnons, qui
me délivreraient des mains de ces quelques hommes? »
Bien que Jésus eût ainsi mis fin à cette démonstration de résistance
physique par ses disciples, c'en fut assez pour susciter la peur chez le
capitaine des gardes qui, avec l'aide de ses soldats, abattit ses lourdes
mains sur Jésus et le lia rapidement. Tandis qu'ils lui attachaient les
mains avec de fortes cordes, Jésus leur dit: « Pourquoi sortez-vous contre
moi avec des épées et des bâtons comme pour saisir un voleur? J'étais tous
les jours dans le temple avec vous, enseignant publiquement le peuple, et
vous n'avez fait aucun effort pour m'appréhender ».
Après avoir lié Jésus, le capitaine craignit que les disciples du
Maître n'essayent de le délivrer et donna des ordres pour les saisir
aussi; mais les soldats ne furent pas assez rapides, car les disciples
avaient entendu le capitaine donner des ordres pour les arrêter et
s'étaient enfuis précipitamment dans le ravin. Pendant tout ce temps, Jean
Marc était resté cloîtré dans la baraque voisine. Quand les gardes
repartirent pour Jérusalem avec Jésus, Jean Marc essaya de sortir
subrepticement de la baraque pour rejoindre les apôtres et les disciples
qui s'enfuyaient, mais au moment précis où il sortait, un des derniers
soldats qui revenaient de poursuivre les disciples en fuite passait à
côté. Voyant le jeune homme dans sa tunique de lin, il lui donna la chasse
et réussit presque à l'attraper. En fait, le soldat arriva assez près de
Jean Marc pour saisir sa tunique, mais le jeune homme se libéra du
vêtement et s'échappa tout nu tandis que le soldat tenait la tunique vide.
Jean Marc se rendit en toute hâte auprès de David Zébédée sur la piste
supérieure. Après qu'il eut raconté à David tout ce qui était arrivé, ils
allèrent tous deux bien vite aux tentes des apôtres endormis et mirent les
huit au courant de la trahison de Judas et de l'arrestation du Maître.
Au moment où les huit apôtres furent ainsi réveillés, leurs compagnons
qui avaient fui en remontant le ravin commençaient à revenir, et tous se
réunirent au pressoir à olives pour discuter de ce qu'il fallait faire.
Entre temps, Simon Pierre et Jean Zébédée, qui s'étaient cachés parmi les
oliviers, étaient déjà partis suivre les soldats, gardes, et serviteurs
qui ramenaient maintenant Jésus à Jérusalem comme ils auraient conduit un
criminel invétéré. Jean Zébédée suivait la troupe de très près, et Pierre
de beaucoup plus loin. Jean Marc, après avoir échappé aux griffes du
soldat, s'était couvert d'un manteau qu'il avait trouvé dans la tente de
Simon Pierre et de Jean Zébédée. Il soupçonnait que les gardes allaient
emmener Jésus chez Annas, le grand-prêtre honoraire; il fit donc un détour
par les olivaies et arriva avant la troupe au palais du grand-prêtre, où
il se cacha près de la principale porte d'entrée.
4. -- LA DISCUSSION AUPRÈS DU PRESSOIR À OLIVES
Jacques Zébédée se trouva séparé de son frère Jean et de Simon Pierre,
de sorte qu'il rejoignit les autres apôtres et campeurs au pressoir à
olives pour délibérer sur ce qu'il y avait lieu de faire au sujet de
l'arrestation du Maître.
André avait été dégagé de toute responsabilité en tant que directeur du
groupe apostolique; en conséquence, dans la plus grande crise de leur vie,
il resta silencieux. Après une brave discussion, Simon le Zélote monta sur
le mur de pierre du pressoir à olives et fit un plaidoyer passionné en
faveur de la fidélité au Maître et de la cause du royaume; il exhorta ses
compagnons apôtres et les autres disciples à courir après la troupe et à
libérer Jésus. La majorité du groupe aurait été disposé à suivre sa
conduite agressive si Nathanael n'avait pas omis un avis contraire. Dès
que Simon Zélotès eut fini de parler, Nathanael se leva et attira
l'attention de l'auditoire sur les enseignements maintes fois répétés de
Jésus au sujet de la non-résistance. Il rappela en outre que, cette nuit
même, Jésus leur avait ordonné de protéger leur vie en attendant le moment
où ils se répandraient dans le monde pour proclamer la bonne nouvelle de
l'évangile du royaume des cieux. Jacques Zébédée encouragea Nathanael dans
cette attitude; il raconta comment Pierre et d'autres avaient tiré l'épée
pour empêcher l'arrestation du Maître, et comment Jésus avait invité
Pierre et ses imitateurs à rengainer leurs lames. Matthieu et Philippe
firent aussi des discours, mais il ne sortit rien de précis de la
discussion avant l'intervention de Thomas, qui attira leur attention sur
le fait que Jésus avait recommandé à Lazare de ne pas s'exposer à des
risques mortels. Thomas fit remarquer que les apôtres ne pouvaient rien
faire pour sauver leur Maître, puisqu'il avait refusé de permettre à ses
amis de le défendre et qu'il persistait à s'abstenir d'user de ses
pouvoirs divins pour contrecarrer ses ennemis humains. Thomas les persuada
de se disperser, chacun de son côté, en convenant que David Zébédée
resterait au camp pour maintenir un centre de renseignements et un
quartier général de messagers pour le groupe. Vers deux heures et demie du
matin, le camp était abandonné; seul David restait là avec trois ou quatre
messagers, après avoir dépêché les autres pour se procurer des
renseignements sur l'endroit où l'on avait emmené Jésus et sur le
traitement que l'on allait lui infliger.
Cinq apôtres, Nathanael, Matthieu, Philippe, et les jumeaux, allèrent
se cacher à Béthanie et à Bethphagé. Thomas, André, Jacques, et Simon
Zélotès se dissimulèrent dans Jérusalem. Simon Pierre et Jean Zébédée
suivirent la cohorte jusque chez Annas.
Peu avant le lever du jour, Simon Pierre, morne image d'un profond
désespoir, retourna errer dans le camp de Gethsémani. David le fit
accompagner par un messager pour qu'il rejoigne son frère André chez
Nicodème à Jérusalem.
Jusqu'à la fin de la crucifixion, Jean Zébédée resta toujours à portée
de la main, comme Jésus le lui avait ordonné. D'heure en heure, il fournit
aux messagers les renseignements qu'ils devaient apporter à David et qui
étaient ensuite retransmis aux apôtres terrés et à la famille de Jésus.
Certes, le berger était frappé et les brebis étaient dispersées! Les
apôtres se rendaient vaguement compte que Jésus les avait avertis de cette
situation, mais ils étaient trop violemment bouleversés par la disparition
soudaine du Maître pour pouvoir utiliser normalement leurs facultés
mentales.
Peu après le lever du jour, et dès que Pierre eut été envoyé rejoindre
André, Jude, le frère charnel de Jésus, arriva au camp presque hors
d'haleine et en avance sur le reste de la famille de Jésus, pour apprendre
seulement que le Maître avait déjà été mis en état d'arrestation. Il se
hâta de redescendre la route de Jéricho pour apporter ce renseignement à
sa mère et à ses frères et soeurs. David Zébédée chargea Jude d'inviter la
famille de Jésus à se rassembler chez Marthe et Marie à Béthanie et à y
attendre les nouvelles que ses messagers leur apporteraient régulièrement.
Telle était, durant la seconde moitié de la nuit du jeudi et les
premières heures de la matinée du vendredi, la situation concernant les
apôtres, les principaux disciples, et la famille terrestre de Jésus. Tous
ces groupes et individus restaient en contact les uns avec les autres par
le service des messagers que David Zébédée continuait à faire fonctionner
depuis son quartier général du camp de Gethsémani.
5. -- VERS LE PALAIS DU GRAND-PRÊTRE
Avant de quitter le jardin avec Jésus, une dispute s'éleva entre le
capitaine juif des gardes du temple et le capitaine romain de la compagnie
de soldats au sujet de l'endroit où il fallait emmener Jésus. Le capitaine
des gardes du temple donna des ordres pour qu'il fût emmené chez Caïphe,
le grand-prêtre en exercice. Le capitaine des soldats romains ordonna que
Jésus fût emmené au palais d'Annas, l'ancien grand-prêtre et beau-père de
Caïphe. Il le fit parce que les Romains avaient l'habitude de traiter
directement avec Annas toutes les questions concernant l'application des
lois ecclésiastiques juives. Les ordres du capitaine romain furent
exécutés, et Jésus fut conduit à la maison d'Annas pour un interrogatoire
préliminaire.
Judas marchait près des capitaines, entendant tout ce qui se disait,
mais sans prendre part à la dispute, car ni le capitaine juif ni
l'officier romain ne voulaient s'abaisser à parler au traître - tellement
ils le méprisaient.
A ce moment-là, Jean Zébédée se rappela les instructions de son Maître
de rester toujours à proximité immédiate, et se hâta de rattraper Jésus
qui marchait entre les deux capitaines. Voyant Jean s'avancer à sa
hauteur, le commandant des gardes du temple dit à son assistant: « Prends
cet homme et lie-le. Il est l'un des disciples du prisonnier ». Lorsque le
capitaine romain entendit cela, il tourna la tête, vit Jean, et donna des
ordres pour que l'apôtre vienne avec lui et que personne ne le moleste. Le
capitaine romain dit ensuite au capitaine juif: « Cet homme n'est ni un
traître ni un lâche. Je l'ai vu dans le jardin, où il n'a pas tiré l'épée
pour nous résister. Il a le courage de s'avancer pour être auprès de son
Maître. Que nul ne mette la main sur lui. La loi romaine permet que tout
prisonnier puisse avoir au moins un ami qui l'accompagne à la barre du
tribunal; on n'empêchera pas cet homme de rester aux côtés de son Maître,
le prisonnier ». Lorsque Judas entendit cela, il fut tellement honteux et
humilié qu'il ralentit le pas derrière les marcheurs et arriva seul au
palais d'Annas.
Ceci explique pourquoi Jean Zébédée put rester auprès de Jésus tout au
long des sévères épreuves que le Maître eut à subir cette nuit-là et le
lendemain. Les Juifs craignaient de faire une observation quelconque à
Jean ou de le molester d'aucune manière, parce que son statut était
quelque peu devenu celui d'un conseiller romain observateur des opérations
du tribunal ecclésiastique juif. La position privilégié de Jean fut
d'autant mieux assurée que le capitaine romain, en remettant Jésus au
capitaine des gardes temple devant la porte du palais d'Annas, dit à son
assistant: « Accompagne le prisonnier, et veille a ce que ces Juifs ne le
tuent pas sans le consentement de Pilate. Empêche-les de l'assassiner et
veille à ce que son ami, le Galiléen, soit autorisé à rester auprès de lui
et à observer tout ce qui se passera ». C'est ainsi que Jean put rester
auprès de Jésus jusqu'au moment de sa mort sur la croix, tandis que les
dix autres apôtres étaient obligés de rester cachés. Jean agissait sous la
protection romaine, et les Juifs n'osèrent pas le molester avant la mort
du Maître.
Sur tout le trajet jusqu'au palais d'Annas, Jésus n'ouvrit pas la
bouche. Depuis de moment de son arrestation jusqu'à son apparition devant
Annas, le Fils de l'Homme ne dit pas un mot.
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